César fut le premier qui osa s'en emparer pendant la guerre civîle contre Pompée : il en tira pour son usage quatre mille cent trente livres d'or, et quatrevingt mille livres d'argent. Dans la suite, les empereurs imitèrent son exemple, et ne regardèrent plus le domaine public que comme le leur. Enfin dans notre langue, le mot général de domaine est devenu particulier et propre au patrimoine des rais. Article de M(D.J.)

DOMAINE EMINENT, (Droit politique) c'est le droit qu'a le souverain de se servir pour le bien public, dans un besoin pressant, des fonds et des biens que possèdent les sujets.

Ainsi, par exemple, quand la nécessité du bien public requiert de fortifier une ville, le souverain est autorisé à prendre les jardins, les terres, et les maisons des particuliers, qui se trouvent situés dans l'endroit où il faut faire les remparts, les fossés, et autres ouvrages de fortification que demande l'intérêt de l'état ; c'est pourquoi, dans un siège, le souverain abat et ruine souvent des édifices et des campagnes de ses propres sujets, dont l'ennemi pourrait sans cela retirer quelque grand avantage.

Il est incontestable que la nature même de la souveraineté autorise le prince à se servir, dans les cas urgens de nécessité, des biens que possèdent les sujets ; puisqu'en lui conférant l'autorité souveraine, on lui a donné en même temps le pouvoir de faire et d'exiger tout ce qui est nécessaire pour la conservation et l'avantage de l'état.

Il faut encore remarquer, que c'est une maxime de l'équité naturelle, que quand il s'agit de fournir ce qui est nécessaire à l'état, et à l'entretien d'une chose commune à plusieurs, chacun doit y contribuer à proportion de l'intérêt qu'il y a : mais comme il arrive quelquefois que les besoins présents de l'état et les circonstances particulières ne permettent pas que l'on suive cette règle à la lettre, c'est une nécessité que le souverain puisse s'en écarter, et qu'il soit en droit de priver les particuliers des choses qu'ils possèdent, mais dont l'état ne saurait se passer dans les conjonctures pressantes où il se trouve : ainsi le droit dont il s'agit, n'a lieu que dans de telles conjonctures.

Posons donc pour maxime, avec M. de Montesquieu, que quand le public a besoin du fonds d'un particulier, il ne faut jamais agir par la rigueur de la loi politique : mais c'est là que doit triompher la loi civile, qui avec des yeux de mère, regarde chaque particulier comme toute la cité même.

" Si le magistrat politique veut faire quelque édifice public, quelque nouveau chemin, il faut qu'il indemnise noblement : le public est à cet égard comme un particulier qui traite avec un particulier. C'est bien assez qu'il puisse contraindre un citoyen de lui vendre son héritage, et qu'il lui ôte le grand privilège qu'il tient de la loi civile, de ne pouvoir être forcé d'aliéner son bien.

Beaumanoir, qui écrivait dans le douzième siècle, dit que de son temps quand un grand chemin ne pouvait être rétabli, on en faisait un autre, le plus près de l'ancien qu'il était possible ; mais qu'on dédommageait les propriétaires aux frais de ceux qui tiraient quelque avantage du chemin : on se déterminait pour lors par la loi civîle ; on s'est déterminé de nos jours par la loi politique ".

Il est donc juste que dans les rares conjonctures où l'état a besoin de priver les particuliers de leurs biens, alors 1°. les propriétaires soient dédommagés par leurs concitoyens, ou par le trésor public, de ce qui excède leur contingent, autant du moins que la chose est possible ; que si les citoyens eux-mêmes se sont exposés à souffrir cette perte, comme en bâtissant des maisons dans un lieu où elles ne sauraient subsister en temps de guerre, alors l'état n'est pas tenu à la rigueur de les indemniser, et ils peuvent raisonnablement être censés avoir consenti eux-mêmes aux risques qu'ils couraient.

2°. Le droit éminent n'ayant lieu que dans une nécessité d'état, il serait injuste de s'en servir en tout autre cas ; ainsi le monarque ne doit user de ce privilège supérieur, qu'autant que le bien public l'y force, et qu'autant que le particulier qui a perdu ce qui lui appartenait, en est dédommagé, s'il se peut, du fonds public, ou autrement : car d'un côté la loi civile, qui est le palladium de la propriété, et de l'autre la loi de nature, veulent qu'on ne dépouille personne de la propriété de ses biens, ou de tout autre droit légitimement acquis, sans y être autorisé par des raisons grandes et importantes. Si un prince en use autrement à l'égard de quelqu'un de ses sujets, il est tenu sans contredit de réparer le dommage qu'il lui a causé par-là, puisqu'il a donné atteinte à un droit d'autrui certain et incontestable ; il le doit même dans un gouvernement civil, qui quoique monarchique et absolu, n'est point despotique, et ne donne pas conséquemment au souverain sur ses sujets le même pouvoir qu'un maître s'arroge sur ses esclaves.

3°. Il s'ensuit de-là encore, qu'un prince ne peut jamais dispenser valablement aucun de ses sujets des charges auxquelles ils sont tous astreints en vertu du domaine éminent ; car tout privilège renferme une exception tacite des cas de nécessité : et il parait de la contradiction à vouloir être citoyen d'un état, et prétendre néanmoins avoir quelque droit dont on puisse faire usage au préjudice du bien public.

4°. Enfin, puisque le droit dont il s'agit ici est un droit malheureux et onéreux aux citoyens, on doit bien se garder de lui donner trop d'étendue ; mais il faut au contraire tempérer toujours les privilèges de ce droit supérieur, par les règles de l'équité, et c'est d'après ces règles qu'on peut décider la plus grande partie des questions qui se sont élevées entre les politiques, au sujet du domaine éminent. Mais comme ces questions nous meneraient trop loin, et qu'elles sont d'une discussion trop délicate pour cet ouvrage, je renvoye le lecteur aux savants jurisconsultes qui les ont traitées ; par exemple, à M. Buddœus dans son histoire du droit naturel ; à M. Boehmer, dans son droit public universel ; à Grotius et à Puffendorf. Hic jura regum extremis digitis attigisse sat est. Article de M(D.J.)

DOMAINE, (Jurisprudence) en latin dominium, signifie ordinairement propriété d'une chose. Il se prend aussi quelquefois pour un corps d'héritages, et singulièrement pour une métairie et bien de campagne tenu en roture.

Le domaine en tant qu'on le prend pour la propriété d'une chose, est un droit qui dérive en partie du droit naturel, en partie du droit des gens, et en partie du droit civil, ces trois sortes de lois ayant établi chacune diverses manières d'acquérir le domaine ou propriété d'une chose.

Ainsi, suivant le droit naturel, il y a certaines choses dont le domaine est commun à tous les hommes, comme l'air, l'eau de la mer, et ses rivages ; d'autres, qui sont seulement communes à une société particulière ; d'autres, qui sont au premier occupant.

Les conquêtes et le butin que l'on fait sur les ennemis, les prisonniers de guerre, et la plupart de nos contrats, tels que l'échange, la vente, le louage, sont des manières d'acquérir le domaine d'une chose, suivant le droit des gens.

Enfin il y a d'autres manières d'acquérir introduites par le droit civil, telles que les baux à rente et emphitéotiques, la prescription, la commise, et confiscation, etc.

On distingue deux sortes de domaine ou propriété, savoir le domaine direct et le domaine utile.

Le domaine direct est de deux sortes ; l'une qui ne consiste qu'en une espèce de propriété honorifique, telle que celle du seigneur haut-justicier, ou du seigneur féodal et direct, sur les fonds dépendants de leur justice ou de leur seigneurie : l'autre espèce de domaine direct est celle qui consiste en une simple propriété séparée de la jouissance du fonds, et celle-ci est encore de deux sortes ; savoir celle du bailleur à rente ou à emphytéose, et celle du propriétaire qui n'a que la nue propriété d'un bien, tandis qu'un autre en a l'usufruit.

