Voici donc les anciens Médecins grecs et romains, rangés à-peu-près suivant l'ordre des temps qu'ils ont vécu, du-moins pour la plus grande partie, car je ne puis pas répondre pour tous, de mon ordre chronologique :

Esculape, Machaon et Podalyre, Démocrite de Crotone, Acron, Alcmoeon, Aegimius, Hérodicus de Sélymbre, Hippocrate, Démocrite d'Abdere, Dioclès de Caryste, Praxagore, Chrisippe de Cnide, Erasistrate, Hérophile, Callianax, Philinus de Cos, Sérapion grec, Héraclide le Tarentin, Asclépiade, Thémison, Aelius Promotus, Artorius, Aemilius Macer, Musa, Euphorbe, Ménécrate, Celse, Scribonius Largus, Andromachus, Arétée, Symmachus, Thessalus, Rufus d'Ephese, Quintus, Galien, Athénée, Agathinus, Archigène, Soranus, Coelius-Aurelianus, Oribaze, Aètius, Vindicianus, Priscianus, Alexandre Trallian, Moschion, Paul Eginete, Théophile, Protospatarius, Palladius, Gariopontus, Actuarius, Myrepsus.

Les Médecins arabes qui suivirent, sont :

Joanna, Haly-Abbas, Abulhusen-Ibnu-Telmid, Rhazès, Ezarharagni, Etrabarani, Avicenne, Mésué, Sérapion, Thograi, Ibnu-Thophail, Ibnu-Zohar, Ibnu-el-Baitar, Avenzoar, Averrhoès, Albucasis.

Les auteurs européens qui introduisirent la Chimie dans la Médecine, sont :

Albert le Grand, Roger Bacon, Arnauld de Villeneuve, Basile, Valentin, Paracelse et Van-Helmont, dont nous avons déjà parlé aux mots MEDECINE et CHIMIE.

Je passe maintenant aux détails particuliers qui concernent les anciens, et je suivrai l'ordre alphabétique des noms de chacun, pour la plus grande commodité des Médecins lecteurs.

Abaris, prêtre d'Appollon l'hyperboréen, est un scythe qu'on dit avoir été versé dans la Médecine, et qu'on donne pour l'auteur de plusieurs talismants admirables. Les uns placent Abaris avant la guerre de Troie, d'autres le renvaient au temps de Pythagore, mais tout ce qu'on en raconte est entièrement fabuleux.

Abulhusen-Ibnu-Telmid, habîle Médecin arabe, chrétien, de la secte des Jacobites, naquit à Bagdad. Il composa un ouvrage sur toutes les maladies du corps humain ; cet ouvrage intitulé elmalihi, c'est-à-dire, la vraie réalité, fut présenté au soudan, et valut à l'auteur la place de médecin de ce prince, dans laquelle il acquit beaucoup d'honneur et de richesses. Il mourut l'an de l'hégyre 384, et de Jesus-Christ 994.

Acésias, médecin grec, dont nous ne savons autre chose sinon qu'il était si malheureux dans l'exercice de sa profession, que lorsqu'on parlait de quelqu'un qui avait échoué dans une entreprise, on disait communément en proverbe, , Acésias s'en est mêlé. Il en est parlé dans les proverbes d'Aristophane.

Athénée fait mention d'un Acésias que l'on met au nombre des auteurs qui ont traité de la manière de faire des conserves, lequel, à ce que prétend Fabricius, est différent de celui dont il s'agit ici.

Acron, naquit à Agrigente, et fut contemporain d'Empedocle ; il exerça la Médecine quelque temps avant Hippocrate ; il passe pour avoir pratiqué cette science avec beaucoup de succès, et l'empirisme le revendique comme un de ses sectateurs. Plutarque dit qu'Acron se trouva à Athènes lors de la grande peste qui ravagea ce pays au commencement de la guerre du Péloponnèse, et qu'il conseilla au Athéniens d'allumer dans les rues de grands feux dans le dessein de purifier l'air. On raconte le même fait d'Hippocrate ; c'est quelquefois la coutume des anciens d'attribuer à plusieurs grands médecins les cures remarquables et les actions singulières d'un seul. Les modernes ont donné dans une erreur assez semblable au sujet des découvertes qui avaient été faites, ou des choses qui avaient été dites plusieurs siècles avant qu'ils existassent.

Actuarius. Ce n'est point le véritable nom de Jean, fils de Zacarias, écrivain grec des derniers siècles. Tous les médecins de la cour de Constantinople portèrent ce titre, qui par une distinction dont nous ne connaissons point la cause, et dont nous ne pouvons rendre raison, demeura si particulièrement attaché à l'écrivain dont il s'agit ici, qu'à peine le connoit-on sous un autre nom que sous celui d'Actuarius.

La seule circonstance de sa vie qui soit parvenue jusqu'à nous, c'est qu'il fut honoré de ce titre ; et ses ouvrages sont des preuves suffisantes qu'il le méritait ; qu'en l'élevant à cette dignité on rendit justice à son habileté, et qu'elle seule l'en rendit digne.

Les six livres de Thérapeutique qu'il écrivit pour l'usage du grand chambellan qui fut envoyé en ambassade dans le Nord, quoique composés comme il nous l'apprend en fort peu de temps, et destinés à l'utilité particulière de l'ambassadeur, contiennent, au jugement du docteur Freind, une compilation judicieuse des écrivains qui l'ont précédé, et quelques observations qu'on n'avait point faites avant lui, comme on peut voir dans la section de la palpitation du cœur. Il en distingue de deux sortes ; l'une provient de la plénitude ou de la chaleur du sang, c'est la plus commune. Les vapeurs sont la cause de l'autre. Il indique la manière de les distinguer, en remarquant que celle qui nait de plénitude est toujours accompagnée d'inégalité dans le pouls, ce qui n'arrive point dans celle qui provient de vapeurs. Il conseille dans cette maladie la purgation et la saignée ; et cette pratique a été suivie par les plus grands médecins de ces derniers siècles.

Fabricius le place au temps d'Andronic Paléologue, aux environs de l'an 1300, ou, selon d'autres, de l'an 1100 ; mais aucun écrivain de ces siècles n'en ayant parlé, il est difficîle de fixer le temps auquel il a vécu. Nous n'avons d'autres connaissances de son éducation, de ses sentiments et de ses études, que celles que nous pouvons tirer de ses ouvrages.

Il a exposé fort au long la doctrine des urines dans sept traités, et il finit son discours par une sortie fort vive contre ceux qui exerçant sur les connaissances et la vérité une espèce de monopole, ne peuvent souffrir qu'on en fasse part au public, et ne voient que d'un oeil chagrin les hommes se familiariser avec des lumières qui leur sont utiles.

Actuarius aimait les systèmes et les raisonnements théoriques ; il a composé les ouvrages suivants.

Sept livres sur les urines qui n'ont jamais été publiés en grec : Ambrosius Leo Nolanus les a traduits en latin, dont Goupylus a revu la traduction, et on les a imprimés in -8°. Ils se trouvent dans l'Artis medicae principes de Henri Estienne.

Six livres de Thérapeutique qui n'ont jamais paru en grec : Ruellius a traduit en latin le cinquième et le sixième, et sa version a été imprimée à Paris. L'ouvrage entier a été traduit par Henricus Mathisius. On trouve sa version dans l'Artis medicae principes.

Goupylus fit paraitre en grec à Paris deux livres du même auteur, l'un des affections, et l'autre de la génération des esprits animaux, sous le titre commun, .

On trouve dans l'Artis medicae principes une traduction latine de l'ouvrage précédent ; elle est de Julius Alexandrinus Tridentinus ; elle a été aussi imprimée séparément, Parisiis, apud Morellum, in-8°. et Lugduni, apud Joannem Tornesium, 1556, in-8°.

Ses traités de venae sectione, de diaetâ, ses regales et commentarii in Hippocratis aphorismos, sont demeurés en manuscrit.

