Des travaux plus suivis ont conduit les anatomistes modernes à des notions plus claires. Carpi observa le premier que l'eau injectée par la veine émulgente, sortait par une incision peu profonde, faite à la convexité d'un rein, et par la cavité du bassinet ; il en conclut avec raison, qu'il y avait une communication établie entre la veine émulgente et toutes les parties du rein, et que par conséquent il s'en fallait beaucoup que la substance de cette partie fût un parenchyme, comme on l'avait pensé jusque là.

Cette découverte l'anima à la recherche de la structure du rein ; il découvrit que les vaisseaux du rein se distribuaient par des ramifications presque infinies, dans toute la substance de ce viscère, et que de plusieurs de ces ramifications, partaient des tuyaux urinaires qui allaient porter l'urine dans le bassin.

On croirait peut-être qu'une découverte aussi intéressante aurait été adoptée de tous les anatomistes, cependant un petit nombre furent pendant un temps considérable, les seuls dépositaires de la découverte de Carpi, pendant que tous les autres s'occupaient des idées de cribles et de réseaux, qu'ils supposaient placés dans la substance du rein.

Pour entendre plus facilement ce que les anatomistes ont dit de cet organe, voyez son article particulier au mot REIN.

Ruysch et Vieussens ont cru pouvoir conclure de cette structure, que tout le rein était vasculeux, en prenant cette expression dans le sens le plus étroit ; c'est-à-dire qu'il se faisait un abouchement des vaisseaux sanguins, avec les tuyaux urinaires, et que l'urine se filtrait dans les reins, sans le ministère d'aucune glande.

Malpighi au-contraire a pensé que des espèces de grains, continus aux vaisseaux, formaient la substance corticale, et que ces grains étaient autant de glandes dont les tuyaux urinaires étaient les canaux excrétoires.

Ces deux systèmes se contredisent formellement ; Malpighi prétendant que la secrétion de l'urine se fait par des glandes ; et Ruysch et Vieussens au-contraire, qu'elle se fait sans ce secours ; cependant Boerhaave les admet tous deux, et il pense qu'une partie de l'urine est séparée du sang par des glandes, et qu'une autre partie en sort par le moyen des abouchements des vaisseaux sanguins avec les tuyaux urinaires.

M. Bertin ayant entrepris de s'éclaircir sur un point aussi intéressant, a employé tout ce que l'anatomie la plus délicate, aidée du secours des injections et du microscope, a pu lui fournir. Il a Ve distinctement les vaisseaux sanguins qui forment la substance tubuleuse, s'aboucher avec les tuyaux urinaires qui se rendent aux papilles, appareil merveilleux qui mérite bien l'attention d'un philosophe ; mais il a Ve de plus d'autres fibres qui lui paraissaient être des tuyaux urinaires, se rendant de même aux papilles, et qui partaient des prolongements de la substance corticale. Il fallait donc de nécessité que celle-ci fût glanduleuse, et que ces tuyaux fussent les canaux excrétoires de ses glandes ; mais ni la dissection, ni l'injection, ne donnaient aucune lumière sur ce point ; et rien n'est sur en physique que ce qui est appuyé sur le témoignage de l'expérience. Enfin, M. Bertin s'est avisé de déchirer la substance du rein au-lieu de la couper ; alors les glandes ont paru à découvert, et même sans l'aide de la loupe ou du microscope. Elles sont en si grand nombre, qu'elles forment en entier la substance corticale, et la multitude des tuyaux urinaires qui en sortent, peut aisément suppléer à leur extrême petitesse : aussi n'hésite-t-il pas à avancer qu'elles sont un des organes principaux de la filtration de l'urine.

Il se fait donc réellement dans le rein deux sortes de filtrations ; l'urine la plus grossière est séparée du sang par la substance tubuleuse ; aussi M. Bertin a-t-il Ve distinctement de l'urine chargée des parties terreuses reconnaissables passer au-travers des papilles en les pressant ; mais l'urine la plus claire et la plus subtîle est, selon lui, filtrée par les glandes qui composent la substance corticale, et apportée aux papilles par le nombre prodigieux de tuyaux qu'elles y envoyent. Il est vrai que l'injection ne peut pénétrer dans ces tuyaux ; mais les Anatomistes savent qu'il y a une infinité de canaux excrétoires, de glandes crevassées et de petits tuyaux, qui refusent constamment le passage à l'injection faite par les artères qui portent le sang à ces glandes.

Ce qu'il y a de singulier, c'est que Boerhaave dont le sentiment se trouve être le seul vrai, ne parait l'appuyer sur aucune expérience, et qu'il semble au contraire ne l'avoir adopté que pour concilier ceux de Malpighi et de Ruysch, qu'il n'osait soupçonner de s'être trompés, tant il est vrai que, même en matière de philosophie, l'esprit de déférence pour ceux que nous devons regarder comme nos maîtres, mène souvent à la vérité d'une manière plus sure que l'esprit de dispute. Histoire de l'acad. royale des Sciences 1744. Voyez les mémoires de la même année.

L'urine ne se sépare point par attraction, par fermentation, par émulsion, ni par précipitation ; mais le sang poussé dans les artères émulgentes dilate les ramifications qui se répandent dans la substance des reins ; et comme les canaux qui filtrent l'urine sont plus étroits que les extrémités des artères sanguines, ils ne peuvent recevoir la partie rouge ni la lymphe grossière. La partie aqueuse y entrera donc, et la partie huileuse atténuée sortira par ces tuyaux, et par conséquent l'urine sera une liqueur jaunâtre ; car la chaleur qui atténue l'huile, lui donne en même temps cette couleur ; et comme les matières terrestres et salines passent par les couloirs des reins, il y a tout lieu de présumer que leurs tuyaux secrétoires sont plus gros que ceux des autres organes.

Si le sang est poussé impétueusement dans les couloirs des reins par la force du cœur et des artères, il forcera les tuyaux qui ne recevaient auparavant que la matière aqueuse, et l'huîle atténuée ; ainsi on pissera du sang ; c'est ce qui arrive dans la petite vérole, dans ceux qui ont quelques pierres aux reins, dans ceux qui ont les couloirs des reins fort ouverts ou fort lâches ; mais s'il arrivait que les artères fussent fort gonflées par le sang, alors il arriverait une suppression d'urine ; car les artères enflées comprimeraient les tuyaux secrétoires, et fermeraient ainsi le passage à la liqueur qui s'y filtre ; cette suppression est assez fréquente, et mérite de l'attention. Pour que l'urine coule, il faut donc que les artères ne soient pas extrêmement dilatées ; car par ce moyen les tuyaux secrétoires ne peuvent se remplir ; de-là vient que l'opium arrête l'urine ; mais si le sang en gonflant les artères empêche la secrétion de l'urine, ses tuyaux peuvent encore y porter un obstacle en se rétrécissant ; de-là vient que dans l'affection hystérique, les urines sont comme de l'eau ; car les nerfs qui causent les convulsions, rétrécissent les couloirs de l'urine ; la même chose arrive dans les maladies inflammatoires ; c'est pour cela que dans les suppressions qui viennent du resserrement des reins, on n'a qu'à relâcher par des délayans ou par des bains qui augmentent toujours la secrétion de l'urine, et ce symptôme cessera.

S'il coule dans les reins un sang trop épais, ou que plusieurs parties terrestres soient pressées les unes contre les autres dans les mamelons, on voit qu'il pourra se former des concrétions dans les tuyaux qui filtrent l'urine ; il suffit qu'il s'y arrête quelque matière, pour que la substance huileuse s'y attache par couches ; car supposons qu'un grumeau de sang ou des parties terrestres unies s'arrêtent dans un mamelon, la matière visqueuse s'arrêtera avec ces concrétions ; la chaleur qui surviendra fera évaporer la partie fluide, ou bien le battement des artères et la pression des muscles de l'abdomen l'exprimeront ; ainsi la matière desséchée ne formera qu'une masse avec ces corps qu'elle a rencontrés.

Les reins sont les égouts du corps humain ; il ne parait pas qu'il y ait aucune autre partie qui reçoive la matière de l'urine ; si on lie les artères émulgentes, il ne se ramasse rien dans les uretheres, ni dans la vessie ; il y a cependant des anatomistes qui prétendent qu'il y a d'autres voies. La ligature des artères émulgentes ne leur parait pas une preuve convaincante contr'eux ; parce qu'alors les convulsions et les dérangements qui surviennent, ferment les couloirs qui sont ouverts lorsque tout est tranquille. Voici les raisons qui font douter s'il n'y a pas d'autres conduits qui se déchargent dans la vessie ; 1°. les eaux minérales passent dans la vessie, presque dans le même instant qu'on les avale ; la même chose arrive dans ceux qui boivent beaucoup de vin ; 2°. les eaux des hydropiques répandues dans l'abdomen se vident par les urines, de même que les abscès de la poitrine ; 3°. les lavements, selon eux, sortent quelquefois par la vessie un instant après qu'ils sont dans le corps. Voyez M. Senac, Essais physiques.

Dans les Transactions philosophiques, on trouve un exemple rapporté par M. Roung, d'un enfant de six ans qui rendait presque toute son urine par le nombril.

Dans les mêmes Transactions, M. Richardson rapporte l'histoire d'un garçon de North-Bierly, dans le comté d'Yorck, qui vécut dix-sept ans sans jamais uriner, et qui néanmoins était en parfaite santé. Il avait une diarrhée continuelle, mais qui ne l'incommodait pas beaucoup : il fallait, suivant la remarque de cet auteur, que les reins fussent bouchés ; car il n'avait jamais envie de lâcher de l'eau.

Les urines sont de différentes sortes, et ont différentes propriétés. Après qu'on a bu abondamment quelque liqueur aqueuse, l'urine est crue, insipide, sans odeur, et facîle à retenir. Celle que fournit le chyle bien préparé, est plus âcre, plus saline, moins abondante, un peu fétide, et plus irritante. Celle qui vient du chyle déjà converti en sérosité, est plus rouge, plus piquante, plus salée, plus fétide, et plus irritante. Celle que fournissent après une longue abstinence des humeurs bien digérées, et ses parties solides exténuées, est la moins abondante, la plus salée, la plus âcre, la plus rouge, très-fétide, presque pourrie, et la plus difficîle à retenir. Ainsi l'urine contient la partie aqueuse du sang, son sel le plus âcre, le plus fin, le plus volatil, et le plus approchant de la nature alkaline ; son huîle la plus âcre, la plus fine, la plus volatile, et la plus approchante de la putréfaction, et sa terre la plus fine et la plus volatile. Voyez SANG.

Le sel ammoniac des anciens se préparait avec l'urine des chameaux. Voyez AMMONIAC. Le phosphore qui est en usage parmi les Anglais, se prépare avec l'urine humaine. Voyez PHOSPHORE. Le salpêtre se prépare aussi avec l'urine, et les autres excréments des animaux. Voyez SALPETRE.

Les Indiens ne se servent guère d'autre remède que de l'urine de vache. Les Espagnols font grand usage de l'urine pour se nettoyer les dents. Les anciens Celtibériens faisaient la même chose.

L'urine s'emploie aussi dans la teinture, pour échauffer le pastel, et le faire fermenter. L'urine teint l'argent d'une belle couleur d'or. Voyez TEINTURE. Les maladies que cause l'urine, sont de différentes sortes. Voyez STRANGURIE, RETENTION, DIABETE, PIERRE, NUBECULE, etc.

URINE, en Médecine, l'urine fournit un des principaux signes par où les médecins jugent de l'état du malade et du train que prendra la maladie. Voyez SIGNE, SYMPTOME, MALADIE, etc.

Dans l'examen de l'urine on considère sa quantité, sa couleur, son odeur, son gout, sa fluidité et les matières qui y nagent.

Une urine abondante marque un relâchement des conduits des reins, une diminution de la transpiration, de la sueur, de la salive, un sang imparfaitement mélangé, d'où il arrive que les parties aqueuses se séparent aisément du reste, une faiblesse de nerfs, une boisson copieuse de quelque liquide aqueux, ou qu'on a pris quelque diurétique.

Cette sorte d'urine présage un épaississement et une acrimonie des autres liqueurs du corps, une soif, une anxiété, des obstructions et leurs effets, une consomption accompagnée de chaleur, de sécheresse et de soif.

L'état contraire de l'urine indique des choses contraires, et présage la pléthore, l'assoupissement, la pesanteur, des tremblements convulsifs, etc.

Une urine claire, limpide, insipide, sans couleur ni gout, dénote un grande contraction des vaisseaux des reins, et en même temps un grand mouvement des humeurs, une forte cohésion de l'huile, du sel et de la terre dans le sang, et un mélange imparfait de la partie aqueuse avec les autres, une indisposition d'esprit, un accès hypocondriaque ou hystérique, une faiblesse des viscères, un crudité, une pituite, des embarras dans les vaisseaux, et dans les maladies aiguës, un défaut de coction et de crise. Cette sorte d'urine pronostique à-peu-près la même chose qu'une urine trop abondante, et dans les maladies aiguës et inflammatoires, elle annonce un mauvais état des viscères, le délire, la phrénésie, les convulsions, la mort.

L'urine fort rouge, sans sédiment, dans les maladies aiguës, indique un mouvement et un froissement violent des parties qui constituent les humeurs, et une action violente des vaisseaux et des liquides les uns sur les autres, un mélange exact et intime de l'huile, du sel, de la terre, et de l'eau dans les humeurs, et par-là une grande crudité de la maladie, une longue durée et un grand danger. Une telle urine présage des embarras gangréneux dans les plus petits vaisseaux, surtout dans ceux du cerveau et du cervelet, et par conséquent la mort. Elle annonce une coction difficile, une crise lente et douteuse, et tout cela à un plus haut degré, suivant que l'urine est plus rouge et plus exempte de sédiment. S'il y a un sédiment pesant et copieux, il dénote un violent froissement qu'ont souffert auparavant les parties des humeurs, un relâchement des vaisseaux, un sang âcre, salin, dissous, incapable de nourrir, des fièvres intermittentes et le scorbut.

Cela présage la durée de la maladie, une atténuation des vaisseaux, la faiblesse, des sueurs colliquatives, un flux abondant de salive, l'atrophie, l'hydropisie. Si le sédiment d'une telle urine est sulfureux, écailleux, membraneux, etc. il présage les mêmes choses, et encore pires.

Une urine jaune avec un sédiment, comme le précédent, dénote la jaunisse, et les symptômes de cette maladie à la peau, dans les selles, les hypocondres, etc.

Une urine verte, avec un sédiment épais, dénote un tempérament atrabilaire, et que la bîle s'est répandue dans le sang et s'évacue par les reins ; elle annonce par conséquent des anxiétés de poitrine, des selles dérangées, des tranchées et des coliques.

Une urine noire indique les mêmes que la verte, mais à un plus haut degré de malignité.

Le sang, le pus, les caroncules, les filaments, les poils, les grumeaux, le sable, les graviers, la mucosité, au fond de l'urine, dénotent quelque mauvaise disposition dans les reins, les uretères, la vessie, les testicules, les vésicules séminales, les prostates et l'urethre.