Le domaine utîle est celui qui consiste principalement dans la jouissance du fonds, plutôt que dans une certaine supériorité sur le fonds, et ce domaine utîle est aussi de deux sortes, savoir celui de l'emphytéote ou preneur à rente, et celui de l'usufruitier.

Il y a différentes manières d'acquerir le domaine d'une chose, qui sont expliquées aux instit. de rer. divis. et acq. earum dominio. Voyez les mots ACQUISITION et PROPRIETE. (A)

DOMAINE ANCIEN, est le domaine du roi, consistant en seigneuries, terres, bois, forêts, et autres héritages ; et en droits domaniaux, tels que les tailles, gabelles, douannes, droits d'entrée et autres, qui sont aussi anciens que la monarchie, ou du moins qui de temps immémorial appartiennent à la couronne ; à la différence du domaine, qui consiste dans ce qui y est uni ou réuni nouvellement, soit par droit de conquête, soit par aubaine, confiscation, bâtardise et deshérence, ce qui forme d'abord un domaine casuel et nouveau, lequel par succession de temps devient ancien. (A)

DOMAINE CASUEL, est tout ce qui appartient au Roi par droit de conquête, ou par acquisition ; comme par succession, aubaine, confiscation, bâtardise, et deshérence.

Le domaine casuel est opposé au domaine fixe, qui est l'ancien domaine, lequel de sa nature est inaliénable et imprescriptible ; au lieu que le domaine casuel peut être aliéné par le roi, et par une suite de ce principe il peut être prescrit. La raison est que le domaine casuel, tant qu'il conserve cette qualité, n'est pas considéré comme étant véritablement annexé à la couronne : c'est pourquoi nos rois en peuvent disposer par donation, vente, ou autrement.

Mais le domaine casuel devient fixe après dix années de jouissance, ou bien quand il a été joint au domaine ancien ou fixe par quelque édit, déclaration, ou lettres patentes. (A)

DOMAINE CONGEABLE : on appelle ainsi en Bretagne un héritage dont le possesseur est obligé de se dessaisir à la volonté du seigneur, comme si on disait que le seigneur en peut donner congé au possesseur.

Ces sortes de domaines sont surtout communs dans la basse Bretagne. Leur origine vient de ce que dans cette province il y avait beaucoup de landes ou terres en friche et en bois, sans aucuns habitants, que les seigneurs concédèrent à divers particuliers pour les défricher, à la charge d'une redevance annuelle, et à condition que le seigneur pourrait les congédier, c'est-à-dire reprendre ces héritages, en leur remboursant la valeur des impenses utiles qu'ils y auraient faites.

Ces concessions de domaines congéables ne sont pas translatives de propriété, comme les inféodations et baux à cens, attendu la faculté que le seigneur s'y réserve de déposséder le tenancier à sa volonté ; il ne le peut faire néanmoins qu'en lui remboursant la valeur des bâtiments, fossés, arbres fruitiers, et autres impenses utiles et nécessaires.

On doutait autrefois si ces sortes de domaines, ou les rentes qui en tiennent lieu, étaient réputés nobles à cause que ces concessions sont d'une nature singulière, qui ne ressemble point aux fiefs ; cependant l'article 541 de la coutume de Bretagne, décide que ces biens se partagent noblement. Voyez Perchambaut sur cet article, et Belordeau, lett. D. art. 29. (A)

DOMAINE DE LA COURONNE. Le domaine de la couronne, qu'on appelle aussi domaine du roi, ou par excellence simplement le domaine, est le patrimoine attaché à la couronne, et comprend toutes les parties dont il est composé.

Origine du domaine. Le domaine de la couronne a commencé à se former aussi anciennement que la monarchie, dès le moment de l'entrée des Francs dans les Gaules. Ces peuples qui habitaient au-delà du Rhin dans l'ancienne France, se rendirent d'abord les maîtres de quelques contrées en-deçà de ce fleuve, qui les séparait de ce qu'ils possédaient au-delà : les villes de Cambrai et de Tournai se soumirent à eux, et cette dernière ville fut quelque temps la capitale de leur empire.

Le roi Clovis monté sur le trône, jeta des fondements plus solides de la grandeur de cette couronne : à l'aide des troubles de l'empire, secondé de son courage et de la valeur de sa nation, et plus encore à la faveur du Christianisme qu'il embrassa, il devint maître d'abord des provinces qui étaient demeurées sous l'obéissance des Romains, ensuite des provinces confédérées qui s'en étaient soustraites, et chassa les Ostrogots. Clovis devenu ainsi le souverain des Gaules, entra aussi-tôt en possession des droits de ceux qui en étaient les maîtres avant lui, et de tout ce dont y jouissaient les Romains, qui consistait en quatre sortes de revenus.

La première espèce se tirait des fonds de terre, dont la propriété appartenait à l'état.

La seconde était l'imposition annuelle que chaque citoyen payait à raison des terres qu'il possédait, ou de ses autres facultés.

La troisième, le produit des péages et des traites ou douannes.

La quatrième, les confiscations et les amendes.

Ces mêmes revenus qui ne furent point détachés de la souveraineté, formèrent la dot de la couronne naissante de nos rais, comme ils avaient formé le patrimoine de la couronne impériale ; et telle fut l'origine de ce que nous appelons domaine de la couronne.

Ce domaine s'est augmenté dans la suite ; et les lois qui lui sont propres, se sont établies peu-à-peu.

Les objets les plus importants à considérer par rapport au domaine, sont la nature et les différentes espèces de parties qui le composent, ses privilèges, la manière dont il peut être conservé, augmenté ou diminué, les formes successives de son administration, et sa juridiction.

Nature du domaine, et ses différentes espèces. Pour bien connaître la nature du domaine, il faut d'abord distinguer tous les revenus du Roi en deux espèces.

La première aussi ancienne que la monarchie, et connue sous le nom de finance ordinaire, comprend les revenus dépendants du droit de souveraineté, la seigneurie, et autres héritages dont la propriété appartient à la couronne, et les droits qui y sont attachés de toute ancienneté, tel que les confiscations, amendes, péages, et autres.

La seconde espèce plus récente comprend sous le nom de finances extraordinaires, les aides, tailles, gabelles, décimes, et autres subsides, qui dans leur origine ne se levaient point ordinairement, mais seulement dans certaines occasions, et pour les besoins extraordinaires de l'état.

Les Romains avaient deux natures de fisc, alia reipublicae, alia principis, le public et le privé. Ce dernier qui appartenait personnellement à l'empereur, était tellement séparé de l'autre, qu'il y avait deux procureurs différents chargés d'en prendre le soin.

On faisait en France la même distinction sous les deux premières races de nos rais. Le domaine public était composé de possessions attachées à leur couronne, des tributs ou impositions réelles qui se payaient alors en deniers, ou en fruits et denrées en nature, des péages sur les marchandises, des amendes dû.s, soit par ceux qui n'allaient point à la guerre, ou par composition pour les crimes dont les accusés avaient alors la faculté de se racheter par argent. Le domaine privé était le patrimoine personnel du roi qui lui appartenait lors de son avênement à la couronne, ou qui lui était échu depuis par succession, acquisition, ou autrement.

Cette distinction du domaine public et privé est aujourd'hui inconnue, comme l'observe Lebret en son traité de la souveraineté, liv. III. chap. j. mais on fait plusieurs divisions du domaine pour distinguer les différents objets dont il est composé, et leur nature.

Entre les différentes sortes de biens qui composent le domaine, les uns sont domaniaux par leur nature, tels que la mer, les fleuves, et rivières navigables, les grands chemins, les murs, remparts, fossés, et contrescarpes de villes ; les autres ne sont domaniaux, que parce qu'ils ont fait partie du domaine dès le commencement de la monarchie, ou qu'ils y ont été unis dans la suite.

De cette première division du domaine, il en nait une seconde bien naturelle : on distingue le domaine ancien et le domaine nouveau.