Adrien. Depuis que les médecins ont lu dans Aurelius Victor, que cet empereur possédait la médecine, ils ont trouvé leur profession trop honorée pour ne pas le mettre dans leur bibliographie médicinale. Ils l'ont fait inventeur d'un antidote qui porte son nom, et dont la préparation se trouve dans Aetius Tetrab. IV. serm. I. cap. 108. Cependant il tomba de bonne heure dans une hydropisie si fâcheuse, qu'il prit le parti de se donner la mort, ne voyant aucune espérance de guérison. Il reconnut dans ces derniers moments qu'il n'avait consulté que trop de médecins. Hinc illa infaelicis monumenti inscriptio, turbâ se medicorum periisse, dit Pline : paroles qui sont devenues une espèce de proverbe, dont les hommes, et surtout les princes, ne profitent pas assez.

Aegimius. C'est le premier médecin qui ait écrit expressément sur le pouls, si nous en croyons Galien. Il était de Vélie ; mais nous ne savons dans quel siècle il a vécu. Le Clerc croit qu'il a précédé Hippocrate, et son opinion est très-vraisemblable. Le traité d'Aegimius sur le pouls ; était intitulé , des palpitations ; ce qui prouve que l'auteur de ce traité était très-ancien, puisqu'il existait sans doute avant que les autres termes, dont les auteurs de médecine se sont ensuite servis pour exprimer la même chose, fussent inventés.

Aelius Promotus. Il parait qu'il y a deux médecins de ce nom ; l'un fut disciple d'Ostanes roi de Perse, et accompagna Xerxès en Grèce.

L'autre exerça la médecine à Alexandrie, et vécut du temps de Pompée. Il a écrit un traité , des poisons et des medicaments mortels. Gemer et Tiraqueau disent qu'on voit dans quelques bibliothèques italiennes, cet ouvrage en manuscrit : Mercurialis et Fabricius assurent qu'il est au Vatican.

Aemilius Macer. Poète de Vérone, vécut sous le règne d'Auguste. Il est contemporain d'Ovide ; mais un peu plus âgé que lui, comme il parait par ces vers d'Ovide :

Saepe suas volucres legit mihi grandior aevo,

Quaeque nocet serpens, quae juvat herba, Macer.

L'on sait de-là qu'il avait écrit des oiseaux, des serpens et des plantes. Le Clerc prétend qu'il n'avait parlé que des végétaux qui servaient d'antidote aux poisons qui faisaient la matière de son poème. Servius dit que le même auteur avait écrit aussi des abeilles.

C'est par la matière de son poème qu'Aemilius Macer a obtenu une place entre les auteurs de médecine. Ses ouvrages ont été perdus. Ceux qui portent son nom passent, parmi les savants, pour supposés ; ils ont été écrits à ce qu'on dit, par un certain Obodonus.

Aeschrion, médecin grec de la secte empirique, dont nous savons seulement qu'il était très-versé dans la connaissance de la matière médicale, et qu'il eut part à l'instruction de Galien, qui nous a laissé la description d'un remède contre la morsure d'un chien enragé, qu'il tenait de lui et qu'il estime très-efficace ; ce remède se fait tous les jours, et passe pour une découverte moderne : c'est une préparation de cendres d'écrivisses, de gentiane et d'encens infusés dans de l'eau. Son emplâtre de poix, d'opopanax et de vinaigre, appliqué sur la plaie, était plus sensée.

Aetius. Il parait qu'il y a eu trois médecins de ce nom, et qu'ils ont tous trois mérité que nous en disions quelques choses.

Le premier est Aetius Sicanius. C'est de ses écrits qu'on dit que Galien a tiré le livre de atrâ bile, qu'on lui attribue.

Le second est Aetius d'Antioche, fameux par les différents états qu'il embrassa successivement : il cessa d'être vigneron pour devenir orfèvre ; il quitta le tablier d'orfèvre pour étudier la médecine ; abandonna cette science pour prendre les ordres sacrés, et devint évêque vers l'an 361. Il embrassa et soutint l'Arianisme avec beaucoup de zèle et d'habileté.

Le troisième Aetius, fut Aetius d'Amida, dont nous possédons les ouvrages. On croit qu'il vécut sur la fin du iv. siècle, ou au commencement du Ve Tout ce que nous savons de sa vie, c'est qu'il étudia la médecine en Egypte et en Caelesyrie. Il parait par deux endroits de ses ouvrages (Tetrab. II. serm. IV. cap. 50. et Tetrab. IV. serm. I. cap. 11.) qu'il était chrétien ; mais d'une telle crédulité, que sa foi faisait peu d'honneur à sa religion. Cependant cet auteur mérite la considération des médecins, en ce qu'il leur a conservé dans ses collections quelques pratiques importantes, qui sans lui auraient été immanquablement perdues. Il ne s'est pas seulement enrichi d'Oribase, mais de tout ce qui lui convenait dans la thérapeutique de Galien, dans Archigène, Rufus, Dioscoride, Soranus, Philagrius, Possidonius et quelques autres, dont les noms se trouvent avec éloge dans l'histoire de la médecine.

Il ne nous reste des ouvrages d'Aetius imprimés en grec, que les deux premiers tetrabibles, ou les huit premiers livres, qui ont paru chez Alde à Venise en 1524, in-fol. On dit que le reste est en manuscrit dans quelques bibliothèques. Janus Cornarius traduisit et publia l'ouvrage entier à Bâle en 1542. On le trouve dans la collection des artis medicae principes de Henry Etienne.

Agatarchides surnommé Gnidien, vivait sous Ptolomée Philométor qui regnait environ cent trente ans avant Alexandre le grand. Il n'était pas médecin de profession, mais il avait composé entr'autres ouvrages qui sont tous perdus, une histoire des pays voisins de la mer rouge, dans laquelle il parle d'une maladie endémique de ces peuples, qui consistait dans de petits animaux (dracunculos) qui s'engendraient dans les parties musculeuses des bras et des jambes, et y causaient des ulcères.

Agathiuns, médecin dont il est parlé dans Galien, dans Caelius Aurelianus et dans Aetius. Il a composé différents traités sur l'ellébore, le pouls et divers autres sujets. Il était de la secte pneumatique, et par conséquent partisan d'Athénée. Suidas nous apprend qu'il avait été maître d'Archigène, qui exerça la médecine à Rome, sous l'empire de Trajan. Ses ouvrages sont perdus.

Albucasis, médecin arabe de la fin du XIe siècle. Suivant Fabricius il est connu sous le nom de Alsa haravius ; il a composé un ouvrage appelé altasrif, ou méthode de pratique, qui est effectivement un livre fort méthodique, mais qui ne contient rien qu'on ne trouve dans les ouvrages de Rhazès. Quoiqu'on suppose communément qu'il vivait vers l'an 1085, on a tout lieu de croire qu'il n'est pas si ancien ; car en traitant des blessures, il décrit les flèches dont se servent les Turcs, et l'on sait qu'on ne les connaissait point avant le milieu du douzième siècle. Après tout Albucasis est le seul des anciens qui ait décrit et enseigné l'usage des instruments qui conviennent à chaque opération chirurgicale ; il a même soin d'avertir le lecteur de tous les dangers de l'opération, et des moyens qu'on peut employer pour les écarter, ou les diminuer. On a imprimé les ouvrages d'Albucasis en latin à Venise, en 1500, in-folio ; à Strasbourg, en 1532, in-folio, et à Bâle avec d'autres auteurs, en 1541 in-fol.