Une urine grasse donne ordinairement lieu à de petits sables, qui sont adhérents à une matière visqueuse, et de cette manière produit une espèce de membrane ou pellicule huileuse, qui dénote dans le sang une abondance de terre et un sel pesant, et annonce le scorbut, la pierre, etc.

Une urine puante montre que les huiles et les sels sont atténués, dissous, et presque putréfiés : ce qui est très-dangereux, soit dans les maladies aiguës, soit dans les chroniques.

L'urine, qui étant agitée demeure longtemps écumeuse, dénote la viscosité des humeurs, et conséquemment la difficulté de la crise. Elle dénote aussi des maladies du poumon, et des fluxions à la tête.

Mais on consulte principalement l'urine dans les fièvres aiguës, où elle est un signe très-certain ; car 1°. l'urine qui a un sédiment blanc, léger, égal, sans odeur, et figuré en cône, depuis le commencement de la maladie jusqu'à la crise, est d'un très-bon augure. 2°. L'urine abondante, blanche, qui a beaucoup de sédiment blanc, et que l'on rend dans le temps de la crise, dissipe et guérit les abscès. 3°. L'urine ténue, fort rouge et sans sédiment, l'urine blanche, ténue et aqueuse, l'urine ténue, uniforme et jaune, l'urine trouble et sans sédiment, dénote dans les maladies fort aiguës une grande crudité, une difficulté de crise, une maladie longue et dangereuse.

URINE, en Agriculture, est excellente pour engraisser la terre. Voyez ENGRAISSER.

Ceux qui se connaissent en agriculture et en jardinage, préfèrent pour les terres, les arbres, etc. l'urine au fumier, d'autant qu'elle pénétre mieux jusqu'aux racines, et empêche différentes maladies des plantes.

On se plaint beaucoup en Angleterre de ce qu'il ne reste presque plus de ces anciennes pommes reinettes du comté de Kent ; et M. Mortimer observe que la race en serait totalement perdue, si quelques personnes ne s'étaient remises à l'ancienne manière de les cultiver, qui, comme savent les anciens jardiniers et engraisseurs de bétail, consistait à arroser deux ou trois fois dans le mois de Mars, les pommiers moussus, mangés de vers, chancreux et malsains, avec de l'urine de bœuf, etc. ramassée dans des vaisseaux de terre, que l'on mettait sous les planches des étables où on les engraissait.

En Hollande et en plusieurs autres endroits, on conserve l'urine du bétail, etc. avec autant de soin que le fumier. M. Hartlib, le chancelier Plot, M. Mortimer, etc. se plaignent conjointement de ce qu'un moyen si excellent d'engraisser et de fertiliser la terre, est si fort négligé parmi les Anglais.

URINE, (Médec. séméiotique) cette partie de la séméiotique qui est fondée sur l'examen des urines, est extrêmement étendue, et fournit des lumières assez sures pour connaître dans bien des cas l'état actuel d'une maladie, ou juger des événements futurs. Etablie et perfectionnée en même temps par un seul homme, par l'immortel Hippocrate, cultivée, ou du-moins soigneusement recommandée par Galien et la foule innombrable de médecins qui ont reçu aveuglément tous ses dogmes, elle est devenue un des principaux objets de leurs recherches, de leurs discussions et de leurs commentaires ; mais elle n'a reçu aucun avantage réel, elle n'a pas été enrichie d'un seul signe nouveau par cette quantité d'écrits qui se sont si fort multipliés jusqu'à cette grande révolution qui a Ve finir le règne de l'observation, en même temps que celui du galénisme, par les efforts réunis des chymistes et des mécaniciens ; tous ces ouvrages n'étaient que des commentaires serviles, plus ou moins mal faits des différents livres d'Hippocrate, et d'un traité particulier qu'on attribue assez communément à Galien, et qui parait lui appartenir, quoiqu'il n'en fasse pas mention dans le catalogue qu'il a laissé de ses écrits. Ainsi il est très-douteux si ces médecins tiraient de l'examen des urines tous les avantages, tous les signes qu'ils décrivaient après Hippocrate, du-moins il ne nous reste d'eux aucune observation qui le constate ; et il parait très-vraisemblable qu'accoutumés à jurer sur les paroles de leurs maîtres, ils ne croyaient pas avoir besoin de vérifier ce qu'ils avaient avancé, et qu'ils se contentaient d'en chercher dans leurs cabinets les causes et les explications. C'est aussi là tout ce que présentent leurs livres, des dissertations à perte de vue sur les divers sens qu'on peut attacher au texte d'Hippocrate ou de Galien, et des recherches théoriques plus ou moins absurdes sur les causes des faits qu'ils venaient d'expliquer. On n'a pour s'en convaincre qu'à parcourir les ouvrages d'Actuarius, de Theophyllus, d'Avicenne même, de Montanus, de Donatus ab Altomari, de Vassaeus, de Christophe Avega, de Gentilis, de Willichius et de son commentateur Reusnerus, etc. &c. etc. On ne doit à Bellini que quelques expériences assez heureuses sur la cause des variations de l'urine ; il n'a rien ajouté à la partie séméiotique de l'urine, la plus intéressante ; il s'est borné à transcrire quelques axiomes d'Hippocrate. Prosper Alpin en a fait un extrait plus étendu, et cependant encore très-incomplet, mais trop raisonné ; parmi les signes les plus certains, il méle les explications et les aitiologies de Galien le plus souvent fausses et toujours déplacées. Nous nous contenterons à son exemple d'extraire d'Hippocrate les matériaux de cet article, mais plus circonspects que lui, nous en bannirons tout raisonnement inutile. La séméiotique est une science de faits fondée uniquement sur l'observation ; c'est ainsi qu'Hippocrate l'a traitée, et qu'il convient de l'exposer.

On peut dans les urines considérer différentes choses qui sont les sources d'un très-grand nombre de signes, savoir 1°. la quantité trop grande ou trop petite : 2°. la consistance épaisse ou ténue, trouble ou limpide : 3°. l'odeur trop forte ou trop faible, ou différente de la naturelle : 4°. suivant quelques auteurs trop minucieux, et Bellini entr'autres, le son que fait l'urine en tombant dans le pot-de-chambre, plus ou moins éloigné de celui que ferait l'eau pure : 5°. la couleur dont les variations sont très-nombreuses : 6°. les choses contenues dans l'urine, qui, de même que la couleur, sont susceptibles de beaucoup de changements, et servent à établir la plus grande partie des signes : 7°. enfin la manière dont se fait l'excrétion de cette humeur. Il n'y a presque point de couleur et de nuances qu'on n'ait quelquefois observées dans l'urine. Au-dessous de la citrine naturelle, on compte l'urine blanche, aqueuse, crystalline, laiteuse, bleuâtre ou imitant la corne transparente, celle qui ressemble à une légère teinture de poix, subspicea et spicea, à l'osier, straminea, à des poils blanchâtres de chameau, ou suivant l'interprétation de Galien, à des yeux de lion, charopa, etc. Lorsque la couleur naturelle se renfonce, est plus saturée, l'urine devient jaune, dorée, safranée, verte, brune, livide, noire ou rougeâtre, ardente, vineuse, pourpre, violette, etc. Les choses contenues dans l'urine sont ou naturelles ou accidentelles ; dans la première classe sont compris le sédiment, l'énéoreme et les nuages. Voyez ces mots et URINE, Physiolog. La seconde renferme tous les corps étrangers qui ne s'observent que rarement, et dans l'urine des malades, savoir des bulles, de l'écume, la couronne ou le cercle qui environne la surface de l'urine, du sable, des filaments, des parties rameuses du sang, du pus, de la mucosité, des graviers, de la graisse, de l'huile, des écailles, des matières furfuracées, de la semence, etc. L'excrétion de l'urine peut être ou facîle ou difficile, volontaire ou non, douloureuse ou sans douleur, continue ou interrompue, etc. Tous ces changements qui éloignent l'urine des malades de son état naturel, sont les effets de quelque dérangement dans l'harmonie des fonctions des différents viscères, ou seulement des reins et des voies urinaires, par conséquent ces mêmes symptômes peuvent en devenir les signes aux yeux de l'observateur éclairé, qui a souvent aperçu cette correspondance constante des causes et des effets ; dans l'exposition de ces signes nous ne suivrons point pas-à-pas chaque vice de l'urine, parce qu'outre que ce détail serait extrêmement long, il nous ferait tomber dans des répétitions fréquentes, plusieurs vices différents signifiant souvent la même chose. Pour éviter cet inconvénient, nous mettrons sous le même point de vue 1°. les divers états de l'urine qui sont d'un bon augure, 2°. ceux qui annoncent quelque évacuation critique, 3°. ceux qui sont mauvais, 4°. ceux qui indiquent quelque accident déterminé, et 5°. ceux enfin qui sont les avant-coureurs de la mort.

I. Il faut, dit Hippocrate, examiner avec attention les urines, et considérer si elles sont semblables à celles des personnes qui jouissent d'une bonne santé ; parce qu'elles indiquent d'autant plus surement une maladie et la dénotent d'autant plus grave, qu'elles s'éloignent plus de cet état. Aphor. lxvj. liv. VII. Cette assertion d'Hippocrate assez généralement vraie, a fait dire à Galien et à tous les Médecins sans exception qui sont venus après lui, que les urines les plus favorables dans les maladies étaient celles qui ressemblaient le plus aux urines des personnes bien portantes ; ce qui est le plus communément faux. Lorsque Hippocrate a proposé l'aphorisme précédent, il parlait des urines en général, abstraction faite de l'état de santé et de maladie ; et il n'a prétendu dire autre chose sinon que si on lui présentait différentes urines, il jugerait que ceux qui auraient rendu celles qui étaient naturelles, saines, se portaient bien ; et que ceux à qui les urines plus ou moins éloignées de cet état appartenaient, étaient plus ou moins malades. Il s'est bien gardé d'avancer que ces urines fussent un signe funeste, dangereux ; il s'est contenté d'assurer qu'elles étaient un signe plus certain de maladie, &, si l'on peut parler ainsi, plus maladives, . Nous ne dissimulerons cependant pas que cet axiome d'Hippocrate réduit à son vrai sens, ne se vérifie point toujours exactement ; car dans les fièvres malignes les plus dangereuses les urines sont tout à fait naturelles, ne différant en rien de celles que l'on rend en santé. Mais l'erreur de Galien et de ses adhérents qui ont mal entendu ce passage, est encore bien plus grande, puisque non seulement l'urine différente de celle des personnes saines, n'est pas toujours mauvaise dans les maladies ; mais encore le plus souvent elle lui est préférable, parce que c'est elle seule qui peut être critique et salutaire, et que l'urine naturelle n'annonce jamais ni coction, ni crise, et quelquefois même est pernicieuse. Les urines noires, huileuses, ne sont-elles pas, comme nous le verrons ensuite, favorables dans certaines maladies ? La strangurie n'est-elle pas aussi quelquefois avantageuse ? Et n'est-il pas nécessaire pour prevenir un abscès, que l'urine soit épaisse, blanche et abondante ? Or dans tous ces cas l'urine s'éloigne plus ou moins de l'état naturel. D'ailleurs on pourrait reprocher aux uns et aux autres que cet état naturel de l'urine n'est rien moins que déterminé ; qu'il diffère suivant les âges, les sexes, les tempéraments, l'idiosyncrasie, même les saisons, et suivant les boissons plus ou moins abondantes et de différente nature ; suivant les aliments, les remèdes, etc. et par conséquent que cette mesure fautive peut encore induire en erreur lorsqu'il s'agit d'évaluer les divers états de l'urine. On a cependant décidé en général que l'urine naturelle était d'une couleur citrine un peu foncée, d'une consistance moyenne entre l'eau et l'urine des juments, que sa quantité répondait à celle de la boisson, et qu'elle contenait un sédiment blanchâtre, égal et poli : et on a prétendu assez vaguement que l'urine des vieillards était blanche, ternie, presque sans sédiment ; celle des jeunes-gens plus colorée, mais moins épaisse et moins chargée de sédiment que celle des enfants ; que l'urine des femmes était plus bourbeuse, plus épaisse et moins colorée que celle des hommes ; que les tempéraments chauds rendaient des urines plus colorées que les tempéraments froids ; que dans ceux qui vivaient mollement, dans l'oisiveté et dans la crapule, les urines étaient remplies de sédiment, et au contraire ténues, sans sédiment, et d'une couleur animée dans ceux qui faisaient beaucoup d'exercice, qui essuyaient des longues abstinences et des veilles opiniâtres ; qu'au printemps elles étaient blanches ou légèrement citrinées, subspiceae, abondantes ; et qu'elles contenaient beaucoup de sédiment épais et crud ; qu'en avançant vers l'été elles devenaient plus colorées, presque saffranées, moins épaisses ; que le sédiment était moins abondant, mais plus blanc, plus poli et plus égal ; que dans la vigueur de l'été, la quantité en diminuait de même que le sédiment, et qu'elles devenaient plus foncées ; que dans l'automne la couleur était citrine, la quantité très-médiocre, le sédiment peu abondant, assez blanc, égal et poli, et que du reste elles étaient tenues et limpides ; et qu'enfin en hiver elles étaient blanchâtres, plus abondantes ; qu'elles variaient en consistance et contenaient beaucoup de sédiment crud. Tous ces changements ne sont ni aussi certains ni aussi constants que ceux que produit la trop grande quantité de boissons aqueuses et quelques remèdes. On sait surement que les urines deviennent limpides, ténues et très-peu colorées, quand on a bu beaucoup d'eau, noirâtres après l'usage de la casse, de la rhubarbe, et des martiaux ; rouges à la suite des bouillons d'oseille, de racines de fraisier et de garence ; que l'usage de la térébenthine leur donne l'odeur agréable de la violette ; et les asperges les rendent extrêmement fétides : c'est pourquoi avant de porter son jugement sur l'urine, il est nécessaire de savoir si le malade n'a usé d'aucun de ces remèdes. On peut aussi pour plus grande sûreté s'informer de son âge, du sexe, du tempérament, de sa façon de vivre ; il faut aussi être instruit du temps de la maladie et du temps de la journée où l'urine a été rendue ; on préfère celle du matin comme ayant eu le temps de subir les différentes élaborations. Il faut aussi avoir attention que l'urine ne soit pas trop vieille, qu'il n'y ait pas plus de douze heures qu'on l'ait rendue, et qu'elle ne soit pas non plus trop récente, pour que les différentes parties aient eu le temps de se séparer. Le vaisseau dans lequel on examine l'urine doit être très-propre et transparent, pour qu'on puisse bien en discerner toutes les qualités : on recommande encore d'observer que la chambre ne soit ni trop obscure, ni trop éclairée ; enfin les auteurs uromantes exigent encore beaucoup d'autres petites précautions qui nous paraissent très-frivoles et bonnes pour un charlatan qui cherche à donner un air de mystère aux opérations les plus simples. Nous ne prétendons pas même garantir l'utilité de toutes celles que nous avons exposées, nous laissons ce jugement au lecteur éclairé, nous hâtant de passer au détail des signes qu'on tire de l'urine sans qu'il soit besoin d'en avoir toujours devant les yeux de saine et de naturelle, pour servir de point de comparaison.

