Les effets manifestes de l'action plus modérée des remèdes échauffans, pour ne parler d'abord que des médicaments, doivent être de porter la chaleur animale à un degré intermédiaire, entre la chaleur naturelle et la chaleur fébrîle ; mais cet état qui serait l'échauffement proprement dit, n'a pas été assez exactement déterminé : et peut-être lorsqu'il se soutient pendant un certain temps, ne differe-t-il pas essentiellement de la fièvre.

Quoi qu'il en sait, ce n'est pas par l'augmentation réelle de chaleur que se détermine l'incommodité appelée communément échauffement. Un sentiment incommode de chaleur dans toute l'habitude du corps, ou dans diverses parties ; une disposition à la sueur, ou une sueur actuelle ; la soif plus ou moins pressante ; de fréquentes envies d'uriner, suivies d'une évacuation peu abondante d'urines rouges et foetides, et qu'on trouverait apparemment trop peu aqueuses ; la constipation, les démangeaisons de la peau, les rougeurs au visage, le saignement de nez, les paroxysmes vifs et douloureux d'hémorrhoïdes seches ; l'insomnie ou le sommeil leger, inquiet, et interrompu ; une pente violente et continuelle aux plaisirs de l'amour ; l'image la plus complete de ces plaisirs, souvent présentée dans les songes, avec ou sans émission de semence ; les érections fréquentes : voilà les symptômes qui constituent l'incommodité généralement connue sous le nom d'échauffement.

Les remèdes qui peuvent produire tous ces symptômes, ou le plus grand nombre, sont : les corps actuellement chauds, soit qu'on les prenne intérieurement, tels que l'eau, le thé, et les autres boissons de cette espèce, avalées très-chaudes ; soit qu'on les applique extérieurement, comme un bain très-chaud ; les vins et liqueurs spiritueuses, les alkalis volatils, animaux, et végétaux ; les sucs, les eaux distillées, les décoctions, les infusions, ou les extraits des plantes alkalines ; les plantes à saveur vive, analogue à celles des précédentes, comme ail, oignon, capucine, etc. les plantes aromatiques, âcres, ou amères ; les baumes, les huiles essentielles, les résines, et les gommes-résines ; les martiaux ou préparations du fer ; tous les vrais sudorifiques, et les diurétiques vraiment efficaces ; tous les aphrodisiaques reconnus, comme les cantharides, dont la dangereuse efficacité n'est pas douteuse, les truffes, les artichaux, les champignons, etc. s'il est vrai ce que le proverbe publie de la merveilleuse vertu de ces végétaux, les épispastiques, et les caustiques appliqués extérieurement. Voyez tous ces articles particuliers.

Tous les remèdes que nous venons de nommer, sont des échauffans légitimes ; ils en ont la propriété distinctive. Leur usage immodéré peut allumer la fièvre, et ils sont distingués par-là d'une foule de prétendus échauffans, connus dans les traités de matière médicale, et dans le jargon ordinaire de la Médecine, sous le nom d'incisifs, d'atténuans, de remèdes qui fouettent, qui brisent le sang et la lymphe, etc. Voyez INCISIF. Parmi ces remèdes chauds exactement altérants, presque tous indifférents, ou du moins sans vertu démontrée, aucun n'est peut-être plus gratuitement qualifié que l'écrevisse ou la vipere. Voyez ECREVISSE et VIPERE.

Quant aux aliments échauffans, on ne sait point encore par expérience qu'il y ait des aliments proprement dits, qui possèdent d'autre propriété que la qualité nutritive. Ainsi tout ce que les auteurs des traités de diete nous ont dit sur la qualité échauffante de la chair de certains animaux ; ce que des médecins d'une école très-célèbre pensent des bouillons de bœuf, qu'ils se garderaient bien de permettre dans les maladies aiguës ; ce qu'on nous raconte de la chair des vieux animaux, surtout des mâles des animaux lascifs : tout cela n'est pas plus réel, du moins plus constaté que les dogmes du galénisme sur la même matière. Voyez GALENISME et QUALITE.

Les aliments ne paraissent donc être réellement échauffans, que par les assaisonnements ; et le médecin peut, en variant ces assaisonnements, ou en les supprimant, prescrire un régime échauffant, rafraichissant, indifférent, etc.

Au reste, les aliments quels qu'ils soient, même considérés avec leurs assaisonnements, sont à-peu-près indifférents dans l'état sain, ou ils le deviennent par l'habitude ; ce n'est que dans la maladie, dans la convalescence, ou pour un sujet faible et valétudinaire, qu'il importe de défendre ou de prescrire des aliments échauffans. Voyez REGIME.

Outre les médicaments et les aliments, il est plusieurs autres causes d'échauffement auquel notre corps est exposé. Un climat chaud, un jour chaud, une saison chaude, un soleil brulant, en un mot la chaleur extérieure, échauffe réellement. Voyez CLIMAT, ETE, LEILLEIL. L'exercice violent échauffe, la veille échauffe, l'exercice vénérien échauffe, mais plus encore l'appetit vénérien non-satisfait, surtout lorsqu'il est irrité par la présence de certains objets, ou qu'il s'est emparé d'une âme livrée à toute l'énergie de ce sentiment dans une retraite oisive ; l'étude opiniâtre, la méditation profonde et continue échauffent ; le jeune échauffe ; les austérités, et surtout la flagellation, échauffent très considérablement ; le jeu échauffe ; les fréquents accès de plusieurs passions violentes échauffent, etc. Voyez tous ces articles particuliers, et CHALEUR ANIMALE CONTRE NATURE. Il faut observer que toutes les causes dont il s'agit ici, sont des échauffans proprement dits ; mais qui diffèrent des médicaments échauffans, en ce que l'action des premiers n'est efficace qu'à la longue, et qu'ils procurent aussi un échauffement plus constant, plus opiniâtre, un échauffement chronique : au lieu que l'action des derniers est plus prompte, et qu'ils produisent aussi un effet plus passager, une incommodité qu'on pourrait appeler aiguë, en la comparant à la précédente.

Les échauffans sont très-redoutés dans la pratique moderne (Voyez CHALEUR CONTRE NATURE), et jamais on ne s'avise de prescrire un échauffant comme tel ; l'effet échauffant n'est jamais un bien, un secours indiqué ; l'échauffement n'est pas un changement avantageux que le praticien se propose : c'est toujours un inconvénient inévitable, attaché à un secours utîle d'ailleurs.

Quant à la manière de remédier à l'effet excessif des échauffans, aux inconvénients qui suivent leur application, à l'échauffement maladif en un mot, voyez CHALEUR ANIMALE CONTRE NATURE. (b)