Aléxandre Trallian, c'est-à-dire de Tralles ville de Lydie, où il naquit dans le sixième siècle, d'un père qui était médecin de profession. Après la mort de ce père, il continua d'étudier sous un autre médecin, et compila son ouvrage qui lui procura tous les avantages d'une grande réputation ; en entrant dans la pratique de la médecine, il mérita cette réputation par l'étendue de ses connaissances. C'est en effet le seul auteur des derniers siècles des lettres, qu'on puisse appeler un auteur original. Sa méthode est claire et exacte, et son exactitude se remarque surtout dans ses détails des signes diagnostiques. Quant à sa manière de traiter les maladies, elle est ordinairement assez bien raisonnée, accompagnée du détail de la succession des symptômes et de l'application des remèdes. Il s'est écarté fréquemment de la pratique reçue de son temps, et parait le premier qui ait introduit l'usage du fer en substance dans la Médecine : mais malgré ses connaissances et son jugement, il n'a pas été exemt de certaines faiblesses dont on avait tout lieu d'espérer que sa raison et son expérience l'auraient garanti. Il poussa la crédulité fort loin, et donna dans les amuletes et les enchantements ; tant les causes de l'erreur peuvent être étranges chez les hommes qui ne savent pas se garantir des dangers de la superstition. Peut-être que sans ce fanatisme, Trallian ne le céderait guère qu'à Hippocrate et à Arétée.

Nous avons une traduction de ses ouvrages par Albanus Taurinus, imprimée à Bâle apud Henricum Petri 1532 et 1541 in-fol. Guinterius Andernacus en a donné une autre à Strasbourg, en 1549 in -8°. et Lugduni 1575, cum Joannis Molinaei annotationibus. On trouve cette traduction entre les Artis medicae principes, donné par Etienne. Nous avons aussi une édition de Trallian en grec, Parisiis apud Robertum Stephanum, 1548 fol. cum castigationibus Jacobi Goupilii. Enfin la meilleure édition de toutes les œuvres d'Alexandre, a paru à Londres graecè et latinè 1732, 2 vol. in-fol.

Alexion fut un médecin qui vivait du temps de Cicéron et d'Atticus. Ces deux illustres personnages paraissent l'avoir honoré d'une grande amitié. Il mourut avant Cicéron, et il en fut extrêmement regretté, comme on voit par ce que Cicéron même en écrit à Atticus. " Nous venons de perdre Alexion ; quelle perte ! Je ne peux vous exprimer la peine que j'en ressens. Mais si je m'en afflige, ce n'est point par la raison qu'on croit communément que j'ai de m'en affliger ; la difficulté de lui trouver un digne successeur. A qui maintenant aurez-vous recours, me dit-on ? qui appellerez-vous dans la maladie ? comme si j'avais grand besoin de médecin, ou comme s'il était si difficîle d'en trouver ! Ce que je regrette, c'est son amitié pour moi, sa bonté, sa douceur ; ce qui m'afflige, c'est que toute la science qu'il possédait, toute sa sobriété ne l'aient point empêché d'être emporté subitement par la maladie. S'il est possible de se consoler dans des événements pareils, c'est par la seule réflexion que nous n'avons reçu la naissance, qu'à condition que nous nous soumettrions à tout ce qui peut arriver de malheureux à un homme vivant. " Epist. à Attic. Lib. XV. epist. j. Sur cet éloge que Cicéron fait d'Alexion, on ne peut qu'en concevoir une haute estime, et regretter les particularités de sa vie qui nous manquent.

Alexippe fut un des médecins d'Alexandre le grand, qui lui écrivit, au rapport de Plutarque, une lettre pleine d'affection, pour le remercier de ce qu'il avait tiré Peucestas d'une maladie fort dangereuse.

Andreas, ancien médecin dont parle Celse dans la préface de son cinquième livre. Andreas, dit-il, Zenon et Apollonius surnommé Mus, ont laissé un grand nombre de volumes sur les propriétés des purgatifs. Asclépiade bannit de la pratique la plupart de ces remèdes, et ce ne fut pas sans raison, ajoute Celse, car toutes ces compositions purgatives étant mauvaises au gout, et dangereuses pour l'estomac, ce médecin fit bien de les rejeter, et de se tourner entièrement du côté de la partie de la médecine qui traite les maladies par le régime.

Andromachus, naquit en Crète, et vécut sous le règne de Néron, comme on en peut juger par son poème de la thériaque dédié à cet empereur. La seule chose qui nous reste de ce médecin, c'est un grand nombre de descriptions de médicaments composés qui étaient en partie de son invention. Il nous reste encore aujourd'hui le poème grec en vers élégiaques qu'il dédia à Néron, où il enseigne la manière de préparer cet antidote, et où il désigne les maladies auxquelles il est propre. Ce remède eut tant de faveur à Rome, que quelques empereurs le firent composer dans leur palais, et prirent un soin particulier de faire venir toutes les drogues nécessaires, et de les avoir bien conditionnées. On suit encore aujourd'hui assez scrupuleusement par-tout la description de la thériaque du médecin de Néron, quoiqu'elle soit pleine de défauts et de superfluités. De savants médecins ont été curieux d'examiner quand, comment, on en vint à ces sortes de compositions, et combien insensiblement on en augmenta les ingrédiens. Je renvoie là-dessus le lecteur à l'excellente histoire de la Médecine de M. le Clerc.

Apollonides, médecin de Cos, vivait dans la 75e Olympiade. Il n'est connu que par une aventure qui le fit périr malheureusement, et qui ne fait honneur ni à sa mémoire, ni à sa profession. Amithys veuve de Mégabise, et sœur d'Artaxerxès Longuemain, eut une maladie pour laquelle elle crut devoir consulter Apollonides. Celui-ci abusant de la confiance de la princesse, obtint ses faveurs, en lui persuadant que la guérison de son mal en dépendait ; cependant Amithys voyant tous les jours sa santé dépérir, se repentit de sa faute, et en fit confidence à la reine sa mère. Elle mourut peu de temps après, et le jour de sa mort, le médecin Apollonides fut condamné à être enterré vif.

Archagathus, médecin célèbre parmi les Romains, qui, selon quelques auteurs, fit le premier connaître la médecine à Rome ; c'est Pline lui-même, livre XXIX. chap. j. qui nous apprend qu'Archagathus fils de Lysanias du Pélopponnese, fut le premier médecin qui vint à Rome sous le consulat de Lucius Aemilius, et de Marcus Livius, l'an 535 de la fondation de la ville. Il ajoute qu'on lui accorda la bourgeoisie, et que le public lui acheta gratuitement une boutique pour y exercer sa profession ; qu'au commencement on lui avait donné le surnom de guérisseur de plaies, vulnerarius ; mais que peu de temps après, la pratique de couper et de bruler dont il se servait, ayant paru cruelle, on changea son surnom en celui de bourreau ; et l'on prit dès-lors une grande aversion pour la Médecine, et pour ceux qui l'exerçaient.

Il paraitra surprenant que les Romains se soient passés si longtemps de médecins ; et l'on oppose à l'autorité de Pline celle de Denys d'Halicarnasse, qui dit, liv. X. que la peste ravageant Rome l'an 301 de sa fondation, les Médecins ne suffisaient pas pour le nombre des malades. Il y avait donc des médecins à Rome plus de 200 ans avant l'époque marquée par Pline, et comme il y en a eu de tout temps chez les autres peuples. Ainsi pour concilier ces deux auteurs, il faut entendre des médecins étrangers, et particulièrement des grecs, tout ce que Pline en dit. Les Romains jusqu'à la venue d'Archagathus, usèrent de la simple médecine empirique, qui était si fort du goût de Caton, et de laquelle il était le premier des Romains qui en eut écrit.

Il n'est pas étrange que les Romains n'aient point eu de connaissance de la médecine rationelle, jusqu'à la venue d'Archagathus, puisqu'ils ont d'ailleurs beaucoup tardé à cultiver les autres sciences et les beaux arts. Cicéron nous apprend qu'ils avaient dédaigné la Philosophie jusqu'à son temps.

Archigènes, vivait sous Trajan, pratiqua la Médecine à Rome, et mourut à l'âge de 63 ans, après avoir beaucoup écrit sur la Physique et sur la Médecine. Suidas qui nous apprend ce détail, ajoute qu'Archigènes était d'Apamée en Syrie, et que son père s'appelait Philippe.