La meilleure urine est, suivant Hippocrate, celle qui pendant tout le cours de la maladie, jusqu'à ce que la crise soit finie, renferme un sédiment blanc, égal et poli. Elle contribue beaucoup à rendre la maladie courte et exempte de danger ; si l'urine est alternativement pure, limpide, et telle qu'elle vient d'être décrite, la maladie sera longue et sa terminaison est douteuse ; l'urine rougeâtre avec un sédiment égal et poli annonce une maladie plus longue, mais n'est pas moins salutaire que la première : les nuages blancs dans l'urine, sont aussi d'un bon augure (Prognost. l. II. n°. xxij. xxvj.) Lorsque les urines ont été pendant le cours d'une fièvre en petite quantité, épaisses et grumelées, et qu'elles viennent ensuite abondantes et ténues, le malade en est soulagé : ces urines paraissent ordinairement de cette façon lorsque dès le commencement elles ont renfermé un sédiment plus ou moins copieux (Aphor. lxjx. l. IV.) dans les fièvres ardentes, accompagnées de stupidité et d'affection soporeuse dans lesquelles les hypochondres changent souvent d'état, le ventre est gonflé, les aliments ne peuvent passer, les sueurs sont abondantes.... les urines chargées d'écume sont avantageuses. (Prorrhet. l. I. sect. II. n°. xljx.) Les malades qui ayant eu des hémorragies copieuses et fréquentes, rendent par les selles des matières noirâtres, éprouvent de nouveau ces hémorragies lorsque le ventre se resserre ; les urines dans ces circonstances sont bonnes lorsqu'elles sont troubles et qu'elles renferment un sédiment assez semblable à la semence ; mais le plus souvent elles sont aqueuses. (Prorrhet. l. I. sect. III. n°. xlviij.) Les urines noires sont quelquefois bonnes surtout dans les personnes mélancoliques, spléniques, après la suppression des règles et accompagnées de cette excrétion ou d'une abondante hémorragie du nez. Galien dit avoir connu une femme qui avait été très-soulagée par l'évacuation de semblables urines. (Comment. in épid. l. III. n°. lxxiv. Le même auteur assure que les urines huileuses, c'est-à-dire qui en ont la couleur et la consistance, sans être grasses, sont souvent salutaires lorsqu'elles viennent après que la coction est faite. Hippocrate rapporte que dans une constitution épidémique, la strangurie, ou difficulté d'uriner, fut un des signes les plus assurés et les plus constants de guérison : plusieurs malades dans qui il l'observa, échappèrent à un danger pressant ; aucun de ceux dans qui il s'est rencontré, n'est mort. La strangurie dura longtemps et fut même fâcheuse ; les urines étaient d'abord copieuses, changeantes, rouges, épaisses, et sur la fin douloureuses et purulentes. Epidem. l. I. stat. II. n°. Xe Pythion, le premier malade dont il est parlé, Epidem. l. III. sect. I. eut le quarantième jour de sa maladie, après que la crise fut faite, un abscès au fondement qui se termina heureusement par cette difficulté d'uriner.

II. Les urines peuvent être regardées comme un signe de crise prochaine ou comme une excrétion critique qui annonce et détermine la solution de la maladie. L'urine est un signe de crise, quand elle renferme un sédiment constant, blanc et poli ; elle l'annonce d'autant plus prochaine que le sédiment a paru plus tôt. Il en est de même si après avoir été trouble et comme grasse, elle devient aqueuse : l'urine rougeâtre, et qui contient un sédiment de la même couleur, dénote la crise pour le septième jour ; ou si elle parait telle avant le temps ; mais si elle ne vient ainsi qu'après, c'est un signe que la crise se fera plus tard et très-lentement. L'urine qui renferme au quatrième jour des nuages rouges, dénote, si les autres signes concourent, que la solution aura lieu le septième. On doit s'attendre à une crise certaine dans les pleurésies, lorsque l'urine est rouge, et que le sédiment est poli ; elle sera prompte si le sédiment est blanc et l'urine verdâtre, fleurie, florida, . Si l'urine est rougeâtre et fleurie, mais avec un sédiment verd, poli et bien cuit, la maladie sera longue, orageuse, peut-être changera en une autre, mais ne sera pas mortelle. L'urine aqueuse ou troublée par de petits corpuscules inégaux et friables, indique un dévoiement prochain. Ne peut-on pas espérer une sueur, lorsque l'urine après avoir été ténue, devient épaisse ? Si la sueur a lieu, l'urine se charge d'écume. La même excrétion est annoncée par l'urine inégalement dense. coac. praenot. cap. XXVII. n. j. ij.-lxjv. Lorsqu'au commencement d'une fièvre aiguë l'hémorragie du nez est excitée par l'éternuement, et qu'au quatrième jour l'urine renferme un sédiment, la maladie sera terminée heureusement le septième. Ibid. cap. III. n°. lxv. L'urine qui parait après les premiers jours de maladie avec des nuages, ou un sédiment convenable, est appelée cuite ; on la regarde avec raison comme un des signes assurés de coction ; mais les praticiens n'y font pas assez d'attention ; les uns parce qu'ils regardent les coctions et les crises comme des futilités de la doctrine d'Hippocrate qu'ils méprisent et qu'ils ne connaissent assurément pas ; les autres parce qu'ils craient trouver dans d'autres signes des lumières suffisantes. Les urines sont elles-mêmes la matière de l'excrétion critique, et en conséquence un signe très-avantageux dans les maladies aiguës, lorsqu'elles viennent les jours critiques en grande quantité, quoique ténues, plus encore si elles sont épaisses, vitrées, purulentes ; si elles renferment beaucoup de sédiment, (coac. praenot. cap. IIIe n °. 46 et 48.) les abscès aux oreilles qui surviennent aux fièvres ardentes, et qui n'apportent aucun soulagement, sont mortels, à-moins qu'il ne se fasse une hémorragie par le nez, ou que les urines coulant abondamment ne soient remplies d'un sédiment très-épais. (ibid. cap. Ve n °. 19.) Les urines surtout accompagnées de dévoiement sont aussi critiques dans les boursouflements assez ordinaires des hypochondres. (ibid. cap. XIe n °. 3.) Les convulsions, soit fixes, soit avec extinction de voix, sont terminées par un flux abondant et subit d'urines vitrées (ibid. cap. xiv. n °. 12 et 13.) Les urines extrêmement épaisses, et contenant beaucoup de sédiment, préviennent les abscès qui ont coutume de se former à la suite des fluxions de poitrine, soit aux oreilles, soit aux parties inférieures ; et si l'abscès se forme, et que l'évacuation des urines n'ait pas lieu, il est à craindre que le malade ne devienne boiteux, ou ne soit considérablement incommodé. (ibid. cap. XVIe n °. 19 et 20.) Les dépôts qu'on a sujet de craindre dans l'articulation, sont empêchés par une excrétion abondante d'urine épaisse et blanchâtre, telle qu'elle se fait ordinairement le quatrième jour dans les fièvres avec lassitude. (aphor. 74. lib. IV.) Archigène, dont il est fait mention, epidem. lib. VI. comment. IV. n °. 2. fut délivré d'un abscès par cette excrétion. Il conste par plusieurs observations que des abscès dans la poitrine, dans le foie, des empyemes, des vomiques, se sont entièrement vuidés par des urines bourbeuses et purulentes ; les voyes par lesquelles la nature ménage cette évacuation, sont absolument inconnues ; mais le fait est bien avéré : personne n'ignore de quelle utilité est dans l'hydropisie, la leucophlegmatie, l'anasarque, un flux abondant d'urines. Les urines sont la principale et la plus salutaire crise dans les maladies du foie, leur excrétion se ressent aussi très-promptement des dérangements dans l'action de ce viscère ; les maladies des reins et des voies urinaires ont aussi leur crise prompte, facîle et naturelle par les urines ; l'inflammation de la vessie si dangereuse se termine très-bien par l'excrétion d'urines blanchâtres, purulentes, et qui contiennent un sédiment poli. (pronostic. lib. II. n °. 81.) Le pissement de sang qui arrive rarement sans fièvre et sans douleur, n'annonce rien de mauvais, il prouve au contraire la solution des lassitudes. (prorrhet. lib. II.)

Pour porter un jugement plus assuré sur l'état critique des urines, et sur les avantages qu'on doit en attendre, il faut examiner si la coction est faite, si le temps de la crise est arrivé, et si les signes critiques paraissent, surtout ceux qui annoncent qu'elle aura lieu par les voies urinaires. Tels sont la pesanteur des hypochondres, la constipation, un sentiment de gonflement vers la vessie, des envies fréquentes d'uriner, des ardeurs en urinant, surtout à l'extrémité de l'urethre, l'absence des signes qui indiquent les autres excrétions, l'hiver de l'âge et de l'année, le tissu de la peau serré, concourent aussi à faciliter, et par conséquent à dénoter cette évacuation. Mais de tous les signes, le plus lumineux et le plus sur est celui qu'on tire de l'état du pouls, tel qu'il a été déterminé par M. Bordeu. Voyez POULS. A l'approche d'urines critiques, le pouls devient, suivant cet exact observateur, inégal, mais avec régularité, plusieurs pulsations moindres les unes que les autres, vont en diminuant se perdre pour ainsi dire sous le doigt, et c'est dans ce même ordre qu'elles reviennent de temps en temps ; les pulsations qui se font sentir dans ces intervalles, sont plus développées, assez égales, et un peu sautillantes ; on peut voir dans les recherches sur le pouls, et dans un recueil d'observations de M. Michel, plusieurs exemples d'excrétions critiques d'urines, précédées et annoncées par le pouls ; il n'est pas rare de le voir compliqué avec celui qui est l'avant-coureur et le signe du dévoiement ; aussi est-il très-ordinaire de voir ces deux excrétions se rencontrer, se suppléer ou se succéder mutuellement ; il n'arrive presque jamais que le flux d'urines soit seul suffisant pour terminer les maladies.

III. On peut s'apercevoir aisément par le détail que nous venons de donner des qualités salutaires de l'urine, quelles sont celles qui doivent servir à établir un pronostic fâcheux ; savoir, celles qui sont opposées, car en général on regarde comme mauvaises les urines qui restent longtemps crues sans nuage, énéoreme ou sédiment. Hippocrate condamne les urines qui renferment un sédiment semblable à de la grosse farine, plus encore celles qui sont laminées, , qui contiennent de petites lames ou écailles, ou des matières comme du son. Les urines blanches, ténues, limpides, sont très-mauvaises surtout dans les phrénésies ; les nuages rouges ou noirâtres, sont un mauvais signe ; tant que l'urine reste rouge et ténue, c'est un signe que la coction n'est pas faite, et si l'urine persiste longtemps dans cet état, il est à craindre que le malade ne succombe avant qu'elle ait pris un meilleur caractère. Les matières graisseuses qui nagent dans l'urine, en forme de toîle d'araignées, sont aussi d'un sinistre augure ; mais les urines les plus mauvaises sont celles qui sont extrêmement fétides, aqueuses, noires et épaisses ; dans les adultes, les noires sont plus à craindre, et les aqueuses dans les enfants. (prog. l. II. n °. 25. 51.) Dans la classe des urines dangereuses, il faut ranger celle qui est bilieuse ; dans les maladies aiguës, celle qui sans être rougeâtre contient des matières farineuses, avec un sédiment blanc, qui est d'une couleur changeante, de même que le sédiment, surtout dans les fluxions de la tête ; celle qui de noire devient bilieuse et ténue, qui se sépare du sédiment, ou qui en renferme un livide semblable à du limon formé par l'adunation des nuages : l'hypochondre, et surtout le droit, est dans ce cas ordinairement douloureux, les malades deviennent d'une pâleur verdâtre, et il se forme des abscès aux oreilles, le dévoiement survenant dans ces entrefaites, est très-pernicieux. Les urines qui paraissent cuites peu-à-peu et sans raison, sont mauvaises, de même que toute coction qui se fait hors de propos ; les urines rougeâtres dans lesquelles il se forme un peu de verd-de-gris, celles qui sont rendues d'abord après avoir bu, surtout dans les pleurétiques et les péripneumoniques, celles qui sont huileuses avant le frisson, celles qui sont dans les maladies aiguës verdâtres jusqu'au fond, celles qui sont noires ou ont un sédiment noir, qui contiennent de petits grains épars, semblables à de la semence, et qui sont en même temps douloureuses ; celles qui sont rendues à l'insu du malade, ou dont il ne se souvient pas ; celles qui dans le cours des fluxions de poitrine sont d'abord cuites et s'attenuent ensuite après le quatrième jour ; celles qui sont très-blanches dans les fièvres ardentes, etc. toutes ces espèces d'urine doivent être mises au nombre des signes pernicieux. (coac. praenot. cap. xxvij. n °. 8. 42.) L'interception de l'urine est extrêmement fâcheuse, lorsqu'elle survient dans les fièvres aiguës à la suite d'un frisson, surtout si elle est précédée d'assoupissement ; elle est pour l'ordinaire l'effet d'un état convulsif de la vessie ; ce symptôme est mortel dans les maladies bilieuses, il est souvent produit par le frisson, et annoncé par des horripilations fréquentes dans le dos, et qui reviennent promptement. (coac. praenot. cap. j. et xxvij. prorrhet. lib. I. sect. j.) La difficulté d'uriner est presque toujours un symptôme fâcheux, le pissement de sang l'est aussi pour l'ordinaire, surtout dans les défaillances accompagnées de douleurs de tête qui succedent au frisson. (ibid. cap. j. n °. 22. et prorrhet. l. I. sect. XIe n °. 23.) Il en est de même des urines très-blanches et écumeuses dans les maladies aiguës, bilieuses. (ibid. n °. 17.) Dans les hydropisies seches, la strangurie ou l'excrétion d'urine goutte à goutte, et l'urine qui ne renferme que très-peu de sédiment, sont très-mauvaises ; et on a aussi tout sujet de craindre pour un hydropique à qui la fièvre est survenue, et dont les urines sont troubles et peu abondantes. (coac. praen. cap. xix. n °. 2 et 5.)