Le domaine ancien est celui qui se forma dès le commencement de la monarchie, par le partage que nos rois firent des terres nouvellement conquises, entr'eux et les principaux capitaines qui les avaient accompagnés dans leurs expéditions. Dans cette classe sont les villes et les provinces dont nos rois ont joui dès l'établissement de la monarchie, les mouvances qui y sont attachées, et en général tout ce qu'ils possèdent, sans qu'on voie le commencement de cette possession. Or comme toute réunion suppose une union précédente, il faut y ajouter tout ce qui a été réuni à la couronne, sans qu'on voie l'origine de l'acquisition de nos rais, parce que cette ignorance du principe de leur possession fait supposer qu'elle a commencé au moment de leur conquête des Gaules.

Le domaine nouveau est composé des terres et biens qui ont été unis dans la suite au domaine ancien, soit par l'avênement du roi à la couronne, soit par les successions qui peuvent lui écheoir, soit par les acquisitions qu'il peut faire à titre onéreux ou lucratif.

Les biens qui composent le domaine, soit ancien ou nouveau, consistent ou en immeubles réels, comme les villes, duchés, comtés, marquisats, fiefs, justices, maisons, ou en droits incorporels, comme le droit d'amortissement, ou autres semblables.

Les immeubles réels qui composent le domaine, donnent lieu à cette subdivision en grand et petit domaine.

Le grand domaine consiste en seigneuries ayant justice haute, moyenne et basse, telles que les duchés, principautés, marquisats, comtés, vicomtés, baronies, châtellenies, prevôtés, vigueries, et autres, avec leurs mouvances, circonstances, et dépendances. Le petit domaine consiste en divers objets détachés, et qui ne font partie d'aucun corps de seigneuries. L'édit du mois d'Aout 1708, met dans cette classe les moulins, fours, pressoirs, halles, maisons, boutiques, échopes, places à étaler, terres vaines et vagues, communes, landes, bruières, patis, paluds, marais, étangs, boqueteaux séparés des forêts, bacqs, péages, travers, parages, ponts, droits de minage, mesurage, aunage, poids, les greffes, tabellionage, prés, iles, ilots, crements, atterrissements, accroissements ; droits sur les rivières navigables, leur fond, lit, bords, quais, et marche-piés, dans l'étendue de vingt-quatre pieds d'icelles, les bras, courants, eaux mortes, et canaux, soit que lesdits bras et canaux soient navigables, ou non, les places qui ont servi aux fossés, remparts et fortifications, tant anciennes que nouvelles de toutes les villes du royaume, et espace étant au-dedans desdites villes, près les murs d'icelles, jusqu'à concurrence de neuf pieds, soit que les villes appartiennent au roi ou à des seigneurs particuliers.

Les immeubles réels peuvent être en la main du roi, ou hors sa main, ce qui forme une seconde subdivision de domaine engagé ou non engagé, le domaine engagé est celui que le roi a engagé à titre d'engagement, soit par concession en apanage sous condition de reversion à la couronne, soit par vente sous faculté de rachat perpétuel expresse ou tacite.

Les droits incorporels faisant partie du domaine, se subdivisent également suivant leur nature : les uns dépendent de la souveraineté, et sont domaniaux par leur essence, comme le droit de directe universelle, le droit d'amortissement, francs fiefs et nouveaux acquêts, d'aubaine, le droit de légitimer les bâtards par lettres patentes, et de leur succéder exclusivement hors les cas où les hauts justiciers y sont fondés ; les droits d'annoblissement, de grande voierie, de varech, sur certains effets, de joyeux avênement, de régale, de marc d'or, le droit appelé domaine, et barrage ; droits sur les mines, droits des postes et messageries, le droit de créer des offices, d'établir les foires et marchés, d'imposer et concéder les octrais de ville, d'accorder des lettres de regrat ; droits de contrôle des exploits et des actes des notaires, et sous signature privée, d'insinuation, de centième denier et de petit scel.

Les autres droits incorporels ne sont point domaniaux par leur nature, et dépendent du droit de justice, comme les droits de deshérence, de confiscation, de gruerie, de grairie, de fisc et danger ; les offices dépendants des terres domaniales, et pour cet effet appelés domaniaux ou patrimoniaux ; les amendes, les droits de banalité, de tabellionage, de poids-le-roi, de minage, le droit d'épave.

D'autres droits incorporels et domaniaux ne sont attachés, ni à la souveraineté, ni à la justice, tels que les redevances en argent ou en grain, ou autre espèce de prestation ; les rentes foncières sur des maisons situées dans des villes ou sur des héritages de la campagne, les droits d'échange dans les terres des seigneurs particuliers.

On divise encore le domaine en domaine muable, dont le produit peut augmenter suivant les circonstances, qui s'afferme comme greffe, sceaux, tabellionage : domaine immuable, dont le produit n'augmente ni ne diminue, comme les cens et rentes : domaine fixe, dont l'existence est certaine et connue, et ne dépend d'aucun événement : domaine casuel, qui est attaché à des événements incertains, comme les droits de quint et requint, reliefs, rachats, lods et ventes, les successions des aubains et des bâtards, les amendes. Enfin on trouve dans les auteurs plusieurs autres espèces de domaine, telles que le domaine forain consistant en certains droits domaniaux qui se lèvent sur des marchandises lors de leur entrée ou sortie du royaume ; le domaine en pariage, c'est-à-dire les seigneuries, et autres biens que le Roi possède en commun avec des seigneurs particuliers.

Priviléges du domaine. Les privilèges du fisc chez les Romains sont peu connus ; le titre du code de privilegio fisci, n'a rapport qu'à un seul, qui est celui de la préférence qu'il peut avoir sur les biens d'un débiteur qui lui est commun avec d'autres créanciers ; et on n'y explique même pas dans toute son étendue en quoi consiste cette préférence. Chopin, dans le titre xxjx. du III. liv. du domaine, pour suppléer au silence que ce titre du code garde sur les autres privilèges du fisc, a rassemblé ce qui se trouve sur ce sujet dispersé dans les autres titres du droit civil, et en a fait une longue énumération ; mais la plupart des privilèges dont il fait mention, fondés sur les dispositions des lois romaines, sont inconnus parmi nous.

Dans notre droit on peut distinguer deux sortes de privilèges du domaine.

Les uns sont inhérents à sa nature, tel est celui de l'inaliénabilité, suite nécessaire de sa destination à l'usage du prince pour le bien public. Casa, Ragueau, et autres auteurs, ont observé que l'inaliénabilité du domaine est comme du droit des gens ; que la prohibition d'aliéner le domaine n'a été établie par aucune loi spéciale, mais qu'elle est née, pour ainsi dire, avec la monarchie, et que chaque roi avait coutume à son avênement de faire serment de l'observer. Ces principes ont été constants et consacrés irrévocablement dans l'ordonnance générale du domaine du mois de Février 1566.

Les autres privilèges du domaine sont établis sur les dispositions des ordonnances.

Ces privilèges peuvent avoir rapport, soit à la conservation du domaine, soit aux tribunaux où les causes qui les concernent doivent être traitées, soit à la nature des actions qu'il peut intenter, ou dont il est exempt.

Les privilèges qui ont rapport à la conservation du domaine, consistent dans son affranchissement de la condition commune des autres héritages, suivant laquelle ils sont susceptibles de toute sorte de convention, donation, vente, échange, et autres dispositions, et sujets aux droits rigoureux de la prescription ; au lieu que le domaine hors du commerce des hommes, ne peut être aliéné ni prescrit.

Les privilèges du domaine qui ont rapport aux tribunaux où les causes qui les concernent doivent être traitées, consistent en ce que la connaissance des causes qui intéressent le domaine, ne peut appartenir aux juges des seigneurs, ni même à tous officiers royaux, mais seulement à ceux à qui cette attribution a été spécialement faite, soit en première instance, soit par appel, ainsi qu'il sera dit plus au long en parlant de la juridiction du domaine : de-là la maxime attestée par tous les auteurs, que, quoique le domaine soit enclavé dans la justice d'un seigneur, il ne peut être soumis à sa justice, et qu'une terre qui y était soumise auparavant, cesse de l'être, lorsqu'elle est acquise par le roi, comme le décide Loiseau des seigneuries, chap. XIIe n. 21. et 22. et Chopin, liv. du domaine, tit. 12. n. 3.