Juvenal parle beaucoup d'Archigènes, entr'autres, satyre VI. vers 236.

Tunc corpore sano

Advocat Archigenem, onerosaque pallia jactat,

Quot Themisum aegros.

Et dans la satyre XIV. vers 52.

Ocyus Archigenem quaere, atque eme quod Mithridates

Composuit.

Juvénal ayant vécu jusqu'à la douzième année d'Adrien, a été contemporain d'Archigènes ; et la manière dont il en parle, fait voir la grande pratique qu'avait ce médecin.

Mais ce n'est pas sur le seul témoignage de Juvénal, que la réputation d'Archigènes est établie ; il a encore en sa faveur celui de Galien, témoignage d'autant plus fort, que cet auteur est du métier, et qu'il n'est point prodigue de louanges pour ceux qui ne sont pas de son parti. " Archigènes, dit-il, a appris avec autant de soin que personne, tout ce qui concerne l'art de la Médecine ; ce qui a rendu avec justice recommandable tous les écrits qu'il a laissés, et qui sont en grand nombre ; mais il n'est pas pour cela irrépréhensible dans ses opinions, etc. " Archigènes avait embrassé la secte des Pneumatiques et des Méthodiques, c'est-à-dire, qu'il était proprement de la secte éclectique.

Arétée, vivait selon Wigan, sous le règne de Néron, et avant celui de Domitien ; comme Aetius et Paul Eginete le citent, il est certain qu'il les a précédés. C'est un auteur d'une si grande réputation, que les Médecins ne sauraient trop l'étudier. Il adopta les principes théoriques des Pneumatiques, et suivit généralement la pratique des Méthodiques : ses ouvrages sur les maladies ne permettent pas d'en douter. Il employa le premier les cantharides en qualité de vésicatoires, et eut pour imitateur Archigènes. " Nous nous servons du cataplasme où elles entrent, dit ce dernier dans Actius, parce qu'il produit de grands effets, pourvu que les petits ulcères demeurent ouverts, et qu'ils fluent ; mais il faut avec soin garantir la vessie par l'usage du lait, tant intérieurement qu'extérieurement ".

Arétée n'avait pas moins de modestie que de savoir, comme il parait par son détail d'une hydropisie vésiculaire, dont les autres médecins n'avaient point parlé. Il rapporte ailleurs le cas d'une maladie encore plus rare. " Il y a, dit-il, une espèce de manie dans laquelle les malades se déchirent le corps, et se font des incisions dans les chairs, poussés à cette pieuse extravagance par l'idée de se rendre plus agréables aux dieux qu'ils servent, et qui demandent d'eux ce sacrifice. Cette espèce de fureur ne les empêche pas d'être sensés sur d'autres sujets : on les guérit tantôt par le son de la flute, tantôt en les enivrant ; et dès que leur accès est passé, ils sont de bonne humeur, et se craient initiés au service de Dieu. Au reste, continue-t-il, ces sortes de maniaques sont pâles, maigres, décharnés, et leur corps demeure longtemps affoibli des blessures qu'ils se sont faites ".

Ce n'est point ici le lieu de parler de l'anatomie d'Arétée ; il suffit de remarquer qu'il a coutume de commencer chaque chapitre par une courte description anatomique de la partie dont il Ve décrire les maladies.

Junius Publius Crassus mit au jour une traduction latine de cet illustre médecin, à Venise en 1552. in -4°. mais l'édition grecque de Goupylus, faite à Paris en 1554 in -8°. est préférable à tous égards. Elle a été suivie dans les artis medicae principes de Henri Etienne, en 1567. in-fol. Dans la suite des temps, Jean Wigan fit paraitre à Oxford en 1723. in-fol. une exacte et magnifique édition d'Arétée : cette édition ne cede le pas qu'à celle de Boerhaave, publiée Lugd. Bat. 1735. in-fol.

Artorius, que Caelius Aurelianus a cité comme successeur d'Asclépiade, est vraisemblablement le même médecin que celui que Suétone et Plutarque ont appelé l'ami d'Auguste, et qui sauva la vie à cet empereur à la bataille de Philippe, en lui conseillant (apparemment d'après les désirs des militaires éclairés) de se faire porter sur le champ de bataille tout malade qu'il était, ou qu'il feignait d'être. Ce conseil fut heureusement suivi par Auguste ; car s'il fût demeuré dans son camp, il serait infailliblement tombé entre les mains de Brutus, qui s'en empara pendant l'action. Quoiqu' Artorius ne se soit point illustré dans son art par aucun ouvrage, tous ceux qui ont écrit l'histoire de la Médecine, en ont fait mention avant moi.

Asclépiade, médecin d'une grande réputation à Rome pendant la vie de Mitridate, c'est-à-dire, vers le milieu du siècle xxxix. Cet Asclépiade n'était pas de la même famille des Asclépiades, c'est-à-dire des enfants d'Asclépius, qui est le nom grec d'Esculape ; nous en parlerons tout-à-l'heure dans un article à part. Il s'agit ici d'Asclépiade, qui remit en crédit dans Rome la Médecine qu'Archagatus médecin grec y avait fait connaître environ 100 ans auparavant.

Asclépiade était de Pruse en Bithinie, et vint s'établir à Rome à l'imitation d'un grand nombre d'autres grecs qui s'étaient rendus dans cette capitale du monde, dans l'espérance d'y faire fortune. Asclépiade pour se mettre en crédit, condamna les remèdes cruels de ses prédécesseurs, et n'en proposa que de fort doux, disant avec esprit, qu'un médecin doit guérir des malades promptement et agréablement ; méthode charmante, s'il était possible de n'ordonner rien que d'agréable, et s'il n'y avait ordinairement du danger à vouloir guérir trop vite.

Ce nouvel Esculape ayant réduit toute la science d'un médecin à la recherche des causes des maladies, changea de face l'ancienne médecine. Il la borna selon Pline, à cinq chefs, à des remèdes doux, à l'abstinence des viandes, à celles du vin en certaines occasions, aux frictions, et à la promenade : il inventait tous les jours quelque chose de particulier pour faire plaisir à ses malades.

Il imagina cent nouvelles sortes de bains, et entr'autres des bains suspendus ; en sorte qu'il gagna, pour ainsi dire, tout le genre humain, et fut regardé comme un homme envoyé du ciel. Quoique tous ces éloges partent de l'esprit de Pline, qui n'est guère de sang froid quand il s'agit de louer ou de blâmer, il est vrai cependant que le témoignage de l'antiquité, est presque tout à l'avantage d'Asclépiade. Apulée, Scribonius Largus, Sextus Empiricus, et Celse, en font beaucoup de cas ; mais pour dire quelque chose de plus, il était tout ensemble le médecin et l'ami de Cicéron, qui vante extrêmement son éloquence ; ce qui prouve que ce médecin n'avait pas quitté son métier de rhéteur, faute de capacité.

Malheureusement les écrits d'Asclépiade ne sont pas parvenus jusqu'à nous ; et c'est une perte, parce que, s'ils n'étaient pas utiles aux Médecins, ils serviraient du-moins aux Philosophes à éclaircir les écrits que nous avons d'Epicure, de Lucrèce, et de Démocrite. Il ne faut pas confondre notre Asclépiade avec deux autres de ce nom cités par Galien, et dont l'un se distingua dans la composition des médicaments appelés en grec pharmaca.