IV. Hippocrate ne s'est pas borné à exposer en général les différents états de l'urine qui donnent lieu à un pronostic fâcheux, il est souvent descendu dans l'énumération plus détaillée de la nature, de l'espèce des accidents, ou des symptômes auxquels l'on devait s'attendre après telle ou telle urine : ainsi, suivant cet habîle séméioticien, les convulsions sont annoncées par des urines recouvertes d'une pellicule, chargées de sédiment, et accompagnées de frisson, par celles qui renferment un sédiment semblable à de la farine grossière, ou des membranes ; s'il survient en même temps des réfroidissements au col, au dos, ou même par tout le corps, par la suppression d'urine, avec frisson et assoupissement ; on peut aussi espérer dans ce cas un abscès aux oreilles ; par des urines écumeuses jointes au réfroidissement du dos et du col, aux défaillances et à l'obscurcissement de la vue ; par les urines rendues involontairement pendant le sommeil, précédées de frissons qui augmentent la nuit, de veilles et de beaucoup d'agitations ; ordinairement alors l'assoupissement se joint aux convulsions ; dans les maladies convulsives, le retour du paroxysme est indiqué par l'excrétion abondante d'urines ténues et limpides. (coac. praenot. prorrhet. passim.) La même qualité des urines annonce, suivant l'observation de Sydenham, l'invasion d'une attaque d'hystéricité, de colique néphrétique, etc. les urines deviennent aussi ténues et limpides au commencement des accès des fièvres intermittentes, des redoublements ; le frisson par lequel ils commencent ordinairement, est marqué par des urines ténues, dans lesquelles on observe aussi des légers nuages ou des énéoremes, quelquefois aussi par des urines dont le sédiment est semblable à de la salive ou de la matière des crachats , ou à du limon ; d'autres fois l'urine qui renferme un sédiment, et qui étant troublée, dépose ensuite, annonce un frisson pour tout le temps de la crise, dans les fièvres tierces des nuages noirâtres, sont des signes d'horripilation vague. (coac. praenot. cap. xxvij. n °. 22. 29.) L'urine dont le sédiment contient de la graine, dénote la fièvre ; celle qui contient un sédiment, et qui étant troublée, dépose de nouveau, annonce quelquefois le passage d'une fièvre aiguë, en tierce ou en quarte, et les nuages noirs dans les fièvres erratiques, sont un signe qu'elles vont se fixer en quarte. (ibid. n °. 24. 27. 29.) Suivant quelques auteurs, une excrétion d'urine très-abondante dans les fièvres d'accès, indique leur dégénération en hectique. L'urine dont la couleur approche de l'ochre ou de la brique, abondante et épaisse, avec un sédiment couleur de rose, est une marque que les fièvres lentes deviennent hectiques. On peut juger par l'urine sanguinolente rendue au commencement d'une maladie aiguë qu'elle sera longue : l'urine verte qui contient un sédiment roux semblable à de la farine grossière, fournit le même présage, mais annonce en même temps que la maladie sera dangereuse. (ibid. n °. 23. 32.) On a sujet de craindre une rechute lorsque l'urine est troublée, et qu'il y a en même temps des sueurs, ou qu'elle a une inégale densité. (ibid. n °. 23 et 39.) Dans ces maladies aiguës, le malade est menacé de délire ou phrénésie. Lorsque les urines sont blanches sans couleur, , qu'elles renferment un énéoreme noir, et qu'il est extrêmement agité, et ne peut dormir, lorsqu'elles sont ténues, aqueuses au commencement de la maladie, et qu'il y a veille, agitation, hémorragie du nez, rémission, et ensuite redoublement, pour l'ordinaire il survient à ces malades une évacuation copieuse de sang par le nez, qui termine heureusement la maladie. (ibid. et cap. IIe n °. 6 et 12.) Le même symptôme est annoncé par des douleurs aux jambes avec des urines qui renferment des nuages très-élevés, par des urines rougeâtres, qui ont un énéoreme, mais qui ne déposent point, lorsqu'elles se rencontrent avec la surdité, par ces mêmes urines qui viennent après qu'une douleur à la cuisse a été dissipée. (prorrhet. lib. I. sect. I. et II.) Lorsque les urines sont troubles, comme celles des juments, on peut assurer qu'il y a douleur de tête, ou qu'elle sera bientôt. (aphor. 10. lib. IV.) Et si par le repos, elles ne déposent point ces matières qui les troublent, on peut s'attendre à des convulsions, et ensuite à la mort, suivant les observations d'Hippocrate sur la femme de Philinus, sur celle de Dromedaus, et sur Hermocrate. (épidem. lib. III.) Si avec ces urines troubles, il y a douleur de tête, veille opiniâtre, Baglivi croit qu'il y aura délire et léthargie : si le malade est assoupi, a la tête pesante, et le pouls petit, l'urine qui a un sédiment louable, et qui en est tout-à-coup dépourvue, indique un changement dans la maladie, qui se fera avec peine et douleur. (coac. praenot. cap. xxvij. n °. 29.) L'interception de l'urine à la suite de fréquentes et légères horripilations au dos avec sueur, signifie des douleurs vagues. (ibid. cap. j. n °. 47.) L'urine épaisse avec un sédiment ténu, annonce des douleurs ou une tumeur aux articulations ; on trouve dans les personnes qui ont ces douleurs ou tumeurs, et dans qui elles disparaissent et reviennent de temps-en-temps, sans qu'il y ait rien d'arthritique, les viscères grands, et l'urine chargée d'un sédiment blanc ; si l'urine ne renferme pas ce sédiment, ou s'il ne vient pas des sueurs, l'articulation s'affoiblira, et il s'y formera une espèce d'abscès, dont la matière aura la consistance du miel, un méliceris, , favus. Ces malades sujets à des douleurs vagues dans les hypocondres, surtout dans le droit, rendent, après que la douleur est cessée, une urine épaisse et verte. (prorrhet. lib. II.) Si l'urine reste longtemps crue, et qu'on observe les autres signes salutaires, on doit s'attendre à voir terminer la maladie par des douleurs et un abscès communément dans les parties au-dessous du diaphragme ; il se fera une métastase salutaire à la cuisse, si le malade sent courir des douleurs dans la région des lombes. (coac. praen. cap. xxvij. n °. 21.) Il peut aussi se faire que des urines aqueuses avec un énéoreme blanc, diversement blanchâtres et fétides, déterminent l'abscès aux oreilles. (prorrhet. lib. I. sect. III. n °. 71.) Dans les fièvres longues, légères, erratiques, la ténuité des urines est un signe que la ratte est attaquée. (coac. praenot. cap. xxvij. n °. 40.) Les urines brunâtres semblables à de la lessive, jointes avec difficulté de respirer, indiquent la leucophlegmatie. (ibid. n °. 24.) La suppression d'urine, ou la difficulté d'uriner, donne lieu à l'hydropisie, lorsqu'elle survient à des personnes d'un tempérament bilieux, qui ayant le dévoiement, rendent des matières muqueuses, semblables à de la semence, et ont des douleurs à la région du pubis. (ibid. cap. xjx. n °. 4.)

Les différentes variétés que nous avons observées dans l'urine ne dépendent souvent que d'un vice local dans les reins ou la vessie, alors elles ne sauraient nous instruire des affections du reste du corps, elles ne peuvent que nous faire connaître le vice de ces parties ; c'est pourquoi Hippocrate, dans l'examen des urines, recommande beaucoup d'y faire attention afin d'éviter des erreurs désavantageuses pour les médecins, et funestes au malade. Prognost. l. II. n °. 33. On peut s'assurer que la vessie ou les reins sont affectés par les causes qui ont précédé, et par les symptômes présents, surtout par les douleurs que le malade rapporte à la région de ces parties. Ainsi, lorsque les urines renferment du sang liquide, ou des grumeaux, qu'elles coulent goutte-à-goutte, et que l'hypogastre et le périnée sont douloureux, il n'est pas douteux que la vessie, ou les parties qui l'environnent soient attaquées ; le pissement de sang, de pus et d'écailles extrêmement fétide désigne l'ulcération de cette partie. L'on a lieu de croire que la vessie est attaquée d'une espèce de gale, lorsque les urines sont épaisses et charrient beaucoup de matière, comme du son : le calcul se manifeste par la strangurie et les urines sablonneuses, etc. une douleur subite aux reins avec suppression d'urine, présage l'excrétion d'urines épaisses, ou de petits graviers ; elle indique leur passage par les uretheres. Lorsque l'urine étant épaisse se trouve chargée de caroncules, et d'espèces de poils, c'est une marque que l'affection est dans les reins. Le pissement de sang spontané dénote aussi le vice dans la même partie ; savoir, la rupture d'une veine, l. IV. aphor. 75. 81.

Quelques auteurs ont prétendu que les urines brillantes, limpides, qui laissaient des crystaux tartareux aux parois des vaisseaux, étaient un signe d'affection scorbutique et hyppochondriaco-spasmodicoarthritique ; que les urines pourprées, ténues, limpides et écumeuses étaient un indice de pleurésie ; que lorsque dans l'écume il y avait de petits grains, c'était une marque de paralysie d'autant plus certaine, que les grains étaient plus petits ; que l'urine épaisse comme de la saumure, couverte d'une pellicule muqueuse et grasse, indiquait surement la vérole, quand il n'y avait point de toux : que l'urine dont les nuages étaient comme autant de petits flocons, et dont l'écume était longtemps à se dissiper, dénotait la phtisie ; que l'urine citrine, comme du vin, claire, avec un sédiment couleur de rose, peu abondant et floconeux, annonçait des mouvements hémorroïdaux aux personnes bien portantes âgées de 26 ou de 30 ans ; on a été jusqu'à ranger parmi les signes de grossesse l'urine claire et remplie de petits atomes, courant de côté et d'autre ; enfin on a prétendu tirer des urines beaucoup d'autres signes encore moins certains ; Nenter en fait un détail assez long, mais qui est encore bien loin d'être complet. Théor. méd. part. III. cap. VIIIe Je ne parle pas de ces charlatants effrontés qui prétendent connaître toutes les maladies par la seule inspection des urines, et qu'on voit courir les foires, monter sur des tréteaux, et s'afficher sous le titre important de médecins des urines ; les gens éclairés, parfaitement instruits de l'ignorance et des fourberies de ces imposteurs, ne peuvent que s'en mocquer : ils les honoreraient trop, ou s'abaisseraient trop eux-mêmes, s'ils prenaient la peine de les critiquer : le peuple, pour qui le singulier est une amorce toujours sure de le frapper et de l'attirer, court en foule porter à ces prétendus guérisseurs son urine et son argent ; il ne s'aperçoit pas qu'il raconte lui-même sa maladie, et il est tout ébahi de se l'entendre détailler en d'autres termes sur le seul examen de son urine ; pénétré d'admiration, il achète la drogue du charlatan, et la prend avec cette aveugle confiance, qui dans les maladies légères suffit seule pour la guérison ; mais dans les cas graves, il ne tarde pas à ressentir les mauvais effets d'un remède, souvent violent, administré avec aussi peu de connaissance et de précautions, et meurt ordinairement victime de sa crédulité, sans s'en apercevoir, et ce qui est pis, sans corriger les autres. Au reste, quand je dis le peuple, je n'entends pas seulement les gens pauvres destinés à vivre du travail de leurs mains, et à la sueur de leur front ; je suis trop convaincu que surtout dans ce qui concerne la santé il y a autant de peuple dans les palais que dans les chaumières.

V. Il ne nous reste plus qu'à exposer les signes tirés des urines, qui font craindre le plus grave et le dernier des accidents ; je veux dire la mort. Voyez ce mot. Les qualités de l'urine qui servent à établir ce pronostic fâcheux, varient suivant les cas, et les symptômes avec lesquels elles se rencontrent. Ainsi, dans les personnes bilieuses la suppression d'urine est une cause et un signe de mort prochaine ; dans les pleurésies l'urine sanguinolente, d'un rouge foncé, presque noire, ténébreuse, , avec une sédiment peu louable, , est ordinairement mortelle dans quatorze jours : ce symptôme est très-fréquent dans les pleurésies dorsales, qui sont si dangereuses. Dans les mêmes maladies l'urine porracée avec un sédiment noir, ou semblable à du son, n'est pas moins funeste ; celle qui renferme des peaux semblables à des toiles d'araignées, indique une colliquation qui emporte en peu de temps le malade. Coac. praenot. cap. xxvij. n °. 18. 19. 24. Dans les péripneumonies les urines d'abord épaisses, ensuite atténuées au quatrième jour, sont un signe mortel. Ibid. cap. xiv. n °. 40. Il n'y a plus rien à esperer des malades lorsque l'urine sort sans qu'ils s'en aperçoivent, ils tombent dans des faiblesses dont il n'est pas possible de les tirer. Ibid. cap. xxj. n °. 4. Lorsqu'à la strangurie survient la passion iliaque, le malade meurt le septième jour, la fièvre seule excitant une abondante excrétion d'urine, peut prévenir cette fatale terminaison. Ibid. n °. 5. Dans les malades qui sont sur le point de mourir, les urines sont quelquefois rougeâtres et promptes à fermenter. Prorrhet. lib. I. sect. IIe n °. 39. Si dans ces douleurs de vessie, dont nous avons parlé plus haut (11.) l'urine étant devenue purulente n'apporte aucun soulagement, si la vessie n'est pas plus molle, et si la fièvre est toujours forte, il est à craindre que le malade succombe. Prognost. lib. II. n °. 82. En général les urines noirâtres, huileuses, très-fétides, fournissent un pronostic de mort, si elles ne sont accompagnées d'aucun signe critique, et si au-contraire elles se rencontrent avec des symptômes graves.

Il ne faut pas s'attendre que toutes les propositions que nous avons données soient toujours rigoureusement vraies, et que tous les signes que nous venons d'exposer soient constamment suivis de leur effet, et par conséquent infaillibles, 1°. parce qu'en médecine il n'y a rien d'absolument certain, et que le plus haut degré de certitude médicinale ne Ve jamais au-delà d'une grande probabilité ; 2°. parce qu'il en est des signes tirés de l'urine comme de ceux que fournissent les autres actions du corps : seuls, ils sont pour l'ordinaire fautifs ; réunis et combinés ensemble, ils se prêtent naturellement de la force et de la sûreté, et concourent à établir des pronostics assez probables : 3°. on pourrait encore ajouter que l'urine peut plus facilement induire en erreur, parce qu'il est très-difficîle de connaître en quoi et de combien elle s'écarte dans les maladies de l'état naturel, parce que la même urine peut signifier différentes choses ; l'urine limpide et abondante annonce chez les uns une attaque de néphrétique, chez les autres un redoublement, chez ceux-ci le délire, chez ceux-là peut-être une excrétion critique, chez quelques-autres l'effet d'une boisson aqueuse prise en quantité, etc. parce que la moindre passion d'ame, la plus légère émotion peut changer considérablement l'état de l'urine, parce qu'elle varie suivant qu'elle est vieille ou récente, qu'on l'a laissée longtemps en repos, ou qu'on l'a agitée, etc. c'est pourquoi un médecin prudent, qui ne veut ni risquer sa réputation, ni hazarder le bien de ses malades, ne se contente pas de l'examen de l'urine ; il ne le néglige cependant pas ; il joint les lumières qu'il en retire à celles qu'il peut obtenir des autres côtés, et parvient par ce moyen à répandre un certain jour sur l'état actuel et futur des malades qui lui sont confiés : il sait d'ailleurs que le principal usage de l'examen des urines est pour connaître le temps de la coction dans les maladies aiguës, qu'il y sert infiniment, et qu'il est aussi utîle dans les affections du foie, dans l'hydropisie, le calcul, les ulcères des reins et de la vessie, qu'il est moins avantageux dans les maladies de la tête et de la poitrine, encore moins dans les affections nerveuses, hystériques, hypocondriaques, et qu'enfin ces signes sont les plus souvent fautifs, lorsqu'on prétend s'en servir pour distinguer des maladies particulières.