Les privilèges du domaine qui ont rapport à la nature des actions que le Roi peut intenter, sont la préférence sur les biens des fermiers de ses domaines, fixée par un édit du mois d'Aout 1669 à trois différents objets, sur les meubles et deniers comptants, les immeubles et les offices : la contrainte par corps qui peut être exercée pour le payement des revenus du domaine, aux termes de l'art. 5. du titre 34. de l'ordonnance de 1667 : le droit de plaider main garnie, et d'obliger à la représentation de titres : le droit de se pourvoir même contre des arrêts contradictoires, ou par la voie des lettres de rescision, contre des actes passés, soit au nom du roi, soit au nom de celui qui l'a précédé, à quelque titre que ce puisse être : l'affranchissement de toutes dispositions des coutumes, ou sa condition fixée par des lois générales et par les ordonnances du royaume.

Enfin les privilèges du domaine qui ont rapport à la nature des actions dont il est exempt, sont de ne pouvoir être sujet à aucune action de complainte ; (car cette action qui suppose une voie de fait, une violence, et par conséquent une injustice, ne peut être intentée contre le Roi, qui est la source et le distributeur de toute justice, sans blesser la révérence dû. à la majesté du prince) : de ne pouvoir également être sujet à l'action du retrait lignager : la raison en est que lorsque le roi acquiert un héritage, on doit présumer qu'il a en vue le bien et l'utilité de l'état, qui doit l'emporter sur l'objet qu'ont eu les coutumes de conserver les héritages dans les familles.

Aux exemples des actions qui ne peuvent être intentées contre le domaine, il faut ajouter ceux des exceptions qui ne peuvent lui être opposées, telles que la péremption d'instance, la compensation, la cession de biens, les lettres de répi, les lettres d'état, les lettres de bénéfice d'inventaire.

On terminera ce détail des privilèges du domaine, en ajoutant que les causes qui le concernent, ne peuvent être évoquées, même dans le cas où le procureur du roi n'est pas seule partie, mais seulement intervenant dans une instance qu'un autre aurait commencée, suivant la décision de Chopin, liv. II. du domaine, tit. XVe n. 13.

Il est aussi nécessaire d'observer que plusieurs de ces privilèges, tels que l'inaliénabilité et l'imprescriptibilité, n'ont lieu que pour le domaine ancien ou fixe, et ne conviennent point au domaine casuel, c'est-à-dire aux biens qui échaient au roi par droit d'aubaine, bâtardise, deshérence, confiscation, épave, et autres semblables revenus casuels, dont il est libre au roi de disposer comme il le juge à-propos, aussi longtemps qu'ils n'ont point acquis la qualité de domaine fixe.

La nature du domaine établie, les différentes espèces des parties dont il est composé étant distinguées, ses privilèges étant connus, il n'est pas moins utîle de savoir comment il peut être conservé, augmenté, ou diminué.

Conservation du domaine. Pour assurer la conservation du domaine, outre les privilèges ci-dessus détaillés, on a en divers temps pris plusieurs précautions.

Il a été ordonné par un arrêt du conseil, du 19 Septembre 1684, que les fermiers, sous-fermiers, engagistes, ou autres possesseurs du domaine, remettraient leurs baux et sous-baux, avec les registres, et des états en détail des domaines, au greffe du bureau des finances de chaque généralité où les biens sont situés.

Une disposition d'un édit du mois d'Avril 1685, porte, article 6, que les receveurs généraux du domaine feront mention dans les états au vrai et comptes qu'ils rendront, de la consistance en détail, et par le menu, de tous les droits dépendants des domaines dans leurs généralités et départements, tant de ceux qui sont entre les mains du roi, que de ceux qui sont aliénés ; et par l'article 7, il est dit que les fermiers et engagistes des domaines seront tenus à la 1re sommation de fournir aux receveurs généraux, des états en détail par eux dû.ent signés et certifiés, des domaines et droits domaniaux dont ils jouissent : même les engagistes et détempteurs des domaines, de donner une fois seulement à chaque mutation des copies en bonne forme de leurs titres et contrats, et des édits et déclarations, en vertu desquels les aliénations leur auront été faites ; et de dix ans en dix ans, de pareils états, à cause des mutations qui y arrivent de temps en temps, signés et certifiés par eux ; lesquels états, les receveurs généraux vérifieront sur les papiers-terriers qui auront été faits dans l'étendue de leurs généralités, et desquels ils prendront communication aux chambres des comptes et aux bureaux des finances, pour sur iceux et sur lesdits états dresser leurs comptes. Deux édits postérieurs du mois de Décembre 1701. art. 16, et de Décembre 1727, art. 8, renouvellent la même remise des états en détail des domaines, que le dernier prescrit de rapporter tous les cinq ans.

Dans cette même vue de la conservation du domaine, on a prescrit par rapport aux fiefs, que les actes de foi et hommage, et les aveux et dénombrements, seraient renouvellés non-seulement à chaque mutation de vassal, mais encore à l'avênement de chaque roi à la couronne, suivant l'arrêt du conseil du 20 Février 1722, et que tous les actes seraient déposés à la chambre des comptes de Paris. Par rapport aux rotures, on a ordonné de renouveller les terriers, et d'exiger de nouvelles déclarations des détempteurs : les arrêts les plus modernes, à l'égard de la ville et prevôté de Paris, sont du 28 Décembre 1666, et du 14 Décembre 1700.

A ces précautions prises pour la conservation du domaine, il faut ajouter celle de la création qui a été faite en différents temps, d'officiers chargés spécialement d'y veiller ; tels que les receveurs et les contrôleurs généraux des domaines et bois créés par les édits des mois d'Avril 1685, et Décembre 1689.

Enfin par l'article 5 de l'édit du mois de Décembre 1701, on a ordonné l'ensaisinement de tous les contrats et titres translatifs de propriété des héritages étant dans la directe du roi ; et cette nécessité a été étendue même aux provinces où l'ensaisinement n'a point lieu par les dispositions des coutumes, et dans les cas de changement de possession sans aucun acte passé, comme lors d'une succession. On a assujetti les héritiers ou autres, à faire leurs déclarations de ce changement, et à les faire enregistrer et contrôler, aux termes des arrêts du 7 Aout 1703 et 22 Décembre 1706, dont les dispositions ont été confirmées depuis par un édit du mois de Décembre 1727, qui a assujetti les héritiers même en directe à la nécessité de ces déclarations.

Par rapport aux domaines qui ne sont pas dans la main du roi, on a pourvu à leur conservation en particulier, non-seulement par les offices dépendants des terres domaniales, cédées en apanage ou par engagement, mais encore par la création faite en différents temps d'offices de conservateurs des domaines aliénés ; au lieu desquels, par édit du mois de Juillet 1708, on a créé dans chaque généralité un office d'inspecteur-conservateur général des domaines, avec injonction de faire des états de tous les domaines étant en la main du roi, et de tenir des registres des domaines aliénés. Ces derniers offices ayant été encore supprimés, le Roi commit en 1717 deux personnes éclairées, pour poursuivre et défendre au conseil toutes les affaires de la couronne, sous le titre d'inspecteurs-généraux du domaine ; et depuis ce temps, cette fonction a continué d'être en commission. Enfin par plusieurs arrêts, et notamment par celui du 6 Juin 1722, les trésoriers de France ont été spécialement chargés de faire procéder aux réparations des domaines engagés, par saisie du revenu des engagistes.