Asclépiades, Asclepiadae ; c'est ainsi qu'on a nommé les descendants d'Esculape, qui ont eu la réputation d'avoir conservé la Médecine dans leur famille sans interruption. Nous en saurions quelque chose de plus particulier, si nous avions les écrits d'Eratosthènes, de Phérécides, d'Apollodore, d'Arius de Tarse, et de Polyanthus de Cyrène, qui avaient pris le soin de faire l'histoire de ces descendants d'Esculape. Mais quoique les ouvrages de ces auteurs se soient perdus, les noms d'une partie des Asclépiades se sont au moins conservés, comme le justifie la liste des prédécesseurs d'Hippocrate, dixhuitième descendant d'Esculape. La généalogie de ce grand homme se trouve encore toute dans les Historiens. On pensera sans doute que cette généalogie est fabuleuse ; mais outre qu'on peut répondre qu'elle est tout aussi authentique que celle de la plupart de nos grands seigneurs, il est du-moins certain, qu'on connaissait avant Hippocrate, diverses branches de la famille d'Esculape, outre la sienne ; et que celle d'où ce célèbre médecin sortait, était distinguée par le surnom d'Asclépiades Xébrides, c'est-à-dire de Xébrus.

On comptait trois fameuses écoles établies par les Asclépiades : la première était celle de Rhodes ; et c'est aussi celle qui manqua la première, par le défaut de cette branche des successeurs d'Esculape ; ce qui arriva, selon les apparences, longtemps avant Hippocrate, puisqu'il n'en parle point comme il fait de celle de Gnide, qui était la troisième, et de celle de Cos, la seconde. Ces deux dernières fleurissaient en même temps que l'école d'Italie, dont était Pythagore, Empédocle, et d'autres philosophes médecins, quoique les écoles grecques fussent plus anciennes. Ces trois écoles, les seules qui fissent du bruit, avaient une émulation réciproque pour avancer les progrès de la Médecine. Cependant Galien donne la première place à celle de Cos, comme ayant produit le plus grand nombre d'excellents disciples ; celle de Gnide tenait le second rang, et celle d'Italie le troisième. Hérodote parle aussi d'une école d'Asclépiades établie à Cyrène, où Esculape avait un temple. Enfin, le même historien fait mention d'une école de Médecine qui régnait à Crotone, patrie de Démocede. Voyez DEMOCEDE.

On connait la méthode des Asclépiades de Gnide par quelques passages d'Hippocrate, dont on peut recueillir, 1°. que ces médecins se contentaient de faire une exacte description des symptômes d'une maladie, sans raisonner sur les causes, et sans s'attacher au pronostic ; 2°. qu'ils ne se servaient que d'un très-petit nombre de remèdes, qu'eux et leurs prédécesseurs avaient sans doute expérimentés. L'élatérium, qui est un purgatif tiré du concombre sauvage, le lait, et le petit-lait, faisaient presque toute leur médecine.

A l'égard des médecins de Cos, on peut aussi dire, que si les praenotiones coacae qui se trouvent parmi les œuvres d'Hippocrate, ne sont qu'un recueil d'observations faites par les médecins de Cos, comme plusieurs anciens l'ont cru ; il parait que cette école suivait les mêmes principes que celle de Gnide, et qu'elle s'attachait peu à la Médecine raisonnée, c'est-à-dire, à celle qui travaille à rechercher les causes cachées des maladies, et à rendre raison de l'opération des remèdes.

Quoi qu'en dise Galien, les Asclépiades n'avaient pas fait encore de grands progrès dans l'Anatomie avant le temps d'Hippocrate ; mais la pratique de l'art leur fournissait tous les jours des occasions de voir sur des corps vivants, ce qu'ils n'avaient pu découvrir sur les morts, lorsqu'ils avaient à traiter des plaies, des ulcères, des tumeurs, des fractures, et des dislocations.

Athenée, natif d'Attalie, ville de Cilicie, fut le premier fondateur de la secte pneumatique. Ce médecin parut après Thémison, après Archigène, et fleurit un peu de temps après Pline. Il pensait que ce n'est point le feu, l'air, la terre et l'eau qui sont les véritables éléments ; mais il donnait ce nom à ce qu'on appelle les qualités premières de ces quatre corps, c'est-à-dire, au chaud, au froid, à l'humide, et au sec ; enfin, il leur ajoutait un cinquième élément, qu'il appelait esprit, lequel, selon lui, pénétroit tous les corps, et les conservait dans leur état naturel. C'est la même opinion des Stoïciens que Virgile insinue dans ces vers de son Aenéïde l. VI.

Principio coelum ac terras, camposque liquentes,

Lucentemque globum lunae, titaniaque astra,

Spiritus intus alit : totamque infusa per artus

Mens agitat molem, et magno se corpore miscet.

Athenée appliquant ce système à la Médecine, croyait que la plupart des maladies survenaient, lorsque l'esprit dont on vient de parler, souffre le premier quelque atteinte : mais comme les écrits de ce médecin, à l'exception de deux ou trois chapitres qu'on trouve dans les recueils d'Oribaze, ne sont pas venus jusqu'à nous, on ne sait guère ce qu'il entendait par cet esprit, ni comment il convenait qu'il souffre. On peut seulement recueillir de sa définition du pouls, qu'il croyait que cet esprit était une substance qui se mouvait d'elle-même, et qui mouvait le cœur et les artères. Galien prétend qu'aucun des médecins de ce temps-là n'avait si universellement écrit de la Médecine qu'Athenée.

Avenzoar, médecin arabe, moins ancien qu'Avicenne, et qui a précédé Averrhoès qui le comble d'éloges dans plus d'un endroit de ses ouvrages. Il naquit, ou du-moins il demeurait à Séville, capitale de l'Andalousie, où les califes mahométants faisaient pour lors leur résidence. Il vécut beaucoup au-delà de cent ans, et jouit d'une santé parfaite jusqu'au dernier moment de sa vie, quoiqu'il eut essuyé bien des traitements barbares de la part d'Haly, gouverneur de Séville. Il parait par son livre nommé thaisser, qu'il avait la direction d'un hôpital, et qu'il fut souvent employé par le miramamolin. Il montre dans le même ouvrage beaucoup de savoir et de jugement. Il parait mépriser toutes les subtilités des sophistes, et regarder l'expérience comme le guide le plus sur que l'on puisse suivre dans la pratique de la médecine. Mais attaché en même temps à la secte dogmatique, il raisonne avec bon sens sur les causes et les symptômes des maladies. Enfin, comme il prend Galien pour son guide dans la théorie médicinale, il ne perd aucune occasion de le citer. Son livre thaisser ou theisir, c'est-à-dire, rectificatio medicationis et regiminis, a été imprimé à Venise en 1496. et 1514. in-fol. On l'a réimprimé avec son antidotaire, et les collections d'Averrhoès, Lugduni, 1531. in -8°.

Averrhoès vivait peu de temps après Avenzoar, puisqu'il nous apprend lui-même qu'il était en liaison avec ses enfants. Il mourut à Maroc vers l'an 600 de l'hegyre, et ses ouvrages l'ont rendu célèbre dans toute l'Europe. Il naquit à Cordoue, fut élevé dans la jurisprudence, à laquelle il préféra l'étude des mathématiques. Il seconda par son application les talents qu'il tenait de la nature, et se rendit encore fameux par sa patience et sa générosité. Il composa par ordre du miramamolin de Maroc, son livre sur la Médecine sous le nom de collection, parce que, de son aveu, c'est un simple recueil tiré des autres auteurs ; mais il y fait un grand usage de la philosophie d'Aristote, qui était son héros. Il parait être le premier auteur qui ait assuré qu'on ne peut pas avoir deux fois la petite-vérole. Bayle a recueilli un grand nombre de passages dans différents auteurs au sujet d'Averrhoès, mais comme il n'a pas cru devoir consulter les originaux pour son dessein, il n'est pas surprenant qu'il ait commis autant de méprises qu'il a fait de citations.

Les ouvrages d'Averrhoès sont intitulés Collectaneorum de re medicâ, Lugduni, 1537. fol. Venetiis apud Juntas, 1552. fol. et son commentaire sur Avicenne, a aussi Ve le jour, Venetiis, 1555. in-fol.

Avicennes, fils d'Aly, naquit à Bochara dans la province de Korasan, vers l'an 980, et passa la plus grande partie de sa vie à Ispahan ; il fit des progrès si rapides dans l'étude des Mathématiques et de la Médecine, que sa réputation se répandit de toutes parts ; mais son savoir ne put le détourner des plaisirs, ni des maladies qu'ils lui procurèrent ; il mourut à l'âge de cinquante-six ans, en 1036. à Médine. Néander n'a fait qu'un roman de la vie de cet auteur.

