Tous les abcès sont des suites de l'inflammation. On aide la maturation des abcès par le moyen des cataplasmes ou emplâtres maturatifs et pourrissants. La chaleur excessive de la tumeur et la douleur pulsative qu'on y ressent, sont avec la fièvre les signes que l'inflammation se terminera par suppuration. Les frissons irréguliers qui surviennent à l'augmentation de ces symptômes sont un signe que la suppuration se fait. L'abcès est formé lorsque la matière est convertie en pus : la diminution de la tension, de la fièvre, de la douleur et de la chaleur, la cessation de la pulsation, en sont les signes rationnels. L'amollissement de la tumeur et la fluctuation sont les signes sensuels qui annoncent cette terminaison. Voyez FLUCTUATION.

On ouvre les abcès par le caustique ou par l'incision. Les abcès ne peuvent se guérir que par l'évacuation du pus. On préfère le caustique dans les tumeurs critiques qui terminent quelquefois les fièvres malignes. L'application d'un caustique fixe l'humeur dans la partie où la nature semble l'avoir déposée ; elle en empêche la résorption qui serait dangereuse et souvent mortelle. Les caustiques déterminent une grande suppuration et en accélèrent la formation. On les emploie dans cette vue avant la maturité parfaite. On met aussi les caustiques en usage dans les tumeurs qui se sont formées lentement et par congestion, qui suppurent dans un point dont la circonférence est dure, et où la conversion de l'humeur en pus serait ou difficîle ou impossible sans ce moyen.

Pour ouvrir une tumeur par le caustique, il faut la couvrir d'un emplâtre fenêtré de la grandeur que l'on juge la plus convenable ; on met sur la peau à l'endroit de cette ouverture, une trainée de pierre à cautère. Si le caustique est solide, on a soin de l'humecter auparavant ; on couvre le tout d'un autre emplâtre, de compresses, et d'un bandage contentif. Au bout de cinq ou six heures, plus ou moins, lorsqu'on juge, suivant l'activité du caustique dont on s'est servi, que l'escare doit être faite, on lève l'appareil, et on incise l'escare d'un bout à l'autre avec un bistouri, en pénétrant jusqu'au pus ; on panse la plaie avec des digestifs, et l'escare tombe au bout de quelques jours par une abondante suppuration.

Dans les cas ordinaires des abcès, il est préférable de faire l'incision avec l'instrument tranchant qu'on plonge dans le foyer de l'abcès. Lorsque l'abcès est ouvert dans toute son étendue, on introduit le doigt dans sa cavité ; et s'il y a des brides qui forment des cloisons, et séparent l'abcès en plusieurs cellules, il faut les couper avec la pointe des ciseaux ou avec le bistouri. Il faut que l'extrémité du doigt conduise toujours ces instruments, de crainte d'intéresser quelques parties qu'on pourrait prendre pour des brides sans cette précaution. Si la peau est fort amincie, il faut l'emporter avec les ciseaux et le bistouri. Ce dernier instrument est préférable, parce qu'il cause moins de douleur, et rend l'opération plus prompte. On choisit la partie la plus déclive pour faire l'incision aux abcès. Il faut, autant que faire se peut, ménager la peau ; dans ce dessein on fait souvent des contre-ouvertures, lorsque l'abcès est fort étendu. Voyez CONTRE-OUVERTURE. Les abcès causés par la présence de quelques corps étrangers ne se guérissent que par l'extraction de ces corps. Voyez TUMEUR.

Lorsque l'abcès est ouvert, on remplit de charpie mollette le vide qu'occupait la matière, et on y applique un appareil contentif. On panse, les jours suivants, avec des digestifs jusqu'à ce que les vaisseaux qui répondent dans le foyer de l'abcès se soient dégorgés par la suppuration. Lorsqu'elle diminue, que le pus prend de la consistance, devient blanc et sans odeur, le vide se remplit alors de jour en jour de mamelons charnus, et la cicatrice se forme à l'aide des pansements méthodiques dont il sera parlé à la cure des ulcères. Voyez ULCERE.

M. Petit a donné à l'Académie Royale de Chirurgie un Mémoire important sur les tumeurs de la vésicule du fiel qu'on prend pour des abcès au foie. Les remarques de ce célèbre Chirurgien enrichissent la Pathologie d'une maladie nouvelle. Il rapporte les signes qui distinguent les tumeurs de la vésicule du fiel distendue par la bîle retenue, d'avec les abcès au foie. Il fait le parallèle de cette rétention de la bîle et de la pierre biliaire avec la rétention d'urine et la pierre de la vessie, et propose des opérations sur la vésicule du fiel à l'instar de celles qu'on fait sur la vessie. V. le 1er vol. des Mém. de l'Acad. de Chirurgie.

Il survient fréquemment des abcès considérables au fondement, qui occasionnent des fistules. Voyez ce qu'on en dit à l'article de la FISTULE A L'ANUS. (Y)

* M. Littre observe, Histoire de l'Académie, an. 1701, page 29, à l'occasion d'une inflammation aux parois du ventricule gauche du cœur, que les ventricules du cœur doivent être moins sujets à des abcès qu'à des inflammations. Car l'abcès consiste dans un fluide extravasé qui se coagule, se corrompt et se change en pus, et l'inflammation dans un gonflement de vaisseaux causé par trop de fluide. Si donc on suppose que des artères coronaires qui nourrissent la substance du cœur, il s'extravase et s'épanche du sang qui ne rentre pas d'abord dans les veines coronaires destinées à le reprendre ; il sera difficîle que le mouvement continuel de contraction et de dilatation du cœur ne le force à y rentrer, ou du moins ne le brise et ne l'atténue, de sorte qu'il s'échappe dans les ventricules au travers des parais. Quant à l'inflammation, le cœur n'a pas plus de ressources qu'une autre partie pour la prévenir, ou pour s'en délivrer.

* On lit, Histoire de l'Acad. an. 1730, p. 40, la guérison d'un abcès au foie qui mérite bien d'être connue. M. Soullier Chirurgien de Montpellier fut appelé auprès d'un jeune homme âgé de 13 à 14 ans qui, après s'être fort échauffé, s'était mis les pieds dans l'eau froide et avait eu une fièvre ordinaire, mais dont la suite fut très-fâcheuse. Ce fut une tumeur considérable au foie, qu'il ouvrit. Il trouva ce viscère considérablement abcédé à sa partie antérieure et convexe. Il s'y était fait un trou qui aurait pu recevoir la moitié d'un œuf de poule, et il en sortait dans les pansements une matière sanguinolente, épaisse, jaunâtre, amère et inflammable : c'était de la bîle véritable accompagnée de flocons de la substance du foie.

Pour vider la matière de cet abcès, M. Soullier imagina une canule d'argent émoussée par le bout qui entrait dans le foie, sans l'offenser, et percée de plusieurs ouvertures latérales qui recevaient la matière nuisible et la portaient en-dehors, où elle s'épanchait sur une plaque de plomb qu'il avait appliquée à la plaie, de manière que cette matière ne pouvait excorier la peau. L'expédient réussit, la fièvre diminua, l'embonpoint revint, la plaie se cicatrisa, et le malade guérit.

* On peut voir encore dans le Recueil de 1731, page 515, une observation de M. Chicoyneau père, sur un abcès intérieur de la poitrine accompagné des symptômes de la phtisie et d'un déplacement notable de l'épine du dos et des épaules ; le tout terminé heureusement par l'évacuation naturelle de l'abcès par le fondement.