Le domaine peut être augmenté en deux manières : par la réunion d'anciennes parties, et par l'union de nouvelles parties. La différence entre ces deux moyens est d'autant plus sensible, que la réunion n'est pas tant une augmentation que le retour d'une partie démembrée à son principe ; au lieu que l'union produit une augmentation véritable. Cette réunion s'opère de plein droit, la partie qui se réunit rentrant dans sa situation naturelle, qui est de n'avoir qu'un seul être avec le corps dont elle avait été détachée pour un temps : le retour des fiefs démembrés du domaine concédé, ou pour un temps, ou pour un certain nombre de générations, fournit un exemple de cette réunion, qui n'est en quelque maniére que la consolidation de l'usufruit à la propriété.

Il n'en est pas de même de l'union qui produit une augmentation véritable, et qui se peut faire expressément ou tacitement en plusieurs manières différentes.

L'union expresse s'opère par lettres patentes, qui l'ordonnent dans les cas où le souverain la juge nécessaire. Telle est l'union de terre érigée en duché, marquisat, ou comté, qui se réunissent au domaine par la mort du possesseur sans hoirs mâles, suivant l'édit du mois de Juillet 1566. Telles sont aussi les terres qui n'ont point encore été unies au domaine, échues à nos rois à quelque titre que ce puisse être, inféodées pour un temps au profit d'un certain nombre de générations, à la charge de retour après l'expiration du terme. Cette nécessité de retour imposée lors de la concession, opère l'union la plus expresse, le cas arrivant, puisque ce retour ne peut avoir été stipulé qu'au profit du domaine.

L'union tacite se peut faire, ou de plein droit, comme par la voie de la conquête, ou par l'effet de la confusion des revenus d'une terre avec ceux du domaine pendant l'espace de dix ans, aux termes de l'ordonnance générale du domaine de 1566.

Le domaine peut encore s'augmenter par la voie du retrait féodal, de la commise, de la confiscation, par l'avênement du Roi à la couronne qui produit une union de droit, aux termes de l'édit du mois de Juillet, dont les termes sont remarquables. Henri IV. y déclare, la seigneurie mouvante de la couronne tellement réunie au domaine d'icelle, que dès-lors dudit avênement elles sont advenues de même nature que son ancien domaine, les droits néanmoins des créanciers demeurants en leur état. Enfin toutes les terres et biens fonds qui écheraient au Roi à titre de succession, ou qu'il acquiert à titre onéreux ou lucratif, sont de nature à procurer l'augmentation du domaine.

Aliénation du domaine. Si l'on considère le privilège de l'inaliénabilité du domaine, il ne parait point pouvoir être susceptible de diminution : mais quelque étroite que soit la règle qui défend l'aliénation du domaine, elle reçoit cependant quelque exception que l'ordonnance même a autorisée.

La première est en faveur des puinés, fils de France : la nécessité de leur fournir un revenu suffisant pour soutenir l'éclat de leur naissance, qui est une charge de l'état, est le fondement de cette exception. Le fonds que l'on y emploie, qui est un démembrement du domaine, est appelé apanage, et est essentiellement chargé de la condition de réversion à défaut de mâles. Il faut cependant convenir que cet usage qui s'observe aujourd'hui, n'a pas toujours été suivi. Sous la première race de nos rais, chacun de leurs enfants mâles recueillait une portion du royaume, entièrement indépendante de celle de ses frères. Les partages du royaume entre les quatre fils de Clovis, et ensuite entre ses quatre petits-fils, tous enfants de Clotaire roi de Saissons, qui avait réuni les parts de ses trois frères, en fournissent la preuve. On en trouve plusieurs exemples semblables sous la seconde race, dans le partage du royaume entre les deux fils de Pepin le Bref, entre les trois fils de Charlemagne, et entre les quatre fils de Louis le Débonnaire. Mais sous la troisième race les puinés furent exclus du partage du royaume, et on leur assigna seulement des domaines pour leurs portions héréditaires ; d'abord en propriété absolue, comme le duché de Bourgogne donné par le roi Robert en apanage à Robert son second fils, qui fut la tige de la première branche de Bourgogne, qui dura 330 ans : ensuite sous la condition de reversion à la couronne à défaut d'hoirs, comme le comté de Clermont en Beauvaisis, accordé par le roi Louis VIII. à Philippe de France son frère, en l'année 1223 ; et enfin sous la condition de reversion à défaut d'hoirs mâles, à l'exclusion des filles, comme le comté de Poitou donné par Philippe le Bel en apanage à Philippe son frère, par son testament de 1311, sous la condition expresse de reversion à défaut d'hoirs mâles, suivant son codicille de 1314 : ce qui a été depuis reconnu en France comme une loi de l'état.

A l'égard des filles de France, Charles V. ordonna en 1374, qu'elles n'auraient point d'apanage, mais qu'elles seraient dotées en argent ; ce qui s'est ainsi pratiqué depuis : ou si on leur a donné quelquefois des terres en dot, ce n'a été qu'à titre d'engagement, et sous la faculté perpétuelle de rachat.

Une seconde exception à l'inaliénabilité du domaine a été produite par la nécessité de pourvoir aux charges accidentelles de l'état, telles que les frais de la guerre. L'ordonnance de 1566, qui a renouvellé cette règle, admet en effet l'exception de la nécessité de la guerre sous trois conditions : la première, que l'aliénation se fasse en deniers comptants, pour assurer la réalité du secours : la seconde, qu'elle soit fondée sur des lettres patentes registrées, pour empêcher qu'on ne puisse trop aisément employer cette ressource extraordinaire : la troisième, que l'aliénation soit faite sous la faculté de rachat perpétuel, pour assurer au roi le droit de rentrer dans un bien que la nécessité de l'état l'a forcé d'aliéner. On peut consulter Chopin, liv. II. du domaine, titre 14. où cette matière est traitée amplement.

Le premier engagement du domaine fut fait par François I. par lettres patentes du 1er Mai 1519, selon la remarque de Chopin, et Mezerai en son abrégé sur l'an 1522, fixe aussi la même époque aux engagements. Ces aliénations se faisaient d'abord par actes devant notaires : cette forme s'observait encore sous le règne d'Henri IV ; mais ce prince donna une autre forme aux aliénations du domaine, en nommant des commissaires pour en faire des adjudications au plus offrant, et cette forme est celle qui a depuis été suivie dans ces sortes d'actes.

Les aliénations faites en vertu des édits de Mars 1619, Decembre 1652, et autres édits postérieurs, durèrent jusqu'en 1662, et recommencèrent en 1674 jusqu'en 1681. De nouveaux édits qui ordonnèrent l'aliénation du domaine, des mois de Mars et Avril 1695, étendirent l'objet des précédents, en ordonnant le rachat des rentes dû.s au domaine, l'aliénation des droits d'échange, la confirmation des précédents engagements, l'aliénation des places qui avaient servi aux fossés et remparts des villes. Deux édits des mois d'Avril 1702, et Aout 1708, ordonnèrent de nouveau l'aliénation du domaine.

Un autre édit postérieur du mois d'Aout 1717, et une déclaration du 5 Mars 1718, en ont autorisé une nouvelle, tant en engagement qu'à vie. Enfin, par un arrêt du conseil du 13 Mai 1724, il a été ordonné que les offres et enchères pour la revente des domaines engagés, ne se feraient à l'avenir qu'en rentes payables au domaine, et à la charge de rembourser les précédents engagistes.