Le fameux canon d'Avicenne a été si gouté dans toute l'Asie, que divers auteurs arabes du douzième et treizième siècles, l'ont commenté dans ce temps-là : la doctrine de cet auteur prit aussi grand crédit dans toute l'Europe, et s'est soutenue jusqu'au rétablissement des lettres ; cependant ses ouvrages ne renferment rien de particulier qui ne se trouve dans Galien, dans Razès, ou Haly Abbas.

Ils ont été imprimés un grand nombre de fois à Venise, et entr'autres apud Juntas, en 1608. in-fol. 2 vol. C'est la meilleure édition, il est inutîle d'indiquer les autres.

Caelius Aurelianus, médecin méthodique, a écrit en latin. Il parait à son style, qui est assez particulier, qu'il était africain, ce que le titre de son ouvrage acheve de confirmer. Il y est appelé Caelius Aurelianus siccensis ; or Sicca était une ville de Numidie.

Nous n'avons rien de certain sur le temps auquel il a vécu, mais je croirais que ce ne fut pas longtemps après Soranus, dont il se donne pour le traducteur ; cependant, ce qui prouverait qu'il ne doit point être regardé comme un simple copiste des œuvres d'autrui, c'est qu'il a lui-même composé plusieurs ouvrages, comme il le reconnait ; savoir sur les causes des maladies, sur la composition des médicaments, sur les fièvres, sur la Chirurgie, sur la conservation de la santé, &c.

Il ne nous est resté des écrits de cet auteur que ceux dont il fait honneur à Soranus ; mais heureusement ce sont les principaux. Ils sont intitulés des maladies aiguës et chroniques, et renferment la manière de traiter selon les règles des méthodiques, routes les maladies qui n'exigent point le secours de la chirurgie. Un autre avantage qu'on en retire, c'est qu'en réfutant les sentiments des plus fameux médecins de l'antiquité, cet auteur nous a conservé des extraits de leur pratique, qui serait entièrement inconnue, si l'on en excepte celle d'Hippocrate, le premier dont il a parlé, et dont il rapporte néanmoins quelques passages, qui ne se trouvent point dans ses œuvres tels que nous les avons.

Les deux premières éditions qui aient paru de Caelius Aurelianus, sont celles de Paris de l'année 1529. in-fol. qui ne contient que les trois livres des maladies aiguës ; et celle de Bâle de la même forme, où l'on ne trouve que les cinq livres des maladies chroniques. Jean Sicard qui a donné cette édition, croyait que les livres des maladies aiguës, avaient été perdus avec les autres ouvrages de Caelius. La troisième édition, qui est aussi in-fol. est celle d'Aldus de 1547, où Coelius est joint à d'autres auteurs, et où il n'y a plus que les cinq livres dont on vient de parler. Dalechamp a fait imprimer ce même auteur complet, à Lyon en 1567, chez Rouillé, in -8°. avec des notes marginales ; mais il ne s'est pas nommé. Une des dernières éditions de cet auteur, est celle d'Hollande, Amsterdam 1722. in -4°. je crois même que c'est la meilleure.

Callianax, sectateur d'Hérophile, n'est connu dans l'histoire de la médecine que par son peu de douceur pour les malades qui le consultaient : Galien et Palladius rapportent à ce sujet, qu'un certain homme qui l'avait appelé pour le traiter d'une maladie dangereuse, lui demanda s'il pensait qu'il en mourut ; alors Callianax lui répondit durement par ce vers d'Homère :

Patroclus est bien mort, qui valait plus que vous.

Celse naquit à Rome, selon toute apparence, sous le règne d'Auguste, et écrivit ses ouvrages sous celui de Tibere. On lui donne dans la plupart des éditions de ses œuvres le surnom d'Aurelius, sur ce que tous les mauvais écrits portent le titre suivant, A. Cornelii Celsi artium libri VI. Il n'y a qu'une édition d'Aldus Manutius, qui change Aurelius en Aulus, et peut-être avec raison ; car le prenom Aurelius étant tiré de la famille Aurelia, et celui de Cornelius de la famille Cornelia, ce serait le seul exemple qu'on eut de la jonction des noms de deux familles différentes.

Je m'embarrasse peu de la question si Celse a pratiqué la médecine ou non. C'est assez de savoir qu'il en parle en maître de l'art, et comme il juge savamment de tout ce qui appartient tant à la pratique qu'à la théorie de la médecine, cela nous doit suffire. Ce qui sert encore à augmenter notre bonne opinion en faveur de cet homme célèbre, c'est qu'il avait traité lui seul de tous les arts libéraux, c'est-à-dire, qu'il s'était chargé d'un ouvrage que plusieurs personnes auraient eu beaucoup de peine à exécuter. Cette entreprise parut si belle à Quintilien, qu'il ne peut s'empêcher de déclarer que cet auteur méritait que l'on crut qu'il avait su tout ce qu'il faut savoir sur chacune des choses dont il a écrit. Dignus vel ipso proposito, ut illum scisse omnia illa credamus. Ce jugement de Quintilien est d'autant plus remarquable, qu'il ne traite formellement Celse d'homme médiocre, relativement aux grands génies de la Grèce et de l'Italie.

Enfin Celse a été fort estimé dans le siècle où il a vécu, et dans les âges suivants pour ses écrits de Médecine ; Columelle son contemporain le met au rang des illustres auteurs du siècle.

On ne peut en particulier faire trop de cas de la beauté de son style ; c'est sur quoi nous avons une ancienne épigramme où l'on introduit Celse parlant ainsi de lui-même.

Dictantes medici quandoque et Apollinis artes

Musas romana jussimus ore loqui.

Nec minus est nobis per pauca volumina famae,

Quam quos nulla satis bibliotheca capit.

" J'ai contraint les muses à dicter en latin l'art du dieu de la Médecine, et je n'ai pas moins acquis de réputation par le petit nombre de volumes que j'ai composés, que ceux dont les bibliothèques contiennent à peine les ouvrages. "

Une des premières éditions de Celse, si ce n'est pas la première, se fit à Venise, apud Joh. Rubeum 1493. in-fol. ensuite ibid. apud Phil. Pinzi, en 1497. troisiemement apud Aldum 1524. in-fol. depuis lors, à Paris. Parmi les medici principes d'H. Etienne, 1567. in-fol. Lugd. Batav. curâ ant. Vander Linden, apud Joh. Elzevir 1659. in -12. et 1665. in -12. Ce sont là deux jolies éditions, qui ont été suivies par celles de Th. J. ab Almeloveen, Amst. 1687. in -12. ensuite par celle de Wedelius, avec une grande table des matières, Jenae 1713. in-8°. Il est inutîle de citer les autres éditions, qui ont facilité par-tout la lecture de cet excellent auteur.

Chrisippe de Cnide vivait sous le règne de Philippe, père d'Alexandre le grand, et fut un des premiers qui se déclarèrent contre la Médecine expérimentale. Pline l'accuse d'avoir bouleversé par son babil les sages maximes de ceux qui l'avaient précédé dans sa profession. Il désapprouvait la saignée, usait rarement des purgatifs, et leur substituait les clystères et les vomitifs. Ses écrits déjà fort rares du temps de Galien, ne sont pas venus jusqu'à nous.

Criton, contemporain de Martial, et dont il parle dans une de ses épigrammes, lib. II. épig. 61. est apparemment le même qui est souvent cité par Galien, comme ayant très-bien écrit de la composition des médicaments. Il avait en particulier épuisé la matière des cosmétiques, c'est-à-dire, des compositions pour l'embellissement, pour teindre les cheveux, la barbe, et toutes les diverses espèces de fards. Héraclide de Tarente en avait déjà dit quelque chose ; mais les femmes ne s'étaient pas encore portées à l'excès où elles étaient parvenues de ce côté-là dans le siècle de Criton, qui d'ailleurs était médecin de cour, et qui désirait de s'y maintenir.