On voit encore par-là ce qu'il faut penser de ces gens, qui, sur des urines apportées de loin, agitées, ballotées en divers sens, très-vieilles et par-là souvent décomposées, prétendent décider de l'âge, du tempérament, de l'état de santé, ou de maladie, et de l'espèce de maladie de ceux qui les ont rendues. Mais n'insistons pas davantage sur cet article, nous ne parviendrons jamais à corriger ces charlatants, ils trouvent leur intérêt à tromper ; encore moins réussirons-nous à désabuser le peuple de sa sotte crédulité, il veut être trompé, et mérite de l'être. (m)

URINE, maladies de l ', (Médecine) les maladies que nous allons examiner regardent principalement l'excrétion de l'urine, leur division nait des différentes manières dont cette fonction peut être altérée. Dans l'état naturel l'urine sort à plein canal de la vessie par l'urethre, formant un jet continu, sans douleur, et avec une certaine force ; cette excrétion ne se fait qu'à différentes reprises plus ou moins rapprochées, suivant les âges, les sujets, les tempéraments, les sexes, les saisons, etc. mais toujours par un effort volontaire ; il y aura vice dans cette excrétion, et par conséquent maladie, dès que toutes ces qualités ne se rencontreront pas, ce qui pourra arriver 1°. lorsque l'urine ne coulera point du tout ; cette maladie est connue sous le nom grec , ischurie, qui répond à suppression ou rétention d'urine. 2°. Lorsque l'excrétion sera difficîle et douloureuse, ce qui constitue la dysurie, ardeur ou difficulté d'urine. 3°. Lorsque l'urine, au-lieu de sortir sans interruption et de droit-fil, ne coulera qu'avec peine et goutte-à-goutte, ce dérangement a conservé en français le nom grec strangurie ; les Latins l'appellent indifféremment urinae stillicidium et stranguria. 4°. Lorsque l'urine s'écoule continuellement de la vessie, sans qu'il se fasse aucun effort, et que la volonté y ait part, on nomme ce symptôme incontinence d'urine. 5°. Lorsque l'excrétion d'urine sera fréquente et très-copieuse ; si cet accident persiste quelque temps, et si la matière même des urines est considérablement altérée au point qu'elles aient une consistance huileuse, une saveur douçâtre comme du miel, et une couleur cendrée ou laiteuse ; la maladie qui résulte du concours de ces symptômes s'appelle diabete, ; nous n'en parlerons pas ici, parce qu'elle est suffisamment détaillée à l'article DIABETE, auquel nous renvoyons le lecteur : nous allons exposer en peu de mots ce qui regarde les autres maladies, et nous ajouterons à la suite quelques remarques sur les altérations morbifiques de la matière même des urines, telles que le pissement de sang, de pus, de poils, etc.

I. Ischurie ou suppression d'urine. Elle est assez caractérisée par l'écoulement suspendu des urines. Il s'y joint quelquefois d'autres symptômes accidentels, comme douleur, tension à l'hypogastre ou aux reins, fièvre, vomissement, délire, etc. L'ischurie peut être attribuée à un vice des reins, des urétères, ou de la vessie, ce qui en constitue deux espèces principales, qu'on ne doit point perdre de vue dans la pratique : dans la première espèce, qu'on nomme fausse ou bâtarde, il ne descend point d'urine dans la vessie, soit qu'il ne s'en sépare point en effet dans les reins, soit que la sécrétion ayant lieu, elle ne puisse sortir des reins obstrués, ou qu'elle trouve un obstacle insurmontable dans les urétères. Dans la seconde espèce, l'urine se ramasse dans la vessie, elle la distend, l'élève en tumeur, dont la circonscription imite sa figure, et qui présente une fluctuation plus ou moins apparente à l'hypogastre, excite des envies inutiles de pisser, des picotements dans la vessie ; ces signes distinguent l'ischurie vraie, légitime, de l'autre, dans laquelle on n'aperçoit aucun de ces symptômes, et au-contraire on sent un vide à la région de la vessie, et on y fait entrer inutilement la sonde, etc.

La même variété que nous venons d'observer dans la maladie, doit nécessairement se rencontrer dans les causes qui lui donnent naissance ; l'ischurie vraie est produite ou par le défaut de la faculté expulsive de la vessie, pour nous servir du langage très-juste des anciens, ou par des obstacles qui s'opposent à son effet, quoique d'ailleurs suffisant, ou par le concours de ces deux causes : 1°. la faculté expulsive n'est autre chose que le muscle de la vessie qui s'étend en forme d'éventail, principalement sur ses parties postérieures et supérieures, et qu'on a appelé la tunique musculaire, dont Morgagni défend vivement, et prouve très-bien l'existence contre Bianchi, Epistol. anat. 1. n °. 62. Mais ce muscle ne jouit de cette propriété de pouvoir chasser l'urine hors de la vessie, qu'autant qu'il est susceptible d'irritation, et capable de contraction : il peut perdre son irritabilité et sa contractilité par la paralysie des nerfs qui vont se répandre dans son tissu, à la suite des attaques ordinaires d'apoplexie, de paralysie générale, et surtout par la luxation des vertèbres inférieures du dos, comme Galien dit l'avoir Ve arriver, lib. de loc. affect. VI. cap. iv. et comme je l'ai observé moi-même sur un jeune homme qui se luxa l'épine en tombant de fort haut, qui ne put uriner pendant très-longtemps qu'au moyen de la sonde, et qui cependant ne mourut pas, quoique tous les autres s'accordent à dire que la mort suit constamment ces sortes de luxations. La vessie peut aussi devenir insensible dans un âge très-avancé en se racornissant ; la contraction du muscle excréteur peut être empêchée par la distension trop grande de la vessie qu'occasionnera une quantité considérable d'urines retenues volontairement par paresse, par décence, par modestie, ou par quelqu'autre raison semblable, toujours au-moins déplacée, pour ne pas descendre de cheval, ou d'une voiture, par exemple, pour ne pas sortir d'une église ou d'une compagnie, pour ne pas interrompre une affaire pressante, ou faute de trouver un endroit propre écarté du monde pour satisfaire à ce besoin, qui, étant naturel, ne doit rien avoir de honteux ; dans tous ces cas le muscle distendu au-delà du ton convenable, ne peut pas réagir sur l'urine, et à chaque instant la cause augmente, et l'ischurie s'affermit. Il arrive aussi dans quelques cas de délire et de léthargie, que le malade oubliant d'uriner, donne lieu à une congestion d'urine, et par conséquent à l'ischurie.

2°. Les obstacles qui peuvent empêcher l'effet de la contraction de la vessie ou l'excrétion de l'urine, doivent être placés au col de la vessie ou dans le canal de l'urethre ; le col ou l'orifice de la vessie peut être resserré et bouché par la constriction, l'inflammation du sphincter, par toute sorte de tumeurs qui obstruent au-dedans ou compriment au-dehors, par l'amas de mucosité, de pus, par des grumeaux de sang, et plus fréquemment par des graviers ou un calcul ; les carnosités qui naissent dans l'intérieur de l'urethre à la suite des gonorrhées virulentes inhabilement traitées, et qui peuvent grossir au point de remplir la capacité du canal, sont le vice le plus ordinaire, par lequel ce canal contribue à l'ischurie ; on pourrait ajouter l'imperforation de l'urethre ; mais il n'est pas d'usage qu'on donne le nom d'ischurie à la suppression d'urine, que cette cause produit dans les enfants nouveau-nés.

L'ischurie fausse a lieu, ou lorsqu'il ne se fait point dans les reins de secrétion, ou lorsque l'urine séparée ne peut pas pénétrer des reins, dans les urétères, ou de ces canaux dans la vessie ; les obstacles qui s'opposent à ce passage peuvent être des grumeaux de sang, des matières purulentes, et plus souvent des graviers, ce qui cause alors la colique néphrétique ; ce passage peut aussi être empêché par l'inflammation et les diverses tumeurs, soit de ces parties, soit des parties environnantes ; mais il est à-propos de remarquer que pour que la suppression d'urine soit totale, il faut que les deux reins ou urétères soient également affectés. La secrétion de l'urine est rarement suspendue par le vice des reins, ces organes sont presque passifs, ont peu d'action propre, ils ne font presque que l'effet d'un filtre ; ainsi à-moins qu'ils ne soient extrêmement resserrés par quelque passion subite, par une attaque de convulsion ou d'hystéricité, etc. ou qu'ils ne soient dans un relâchement total, ils n'empêchent pas la filtration de l'urine ; les causes les plus ordinaires sont les hydropisies où la sérosité est déterminée ailleurs, les fièvres ardentes où elle est dissipée, les sueurs immodérées, les dévoiements continuels qui la consomment, etc. cette secrétion est aussi empêchée quelquefois dans certaines fièvres malignes, où il y a beaucoup de symptômes nerveux, etc. et dans tous ces cas l'ischurie est appelée symptomatique.

A quelle cause que doive être attribuée l'ischurie, elle est toujours accompagnée d'un danger plus ou moins pressant, (voyez URINE, séméiotiq.) elle est mortelle, si elle dure plus de sept jours ; le tenesme, le hoquet, les vomissements urineux, une odeur urineuse qu'exhale le malade, sont les signes qui annoncent et préparent cette funeste terminaison ; il y a beaucoup plus à craindre de l'ischurie fausse, que de la vraie, elle est aussi plus rare ; celle qui vient par défaut de secrétion est encore plus fâcheuse. La matière des urines reste dans le sang, donne lieu à des hydropisies, ou excite des maladies plus graves et moins longues ; j'ai Ve survenir une fièvre maligne que la mort termina en peu de jours à la suite d'une fausse ischurie ; lorsqu'elle doit son origine à des graviers arrêtés dans les urétères ou dans le bassinet des reins, elle entraîne comme nous avons déjà dit, les symptômes douloureux d'une colique néphrétique, double accident qui rend le danger beaucoup plus prochain ; l'ischurie vraie qui est produite par un calcul arrêté au col de la vessie peut se dissiper assez aisément, en faisant changer de place à la pierre ; celle qu'a occasionné la paralysie du muscle excréteur, quoique pour l'ordinaire incurable, n'est pas dangereuse, parce qu'on peut artificiellement vider la vessie ; il n'en est pas de même de celle qui reconnait pour cause l'inflammation du sphincter de la vessie, ou des parties voisines, des tumeurs nées dans ces parties ou dans le canal de l'urethre, parce qu'avant qu'on soit venu à-bout de faire cesser l'action de ces causes, l'ischurie a eu le temps de devenir incurable.

C'est dans les maladies de cette espèce, que le fameux axiome principiis obsta, etc. doit être principalement suivi ; chaque instant qu'on tarde d'y apporter remède, aggrave la maladie et rend le secours moins efficace ; le but qu'on doit se proposer ici est de détruire la cause qui a produit et entretient l'ischurie ; comme ces causes varient, il faut examiner attentivement celle qui doit occuper, et lorsqu'on l'a exactement déterminée y diriger le traitement.

1°. L'ischurie fausse où il ne se fait point de secrétion pour l'ordinaire, symptôme d'une fièvre ardente ou maligne, doit suivre le traitement de la maladie de qui elle dépend, on peut seulement insister davantage sur les diurétiques, froids ou chauds, suivant les circonstances, sur les boissons abondantes, les tisanes nitrées, les lavements émolliens, etc. Quand elle est une suite de l'hydropisie, il faut avoir recours aux diurétiques un peu actifs, aux sels neutres ou alkalis fixes, aux lessives de cendres, aux sucs apéritifs de cerfeuil, de chien-dent, de persil, dans lesquels on écrase des cloportes, etc. voyez HYDROPISIE ; les diarrhées et les sueurs excessives doivent être combattues avec les remèdes qui leur sont propres, combinés avec ceux qui poussent par les urines.

2°. Lorsque la même espèce d'ischurie, jointe à la colique néphrétique est produite par de petits graviers arrêtés dans les conduits urinaires ou dans les urétères, il faut employer les remèdes indiqués dans la colique néphrétique et exposés à cet article ; les principaux sont la saignée, les bains ou demi-bains, les fomentations émollientes, les tisanes de même nature, les huileux et les narcotiques. Voyez NEPHRETIQUE, COLIQUE.

