L'autorité n'a de force et n'est de mise, à mon sens, que dans les faits, dans les matières de religion, et dans l'histoire. Ailleurs elle est inutîle et hors d'œuvre. Qu'importe que d'autres aient pensé de même ou autrement que nous, pourvu que nous pensions juste, selon les règles du bon sens, et conformément à la vérité ? il est assez indifférent que votre opinion soit celle d'Aristote, pourvu qu'elle soit selon les lois du syllogisme. A quoi bon ces fréquentes citations, lorsqu'il s'agit de choses qui dépendent uniquement du témoignage de la raison et des sens ? A quoi bon m'assurer qu'il est jour, quand j'ai les yeux ouverts et que le soleil luit ? Les grands noms ne sont bons qu'à éblouir le peuple, à tromper les petits esprits, et à fournir du babil aux demi-savants. Le peuple qui admire tout ce qu'il n'entend pas, croit toujours que celui qui parle le plus et le moins naturellement est le plus habile. Ceux à qui il manque assez d'étendue dans l'esprit pour penser eux-mêmes, se contentent des pensées d'autrui, et comptent les suffrages. Les demi-savants qui ne sauraient se taire, et qui prennent le silence et la modestie pour des symptômes d'ignorance ou d'imbécillité, se font des magasins inépuisables de citations.

Je ne prétens pas néanmoins que l'autorité ne soit absolument d'aucun usage dans les sciences. Je veux seulement faire entendre qu'elle doit servir à nous appuyer et non pas à nous conduire ; et qu'autrement, elle entreprendrait sur les droits de la raison : celle-ci est un flambeau allumé par la nature, et destiné à nous éclairer ; l'autre n'est tout au plus qu'un bâton fait de la main des hommes, et bon pour nous soutenir en cas de faiblesse, dans le chemin que la raison nous montre.

Ceux qui se conduisent dans leurs études par l'autorité seule, ressemblent assez à des aveugles qui marchent sous la conduite d'autrui. Si leur guide est mauvais, il les jette dans des routes égarées, ou il les laisse las et fatigués, avant que d'avoir fait un pas dans le vrai chemin du savoir. S'il est habile, il leur fait à la vérité parcourir un grand espace en peu de temps ; mais ils n'ont point eu le plaisir de remarquer ni le but où ils allaient, ni les objets qui ornaient le rivage, et le rendaient agréable.

Je me représente ces esprits qui ne veulent rien devoir à leurs propres réflexions, et qui se guident sans cesse d'après les idées des autres, comme des enfants dont les jambes ne s'affermissent point, ou des malades qui ne sortent point de l'état de convalescence, et ne feront jamais un pas sans un bras étranger.

AUTORITE, s. f. se dit des règles, des lais, des canons, des decrets, des décisions, etc. que l'on cite en disputant ou en écrivant.

Les passages tirés d'Aristote sont d'une grande autorité dans les écoles ; les textes de l'Ecriture ont une autorité décisive. Les autorités sont une espèce d'argument que les rhétoriciens appellent naturels et sans art, ou extrinseques. Voyez ARGUMENT.

Quant à l'usage et à l'effet des autorités, voyez PREJUGE, RAISON, PREUVE, PROBABILITE, FOI, REVELATION, etc.

En Droit, les autorités sont les lais, les ordonnances, coutumes, édits, déclarations, arrêts, sentiments des Jurisconsultes favorables à l'espèce dans laquelle on les cite.

AUTORITE, s'emploie aussi quelquefois comme synonyme à autorisation. Voyez ci-dessus. Voyez aussi PUISSANCE MARITALE. (H)