On a détaillé au mot HYDROPISIE, les signes et symptômes par lesquels on connaissait l'hydropisie ; mais il ne suffit pas que cette maladie soit caractérisée pour obliger à faire la ponction. Il faut que le bas-ventre contienne une certaine quantité de liquides, pour la faire surement, et que l'administration des remèdes internes capables d'évacuer les eaux ait été infructueuse : alors il faut avoir recours à un moyen plus efficace pour procurer la sortie des humeurs épanchées ; la Chirurgie prête ici son secours au médecin, qui y trouve une ressource que la vertu des médicaments lui avait promise en vain. On s'assure de la collection des eaux par la plénitude du ventre, jointe à tous les signes rationnels qui annoncent l'hydropisie du bas-ventre, et par des signes moins équivoques qui annoncent la fluctuation, en appliquant à un côté du ventre, et frappant modérément le côté opposé pour sentir la colonne d'eau. Voyez FLUCTUATION et ONDULATION.

Lorsque l'opération est déterminée, il s'agit de savoir dans quel endroit on doit la pratiquer. On peut établir ici d'après l'expérience et les meilleures observations, un lieu de nécessité et un lieu d'élection. Si l'ombilic formait une tumeur aqueuse, comme cela s'est Ve quelquefois, quoique très-rarement ; il serait à propos de percer la peau dans cet endroit, parce que par la seule ouverture de la peau on procurerait l'issue des eaux épanchées. Les personnes attaquées d'une hernie inguinale ou complete , et qui deviennent hydropiques, ont une tumeur aqueuse ; le fluide épanché passe dans le sac herniaire. La ponction des téguments et de la portion du péritoine, procurera la sortie des eaux plus avantageusement que la perforation de toutes les parties contenantes dans le lieu d'élection, qu'on a fixé précisément au milieu et un peu au-dessous de la ligne qui serait tirée de l'ombilic, à l'épine antérieure et supérieure de l'os des iles.

Si la maladie a pour cause l'obstruction du foie, on préfère le côté gauche pour l'opération ; et vice versâ si la rate était gonflée, ou qu'il y eut quelque skirrhe du côté gauche.

Pour pratiquer l'opération dans le lieu ordinaire, on avait coutume de faire asseoir le malade dans un fauteuil : dans cette attitude les eaux se portent dans la partie inférieure du bas-ventre et remplissent le bassin ; il n'est pas possible de tirer la plus grande partie de ce qui se trouve au-dessous du niveau de la canule. Il est plus à propos de faire coucher le malade sur le bord de son lit un peu panché du côté où l'on opère ; dans cette attitude on remarque, 1°. qu'avec l'attention de presser mollement la circonférence du ventre également dans tous ses points à mesure que l'eau coule, on met presqu'à sec la cavité qui la contenait ; 2°. que le malade éprouve un soulagement marqué à mesure que son ventre se débarrasse, et qu'on ne voit jamais survenir ces défaillances et ces syncopes effrayantes qui ont porté les auteurs à prescrire qu'on doit tirer l'eau à plusieurs reprises ; précepte inutîle par l'absence des causes qui y avaient donné lieu, et précepte dangereux, puisqu'il faudrait ou réitérer les ponctions, ce qui ne serait pas sans inconvénient, ou laisser une canule dont le séjour attirerait des inflammations et autres accidents fâcheux.

Lorsque le malade est situé convenablement, un aide applique les deux mains sur la partie du ventre opposée à celle où se doit faire la ponction ; afin de pousser la plus grande partie des eaux de ce côté, et éloigner par-là les parois du ventre des parties qu'elles contiennent, pour mettre ces parties à l'abri de la pointe du trocar. Alors le chirurgien qui a eu le soin d'examiner avec attention, avant que de venir au lit du malade, si le poinçon d'acier de son instrument n'est pas rouillé dans la canule, et qui a graissé la pointe de l'instrument armé de sa canule, pour qu'il perce avec plus de facilité et en causant moins de douleur, le chirurgien, dis-je, tend la peau dans l'endroit désigné avec le doigt index et le pouce de la main gauche ; et tenant le manche du trocar dans la main droite, le doigt index de cette main étendu sur la canule, pour fixer la longueur de l'instrument qui doit pénétrer dans la cavité du ventre, il le plonge en perçant les parties contenues jusqu'à-ce qu'il sente que la pointe est dans le fluide épanché. Il prend la canule avec les doigts de la main gauche, et retire le poinçon avec la droite. Les eaux sortent par la canule. Si quelque partie flottante contenue dans le bas-ventre se présentait à l'extrémité de la canule, et empêchait les eaux de sortir librement, on éloigne l'obstacle avec une sonde boutonnée qu'on introduit dans la canule.

Quand on a tiré les eaux avec les attentions que nous avons indiquées plus haut, il faut ôter la canule : pour cet effet on applique deux doigts de la main gauche sur la peau de chaque côté de la canule, qu'on retire facilement avec la main droite, en prenant la précaution de lui faire décrire un demi-tour.

Après l'opération on applique sur l'ouverture une petite compresse trempée dans de l'eau-de-vie, et par-dessus une compresse d'un demi-pié en carré, à sec ou trempée dans du vin chaud, et on la soutient par un bandage de corps suffisamment serré.

L'opération de la paracentèse ne remédie qu'à l'épanchement actuel, et ne dispense pas de l'usage continué des remèdes capables de détruire les causes de l'hydropisie, et d'empêcher un nouvel amas de matières. Si ces causes ne sont pas de nature à céder aux remèdes les mieux indiqués, la paracentèse est un secours palliatif qui prolonge la vie des malades, souvent pendant plusieurs années, en les empêchant d'être suffoqués par la plénitude, et en préservant les viscères de l'atonie qu'ils contracteraient en baignant continuellement dans un fluide épanché contre l'ordre naturel. Il y a des personnes à qui l'on a fait quatre-vingt fois la ponction en dix-huit mois. Quelques personnes ont été guéries radicalement après avoir été percées trois ou quatre fais, quoiqu'elles n'eussent observé aucun régime, ni voulu s'assujettir à l'usage d'aucun remède. On n'approuve pas de telles dispositions dans les malades, mais sans se rendre garant d'une pareille conduite, les faits qui nous l'ont fait connaître peuvent être regardés comme des témoins bien surs de l'utilité de l'opération de la paracentèse. Les auteurs de réputation qui ont prétendu décrier cette opération, sans laquelle les meilleurs remèdes n'opereraient souvent aucun fruit, ont imprimé par cette fausse prévention une tache à leur nom dans la mémoire des gens raisonnables.

On a donné le nom de paracentèse à toutes les opérations qui s'exécutent par le moyen du trocar, et même par le bistouri, lorsqu'on fait une ouverture pour tirer un fluide quelconque épanché dans les cavités naturelles. L'incision du ventre pour un épanchement sanguin ou purulent, et l'opération de l'empyeme à la poitrine, ont été appelés du nom de paracentèse ; l'étymologie autorise ces dénominations. On fait la ponction au scrotum avec le trocar dans l'hydropisie particulière de ce sac. Voyez HYDROCELE.