3°. Lorsque l'urine parvenue dans la vessie n'en peut pas sortir, soit par le défaut de la faculté expultrice, soit par des obstacles qui s'opposent à son action ; il faut, 1°. tâcher, comme nous l'avons dit, d'emporter la cause ; 2°. si l'on ne peut le faire assez promptement, procurer par l'art une issue à l'urine ; la paralysie de la vessie causée par la luxation de l'épine du dos est incurable ; celle qui succede à l'apopléxie et qui dépend des causes générales de paralysie, doit être combattue par les remèdes actifs spiritueux, nervins, et surtout par les vésicatoires, dont l'effet porte spécialement sur les voies urinaires qu'on a coutume d'employer dans les cas ordinaires de paralysie, voyez ce mot ; mais comme ce traitement est très-long et souvent infructueux, on est obligé de vider la vessie par le moyen de la sonde dont l'usage est d'autant plus convenable, qu'il peut se faire sans douleur et sans inconvénient. Si l'orifice de la vessie est bouché par des grumeaux de sang ou de pus, ou autres ; on peut avec la sonde les diviser et donner passage à l'urine qui peut en entraîner une partie, le même instrument est aussi très-convenable si c'est un calcul qui soit engagé dans le col de la vessie, en le repoussant ou le dérangeant, on fait cesser l'ischurie ; on peut aussi le faire changer de place, en faisant coucher le malade sur le dos et le secouant un peu rudement ; ce moyen est plus doux que la sonde, il doit toujours être tenté auparavant. Quand l'inflammation se joint au calcul, ou même qu'elle seule produit l'ischurie, l'usage de la sonde doit être banni, il ne peut qu'avoir de mauvais effets, il faut tâcher de faire cesser l'inflammation par quelques saignées, des fomentations émollientes, des légères injections, des boissons antiphlogistiques et autres secours qui conviennent à l'inflammation, voyez cet article ; les carnosités dans l'urethre empêchent aussi l'usage de la sonde, on ne peut les détruire que par les bougies, qu'il faut introduire légèrement et pousser tous les jours un peu ; mais si ces remèdes agissent trop lentement, l'ischurie est déjà invétérée ; s'il est à craindre qu'elle n'entraîne des accidents graves, ou même la mort, il faut avoir recours à des secours qui donnent promptement issue à l'urine amassée et qui se corrompt ; on peut essayer encore la sonde, surtout ayant soin de l'introduire avec beaucoup de précaution ; que le chirurgien se garde bien de vouloir déployer ses grâces et montrer une adresse déplacée, en se servant du tour qu'il appelle communément tour de maître, qui consiste à faire entrer la sonde dans l'urethre, en tournant la partie convexe du côté du ventre, et lorsqu'elle est ou qu'on la croit parvenue au verumontanum, à la détourner subitement et enfiler ainsi la vessie ; cette méthode me parait fautive, en ce que le chirurgien peut prendre une carnosité pour l'éminence qui doit le guider, qu'il entre trop précipitamment, qu'il risque de déchirer toutes ces parties enflammées et tendues, d'augmenter l'inflammation et d'occasionner la gangrene, et qu'il est enfin exposé à faire de fausses routes ; toutes ces considérations, s'il est capable de faire céder sa satisfaction à l'intérêt du malade, doivent l'engager à préférer la façon ordinaire de sonder, plus grossière et en même temps plus solide, à une méthode qui n'a que le vain et frivole mérite d'un peu plus d'élégance et de dextérité. Si enfin, on ne peut pas pénétrer par le moyen de la sonde dans la vessie ; il ne faut pas trop insister de peur d'irriter ces parties et de rendre l'engorgement plus considérable, il ne reste plus qu'un expédient qu'il faut absolument prendre ; quoiqu'il soit très-douteux, il rend incertaine une mort, qui à son défaut serait infailliblement et prochainement décidée ; je parle de la ponction au périnée, ou à l'hypogastre, c'est le cas de suivre l'axiome de Celse, melius est anceps quam nullum experiri remedium. Quelques auteurs vantent beaucoup dans ces cas désespérés, la vertu admirable de la pierre néphritique. Jacques Zabarella a guéri, suivant le rapport de Rhodius, Nicolas Trevisanus, professeur en médecine, d'une suppression d'urine en lui attachant au bras cette merveilleuse pierre ; dès que le malade l'eut, il rendit le calcul qui était la cause de sa maladie, et tant qu'il l'a portée, il n'en a plus ressenti aucune atteinte ; ce qui n'est pas fort étonnant, puisque la cause était emportée. Le même auteur rapporte, que André Schogargus, célèbre médecin de Padoue, éprouva dans un cas semblable le même effet de cette pierre dans un paysan, à la cuisse duquel il l'avait fait attacher. (Joann. Rhodius, observ. 30. centur. III.) Nicolas Monardes raconte des observations aussi surprenantes (lib. de simplic. medicam. ex novo orbe delatis.) Je suis très-persuadé que ces faits, quoiqu'attestés par des auteurs dignes de foi, trouveront encore beaucoup de lecteurs incrédules qui aimeront bien attribuer les guérisons, si elles sont vraies, à la confiance, aux remèdes pris antérieurement et à toute autre cause qu'à un remède, dont la manière d'agir est si opposée aux idées qu'ils ont ; ils ne manqueront pas de penser que les effets qui ont suivi l'application de ce remède, ont été beaucoup exagérés par les témoins ou intéressés, ou admirateurs enthousiastes, ou trompeurs, ou trompés ; et pour appuyer leur sentiment sur l'inefficacité d'un pareil amulete, ils pourront se fonder sur le témoignage de Luc Tozzi, qui assure avoir employé cette pierre plusieurs fois et toujours fort inutilement, et qui a la bonhommie de rejeter ce défaut de succès sur la falsification. (Medec. pract. part. II.)

Dysurie ou difficulté d'uriner. Le symptôme qui constitue cette maladie, est une excrétion pénible et douloureuse de l'urine, qui est le plus ordinairement jointe à un sentiment d'ardeur plus ou moins considérable, rapporté au col de la vessie et tout le long de l'urethre, d'où lui est aussi venu la dénomination familière d'ardeur d'urine.

Pour que la dysurie ait lieu, il faut ou que l'urine devienne plus irritante, ou que la sensibilité des parties par où elle passe augmente. Le premier vice mérite d'être accusé, 1°. lorsque le phlegme de l'urine se trouve en très-petite quantité et insuffisant pour délayer les parties huileuses et salines, qui seules sont capables d'irriter, c'est ce qui arrive surtout dans les hydropisies et dans les fièvres ardentes bilieuses ; 2°. lorsque l'urine se trouve chargée de molécules étrangères, de petits corps pointus anguleux, comme des graviers, du sable, des débris de calcul, un sédiment trop épais, et suivant l'observation de Sennert, une matière blanchâtre et laiteuse qu'on a pris mal-à-propos pour du pus, et dont la quantité est souvent si considérable, qu'elle remplit la moitié du pot-de-chambre.

Les causes qui rendent l'urethre et le col de la vessie plus sensibles, plus irritables, sont l'inflammation, l'exulcération, la tension excessive de ces parties ; la légère sensation, que faisait auparavant l'urine sur ces parties dans l'état naturel, devient alors si forte, si vive, qu'elle en est douloureuse. La douleur n'est le plus souvent qu'une sensation agréable portée à l'excès ; de même que le vice n'est fréquemment qu'une vertu qui a dépassé les bornes qui lui étaient prescrites. Cet état morbifique des parties mentionnées, est la suite et l'effet ordinaire des gonorrhées virulentes ; aussi la dysurie en est un symptôme constant ; elle est moins forte dans les femmes que dans les hommes, parce que dans ceux-ci, c'est l'urethre, et surtout la partie intérieure, que traverse l'urine, qui est affectée, qui est le siege de l'ulcère et de l'inflammation ; au-lieu que dans les femmes, la gonorrhée occupe les divers glandes du vagin quelquefois loin de l'urethre, mais jamais l'intérieur de ce canal. Souvent la dysurie succede aux gonorrhées, c'est surtout lorsqu'un chirurgien imprudent s'est servi pour arrêter l'écoulement d'injections astringentes, ou lorsqu'il reste des carnosités dans l'urethre. Un calcul raboteux engagé dans le col de la vessie peut aussi l'irriter, l'enflammer et l'ulcérer ; enfin, les cantharides appliquées à l'extérieur, ou prises intérieurement, exercent spécialement leur action sur les voies urinaires, sur la vessie, et augmentent considérablement la tension et la sensibilité, et sont aussi une cause très-fréquente de dysurie, lorsqu'on les laisse trop longtemps appliquées à l'extérieur, qu'elles mordent trop, ou qu'on en prend intérieurement une dose considérable, et qu'on insiste longtemps sur l'usage.

Cette maladie est pour l'ordinaire plus incommode que dangereuse ; rarement contribue-t-elle a accélérer la mort de ceux qui l'éprouvent, lorsqu'elle survient aux vieillards, surtout à ceux qui ont fait un grand usage du vin et des liqueurs spiritueuses ; elle n'est pas susceptible de guérison, et les accompagne jusqu'au tombeau. La dysurie, qui dépend d'autres causes, peut se guérir assez surement, quelquefois même avec assez de facilité.

Le traitement qui convient à la dysurie, ne saurait être uniforme et toujours le même dans les différents cas, il doit varier relativement aux causes auxquelles elle doit être attribuée ; il faut user d'autres remèdes quand l'urine est viciée, que quand c'est le vice des parties solides qu'il faut accuser, et les diversifier encore suivant les causes particulières. Ainsi, 1°. la dysurie qui dépend d'une altération d'urine que nous avons dit se rencontrer dans les fièvres ardentes et les hydropisies, doit être combattue par des remèdes qui déterminent à la vessie une plus grande abondance de sérosité. Les remèdes qui remplissent cette indication dans le premier cas, sont les diurétiques froids, les émulsions, les boissons abondantes, les tisanes acides nitreuses émulsionnées, le petit-lait, l'eau de poulet, etc. Dans le second, ce sont les diurétiques chauds, les sels lixiviels neutres ou alkalis, les insectes, etc. Voyez ISCHURIE.

Ces mêmes remèdes sont très-bien indiqués lorsque le sédiment de l'urine est trop épais et trop abondant ; mais lorsqu'il y a des graviers, il faut choisir les médicaments les plus appropriés pour les fondre, ou du-moins pour les chasser et en prévenir la formation : on les appelle lithontriptiques. Voyez ce mot. Dans cette classe, sont la verge d'or, la saxifrage, le bois néphrétique, la chaussetrape, la bouxerole, remède connu et usité depuis longtemps à Montpellier, et qu'on prétend donner aujourd'hui pour nouveau ; la térébenthine, les baumes, l'eau de chaux, dont j'ai éprouvé moi-même sur un malade calculeux l'efficacité, et j'ai appris qu'on ne doit point s'effrayer par la prétendue causticité que lui attribuent ceux qui ne l'ont jamais employée.

2°. La sensibilité de la vessie et de l'urethre portée à un trop haut point, indique en général les émolliens, calmants, anodins, narcotiques. On peut les employer extérieurement, intérieurement, et s'en servir en lavements et pour matière d'injections dans la vessie, qu'on fera avec beaucoup de circonspection ; les plus efficaces de cette classe, sont le nymphaea, les semences froides, les racines d'althaea, le lait, les semences de psyllium, etc. et si les douleurs sont trop vives, on en vient aux narcotiques, lorsqu'il y a inflammation, la saignée peut soulager. Dans les gonorrhées violentes, et surtout dans celles qu'on appelle cordées, où l'ardeur d'urine est excessive, on peut la diminuer un peu en plongeant la partie affectée dans l'eau, ou le lait tiedes. Les bains généraux sont aussi très-avantageux ; on tire du soulagement des émulsions prises en se couchant, auxquelles l'on ajoute du syrop de nymphaea, ou même de celui de pavot. Tous ces secours ne doivent point être négligés lorsque la dysurie est produite par un calcul anguleux qui irrite le col de la vessie ; mais ils ne peuvent que pallier le mal, ou en diminuer la violence : l'opération est le seul secours vraiment curatif. J'ai réussi avec l'eau de chaux à rendre cette excrétion plus facîle et moins douloureuse dans un homme qui avait la pierre : on pourrait aussi tenter le même remède avant de soumettre le malade à une opération cruelle et incertaine. Le lait est un remède spécifique dans la dysurie qui provient de l'application des cantharides : on peut donner le petit-lait, l'hydrogala, les liqueurs émulsives ; toutes ces préparations du lait sont constamment suivies du succès le plus prompt et le plus complet. Si la médecine possédait beaucoup de remède aussi efficaces, aussi surs que l'est le lait dans ce cas, le projet de l'immortalité deviendrait bien moins chimérique.

Strangurie ou excrétion d'urine goutte-à-goutte. Le nom de cette maladie en indique suffisamment la nature et le caractère ; on peut en compter deux espèces relativement aux accidents qui s'y joignent ; quelquefois la strangurie est accompagnée de beaucoup d'ardeur et de douleur, et des autres symptômes qui sont propres à la dysurie, dont elle ne diffère alors que par la manière dont se fait l'excrétion. (Voyez ci-devant DYSURIE.) Les causes sont à-peu-près les mêmes, les plus fréquentes sont un calcul engagé dans le col de la vessie, l'inflammation de cette partie et des carnosités dans l'urethre, qui se rencontrent avec une faiblesse, une atonie du sphincter ; cette espèce de strangurie est assez comparable au tenesme. Dans les deux cas, des efforts continuels et douloureux ne produisent qu'une excrétion très-modique ; d'autres fais, l'urine sort sans gêne et sans douleur, ou continuellement à mesure qu'elle se sépare, comme dans l'incontinence d'urine ; ce qui vient d'un relâchement total du sphincter, ou par intervalles, ayant eu le temps de se ramasser en certaine quantité ; alors la continuité du fil de l'urine est pour l'ordinaire rompue par des obstructions placées à la naissance de l'urethre, et par le rétrécissement du col de la vessie.

La première espèce de strangurie qui a les symptômes et les principes communs avec la dysurie, fournit à-peu-près le même pronostic, et exige les remèdes absolument semblables ; elle est un peu plus incommode, et même comme elle approche plus de l'ischurie, elle en devient aussi plus dangereuse. Hippocrate a remarqué que si la passion iliaque survenait à la strangurie, les malades mourraient dans sept jours, à moins que la fièvre ne fût excitée et suivie d'un flux abondant d'urines. (Aphor. 44. lib. VI.) Mais le même auteur a observé que la strangurie était quelquefois dans les maladies aiguës un signe très-favorable, une affection critique et salutaire. (Epidem. lib. I. stat. 2. &c.) Voyez URINE, (Séméiotiq.)

La seconde espèce de strangurie très-familière aux vieillards, n'est qu'incommode ; elle n'exige aucun remède, et élude l'efficacité de ceux qu'on verrait les plus appropriés ; ainsi, il faut les laisser vivre avec cette incommodité, plutôt que de les fatiguer inutilement par des drogues détestables, ou même les faire mourir plus tôt, en prétendant les en délivrer. Que de cas semblables se rencontrent dans la pratique où le médecin le plus officieux est souvent désagréable et quelquefois nuisible !

Diabetes ou flux abondant et colliquatif. Voyez DIABETES.

Incontinence d'urine. Cette maladie consiste dans une excrétion plus ou moins fréquente d'urine, faite sans aucun effort, et involontairement ; il y a des cas où l'urine s'échappe ainsi de la vessie, à mesure qu'elle y découle par les urétères ; cette secrétion se fait goutte à goutte, et forme une espèce de strangurie ; il y en a d'autres où l'urine après s'être ramassée pendant quelque temps, sort d'elle-même sans que le malade puisse la retenir, et sans qu'il ait le temps de prendre les précautions convenables ; il y en a enfin, et c'est le cas ordinaire des enfants, où l'excrétion d'urine involontaire ne se fait que pendant le sommeil.