Une troisième manière dont le domaine peut être diminué, est l'aliénation par échange : car quoique le contrat d'échange ne soit pas une aliénation véritable, puisqu'au lieu du bien que l'on y abandonne, on en reçoit un autre de pareille valeur, cependant comme il peut arriver que le terme d'échange ne soit qu'un déguisement qui couvre une aliénation véritable, les ordonnances ont mis cette espèce de contrat au rang des aliénations du domaine qu'elles prohibent. On en trouve des exemples dans celles du 29 Juillet 1318, et 5 Avril 1321. Cependant l'égalité qui doit régner dans l'échange fait dire à Chopin, liv. III. du domaine, tit. 16. n°. 1. que l'ordonnance de 1566 n'a pas entièrement reprouvé les échanges du domaine, dont il rapporte plusieurs exemples. Mais pour la validité de ces sortes d'échanges, il faut qu'il y ait nécessité ou utilité évidente pour le domaine ; que les formalités nécessaires pour les aliénations y soient observées ; qu'il y ait dans l'échange une égalité parfaite, de manière que le domaine du roi n'en soit point diminué ; enfin que les lettres patentes qui autorisent cet échange, soient dû.ment registrées : alors les biens cédés au roi en contre-échange, prennent la place des biens domaniaux, et deviennent de même nature.

Une dernière manière d'aliéner le domaine provenait autrefois des dons de la libéralité de nos rais. Pour la validité de ces dons, il était nécessaire qu'il en fût expédié un brevet en forme, et qu'il fût enregistré en la chambre du trésor : mais les dons étant de véritables aliénations, sont sujets à être revoqués, même lorsqu'ils sont faits pour récompense de service ; ce qui s'est ainsi pratiqué de tout temps. En effet, on voit dans les formules de Marculfe que dès le temps de la première race, ceux qui avaient eu du roi des fonds en don, faisaient confirmer ces libéralités par les rois ses successeurs. On pratiquait aussi la même chose du temps de la seconde race ; de sorte que le prince était censé faire une seconde libéralité, lorsqu'au lieu de révoquer le don fait par ses prédécesseurs, il voulait bien le confirmer. On a tellement reconnu l'abus qui pouvait résulter de ces sortes d'aliénations, que depuis plusieurs années nos rois en affermant sans réserve toutes les parties de leur domaine, soit fixes, soit casuelles, se sont privés de la liberté d'en pouvoir faire à l'avenir aucun don.

Administration du domaine. Pour ce qui est de l'administration du domaine, on n'entrera point ici dans le détail de tout ce qui peut y avoir quelque rapport ; il suffira d'observer que de temps immémorial, les biens du domaine ont toujours été donnés à ferme au plus offrant et dernier enchérisseur, même les émoluments des sceaux et ceux des écritures, c'est-à-dire des greffes et de tabellionage. On affermait aussi le produit des prevôtés et bailliages : les anciennes ordonnances disent, que ces sortes de biens seront vendus par cris et subhastation, ce qui ne doit pas néanmoins s'entendre d'une vente proprement dite, mais d'un bail à ferme.

Suivant une ordonnance de Philippe le Long, du 27 Mai 1320, chaque receveur devait faire procéder aux baux des domaines de sa baillie ou recette : les baux de justice et droits en dépendants, ne devaient être faits que pour un an et séparément de ceux des châteaux, que le receveur pouvait affermer pour une ou plusieurs années, selon ce qui paraissait le plus avantageux au roi. Postérieurement l'usage établi par les déclarations du roi et les arrêts, a été que les trésoriers de France ne peuvent faire les baux du domaine pour plus de neuf années ; autrement ces baux seraient considérés comme une aliénation qui ne peut être faite sans necessité et sans être autorisée par des lettres patentes dû.ent registrées. Depuis plusieurs années, on ne voit plus de baux particuliers du domaine, et tous les domaines du roi sont compris dans un seul et même bail, qui fait partie du bail général des fermes.

On a établi dans chaque généralité des receveurs généraux des domaines et bois, auxquels les fermiers et receveurs particuliers sont obligés de porter le produit de leurs baux et de leurs recettes. Les receveurs généraux ont chacun des contrôleurs qui tiennent un double registre de tous les payements faits aux receveurs. Les fermiers et receveurs du domaine sont obligés d'acquitter les charges assignées sur leur recette : leurs recettes et dépenses sont fixées par des états du roi, arrêtés tous les ans au conseil, sur les états de la valeur et des charges du domaine qui doivent être dressés et envoyés par les trésoriers de France. Ces états du roi sont adressés aux bureaux des finances de chaque généralité par des lettres patentes de commission, pour tenir la main à leur exécution. L'année de l'exercice expirée, les receveurs généraux sont tenus de compter par état, au vrai, de leur recette et dépense, d'abord au bureau des finances dans le ressort duquel est leur administration ; ensuite au conseil, et enfin de présenter leurs comptes en la chambre des comptes, en y joignant les états du roi et les états au vrai arrêtés et signés.

Il se trouve à la chambre des comptes plusieurs anciennes ordonnances, qui portent, qu'entre les charges du domaine, on doit d'abord payer les plus anciens fiefs et aumônes, les gages d'officiers, les réparations, et que ces sortes de charges doivent passer avant les dons et autres assignations.

Les possesseurs des biens domaniaux sont aussi tenus d'en payer les charges accoutumées, quoique le contrat d'engagement n'en fasse pas mention : c'est la disposition des anciennes ordonnances, rappelée dans une déclaration du 12 Octobre 1602, en sorte néanmoins que les acquéreurs puissent retirer le denier vingt du prix de leur acquisition, et ne soient point chargés au-delà.

Juridiction du domaine. La forme de l'administration du domaine ne pourrait longtemps subsister, si elle n'était soutenue par les lois établies pour sa conservation, et par les juges spécialement chargés d'y veiller, ce qui forme la juridiction du domaine.

On a exposé plusieurs des lois du domaine dans le détail des privilèges qui le concernent, et ce n'est point ici le lieu d'en faire une plus longue énumeration : mais on ne peut se dispenser de donner une idée des juges auxquels cette juridiction a été confiée.

On a mis au rang des privilèges les plus essentiels du domaine, le droit de ne pouvoir être soumis à la justice des seigneurs particuliers, de n'être confié qu'aux juges royaux, et même d'avoir ses causes attribuées à certains juges royaux à l'exclusion de tous autres, soit en première instance, soit par appel.

Les trésoriers de France connaissaient d'abord seuls des affaires domaniales dans toute l'étendue du royaume : mais le domaine s'étant augmenté par les différents duchés et autres seigneuries qui furent unies à la couronne, les trésoriers de France souvent occupés près de la personne du roi, et ne pouvant toujours vaquer par eux-mêmes à l'expédition des affaires contentieuses, en commettaient le soin à des personnes versées au fait de judicature, qui faisaient la fonction de conseillers, sans néanmoins en prendre le titre. On en voit dès 1356, d'abord au nombre de quatre, ensuite de six : le premier de ces juges commis par les trésoriers de France était ordinairement un évêque ou autre grand seigneur. En 1380 l'évêque de Langres présidait en qualité de conseiller super facto domanii regis : les jugements et commissions émanés de ce juge étaient intitulés, les conseillers et trésoriers au trésor, comme on le voit par un ancien livre des causes par eux expédiées en 1379, et par le compte des changeurs du trésor.

Comme il était peu convenable que la connaissance du domaine de la couronne fût confiée à des personnes privées et sans caractère, le roi, en 1388, donna deux adjoints aux trésoriers de France, qui étaient alors au nombre de trois, et ordonna que deux d'entr'eux vaqueraient au fait de la distribution et gouvernement des deniers, et les trois autres à l'expédition des causes du domaine ; en sorte que l'on distingua depuis ce temps le trésorier de France sur le fait des finances ou de la direction, et le trésorier de France sur le fait de la justice.

Il y eut plusieurs changements dans leur nombre jusqu'en 1412, qui sont peu importants à connaître. En cette année, sur les remontrances des états du royaume, il fut établi par le roi un clerc conseiller du trésor, pour juger avec les trésoriers de France les affaires contentieuses du domaine. Depuis ce temps les trésoriers de France observèrent entr'eux exactement de tenir deux séances différentes, l'une pour les affaires de finance ou de direction, que l'on ne traitait plus qu'en la chambre de la finance, appelée depuis le bureau des finances ; l'autre pour les affaires contentieuses, qui se tenait en une chambre appelée chambre de la justice, depuis chambre du trésor.

