On range la pintade sous le genre des poules, d'où vient qu'on l'appelle la poule de Numidie. Elle a tous les attributs et toutes les qualités des poules, crête, bec, plumage, ponte, couvée, soin de ses petits ; ses caractères distinctifs ont été indiqués ci-dessus.

Les différences des poules pintades sont fort bien désignées par Varron dans ces paroles, grandes, variae, gibberae. Grandes, elles sont effectivement plus grosses que les poules communes. Variae, leur plumage est tout moucheté : il y en a quelquefois de deux couleurs ; les unes ont des taches noires et blanches, disposées en forme de rhombes, et les autres sont d'un gris plus cendré ; toutes sont blanches sous le ventre, au-dessous et aux extrémités des ailes. Gibberae, leur dos en s'élevant forme une espèce de bosse, et représente assez naturellement le dos d'une petite tortue ; cette bosse n'est cependant formée que du replis des ailes, car lorsqu'elles sont plumées, il n'y a nulle apparence de bosse sur leur corps ; mais ce qui la fait paraitre davantage, c'est que leur queue est courte et recourbée en bas, et non pas élevée et retroussée en haut comme celles des poules communes.

La pintade a le col assez court, fort mince, et légèrement couvert d'un duvet. Sa tête est singulière ; elle n'est point garnie de plumes, mais revêtue d'une peau spongieuse, rude et ridée, dont la couleur est d'un blanc bleuâtre ; le sommet est orné d'une petite crête en forme de corne, qui est de la hauteur de cinq à six lignes : c'est une substance cartilagineuse. Gesner la compare au corno du bonnet ducal que porte le doge de Venise ; il y a pourtant de la différence, en ce que le corno du bonnet ducal est incliné sur le devant comme la corne de la licorne, au lieu que la corne de la pintade est un peu inclinée en arrière comme celle du rhinoceros. De la partie inférieure de la tête pend de chaque côté une barbe rouge et charnue, de même nature et de même couleur que la crête des coqs. Sa tête est terminée par un bec trois fois plus gros que celui des poules communes, très-pointu, très-dur, et d'une belle couleur rouge.

La pintade pond et couve de même que les poules ordinaires : ses œufs sont plus petits et moins blancs ; ils tirent un peu sur la couleur de chair, et sont marquetés de points noirs. On ne peut guère accoutumer la pintade à pondre dans le poulailler ; elle cherche le plus épais des haies et des brossailles, où elle pond jusqu'à cent œufs successivement, pourvu qu'on en laisse toujours quelqu'un dans son nid.

On ne permet guère aux pintades domestiques de couver leurs œufs, parce que les mères ne s'y attachent point, et abandonnent souvent leurs petits ; on aime mieux les faire couver par des poules d'inde, ou par des poules communes. Les jeunes pintades ressemblent à des petits perdreaux : leurs pieds et leur bec rouge joint à leur plumage, qui est alors d'un gris de perdrix, les rend fort jolies à la vue. On les nourrit avec du millet ; mais elles sont fort délicates, et très-difficiles à élever.

La pintade est un oiseau extrêmement vif, inquiet et turbulent ; elle court avec une vitesse extraordinaire, à-peu-près comme la caille et la perdrix, et ne vole pas fort haut ; elle se plait néanmoins à percher sur les toits et les arbres, et s'y tient plus volontiers pendant la nuit que dans les poulaillers. Son cri est aigre, perçant, désagréable, et presque continuel : du reste elle est d'humeur querelleuse, et veut être la maîtresse dans la basse-cour. Les plus grosses volailles, et même les poules d'inde, sont forcées de lui céder l'empire. La dureté de son bec, et l'agilité de ses mouvements, la font redouter de toute la gent volatile.

Sa manière de combattre est à-peu-près semblable à celle que Salluste attribue aux cavaliers numides : " Leurs charges, dit-il, sont brusques et précipitées ; si on leur résiste, ils tournent le dos, et un instant après font volte face : cette perpétuelle alternative harcelle extrêmement l'ennemi ". Les pintades qui se sentent du lieu de leur origine, ont conservé le génie numide. Les coqs d'inde glorieux de leur corpulence, se flattent de venir aisément à bout des pintades ; ils s'avancent contre elles avec fierté et gravité, mais celles-ci les désolent par leurs marches et contremarches : elles ont plutôt fait dix tours et donné vingt coups de bec, que les coqs d'inde n'ont pensé à se mettre en défense.

Les pintades nous viennent de Guinée : les Génois les ont apportées en Amérique dès l'an 1508, avec les premiers negres, qu'ils s'étaient engagés d'amener aux Castillans. Les Espagnols n'ont jamais pensé à les rendre domestiques ; ils les ont laissé errer à leur fantaisie dans les bois et dans les savanes, où elles sont devenues sauvages. On les appelle pintades marones ; c'est une épithète générale qu'on donne dans les Indes à tout ce qui est sauvage et errant. Lorsque les François commencèrent à s'y établir, il y en avait prodigieusement dans leurs cantons ; mais ils en ont tué une si grande quantité, qu'il n'en reste presque plus.

Entre les auteurs romains qui ont parlé de la pintade, les uns l'ont confondue avec la méléagride, et n'en ont fait qu'une seule espèce. Tels sont Varron, Columelle et Pline. D'autres les ont distinguées, et en ont fait deux diverses espèces ; tels sont Suétone, suivi par Scaliger, avec cette différence que Scaliger prétend mettre Varron de son côté, en quoi il est abandonné de ceux même qui suivent son sentiment sur la diversité de la pintade et de la méléagride, et en particulier de M. Fontanini, archevêque titulaire d'Ancire, lequel a donné une curieuse dissertation sur la pintade, dont on trouvera l'extrait dans les mém. de Trévoux, année 1729, au mois de Juin ; cependant le P. Margat a combattu le sentiment de M. Fontanini, dans le recueil des lettres édifiantes.

La pintade faisait chez les Romains les délices des meilleures tables, comme il parait par plusieurs passages d'Horace, de Pétrone, de Juvenal et de Varron ; ce dernier prétend qu'elle n'était recherchée que par les gourmands, propter fastidium hominum, c'est-à-dire pour piquer leur gout, et les remettre en appétit. Pline dit, veneunt magno pretio propter ingratum virus, expression assez difficîle à entendre, mais qui vraisemblablement ne veut pas dire qu'on vendait cher les pintades, parce qu'elles étaient détestables au gout. (D.J.)

PINTADE, (Diète) La chair de cet oiseau est très-savoureuse et très-salutaire. Les experts en bonne-chère prétendent que son goût ne ressemble à celui d'aucune volaille, et que ses différentes parties ont différents gouts. Les gens qui ne sont pas si fins trouvent que la viande de cet oiseau a beaucoup de rapport avec celle de la poule d'inde. Voyez POULE D'INDE, diete. On peut assurer en général que c'est un très-bon aliment. (b)