Dans l'état de santé l'urine ne se ramasse dans la vessie que parce que son orifice est garni d'un sphincter, qui par sa contraction le ferme exactement, et bouche tout à fait l'issue à l'urine ; jusqu'à ce que la vessie soit distendue à un certain point par la quantité d'urine, et irritée par son acrimonie plus ou moins vive dans les différents sujets et les diverses circonstances, le muscle excréteur reste sans force et sans action. Pour qu'il se contracte il faut une certaine irritation, qui dans l'état naturel dépend plus de la quantité que de l'âcreté de l'urine ; alors la vessie diminue en capacité ; les forces, par la disposition des fibres musculaires, sont toutes dirigées vers l'orifice de la vessie ; elles sont aidées dans cette action par les muscles abdominaux contractés ; mais tous ces efforts seraient vains, si en même temps le sphincter relâché n'ouvrait le passage à l'urine, qui sort alors avec plus ou moins d'impétuosité ; mais tel est l'admirable structure de ces parties, que les mêmes efforts qui font contracter le muscle excréteur, procurent le relâchement du sphincter de la vessie ; quoique leur mécanisme, leur manière d'agir nous soient tout à fait inconnues, quoique nous ne sachions pas ce qu'il faut faire, et la façon dont il faut s'y prendre pour uriner : les efforts que nous faisons n'en sont pas moins soumis à l'empire de la volonté, il nous est libre de ne pas obéir pendant un plus ou moins long espace de temps au stimulus qui les exige et les détermine ; les femmes en général, y résistent moins longtemps que les hommes, elles sont obligées de satisfaire plus souvent à ce besoin ; elles sont aussi beaucoup plus sujettes qu'eux à l'incontinence d'urine. Cette maladie aura donc lieu lorsque le sphincter laissera ouvert l'orifice de la vessie, lorsqu'il cédera sans la participation de la volonté, à la simple pesanteur de l'urine, ou à la légère contraction du muscle excréteur ; ce qui arrivera lorsqu'il sera détruit totalement ou en partie par des ulcères, des déchirements, lorsqu'il sera relâché, paralytique, ou simplement privé de sa force, et de son ton ordinaire et naturel. Les ulcères qui détruisent le sphincter de la vessie, sont ordinairement vénériens ; il peut s'en trouver dépendants d'autres causes, et survenus à la suite d'une inflammation et d'une rétention d'urine. Les déchirements de cette partie ont principalement lieu chez les femmes ; les accouchements laborieux, ou la maladresse du chirurgien, en sont les causes les plus fréquentes ; la paralysie et le relâchement de ce muscle sont quelquefois produits par une chute sur le dos, comme l'ont observé Amatus Lusitanus, Benivenius, et Alphonsus Rhonius ; d'autrefois par les causes ordinaires de paralysie et de relâchement, dont l'action se porte principalement sur cette partie. J'ai vu, dans une femme, ce vice occasionné par la présence d'un calcul d'une grosseur prodigieuse dans la vessie, sans doute il avait produit cet effet en pesant continuellement sur le sphincter ; mais après que, par un de ces efforts surprenans de la nature, dont on voit peu d'exemples, la malade eut pour ainsi dire accouché avec les plus cuisantes douleurs, de cet énorme calcul, l'incontinence d'urine fut encore plus considérable ; le sphincter ayant été extrêmement dilaté, perdit absolument son ton et sa contractilité ; enfin la faiblesse du sphincter est un effet très-ordinaire de l'âge trop ou trop peu avancé ; les vieillards sont très-sujets à l'incontinence d'urine, et il est peu d'enfant qui dans les premières années de sa vie n'éprouve cette incommodité ; la faiblesse du sphincter qui l'occasionne n'étant pas porté à l'excès chez la plupart, il arrive que l'excrétion involontaire de l'urine, ne se fait que pendant le sommeil ; comme il s'en sépare beaucoup à cet âge, la vessie est bientôt surchargée, l'enfant profondément endormi ne sent pas l'aiguillon qui l'avertit de satisfaire à ce besoin ; le muscle excréteur trop distendu se contracte, le sphincter ne peut pas resister à cet effort et au poids de l'urine, il se relâche, l'urine sort à grands flots, inonde le lit de ce pauvre innocent, et lui prépare des châtiments d'autant plus cruels qu'ils ne sont pas mérités. Meres injustes, qui venez la main armée de verges visiter avec une exactitude inquiete le berceau de ces tendres victimes, et qui vous préparez à leur faire expier sous les coups leur prétendue faute, suspendez pour un moment ces coups, apprenez qu'il ne peut y avoir de faute sans la participation de la volonté, que ce qui vous en parait une, est une action très-indifférente, que c'est le symptôme d'une maladie que l'enfant ne peut pas plus empêcher, qu'un accès de fièvre ou de colique, et qui loin d'attirer votre courroux et vos châtiments, doit exciter votre tendresse et vos soins ; prenez garde d'ailleurs que ce ne soit pas l'avarice ou le déplaisir de voir gâter les meubles qui servent au lit de votre enfant, qui arme votre main, déguisé sous le prétexte plausible d'une correction nécessaire ; mais surtout pensez que si quelqu'un est coupable, c'est vous qui nourrissez trop mollement votre enfant, qui le gorgez de boissons aqueuses, qui ne lui laissez pas faire l'exercice convenable, et qui enfin négligez de lui procurer les remèdes appropriés.

L'incontinence d'urine n'est point une maladie grave ou dangereuse, elle n'est qu'une incommodité très-désagréable ; elle est pour l'ordinaire incurable, surtout chez les vieillards ; les enfants sont les seuls qui en guérissent parfaitement, et même avec assez de facilité, souvent par la seule force du tempérament que l'âge donne en augmentant, quelquefois par l'efficacité des secours que la médecine fournit.

Le peu de succès des remèdes ordinaires, administrés suivant les diverses indications, a fait recourir pour emporter cette maladie, à des médicaments singuliers, absurdes, qu'on a regardés comme très-appropriés dans tous les cas, sans avoir égard à la différence des causes, et qu'on a décorés du titre imposant de spécifique. Sous ce beau nom, ont paru successivement recommandés par différents auteurs, le gosier d'un coq roti, desseché et mis en poudre ; la vessie d'une chèvre, ou d'un sanglier, préparée de même, et donnée à la dose d'un gros dans un verre de vin rouge ; les parties génitales externes de la truie, cuites avec les choux pommés ; le poisson qui se trouve dans l'estomac des brochets, les cendres d'un hérisson, la gomme arabique, le styrax, la cire, la mirrhe, le calament, la menthe, le gland, le millepertuis, etc. mais de tous les remèdes de cette espèce, il n'y en a point qui ait eu plus de vogue, et qui soit si généralement vanté, que les souris qu'on fait manger roties, ou dont on donne la cendre ; mais ce remède est particulièrement destiné à guérir l'incontinence d'urine qu'éprouvent les enfants. Pline assure que de son temps on s'en servait avec succès (Histoire naturelle lib. XXX. cap. xv.) Dans une édition de Sérénus, cité par Gesner, on voit qu'il recommande :

Ex vino muris tritus (cinis) vel lacte capellae.

Benedictus Vermensis, Bayrus, Forestus, etc. rapportent des observations qui constatent cette vertu dans les souris. Ce dernier assure avoir Ve donner ce remède avec un très-grand succès, par les bonnes femmes de Delft (Schol. obs. 22. lib. XXV.). Dans la seconde année des éphémerides des curieux de la nature, il y a une observation encore plus remarquable, d'une fille âgée de dix-huit ans, qui était sujette dès son enfance à cette maladie, et dont les règles étaient encore suspendues, elle en fut parfaitement guérie en mangeant quelques souris roties, par le conseil d'une femme qui, pour l'engager à user de ce remède, lui raconta que son propre fils en avait éprouvé l'efficacité, et avait été délivré par ce moyen, d'une incontinence d'urine qui l'incommodait depuis quinze ans. Enfin tout le monde peut avoir Ve arriver, ou entendu raconter des histoires semblables. Après un si grand nombre d'observations décisives, et de témoignages authentiques, je ne vois pas trop comment on pourrait nier et méconnaître cette propriété dans les souris ; la manière dont elles opèrent cet effet est inconnue, j'en conviens : mais est-on fondé à rejeter un fait, parce qu'on a des lumières trop bornées pour en trouver la raison, et d'ailleurs est-on plus éclairé sur la façon d'agir des autres remèdes ? quoi qu'il en sait, ce remède est innocent, il n'y a aucun mauvais effet à en craindre ; les souris servent de nourriture ordinaire aux peuples de Calecut, et on mange en France, dans certaines provinces, les rats d'eau. Ainsi un médecin prudent, instruit que les plus ignorants peuvent donner de bonnes idées, ne dédaignera point ce remède parce qu'il est conseillé par les bonnes femmes, et pourra dans l'occasion en permettre, ou même en conseiller l'usage.

Il y a un autre remède plus merveilleux encore, et dont l'efficacité, quoique constatée par deux observations dont un médecin célèbre dit avoir été le témoin oculaire, est plus inexpliquable et plus douteuse ; c'est une amulete suspendue au col, faite avec la poudre d'un crapaud roti en vie dans un pot neuf. Henri de Heers rapporte qu'une femme étant attaquée d'une incontinence d'urine à la suite d'un accouchement laborieux, pendant lequel une accoucheuse maladroite lui avait déchiré le sphincter de la vessie, il n'oublia aucun remède pour la guérir de cette incommodité ; il réussit à dissiper quelques symptômes accidentels, mais il ne put jamais arrêter l'excrétion continuelle d'urine, c'est pourquoi il s'avisa de lui faire préparer un syphon d'argent dont la branche la plus courte allait dans la vessie, et l'autre d'environ quatre pouces aboutissait à une bouteille ; par ce moyen il détourna le cours de l'urine qui se faisait par le vagin ; et consolida les ulcères qui étaient dans cette partie ; cette femme ainsi soulagée, et n'ayant d'autre incommodité que le poids de la bouteille, ne s'attendait pas à une guérison plus complete ; elle pouvait en ôtant son syphon, recevoir les caresses de son mari, et étant devenue enceinte, elle accoucha très-heureusement. Henri de Heers l'ayant perdu de vue, la rencontra quelque temps après, et fut fort surpris de se voir rendre son syphon, et d'apprendre que la malade parfaitement guérie n'en avait plus besoin ; il en demanda la cause, et elle lui fit voir le petit sac pendu à son col, où était renfermée la poudre du crapaud ; sa surprise augmenta encore, n'ayant jamais ouï parler d'un semblable remède ; il assure qu'ayant eu l'occasion de s'en servir chez un marchand qui avait une incontinence d'urine, à la suite d'une opération de la taille mal faite, il vit avec étonnement le même miracle se répéter (Henric. ab Heers, obs. 14. lib. I.) ; nous n'avons rien à dire à cela sinon que fides sit penes autorem.

Si j'avais à traiter un malade attaqué de cette maladie, avant d'avoir recours à tous ces prétendus spécifiques, j'essayerais les remèdes qui pussent combattre les causes que je connaitrais ; je conseillerais l'opération de la taille à celui dans qui la maladie dépendrait du calcul ; les astringens spiritueux, aromatiques, pris intérieurement, ou administrés en vapeurs, en bains, en fomentations, en injections, et surtout les vésicatoires, à ceux qui auraient le sphincter de la vessie paralytique, ou dans un relâchement plus ou moins considérable ; les balsamiques dans le cas d'ulcère, etc. et je recommanderais aux mères dont les enfants seraient sujets à cette maladie, de s'abstenir des fouets, secours également cruels, inutiles, et déplacés, d'élever leurs enfants moins mollement, de leur laisser faire de l'exercice, de leur donner des aliments moins aqueux, moins relâchans, de leur faire boire un peu de vin, surtout ferré, d'avoir soin qu'ils aient toujours le ventre libre, parce que plus l'excrétion de sérosité aura lieu par les intestins, moins les urines seront abondantes ; et si ces secours sont insuffisans, je crois qu'on peut tirer plus d'utilité des fomentations aromatiques, astringentes, des légères injections, et de l'usage d'un vin aromatique ferré, du cachou, et de quelqu'autres astringens semblables.

Pissement de sang. Le mélange du sang avec les urines leur donne une teinte d'un rouge plus ou moins foncé, suivant la quantité et la qualité du sang, qui est le signe distinctif de cette maladie. Lorsque le sang est peu abondant, on risque de confondre l'urine sanguinolente, avec celle dont la rougeur dépend de la trop petite quantité de phlegme, ou du mélange d'un sédiment rouge et briqueté.

Pour éviter cette erreur, il n'y a qu'à laisser à l'urine le temps de déposer ; si elle contient du sang, il se ramassera en grumeaux, en filaments noirâtres, qui par l'agitation ne pourront plus se dissoudre dans l'urine ; au lieu que les sédiments d'une autre nature paraitront au fond du vaisseau en forme de poussière, plus ou moins ténue, et se remêleront facilement avec le reste de l'urine. On peut aussi dans la même vue filtrer de l'urine sur laquelle on a des doutes, à-travers un linge blanc, le sang se fera reconnaître par la couleur rouge qui s'y imprimera : les autres matières n'altéreront pas sa blancheur.

Après qu'on sera bien assuré de l'existence du pissement de sang, il faudra tâcher de remonter à son origine et à ses causes. Son origine peut varier d'autant de façons, qu'il y a de parties qui servent à la sécretion et à l'excrétion de l'urine ; les reins, les urétères, la vessie et l'urethre peuvent en être les différentes sources. On connait que le sang vient des reins, et qu'il est dû à la rupture d'un vaisseau, lorsqu'il sort tout-à-coup (Hippocrate, aph. 78. l. IV.) lorsqu'il est très-abondant, lorsqu'il est bien mêlé avec l'urine, que la couleur est d'un rouge clair, égale et uniforme. Cette excrétion d'ailleurs se faisant par un viscère peu sensible, n'est presque pas douloureuse. Le pissement de sang qui a cette source, est quelquefois occasionné par un effort critique, d'autres fois par la suppression des évacuations sanguines, des règles ou des hémorrhoïdes, comme le prouvent les observations d'Hercules Saxonin, de Rolfinckius, de Reiselius, etc. plus souvent encore par la présence d'un calcul anguleux dans les reins, surtout si le malade use de diurétiques chauds, des prétendus lithontriptiques, ou fait des exercices immodérés : de tous les exercices celui qui est le plus propre à exciter, même seul et sans la présence du calcul, une hémorrhagie rénale, c'est l'équittation, sans doute à cause de la compression des vaisseaux qui se répandent dans les fesses, les cuisses, et le périnée.

Rivière fait mention d'un homme de 50 ans qui pissait du sang toutes les fois qu'il montait à cheval, (centur. IIe observ. xiij.) le mouvement d'une voiture mal suspendue, surtout lorsqu'elle roule sur le pavé, ou dans des chemins raboteux, produit le même effet. Sydenham raconte qu'il était sujet au pissement de sang en conséquence d'un calcul dans les reins, qui se manifestait toutes les fois qu'il marchait trop longtemps, ou qu'il allait en carosse, à-moins qu'il ne prit des précautions pour prévenir cet accident (de mictu cruent. à calcul. renib. impact.) Les blessures dans les reins, les chutes, l'action trop vive des cantharides, l'usage continué d'aloès, peuvent aussi donner lieu à l'excrétion du sang par les reins. On peut encore ajouter ici les pissements de sang symptomatiques, qui surviennent quelquefois à la petite vérole, à la rougeole, à des fièvres malignes, et plus souvent aux pleurésies dorsales.

Lorsque les urétères fournissent le sang qui se mêle avec l'urine, c'est pour l'ordinaire en conséquence d'un calcul trop gros ou raboteux, qui traversant avec peine ces canaux, fait une solution de continuité dans les vaisseaux sanguins ; alors le malade sent une douleur aiguë à la région iliaque, et aux environs des reins, les urines sont moins abondantes, coulent avec peine, et sont chargées de graviers, et enfin on observe les divers symptômes de colique néphrétique.

Le pissement de sang doit être rapporté à la vessie, lorsqu'il est en petite quantité, par grumeaux, de couleur noirâtre ; lorsqu'il y a strangurie, douleur à l'hypogastre et au périnée ; lorsque ce sang se trouve mêlé avec du pus, avec des écailles, et qu'il exhale une odeur très-fétide, c'est un signe que la vessie est ulcérée (Hippocr. aphor. 80. et 81. l. IV.). Les causes ordinaires de cette hémorrhagie sont le calcul, l'espèce d'inflammation qu'on nomme systrophique, l'exulcération, la rupture de quelque vaisseau sanguin par un effort, une chute, etc. La vessie est sujette à une autre espèce d'hémorrhagie, dont Caelius Aurelianus fait mention, tract. de morb. chronic. Elle se fait par des espèces de tumeurs ou hémorrhoïdes, qui se forment au col de la vessie, comme dans le fondement, le vagin et la matrice. Cette évacuation se fait par intervalles, et est du nombre des pissements de sang périodiques, qu'Archigène a observés. Elle demande une grande attention, parce que augmentant peu-à-peu, elle devient enfin si considérable qu'elle jette le malade dans des syncopes fréquentes ; elle excite aussi des douleurs aiguës vers le pubis, et quelquefois ces tumeurs grossissent au point de gêner beaucoup, ou même d'intercepter tout à fait le passage de l'urine.