Les registres les plus anciens de ces chambres font mention des officiers des deux chambres, et des dépenses faites pour les menues nécessités de l'une et de l'autre : on y trouve que le 3 Février 1413, un procureur s'étant présenté en la chambre des finances, pour demander aux trésoriers de France la main-levée de biens qu'ils avaient fait saisir sur un particulier, les trésoriers de France répondirent qu'ils iraient incessamment tenir l'audience en la chambre de la justice, et qu'ils y feraient droit sur sa requête.

Le 25 Mars de la même année le roi créa un second conseiller du trésor, reçu le 17 Avril suivant. Ses provisions portent qu'il est créé pour tenir l'auditoire et siège judiciaire au trésor. Dans le procès-verbal de réception d'un autre conseiller, le 23 Avril 1417, il est dit qu'il fut installé au bureau de la justice et auditoire du trésor, pour tenir et exercer le fait de la justice pour et au nom des trésoriers de France.

En l'année 1446 le roi créa un troisième office de conseiller du trésor. Un quatrième office fut créé le 4 Aout 1463 ; et un cinquième office le fut de méme le 26 Septembre 1477. Enfin, par une déclaration du 13 Aout 1496, le nombre des conseillers du trésor fut fixé aux cinq qui étaient alors subsistants, et c'est à cette époque que l'on doit considérer l'établissement stable et permanent de la chambre du trésor, depuis appelée chambre du domaine. Le nombre des officiers de cette chambre fut dans la suite porté à dix, par la création de trois nouveaux offices de conseillers du trésor, par un édit du mois de Fevrier 1543, et par celle postérieure d'un lieutenant général et d'un lieutenant particulier.

Pour connaître l'étendue de la juridiction de la chambre du trésor, il faut considérer ses époques différentes depuis la déclaration du 13 Aout 1496, que l'on peut regarder comme son premier âge. Par cette déclaration, la chambre du trésor avait le droit de connaître des affaires domaniales de tout le royaume. Tel était son territoire ; elle était l'unique tribunal où l'on put porter ces sortes de contestations : mais comme les trésoriers de France avaient exercé la juridiction du trésor, et que cette juridiction était un démembrement de la leur, ils conservèrent la prérogative de venir prendre place dans cette chambre, et d'y présider.

Le roi François I. parut donner atteinte à l'étendue de la juridiction de la chambre du trésor par l'édit de Crémieu, de l'année 1536, qui est le commencement du second âge de cette chambre : cet édit renferme deux clauses qu'il est nécessaire d'observer : la première, l'attribution aux baillis et sénéchaux des causes du domaine : la seconde, la prévention qu'on y réserve dans son entier à la chambre du trésor ; ainsi par cet édit la chambre du trésor partage ses fonctions, et a des concurrents, mais conserve son territoire en entier : on ne borne point son étendue, et si on ne lui laisse point cette prévention et cette concurrence, elle est dépouillée entièrement, on ne lui laisse aucune juridiction, ce qui est contraire aux termes de l'édit, qui l'a réservé en son entier. Par rapport aux trésoriers de France, on n'en fait nulle mention dans cet édit : ils demeurent dans leur ancien état ; ils conservent leur séance d'honneur dans la juridiction du trésor.

Le concours donné aux baillis et sénéchaux par l'édit de 1536, fut modéré par un édit du mois de Février 1543, qui est le commencement du troisième âge de la chambre du trésor. Cet édit rendit à cette chambre une partie de sa juridiction, en lui attribuant la privative dans l'étendue de dix bailliages, et lui conservant la prévention dans le reste du royaume.

Tel était l'état auquel les trésoriers de France établis en corps de bureaux sous le titre de bureaux des finances, par un édit du mois de Juillet 1577, ont trouvé la chambre du trésor lors de cet etablissement. Il n'y eut aucun changement à cet égard jusqu'en l'année 1627. Par un édit donné au mois d'Avril de cette année, le roi Louis XIII. ôte aux baillis et sénéchaux la juridiction du domaine, qui leur avait été attribuée par l'édit de 1536, pour la donner aux trésoriers de France, chacun dans l'étendue de leurs généralités, avec faculté de juger jusqu'à 250 livres en principal, et jusqu'à 10 livres de rente en dernier ressort, et le double de ces sommes par provision. Cet édit laisse la chambre du trésor dans le même état où elle se trouvait, ne lui ôte rien expressément, et la maintient au contraire en termes formels ; il substitue seulement les bureaux des finances aux bailliages, et conserve à la chambre du trésor la privative dans l'étendue de dix bailliages, la concurrence et la prévention dans tout le royaume, aux termes des édits de 1536 et 1543.

La chambre du trésor n'a souffert aucun changement jusqu'en l'année 1698, qui a formé ce qu'on peut appeler son quatrième et dernier âge. Le roi Louis XIV. par un édit donné au mois de Mars 1693, a fixé la juridiction du domaine en l'état où elle se trouve encore aujourd'hui. Cet édit contient deux dispositions différentes. L'édit de 1627 n'avait pas été précisément exécuté dans la généralité de Paris, dans laquelle les baillis et sénéchaux s'étaient maintenus en possession, contre l'intention du roi, de connaître des contestations domaniales dans les bailliages qui n'étaient pas du ressort privatif de la chambre du trésor. Cet édit ne pouvait y être exécuté sans que cette compétence se trouvât partagée entre deux juridictions, ce qui pouvait produire de fréquents abus. Le roi, pour faire cesser les fréquents inconvénients qui en pouvaient naître, dépouille les baillis et sénéchaux dans l'étendue de la généralité de Paris, de la possession dans laquelle ils s'étaient maintenus, et réunit en un même corps le bureau des finances et la chambre du trésor, à laquelle on substitua le nom de chambre du domaine. Voulons que la juridiction du trésor, demeure unie au corps des trésoriers de France ; c'est la première disposition de l'édit : Avons attribué à nos trésoriers de France de Paris toute cour et juridiction, pour juger les affaires concernant notre domaine, dans l'étendue de notre généralité de Paris : c'est la seconde disposition de l'édit.

Par rapport aux matières qui forment la compétence de la chambre du domaine, ce sont tous les biens et droits royaux et domaniaux, tels que les seigneuries domaniales et autres héritages dépendants du domaine, les bois de haute-futaie qui sont extants sur ces héritages, les droits de gruerie, tiers et danger, tout ce qui concerne les annoblissements, amortissements, francs-fiefs et nouveaux acquêts, les droits d'aubaine, bâtardise, deshérence, biens vacans, épaves, confiscations, amendes, droits de confirmations, dixmes inféodées, greffes, droits féodaux, tels que la foi et hommage, aveux et dénombrements, censives, lods et ventes, champarts, et autres droits de justice, de voiries, de tabellionage, de banalité, de foires et marchés, de poids et mesures, péages, barrages, travers, et autres, et généralement tout ce qui a rapport au domaine engagé ou non engagé, à l'exception des apanages, et toutes les contestations qui les concernent, soit que le roi soit partie, soit que ce soit entre particuliers.

Le roi adresse à la chambre du domaine toutes les commissions qu'il délivre pour la confection du papier terrier dans la généralité de Paris, pour la recherche des droits domaniaux recelés ou usurpés, pour malversation des officiers du domaine ou de leurs commis.

Les seigneurs possédants des terres et seigneuries mouvantes immédiatement du roi, après avoir fait la foi et hommage au lieu où elle est dû., et fait recevoir leur aveu et dénombrement à la chambre des comptes, sont astraints à donner à la chambre du domaine, une déclaration sommaire qu'ils sont détempteurs de telle seigneurie ; faire mention de quels cens, rentes, et autres droits et devoirs seigneuriaux et féodaux elles sont chargées, fournir des copies collationnées des actes de foi et hommage, aveux et dénombrements, et représenter les quittances des droits seigneuriaux qu'ils ont dû payer.

Les acquéreurs, propriétaires, et possesseurs de biens en roture, situés dans la censive du roi, sont également astraints à fournir de semblables déclarations à la chambre du domaine.

