Les écrits de cet auteur sont très-rares, et le mélange perpétuel de Géométrie, de Théologie, de Physique, de Mathématique et de Poésie en rend la lecture pénible. Voici les principaux axiomes de sa Philosophie.

Ces astres que nous voyons briller au-dessus de nos têtes sont autant de mondes.

Les trois êtres par excellence sont Dieu, la nature et l'homme. Dieu ordonne, la nature exécute, l'homme conçoit.

Dieu est une monade, la nature une mesure.

Entre les biens que l'homme puisse posséder, connaître est un des plus doux.

Dieu qui a donné la raison à l'homme, et qui n'a rien fait en vain, n'a prescrit aucun terme à son usage.

Que celui qui veut savoir commence par douter ; qu'il sache que les mots servent également l'ignorant et le sage, le bon et le méchant. La langue de la vérité est simple ; celle de la duplicité, équivoque ; et celle de la vanité, recherchée.

La substance ne change point ; elle est immortelle, sans augmentation, sans décroissement, sans corruption. Tout en émane et s'y résout.

Le minimum est l'élément de tout, le principe de la quantité.

Ce n'est pas assez que du mouvement, de l'espace et des atomes ; il faut encore un moyen d'union.

La monade est l'essence du nombre, et le nombre un accident de la monade.

La matière est dans un flux perpétuel, et ce qui est un corps aujourd'hui, ne l'est pas demain.

Puisque la substance est impérissable, on ne meurt point ; on passe, on circule, ainsi que Pythagore l'a conçu.

Le composé n'est point, à parler exactement, la substance.

L'ame est un point autour duquel les atomes s'assemblent dans la naissance, s'accumulent pendant un certain temps de la vie, et se séparent ensuite jusqu'à la mort, où l'atome central devient libre.

Le passage de l'âme dans un autre corps n'est point fortuit ; elle y est prédisposée par son état précédent. Ce qui n'est pas un n'est rien.

La monade réunit toutes les qualités possibles ; il y a pair et impair, fini et infini, étendue et non étendue, témoin Dieu.

Le mouvement le plus grand possible, le mouvement retardé, et le repos, ne sont qu'un. Tout se transfère ou tend au transport.

De l'idée de la monade on passe à l'idée du fini ; de l'idée du fini à celle de l'infini, et l'on descend par les mêmes degrés.

Toute la durée n'est qu'un instant infini.

La résolution du contenu en ses parties est la source d'une infinité d'erreurs.

La terre n'est pas plus au milieu du tout qu'aucun autre point de l'univers. Si l'espace est infini, le centre est par-tout et nulle part, de même que l'atome est tout et n'est rien.

Le minimum est indéfini. Il ne faut pas confondre le minimum de la nature et celui de l'art ; le minimum de la nature et le minimum sensible.

Il n'y a ni bonté ni méchanceté, ni beauté ni laideur, ni peine ni plaisir absolus.

Il y a bien de la différence entre une qualité quelconque comparée à nous, et la même qualité considérée dans le tout : de-là les notions vraies et fausses du bien et du mal, du nuisible et de l'utile.

Il n'y a rien de vrai ni de faux pour ceux qui ne s'élèvent point au-delà du sensible.

La mesure des sensibles est variable.

Il est impossible que tout soit le même dans deux individus différents, et dans un même individu dans deux instants. Comptez les causes, mais surtout ayez égard à l'influ et à l'influence.

Il n'y a de plein absolu que dans la solidité de l'atome, et de vide absolu que dans l'intervalle des atomes qui se touchent.

La nature de l'âme est atomique ; c'est l'énergie de notre corps, dans notre durée et dans notre espace.

Pourquoi l'âme ne conserverait-elle pas quelqu'affinité avec les parties qu'elle a animées ? Suivez cette idée, et vous vous reconcilierez avec une infinité d'effets que vous jugez impossibles pendant son union avec le corps et après qu'elle en est séparée.

L'atome ne se corrompt point, ne nait point, ne meurt point.

Il n'y a rien de si petit dans le tout qui ne tende à diminuer ou à s'accroitre ; rien de bien qui ne tende à empirer ou à se perfectionner ; mais c'est relativement à un point de la matière, de l'espace et du temps. Dans le tout il n'y a ni petit ni grand, ni bien ni mal.