L'urethre est la source la moins ordinaire du pissement de sang, et ce n'est guère que dans le cas de gonorrhée virulente, très-vive et cordée, que la semence soit chargée de stries de sang, et se mêle avec l'urine ; il arrive quelquefois que le sang sort périodiquement par l'urethre, ou par les téguments de la verge, pur et indépendamment de l'excrétion des urines. Les hommes dans qui on observe cette évacuation, passent pour avoir leurs règles. On trouve dans le journal de Médecine, l'histoire d'un berger ainsi réglé, et dont le père et sept à huit frères, présentaient le même phénomène. Stalpart Vander Wiel rapporte plusieurs exemples semblables, observ. 80. centur. j. et Frédéric Hoffman assure avoir connu plusieurs personnes qui ont rendu pendant quelques semaines, dans des temps réglés, une grande quantité de sang pur par la verge, après avoir auparavant senti des douleurs dans les aines et dans les cuisses. Il y a lieu de présumer que cette évacuation périodique est une espèce de flux hémorrhoïdal, et qu'il se fait par le rameau qui des veines hémorrhoïdales externes Ve se distribuer dans la verge.

Le détail où nous venons d'entrer sur l'origine du pissement de sang, sur les causes qui l'excitent, et les symptômes qui accompagnent leur différente action, peut nous servir à en distinguer les différentes espèces, à connaître quand il est symptomatique ou critique, dangereux ou salutaire, à quelle cause il doit être attribué. Hoffman se trompe quand il prononce généralement que tout pissement de sang est dangereux ; cette assertion est plus fondée sur le raisonnement que sur l'observation. Hippocrate assure le contraire, et il a l'expérience pour lui ; il dit que lorsque le pissement de sang revient rarement, par intervalles et sans douleur, il est avantageux, qu'il termine et dissipe heureusement les lassitudes ; celui qui succede à la suppression des règles et des hémorrhoïdes, est aussi très-salutaire, il supplée à ces évacuations, et prévient les accidents que leur défaut entraînerait. Il n'est pas douteux que le pissement de sang au commencement des maladies, ne soit un symptôme fâcheux ; qu'il ne soit aussi à craindre lorsqu'il est occasionné par un calcul dans les reins, les urétères, la vessie ; lorsqu'il survient aux scorbutiques ; qu'il est la suite d'une extrême dissolution du sang, etc. et enfin lorsque l'hémorrhagie est trop abondante. Les signes qui nous indiquent que le danger est pressant, sont les nausées, les anxiétés, la petitesse, la fréquence et l'obscurité du pouls ; la faiblesse ; les défaillances, et les sueurs froides, etc. Voyez URINE (Séméiotique).

Le pissement de sang critique n'exige aucun remède ; celui qui est symptôme d'une autre maladie, n'en demande point de particulier ; il se guérit lorsque la maladie à laquelle il est survenu prend une bonne tournure, par les efforts de l'art ou de la nature. Le rétablissement des règles et des hémorrhoïdes est la seule indication qui se présente à remplir dans le pissement de sang qui succede à ces évacuations supprimées.

L'excrétion des calculs, des graviers engagés dans les reins, les urétères, ou le col de la vessie, est le seul secours efficace et vraiment curatif, lorsqu'il est dû à cette cause. Le repos, l'usage des émolliens en tisane, en injection, en lavement, en fomentation, en bain, ne sont que des adoucissants et des palliatifs qu'il ne faut pas négliger dans le paroxysme, et surtout quand il n'est pas possible d'employer la cure radicale. Les décoctions légères de symphitum, d'althaea, sont très-appropriées dans ce cas ; elles conviennent aussi très-bien lorsque le pissement de sang est dû à la rupture de quelque vaisseau à la suite d'une blessure, d'un effort, et qu'il y a beaucoup d'ardeur et d'inflammation ; la saignée est alors très-bien placée, et dès que les accidents sont calmés par ces secours, il faut recourir aux astringens plus forts, mêlés avec les vulnéraires. C'est sous ce point de vue qu'on emploie avec succès la millefeuille, la prêle, l'aigremoine, la lierre terrestre, le bursa pastoris, les sommités d'hypericum, les sucs d'ortie et de marguerite, extraits ensemble, etc. Si l'hémorrhagie est considérable, et qu'il soit à craindre que le malade n'y succombe, il ne faut pas balancer à employer les astringens les plus actifs, tels que l'alun, le sang de dragon, le bol d'Arménie, etc. Leur usage n'est pas sans inconvénient ; la crispation trop prompte qu'ils occasionnent, est une des causes fréquentes des ulcères qui succedent aux hémorrhagies des reins, des poumons et des autres parties. Mais la crainte de cet accident doit céder à l'assurance où l'on est d'une mort prochaine, si on ne les emploie pas. De deux maux il faut toujours éviter le pire ; et rien n'est plus conforme aux lois de la nature, que de s'exposer à faire un petit mal, lorsque cela est indispensablement nécessaire pour en éviter un plus grand. Si le danger n'est pas urgent, qu'on s'abstienne scrupuleusement de ces remèdes, ils sont inutiles ou dangereux.

Les personnes qui sont sujettes au pissement de sang, doivent pour prévenir le retour des paroxysmes, user des remèdes adoucissants, des laitages entremêlés de quelque opiate tonique martiale, et terminer leur traitement par l'usage des eaux minérales acidules ferrugineuses ; ils doivent observer un régime de vie très-sobre, éviter avec circonspection tout excès dans le vin et les plaisirs vénériens, faire peu d'exercice, et point du tout en voiture ou à cheval, avoir attention de ne pas trop se couvrir dans le lit, et de ne pas rester longtemps couchés sur le dos ; avec ces petites attentions on peut réussir à diminuer considérablement les accès, à les beaucoup éloigner, et même à les dissiper entièrement.

Pissement de pus. Le pus qui se trouve mêlé avec l'urine, peut avoir sa source dans quelqu'une des parties qui servent à sa sécrétion et à son excrétion, ou être apporté dans les reins de quelqu'autre partie avec la matière de l'urine ; le pissement de pus dépendant de la lésion des voies urinaires, succede ordinairement au pissement de sang, comme la phtisie succede à l'hémoptysie ; il est le signe et l'effet d'un ulcère ou d'un abscès dans les parties, et se reconnait par les signes qui ont précédé, savoir ou le pissement de sang ou les symptômes de l'inflammation, et la partie qui a été le siege de ces symptômes doit être censée la source du pissement de pus. Il y a beaucoup plus à craindre de cette excrétion lorsqu'elle vient d'un ulcère, que lorsqu'elle est fournie par un abscès ; dans le premier cas elle est peu susceptible de curation ; elle est bientôt suivie ou accompagnée de fièvre lente, maigreur, faiblesse, en un mot, de tous les symptômes de la phtisie, et se termine assez surement par la mort du malade ; dans le second cas, l'abscès étant vuidé, le pissement de pus peut cesser, et alors il a été plus favorable que nuisible ; il ne devient dangereux que lorsque l'abscès se renouvelle ou qu'il se change en ulcère ; c'est principalement par la quantité de pus qui est rendue tout-à-la-fais, qu'on peut juger qu'il a été fourni par un abscès ; on peut aussi tirer des éclaircissements des symptômes précédents et concomitants pour distinguer si le pissement de pus doit sa naissance à cette cause ou à un ulcère.

Lorsqu'on est bien assuré que c'est un abscès qui en est la source, on laisse agir la nature, ou on lui aide par des légers vulnéraires incisifs diurétiques, si le pus est trop épais et gluant ; et quand le pus a presque cessé de couler, on a recours aux balsamiques. Dans le cas d'ulcère, il n'y a rien de plus à faire que dans tous les autres ulcères intérieurs, voyez PHTHISIE, c'est-à-dire, il ne faut pas s'attendre à guérir par le seul usage du lait, mais il faut le couper avec les décoctions vulnéraires détersives, légérement diurétiques, insister plus longtemps sur l'usage des baumes ; on peut s'en servir indifféremment, leurs vertus sont toutes les mêmes ; le plus précieux et le plus vil n'offrent à l'analyse du chymiste éclairé et aux yeux du médecin observateur aucune différence remarquable. Les eaux sulphureuses de Bareges, de Cauterets, Bonnes, sont aussi dans ce cas très-appropriées.

Si le pus est par un effort critique apporté aux reins de quelqu'autre partie, de la poitrine, du foie, de la cuisse, etc. (ce qu'on connait par l'absence des signes qui caractérisent l'ulcère ou l'abscès des voies urinaires), il faut favoriser cette excrétion par les boissons abondantes peu chaudes, par l'usage des diurétiques un peu forts, des vulnéraires, des balsamiques ; on peut augmenter un peu l'action des reins, en appliquant des linges chauds, en faisant quelque friction sur les parties extérieures qui leur répondent. Ne serait-il pas à-propos de se servir, dans la même vue, des cantharides, le diurétique par excellence ? On aurait attention d'en modérer extrêmement les doses, et de n'en pas continuer trop longtemps l'usage.

Pissement de poils, pili-miction. Cette altération de l'urine qui consiste dans un mélange de petits corpuscules longs, déliés et semblables à des poils, était connue d'Hippocrate ; mais elle n'a reçu un nom particulier que du temps de Galien. Cet auteur dit " que les médecins modernes appellent du nom de trichiasis, , dérivé de , cheveux, une maladie dans laquelle on voit dans l'urine des espèces de poils qui sont pour l'ordinaire blancs ". Comment. in aphor. 76. lib. IV. Les observations de cette maladie étant très-rares, on est fort peu éclairé sur sa nature, ses causes, son siege et sa curation ; il y a lieu de penser que ces petits filets sont formés par l'adunation des parties muqueuses dans les tuyaux des reins ; c'est aussi dans ce viscère qu'Hippocrate en marque l'origine. Lorsqu'il se trouve, dit-il, dans l'urine épaisse des petites caroncules ou des espèces de poils, c'est aux reins qu'il faut chercher la source de cette excrétion. Aphor. 76, lib. IV. Il est peu nécessaire de faire observer combien est absurde l'idée de ceux qui prétendent que ces filaments sont de véritables cheveux formés dans les vaisseaux sanguins, et que tout le sang est particulièrement disposé à se convertir en cheveux. Voyez PLICA POLONICA. Tulpius parait donner dans cette idée ; il dit avoir observé un exemple mémorable du trichiasis périodique dans un jeune homme, qui pendant l'espace de quatre ans rendait tous les quinze jours une assez grande quantité de cheveux avec difficulté d'uriner et des anxiétés générales. " Chaque cheveu était, dit-il, de la longueur d'un demi-doigt, et quelquefois même de la longueur du doigt entier, mais ils étaient si couverts, si enveloppés de mucosité, que rarement les voyait-on à-découvert ; chaque paroxysme durait environ quatre jours, et hors de ce temps le malade était tranquille, bien portant, urinait sans douleur, et ne rendait aucun cheveu. " Observat. medic. lib. II. cap. xlij.

Horstius fait aussi mention de cette maladie (epist. medic. sect. V.) ; il nous apprend qu'un des remèdes les plus efficaces est l'esprit de térébenthine mêlé du syrop d'althaea : singulière combinaison !

On peut ajouter à ces altérations de l'urine celle qu'on a quelquefois observée produite par le mélange de différents corps étrangers, 1°. par des vers, telle était l'urine que Hehren-fried-hagen-dorn trouva dans un malade attaqué de la petite vérole, remplie de petits vermisseaux ailés qui nageaient et se remuaient en divers sens tant que l'urine resta chaude, et qui moururent dès qu'elle fut refroidie. Schenckius rapporte une observation semblable, et quelques auteurs tels que Platerus Ronssaeus, Edmundus de Meara et Rhodius assurent avoir Ve des vers sortir par le canal de l'urethre indépendamment de l'urine ; 2°. par des champignons, s'il faut ajouter foi à l'observation que rapporte Christianus Fréderic Germannus, d'un homme qui après avoir senti des douleurs très-vives à la région des reins et du diaphragme, rendit une grande quantité d'urine sanguinolente remplie de champignons qui imitaient la figure d'une cerise avec son pédicule ; le médecin de qui nous tenons cette histoire, assure les avoir ramassés dans le pot-de-chambre pour les conserver ; 3°. enfin, il y a plusieurs observations de personnes qui ont rendu avec les urines différents corps qu'ils avaient avallés, ou qui avaient été introduits dans le corps par d'autres voies. M. Nathanael Fairfax dit qu'une femme rendit en urinant une balle de plomb qu'elle avait avalée quelque temps auparavant pour se guérir de la passion iliaque. Act. philosoph. angl. ments. Octobr. 1668.

Olaus Borrichius raconte que la même chose est arrivée à un homme qui avait avalé des grains de plomb en mangeant du gibier, et qui les rendit avec l'urine. Un malade, suivant le rapport de M. Sigismond Elsholtz, ayant reçu un coup de fusil dans le ventre, rendit par les urines une petite balle de celles que nous appelons en français chevrotine. Voyez la bibliothèque pratique de Manget, tom. IV. lib. XIX. pag. 1006 et suiv.

Nous laissons aux théoriciens aisifs et jaloux de trouver des raisons par-tout, le soin d'expliquer comment ces corps étrangers ont pu se former, et surtout comment ils ont pu traverser tous les tuyaux si déliés qui se présentent à leur passage jusqu'à l'extrémité de l'urethre ; nous ne prétendons pas non plus redresser ceux qui ne concevant pas comment ces faits se sont passés, se croient fondés à les nier ; ne pouvant pas délier le nœud, ils le coupent. Nous nous contenterons de remarquer que ce ne sont pas les seuls faits qui soient inexplicables, et que la nature offre plus d'un mystère, lorsqu'on l'examine de près. (m)

URINE, s. f. (Teinture) l'urine est du nombre des drogues non colorantes, dont les Teinturiers se servent à préparer les étoffes avant de les mettre en couleur ; entr'autres usages, elle aide à fermenter et échauffer le pastel ; et on l'emploie aussi au lieu de chaux dans les cuves de bleu. On se sert quelquefois d'urine pour dégraisser les laines, les étoffes, et ouvrages faits de laine, comme draps, ratines, serges, etc. bas, bonnets, etc. mais l'on prétend que ce dégraissage est très-mauvais, qu'il préjudicie beaucoup aux marchandises, et l'on ne devrait y employer que du savon ou de la terre bien préparée. (D.J.)