Ceux qui ne satisfont pas à cette formalité, y sont contraints à la requête du procureur du roi de la chambre du domaine, poursuite et diligence des fermiers, suivant l'ordonnance de Henri III. du 7 Septembre 1582.

Les lettres de naturalité et légitimation doivent être enregistrées au greffe de cette chambre, à peine de nullité, et jusqu'à ce qu'on y ait satisfait, il est défendu aux impétrants de s'en servir, et à tout juge d'y avoir égard, aux termes de la déclaration du 17 Septembre 1582. On y fait aussi l'enregistrement de tous les brevets de don accordés par le roi, de droits d'aubaine, bâtardise, deshérence, confiscations, droits seigneuriaux, et autre casuel, dépendants du domaine, et des lettres patentes expédiées sur ces brevets.

Le procureur du roi de la chambre du domaine fait procéder à sa requête par voie de saisie sur les biens et effets qui échaient au roi par droit d'aubaine, bâtardise, deshérence, confiscations, et autres semblables : on procede ensuite en ladite chambre aux baux et adjudications des immeubles provenans des successions adjugées au roi pour raison de ces droits.

Le procureur du roi fait aussi saisir féodalement les fiefs mouvants du roi, faute par les vassaux d'avoir fait la foi, et d'avoir fourni leur aveu et dénombrement dans le temps prescrit par la coutume.

L'appel des jugements de la chambre du trésor, a toujours ressorti nuement au parlement de Paris : il fut établi en 1570 une nouvelle chambre au parlement, qu'on appela la chambre du domaine, pour juger les appelations de la chambre du trésor ; elle fut composée de deux conseillers de la grand'chambre, et de quatre des conseillers du trésor : mais depuis, cette chambre a formé la quatrième des enquêtes, et les appelations de la chambre du trésor, présentement chambre du domaine, ont ressorti à la grand'chambre du parlement.

On pourrait entrer dans un plus long détail de tous les objets différents qui composent la juridiction de la chambre du domaine ; mais la réunion de cette juridiction aux autres matières, dont la connaissance appartient aux trésoriers de France de Paris, oblige de renvoyer cette partie à l'article THRESORIERS DE FRANCE, où l'on réunira sous un même point de vue tout ce qui a rapport à leurs fonctions, soit comme trésoriers de France pour la direction du domaine, soit comme trésoriers de France pour la juridiction du domaine, soit comme ayant réuni les fonctions de la chambre du trésor, soit comme généraux des finances, soit comme grands-voyers en la généralité de Paris. On se contentera d'observer, que pour connaître l'origine et la compétence de la chambre du trésor ou domaine, et de ses officiers, on peut consulter le recueil des ordonnances de la troisième race ; Chopin, du domaine, liv. II. tit. 15. Fontanon, tom. II. pag. 247. Rebuffe, liv. II. tit. 2. ch. IIe Joli, des offices de France, tom. I. pag. 5. Miraulmont, traité de la chambre du trésor et des trésoriers de France ; Pasquier, recherches de la France, liv. II. ch. VIIIe Filleau, part. II. tit. X. ch. IIe et suiv. Henrys, tom. I. liv. II. ch. IVe quest. 14. Bacquet, traité de la chambre du trésor, et au mot THRESORIERS DE FRANCE.

DOMAINE DIRECT, signifie quelquefois la seigneurie d'un héritage, quelquefois la simple propriété opposée au domaine utile, tel que l'usufruit. Voyez ci-devant au mot DOMAINE. (A)

DOMAINE ENGAGE, est une portion du domaine de la couronne que le Roi a transferée à quelque particulier. Ce domaine ainsi engagé, est toujours réputé faire partie du domaine de la couronne, et la véritable propriété n'en appartient qu'au roi, attendu la faculté perpétuelle de rachat que le roi peut exercer. Voyez ENGAGEMENT et ENGAGISTE. (A)

DOMAINE FIXE ; c'est l'ancien domaine de la couronne, tel que les seigneuries, les tailles, et autres droits domaniaux qui ne dépendent point d'aucun événement casuel. Voyez ci-devant DOMAINE ANCIEN et DOMAINE CASUEL. (A)

DOMAINE FORAIN ; ce sont certains droits domaniaux qui se lèvent sur les marchandises qui entrent dans le royaume, ou qui en sortent. (A)

DOMAINE IMMUABLE, est celui dont le produit n'augmente ni ne diminue, comme les cens et rentes, à la différence du domaine muable, qui consiste en greffes, sceaux et autres choses qui s'afferment, et dont le prix peut augmenter ou diminuer selon les circonstances. Voyez ci-devant DOMAINE DE LA COURONNE. (A)

DOMAINE MUABLE, voyez ce qui en est dit ci-devant à DOMAINE IMMUABLE, et à DOMAINE DE LA COURONNE. (A)

DOMAINE NOBLE, est un héritage appartenant à un particulier, et tenu par lui noblement, c'est-à-dire en fief ou en franc-aleu noble. Voyez FIEF et FRANC-ALEU. (A)

DOMAINE NOUVEAU ; c'est celui qui est avenu au Roi par conquête ou par acquisition, soit à prix d'argent ou par échange, ou par confiscation, commise, aubaine, bâtardise, deshérence. Voyez ci-devant DOMAINE ANCIEN et DOMAINE DE LA COURONNE. (A)

DOMAINE PARTICULIER DU ROI, est différent de celui de la couronne. Voyez ce qui en est dit ci-devant au mot DOMAINE DE LA COURONNE. (A)

DOMAINE PLEIN, signifie quelquefois la pleine propriété, c'est-à-dire celle à laquelle on joint l'usufruit : quelquefois il signifie la mouvance directe et immédiate d'un fief envers un autre seigneur, à la différence des arrieres-fiefs qui ne relèvent pas en plein fief ou plein domaine du fief suzerain. (A)

DOMAINE DU ROI. Ce terme pris strictement, signifie le domaine particulier du roi, qui n'est point encore uni à la couronne ; néanmoins dans l'usage on entend souvent par-là le domaine de la couronne. Voyez ci-devant DOMAINE DE LA COURONNE. (A)

DOMAINE REVERSIBLE ; c'est un domaine du roi ou de la couronne, qui y doit retourner à défaut d'hoirs mâles, ou dans quelqu'autre cas, ou au bout d'un certain temps, soit qu'il ait été donné à titre d'apanage ou à titre d'engagement. (A)

DOMAINE REUNI. On entend ordinairement par-là un domaine réuni à la couronne. Il y a différence entre un domaine uni et un domaine réuni ; le dernier suppose qu'il avait été séparé de la couronne, au lieu qu'un domaine peut être uni à la couronne, sans y avoir jamais été uni précédemment. Voyez le factum de M. Husson sur le domaine de Montbar. (A)

DOMAINE ROTURIER, est un héritage appartenant à un particulier, et par lui tenu en censive de quelque seigneur, ou en franc-aleu roturier. (A)

DOMAINE DU ROI, voyez ci-devant DOMAINE DE LA COURONNE, et DOMAINE PARTICULIER DU ROI. (A)

DOMAINE DU SEIGNEUR ; c'est le corps de son fief. Réunir à son domaine, c'est réunir à son fief ; faire de son fief son domaine, c'est se jouer de son fief. (A)

DOMAINE UTILE ; c'est la jouissance d'un fonds détachée de la seigneurie et de la simple propriété. Le domaine utîle est opposé au domaine direct. Un seigneur a le domaine direct d'un fonds, son censitaire en a le domaine utîle ; de même le bailleur à rente ou à emphitéose, a le domaine direct de l'héritage, le tenancier a le domaine utile. Le propriétaire considéré par rapport à l'usufruitier, a le domaine direct, et l'usufruitier le domaine utile. Enfin on dit quelquefois que le fermier a le domaine utile, c'est-à-dire la possession. Voyez ci-dev. au mot DOMAINE. (A)