Démocede, fameux médecin de Crotone, vivait en même-temps que Pythagore. Ce médecin, à ce que dit Hérodote, ayant été chassé par la sévérité de son père, qui s'appelait Calliphon, vint premièrement à Egine, et ensuite à Athènes, où il fut en grande estime. De-là il passa à Samos, où il eut occasion de guérir Polycrate, roi de cette ile, et cette guérison lui valut deux talents d'or, c'est-à-dire environ six mille livres sterling. Quelque temps après ayant été fait prisonnier par les Perses, il cachait sa profession ; mais on le découvrit, et on l'engagea à donner son ministère au soulagement du roi Darius qui n'avait aucun repos d'une dislocation de l'un des pieds. Il traita aussi la reine Atossa, femme du même Darius, d'un cancer qu'elle avait au sein. Hérodote ajoute, que Démocede ayant réussi dans ces deux cures, reçut de très-riches présents, et s'acquit un si grand crédit auprès du roi, qu'il le faisait manger à sa table. Cependant il eut la liberté de retourner en Grèce, sous la promesse de servir d'espion ; mais il s'y fixa tout à fait, se garda bien de jouer ce rôle infame, et épousa une fille du fameux Milon son compatriote. On ne sait aucune autre particularité de la médecine de Démocede, ni de celle des autres médecins de Crotone.

Démocrite d'Abdere voyagea beaucoup, et se plut à faire des expériences ; mais il y a longtemps que nous avons perdu ses ouvrages, et ce que l'histoire nous apprend de sa vie et de ses sentiments, est plein d'incertitude. On sait seulement, à n'en pouvoir douter, qu'il était d'Abdere en Thrace, qu'il descendait d'une famille illustre, et que ce fut dans de longs et pénibles voyages, où le porta l'ardeur insatiable de s'instruire, qu'il employa sa jeunesse, et dissipa son riche patrimoine. Revenu dans sa patrie, âgé, fort savant et très-pauvre, il rassembla toutes ses observations, et écrivit ses livres, dans lesquels on a prétendu qu'il avait traité de l'anatomie et de la chimie. Ce qu'il y a de certain, c'est qu'il est l'auteur, ou du-moins le restaurateur de la philosophie corpusculaire, que les méthodiques appliquèrent ensuite à la médecine. Hippocrate vint un jour le voir à Abdere ; et charmé de ses lumières, il conserva toute sa vie pour lui la plus grande estime. Voyez ci-après Hippocrate.

Dioclès, de Cariste, suivit de près Hippocrate quant au temps, et se fit une réputation des plus célèbres. Il passe pour auteur d'une lettre que nous avons, et qui est adressée à Antigonus, roi d'Asie, ce qui marquerait qu'il vivait sous le règne de ce successeur d'Alexandre. Ses ouvrages cités par Athénée se sont perdus, ainsi que celui intitulé, des maladies, dont Galien rapporte un fragment. Il possédait, ajoute-t-il, autant que personne l'art de guérir, et exerça la Médecine par principe d'humanité, et non comme la plupart des autres médecins, par intérêt ou par vaine gloire : il a écrit le premier de la manière de disséquer les corps.

Empédocle, disciple de Pythagore, et philosophe d'un grand génie, était d'Agrigente en Sicile, et florissait aux environs de la 84e olympiade, ou 430 ans avant la naissance de Jesus-Christ. Il faisait un tel cas de la médecine, qu'il élevait presque au rang des immortels ceux qui excellaient dans cet art. Il était en cela bien éloigné des idées du fameux Héraclite, qui disait que les Grammairiens pourraient se vanter d'être les plus grands fous, s'il n'y avait point de Médecins au monde.

Erasistrate, disciple de Crisippe de Gnide, était de Julis dans l'île de Céa, et fut inhumé sur le mont Mycale, vis-à-vis de Samos. Il tient un rang distingué entre les anciens médecins, par son esprit, par ses systèmes, ses talents et ses ouvrages, dont nous devons regretter la perte : il fleurissait sous le règne de Séleucus Nicanor ; l'histoire suivante en est la preuve.

Antiochus devint éperdument amoureux de Stratonice, seconde femme de Séleucus son père. Les efforts qu'il fit pour dérober cette passion à la connaissance de ceux qui l'environnaient, le jetèrent dans une langueur mortelle. Là-dessus Séleucus appela les médecins les plus experts, entre lesquels fut Erasistrate, qui seul découvrit la vraie cause du mal d'Antiochus. Il annonça à Séleucus, que l'amour était la maladie du prince, maladie, ajouta-t-il, d'autant plus dangereuse, qu'il est épris d'une personne dont il ne doit rien espérer. Séleucus surpris de cette nouvelle, et plus encore de ce qu'il n'était point au pouvoir de son fils de se satisfaire, demanda qui était donc cette personne qu'Antiochus devait aimer sans espoir. C'est ma femme, répondit Erasistrate. Hé quoi, reprit Séleucus ! causerez-vous la mort d'un fils qui m'est cher, en lui refusant votre femme ? Seigneur, reprit le médecin, si le prince était amoureux de Stratonice, la lui céderiez-vous ? Sans doute, reprit Séleucus avec serment. Eh bien, lui dit Erasistrate, c'est d'elle-même dont Antiochus est épris. Le roi tint sa parole, quoiqu'il eut déjà de Stratonice un enfant.

Aucun anatomiste n'ignore qu'Erasistrate poussa cette science concurremment avec Hérophile, à un haut degré de perfection. Ils connurent les premiers les principaux usages du cerveau et des nerfs, dumoins les usages que les Anatomistes ont depuis assignés à ces parties. Erasistrate découvrit en particulier dans les chevreaux les vaisseaux lactés du mésentère. Il fit aussi la découverte des valvules du cœur. Galien vous instruira de sa pratique ; c'est assez de dire ici que sectateur de Crisippe son maître, il désapprouvait la saignée et les purgatifs, les lavements âcres, et les vomitifs violents. Il n'employait aussi que les remèdes simples, méprisant avec raison ces compositions royales et tous ces antidotes que ses contemporains appelaient les mains des dieux. Il était assez éloigné de la secte des empiriques : jugeant nécessaire la recherche des causes dans les maladies des parties organiques, et dans toute maladie en général. Le livre qu'il composa sur ce sujet n'est pas parvenu jusqu'à nous, ainsi que ses autres écrits, dont Galien et Coelius Aurélianus ne nous ont conservé que les titres. Sa franchise mérite des éloges, car il avouait ingénuement au sujet de cette espèce de faim qu'on ne peut rassasier, et qu'il appelle boulimia (terme qu'il employa le premier), qu'il ignorait pourquoi cette maladie regnait plutôt dans le grand froid que dans les chaleurs. C'est Aulu-Gelle, liv. XVI. ch. IIIe qui rapporte ce trait de la vie d'Erasistrate. Petrus Castellanus raconte, que cet illustre médecin, accablé dans la vieillesse des douleurs d'un ulcère qu'il avait au pied, et qu'il avait vainement tenté de guérir, s'empoisonna avec le suc de ciguè, et en mourut.

Esculape, est ce grand médecin sur le compte duquel on a débité tant de fables, qu'il est maintenant impossible de les séparer de la vérité. Pausanias et d'autres auteurs comptent jusqu'à soixante-trois temples qu'on lui avait élevés dans la Grèce et les colonies grecques. Les peuples y accouraient de toutes parts pour être guéris de leurs maladies, ce que l'on faisait apparemment par des moyens fort naturels, mais qu'on déguisait adroitement par mille cérémonies aux malades, qui ne manquaient pas d'attribuer leur guérison à la protection miraculeuse du dieu. Une vérité que l'on aperçoit au-travers de toutes les fables que les Grecs ont débitées sur le compte d'Esculape, c'est que ce fut un des bienfaiteurs du genre humain, et qu'il dut les autels qu'on lui éleva, aux efforts heureux qu'il fit pour donner à la Médecine, imparfaite et grossière avant lui, une forme plus scientifique et plus régulière. Ces principes passèrent aux Asclépiades ses descendants, jusqu'à Hippocrate, qui y mit le sceau de l'immortalité.

