Ces arbrisseaux croissent promptement, sont très-robustes, réussissent en toutes terres, à toutes expositions, et se multiplient très-aisément. Le plus court moyen d'y parvenir, est de coucher des branches plutôt en automne qu'au printemps, parce qu'elles font peu de racines, ce qui oblige à les aider en marcottant la branche, en y rapportant un peu de bonne terre, et en ne négligeant pas d'arroser dans les sécheresses. Avec ces précautions, il se fera des racines suffisantes pour la transplantation l'automne suivant. On peut encore les faire venir de boutures, qui réussiront plus surement si on les coupe avec un peu de vieux bois, et si on les fait en automne, parce que ces arbrisseaux commencent à pousser dès le mois de Décembre. Ils se plaisent surtout dans un terrain frais et leger, et à l'exposition du nord, où ils ne sont pas si souvent infectés de pucerons, auxquels la plupart de ces arbrisseaux ne sont que trop sujets ; mais comme ces insectes s'attachent toujours aux plus jeunes rejetons, on y remédie en quelque sorte par la taille.

Espèces et variétés du chevrefeuille. 1°. Le chevrefeuille précoce. Les Anglais l'appellent chevrefeuille de France ; il fleurit dès la fin d'Avril.

2°. Le chevrefeuille romain. La fleur parait au commencement du mois de Mai.

Ces deux espèces ne sont pas tant estimées que les autres, parce que leurs fleurs passent vite, et qu'ils sont trop sujets à être attaqués de pucerons qui couvrent entièrement ces arbrisseaux, dès que les premières chaleurs de l'été se font sentir, et les dépouillent de leurs feuilles ; en sorte que pendant le reste de l'année ils ne font plus qu'un aspect desagréable, qu'on leur passe toujours, en considération de ce que leurs fleurs sont très-printanières.

3°. Le chevrefeuille blanc d'Angleterre. Ses fleurs viennent à la mi-Mai.

4°. Le chevrefeuille rouge d'Angleterre. Sa fleur, qui parait à la fin de Mai, est blanche en-dedans et rouge en-dehors.

Ces deux espèces se trouvent dans les haies en plusieurs endroits d'Angleterre ; leurs tiges sont plus menues et plus faibles que dans les autres espèces ; aussi sont-elles plus sujettes à s'incliner et à trainer sur terre. M. Miller dit que c'est la principale cause qui a fait négliger de les admettre dans les jardins.

5°. Le chevrefeuille à feuille de chêne, ainsi nommé de ce que sa feuille a sur les bords des sinuosités irrégulières, qui lui donnent quelque ressemblance avec la feuille du chêne. C'est une variété du chevrefeuille blanc d'Angleterre, qu'on a découverte dans les haies de ce pays-là, mais qu'on y trouve rarement ; c'est au reste ce qui en fait tout le mérite.

6°. Le chevrefeuille panaché à feuille de chêne. C'est une autre variété plus curieuse que belle.

7°. Le chevrefeuille blanc d'Angleterre à feuille panachée de jaune. C'est encore une autre variété dont il ne parait pas qu'on fasse grand cas.

8°. Le chevrefeuille d'Allemagne. Cette espèce se trouve communément en Bourgogne, dans les bois et dans les haies : elle n'en mérite pas moins la préférence sur celles qui précèdent. Ses fleurs, qui viennent en gros bouquets, durent très-longtemps ; elles commencent à paraitre à la mi-Juin, et continuent jusqu'aux gelées ; et l'arbrisseau est très-rarement attaqué par les pucerons. Il pousse de plus longs rejetons que les autres espèces ; mais il donne moins de fleurs. Si on veut les ménager, il faudra s'abstenir de raccourcir ses branches, jusqu'à ce que la fleur soit passée.

9°. Le chevrefeuille rouge tardif. C'est une des plus belles espèces du chevrefeuille, et l'arbrisseau le plus apparent qu'il y ait en automne, temps où il y en a bien peu d'autres qui fleurissent. Il produit au bout de chaque branche plusieurs bouquets de fleurs bien garnis, qui s'épanouissent presque tous à la fais, et qui font un bel aspect pendant environ quinze jours.

10°. Le chevrefeuille toujours verd. C'est encore une très-belle espèce de chevrefeuille, qui avec ce qu'il ne quitte pas ses feuilles pendant l'hiver, produit les plus belles fleurs et en grande quantité. Elles paraissent au commencement de Juin, et continuent souvent jusqu'en automne ; il en parait encore quelques bouquets au mois d'Octobre, et jusqu'aux gelées. La branche couchée est la voie la plus sure pour multiplier cette espèce, qui ne réussit de bouture que très-difficilement. Etant originaire d'Amérique, il se trouve un peu plus délicat que les autres espèces ; les grands hivers lui causent quelque dommage lorsqu'il est placé à une situation trop découverte ; mais il est fort rarement attaqué des pucerons.

11°. Le chevrefeuille de Canada. Sa fleur est petite et de peu d'apparence.

12°. Le chevrefeuille de Candie. On n'en sait guère que ce qu'en a dit Tournefort ; que ses feuilles ressemblent à celles du fustet ; et que sa fleur, qui n'a point d'odeur, est en partie blanche, en partie jaunâtre.

13°. Le chevrefeuille de Virginie. C'est l'un des plus beaux arbrisseaux qui résistent en pleine terre dans ce climat. Ses fleurs jaunes en-dedans, et d'une couleur écarlate, vive, fine, et brillante au-dehors, paraissent au commencement de Mai, continuent avec abondance tout l'été, et il en reparait encore quelques-unes en automne, qui durent jusqu'aux gelées. Il croit très-promtement ; il résiste aux plus cruels hivers ; il s'accommode de tous les terrains et de toutes les expositions ; il garnit très-bien une palissade, et je l'ai Ve s'élever jusqu'à 15 pieds. On lui donne encore le mérite de garder ses feuilles pendant l'hiver, mais je n'ai pas trouvé qu'il conservât cette qualité en Bourgogne, sinon dans sa première jeunesse. Il se multiplie très-aisément, et tout aussi bien de bouture que de branches couchées. Il suffira de ne les coucher qu'au printemps, et on pourra différer jusqu'en été à faire les boutures. Ces moyens réussiront également ; et les plants se trouveront en état d'être transplantés l'automne suivante ; car cet arbrisseau se fournit de quantité de racines, et avec la plus grande facilité, même dans le sable et sans arrosements. Il ne lui manque que l'agrément d'avoir de l'odeur, au moins n'en a-t-il point de desagréable ; on peut dire même qu'il n'en a aucune. Il est un peu sujet aux pucerons dans les étés trop chauds, et lorsqu'il est placé au midi. (c)

CHEVREFEUILLE, (Matière médicale). On attribue à toutes les parties du chevrefeuille la vertu diurétique. Le suc exprimé des feuilles est vulnéraire et détersif : on le recommande pour les plaies de la tête, la gratelle, et les autres vices de la peau. On emploie la décoction des feuilles en gargarisme, pour les maladies des amygdales, l'inflammation de la gorge, les ulcérations, et les aphtes.

L'eau distillée des fleurs de cette plante est utîle pour l'inflammation des yeux ; et Rondelet l'estime fort pour accélerer l'accouchement, surtout si on fait prendre un gros de graine de lavande en poudre, avec trois onces de cette eau. Geoffroi, mat. méd.