Ce ne fut que l'an de Rome 580, que les jeux floraux devinrent annuels à l'occasion d'une stérilité qui dura plusieurs années, et qui avait été annoncée par des printemps froids et pluvieux. Le sénat pour fléchir Flore et obtenir de meilleures récoltes à l'avenir, ordonna que les jeux de cette divinité fussent célébrés tous les ans régulièrement le 28 d'Avril, ce qui eut lieu jusqu'au temps qu'ils furent entièrement proscrits. Le decret du sénat commença d'être exécuté sous le consulat de Postumius et de Laenas. Le fonds consacré aux frais des jeux floraux, fut tiré des amendes de ceux qui s'étaient appropriés les terres de la république.

On les célébrait la nuit aux flambeaux dans la rue Patricienne ; et quelques-uns prétendent que le cirque de la colline hortulorum, y était uniquement destiné. On y donna au peuple la comédie entre plusieurs autres plaisirs de ce genre. Si l'on en croit Suétone dans la vie de Galba, et Vopiscus dans celle de Carin, ces princes y firent paraitre des éléphans qui dansaient sur la corde. Mais le dérèglement dans les mœurs, caractérisait proprement les jeux floraux. C'est assez pour s'en convaincre, que de se rappeler qu'on y rassemblait les courtisannes toutes nues au son de la trompette ; et quoique S. Augustin ait foudroyé avec raison un spectacle si honteux, Juvénal en dit autant que lui dans ces quatre mots : Dignissima prorsùs florali matrona tubâ.

Ovide se contente de peindre les jeux floraux sous les couleurs de cette galanterie, dont il donne dans ses écrits de si dangereuses leçons. La déesse Flore, dit-il, voulait que les courtisannes célébrassent sa fête, parce qu'il est juste d'avertir les femmes qu'elles doivent profiter de leur beauté, pendant qu'elle est dans sa fleur ; et que si elles laissent passer le bel âge, elles seront méprisées comme une rose qui n'a plus que ses épines : morale toute semblable à celle de nos opéra

Où sont les noms honteux d'erreur et de faiblesse ;

Notre devoir est combattu,

Et l'exemple des dieux y fait à la jeunesse

Un scrupule de la vertu.

Valere Maxime rapporte que Caton s'étant un jour trouvé à la célébration des jeux floraux, le peuple plein de considération pour un homme si respectable, eut honte de demander en sa présence le spectacle des infames nudités de ce jour-là : Favonius lui ayant représenté les égards extraordinaires qu'on avait pour lui, il prit le parti de se retirer pour ne point troubler la fête, et en même temps ne point voir les désordres qui s'y commettaient ; alors le peuple s'étant aperçu de la complaisance de Caton, le combla d'éloges après son départ, et ne changea rien à ses plaisirs. Voyez l'article précédent.

Au reste, je ne crois pas devoir rappeler ici les fautes dans lesquelles Lactance est tombé sur l'institution des jeux floraux ; je remarquerai seulement que comme la vérité de la religion chrétienne n'a jamais besoin d'un faux appui, il ne faut pas adopter tout ce qui a été écrit par un zèle erroné pour combattre le paganisme. Il ne faut pas que nos raisonnements ressemblent à ces rivières qui charrient dans leur lit du sable d'or et de la boue mêlés ensemble : enfin il ne faut pas croire que tous moyens soient indifférents, et même louables, pourvu qu'ils puissent servir à endommager l'erreur, comme s'exprime Montagne.

Il est temps d'indiquer les sources où l'on peut s'instruire à fond sur les jeux floraux. Voyez Ovide qui les décrit dans ses Fastes, l. V. Ve 326. et seq. Valere Maxime, liv. II. c. Ve Juvénal, sat. VIe Pline, liv. XVIII. chap. xxjx. Velleius Paterculus, liv. I. c. XVIe Suétone dans Galba, chap. VIe Séneque, epist. 47. Tacite, annal. liv. II. chap. xljx. Perse, sat. Ve S. Augustin, epist. 202. Arnob. liv. III. pag. 115. et liv. VII. pag. 238. Parmi les modernes, Hospinien, de origine festor. Thomas Codwin, antholog. rom. liv. II. c. IIIe sect. 3. Vossius, de origine idolol. liv. I. c. XIIe Juste Lipse, Elect. liv. I. Struvius, Synt. antiq. rom. chap. IXe p. 436. Rosinus, antiq. rom. lib. II. c. xx. lib. IV. c. VIIIe lib. XV. c. XVe etc. Article de M(D.J.)

FLORAUX (JEUX), Histoire moderne nous avons aussi en France des jeux floraux, qui furent institués en 1324.

On en doit le projet et l'établissement à sept hommes de condition, amateurs des Belles-Lettres, qui vers la Toussaint de l'an 1323, résolurent d'inviter, par une lettre circulaire, tous les troubadours, ou poètes de Provence, à se trouver à Toulouse le premier de Mai de l'année suivante, pour y réciter les pièces de vers qu'ils auraient faites, promettant une violette d'or à celui dont la pièce serait jugée la plus belle.

Les capitouls trouvèrent ce dessein si utîle et si beau, qu'ils firent résoudre au conseil de ville, qu'on le continuerait aux dépens de la ville ; ce qui se pratique encore.

En 1325, on créa un chancelier et un secrétaire de cette nouvelle académie. Les sept instituteurs prirent le nom de mainteneurs, pour marquer qu'ils se chargeaient du soin de maintenir l'académie naissante. Dans la suite, on ajouta deux autres prix à la violette, une églantine pour second prix, et une fleur de souci pour troisième : il fut aussi réglé que celui qui remporterait le premier prix, pourrait demander à être bachelier ; et que quiconque les remporterait tous trois, serait créé docteur en gaie science, s'il le voulait, c'est-à-dire en poésie. Les lettres de ces degrés étaient conçues en vers ; l'aspirant les demandait en rime, et le chancelier lui répondait de même. Dictionnaire de Trévoux et Chambers.

Il y a un registre de ces jeux à Toulouse, qui rapporte ainsi leur établissement : d'autres disent au contraire que c'était une ancienne coutume, que les poètes de Provence s'assemblassent à Toulouse pour lire leurs vers, et en recevoir le prix, qui se donnait au jugement des anciens ; que ce ne fut que vers 1540 qu'une dame de condition nommée Clémence Isaure, légua la meilleure partie de son bien à la ville de Toulouse, pour éterniser cet usage, et faire les frais des prix, qui seraient des fleurs d'or ou d'argent de différentes espèces.

La cérémonie des jeux floraux commence le premier de Mai par une messe solennelle en musique ; le corps de ville y assiste. Le 3 du mois, on donne un diné magnifique aux personnes les plus considérables de la ville : ce jour-là on juge les prix, qui sont au nombre de cinq ; un prix de discours en prose, un prix de poème, un prix d'ode, un prix d'églogue, et un prix de sonnet. Arnaud Vidal de Castelnaudari remporta le premier en 1324 la violette d'or.

Les jeux floraux ont été érigés en académie par lettres patentes en 1694 ; le nombre des académiciens est de quarante, comme à l'académie française.