Le tout est le mieux qu'il est possible ; c'est une conséquence de l'harmonie nécessaire et de l'existence et des propriétés.

Si l'on réfléchit attentivement sur ces propositions, on y trouvera le germe de la raison suffisante, du système des monades, de l'optimisme, de l'harmonie préétablie, en un mot, de toute la philosophie léibnitienne.

A comparer le philosophe de Nole et celui de Leipsick, l'un me semble un fou qui jette son argent dans la rue, et l'autre un sage qui le suit et qui le ramasse. Il ne faut pas oublier que Jordan-Brun a séjourné et professé la Philosophie en Allemagne.

Si l'on rassemble ce qu'il a répandu dans ses ouvrages sur la nature de Dieu, il restera peu de chose à Spinosa qui lui appartienne en propre.

Selon Jordan Brun, l'essence divine est infinie. La volonté de Dieu, c'est la nécessité même. La nécessité et la liberté ne sont qu'un. Suivre en agissant la nécessité de la nature, non-seulement c'est être libre, mais ce serait cesser de l'être que d'agir autrement. Il est mieux d'être que de ne pas être, d'agir que de ne pas faire : le monde est donc éternel ; il est un ; il n'y a qu'une substance ; il n'y a qu'un agent ; la nature, c'est Dieu.

Notre philosophe croyait la quadrature du cercle impossible, et la transmutation des métaux possible.

Il avait imaginé que les cometes étaient des corps qui se mouvaient dans l'espace, comme la terre et les autres planètes.

A dire ce que je pense de cet homme, il y aurait peu de philosophes qu'on put lui comparer, si l'impétuosité de son imagination lui avait permis d'ordonner ses idées, et de les ranger dans un ordre systêmatique ; mais il était né Poète.

Voici les titres de ses ouvrages. 1. La cène de la cineri. 2. De umbris idearum. 3. Ars memoriae. 4. Il candelago, comedia. 5. Cantus circaeus ad memoriae praxin ordinatus. 6. De la causa, principio, ed uno. 7. De l'infinito, universo e mondi. 8. Spaccio del la bestia triomfante. 9. Cabala del cavallo pegaseo con l'aggiunte dell'asino cillenico. 10. De gli heroïci furori. 11. De progressu et lampade venatoriâ logicorum. 12. Acratismus, sive rationes articulorum Physicorum adversus Aristotelicos. 13. Oratio valedictoria ad professores et auditores in academia Witebergensi. 14. De specierum scrutinio et lampade combinatoriâ Raimondi Lully. 15. Oratio consolatoria habita in academia Julia in fine exequiarum principis Julii, ducis Brunsvicensium. 16. De triplici minimo et mensurâ. 17. De monade, numero et figurâ, consequents quinque de minimo, magno et mensurâ, item de innumerabilibus, immenso et infigurabili, seu de universo et mundis. 18. De imaginum, signorum et idearum compositione. 19. Summa terminorum Metaphysicorum ad capessendum Logicae et Metaphysicae studium. 20. Artificium perorandi.

Il cite lui-même quelques autres ouvrages qu'on n'a point, comme le Sigillum sigillorum, et les livres de imaginibus, de principiis rerum, de sphaera, de Physicâ, magiâ, &c.

Ses juges firent tout ce qu'il était possible pour le sauver. On n'exigeait de lui qu'une rétractation ; mais on ne parvint jamais à vaincre l'opiniâtreté de cette âme aigrie par le malheur et la persécution, et il fallut enfin le livrer à son mauvais sort. Je suis indigné de la manière indécente dont Scioppius s'est exprimé sur un événement qui ne devait exciter que la terreur ou la pitié. Sicque ustulatus miserè periit, dit cet auteur, renuntiaturus, credo, in reliquis illis quos finxit mundis, quonam pacto homines blasphemi et impii à romanis tractari solent. Ce Scioppius avait sans doute l'âme atroce ; et il était bien loin de deviner que cette idée des mondes, qu'il tourne en ridicule, illustrerait un jour deux grands hommes.