Pour ne nous en rapporter ici qu'aux gens du métier, je croirais que d'après le témoignage de Celse et de Galien, on pourrait former quelques conjectures assez approchantes de la vérité sur le compte d'Esculape. Il parait d'abord qu'il fut fils naturel de quelque femme d'un rang distingué, qui le fit exposer sur une montagne située dans le territoire d'Epidaure, pour cacher sa faute, et qu'il tomba entre les mains d'un berger, dont le chien l'avait découvert. La mère de cet enfant retrouvé, se chargea secrètement de son éducation, et le fit remettre à Chiron, qui élevait dans ce temps-là les enfants de la Grèce, qui étaient de quelque naissance. Esculape profita de l'occasion de s'avancer à la gloire par le chemin que Chiron lui ouvrait, et où il était entrainé par son génie. La Médecine fit son étude favorite, et il parvint dans cet art à un si haut point d'intelligence, que ses compatriotes lui donnèrent le surnom d'Esculape, emprunté de celui qui avait inventé la Médecine en Phénicie. L'obscurité de sa naissance, jointe à ses lumières en Médecine, engagèrent ses compatriotes à lui donner Apollon pour père, et à le déifier lui-même après sa mort.

Etrabarani, médecin arabe, naquit dans une province du Korazan. Il fut médecin du sultan Thechm, roi de Ghazna, ville d'Asie, située sur les frontières de l'Inde. Il composa un livre de médecine, fort vanté chez les Arabes, intitulé le Paradis de la prudence, et qui contient des observations concernant l'art de guérir, avec un détail des propriétés des plantes, des animaux, et des minéraux. Il mourut à Chazna, l'an de l'hégire 474, et de J. C. 1081.

Eudeme. Il y a eu plusieurs médecins de ce nom ; le premier était vendeur d'antidote, pharmacopola ; le second était un médecin de Chio, que l'ellébore ne pouvait pas purger ; le troisième était anatomiste, contemporain d'Hérophile, ou de ses disciples ; le quatrième avait décrit en vers la composition d'une espèce de thériaque dont usait Antiochus Philométor, et cette description était gravée sur la porte du temple d'Esculape ; le cinquième dont parle Coelius Aurelianus, est le même que l'adultère de Livie, qui est appelé par Tacite, l'ami et le médecin de cette princesse, et qui empoisonna Drusus son époux. Tacite ajoute, que cet Eudeme faisait parade de posséder beaucoup de secrets, afin de paraitre plus habîle dans son art, maxime qui a réussi à plusieurs médecins destitués de talents nécessaires pour se faire distinguer en se conduisant avec franchise ; le sixième Eudeme était un médecin méthodique, disciple de Thémison, sous le règne de Tibere ; peut-être est-ce le même que l'Eudeme de Tacite. On trouve encore dans Galien, un Eudeme qu'il appelle l'ancien, et dont il rapporte quelques compositions de médicaments. Athenée cite un Eudeme, athénien, qui avait écrit touchant les herbages : enfin Apulée parle d'un Eudeme qui avait traité des animaux. On ne saurait dire si ces derniers sont différents des quatre ou cinq premiers.

Euphorbus, frère d'Antonius Musa, médecin chéri d'Auguste, devint aussi médecin d'un prince qui se plaisait à la médecine ; ce prince était Juba, second du nom, roi de Numidie, celui qui épousa Sélene, fille d'Antoine et de Cléopatre. Entre les livres que Juba lui-même avait écrits, ceux où il traitait de la Lybie et de l'Arabie, lesquels il dédia à Caius César, petit-fils d'Auguste, contenaient plusieurs choses curieuses concernant l'histoire naturelle de ces pays-là ; par exemple, il y décrivait exactement, à ce que dit Pline, l'arbre qui porte l'encens. Euphorbe ne laissa point d'ouvrage.

Ezarhagui, médecin arabe, composa un ouvrage de médecine, semblable au canon d'Avicenne : les médecins mahométants en font même à présent un grand cas. Il mourut à l'âge de cent un an, l'an de l'hégire 404, et de Jesus-Christ 1013.

Galien (Claude), était de Pergame, ville de l'Asie mineure, fameuse à divers égards, et particulièrement par son temple d'Esculape. Il est né vers l'an 131 de Jesus-Christ, environ la 15e année du règne d'Adrien. Il parait par ses écrits qu'il a vécu sous les empereurs Antonin, Marc-Aurele, Lucius-Verus, Commode, et Sévère.

Il embrassa la médecine à l'âge de 17 ans, l'étudia sous plusieurs maîtres, et voyagea beaucoup. Il fut dans la Cilicie, dans la Palestine, en Crète, en Chypre, et ailleurs. Il demeura quelque temps à Alexandrie, capitale de l'Egypte, où florissaient encore toutes les sciences. A l'âge de 28 ans il revint d'Alexandrie à Pergame, et traita les blessures de nerfs des gladiateurs avec beaucoup de succès, ce qui prouve que Galien entendait aussi-bien la Chirurgie que la Médecine.

Il se rendit à Rome à l'âge de 32 ans, eut le bonheur de plaire à Sergius Paulus, préteur, à Sévérus, qui était alors consul, et qui fut depuis empereur, et à Boèthius, homme consulaire, dont il guérit la femme, qui lui fit un présent de quatre cent pièces d'or ; mais son mérite et son habileté lui firent tant d'ennemis parmi les autres médecins de Rome, qu'ils le contraignirent de quitter cette ville, après y avoir séjourné quelques années.

Cependant au bout de quelque temps Marc-Aurele le rappela dans la capitale, où il écrivit entr'autres livres, celui de l'usage des parties du corps humain. Il est vrai que craignant extrêmement l'envie des médecins de cette ville, il se tenait le plus qu'il pouvait à la campagne, dans un lieu où Commode, fils de l'empereur, faisait son séjour. On ne sait point combien de temps Galien demeura à Rome pour la seconde fais, ni même s'il y passa le reste de sa vie, ou s'il retourna en Asie : Suidas dit seulement que ce médecin vécut 70 ans.

Le grand nombre de livres qui restent de sa plume, sans parler de ceux qui se sont perdus, prouve bien que c'était un homme d'un prodigieux travail, et qui écrivait avec une facilité singulière. On comptait plus de cinq cent livres de sa main sur la seule Médecine ; mais nous apprenons de lui, qu'une partie de tant d'ouvrages périt de son temps, par un incendie qui consuma le temple de la Paix à Rome, où ces mêmes ouvrages étaient déposés.

Tous les anciens ont eu pour Galien la plus grande estime ; et Eusebe qui a vécu environ cent ans après lui, dit que la vénération qu'on portait à ce médecin, allait jusqu'à l'adoration. Trallien, Oribase, Actius, et surtout Paul Eginete, n'ont fait presque autre chose que de le copier ; et tous les médecins arabes se sont conduits de même. Il est pourtant certain qu'il eut pendant sa vie un grand parti à combattre, et la médecine d'Hippocrate qu'il entreprit de rétablir, ne triompha pas apparemment de la secte méthodique, ni des autres.

Nous avons deux éditions grecques de Galien ; l'une d'Alde, donné en 1525, en deux volumes infolio ; l'autre plus correcte d'André Cratandrus, de Jean Hervagius, et de Jean Bébélius, parut en 1538 en cinq volumes in-folio.

Quant aux éditions latines, il y en a eu grand nombre. On a plusieurs traductions de Galien en cette langue. On en a donné une à Lyon en 1536, in-folio, elle est de Simon Colinaeus. La même a paru en 1554, beaucoup plus correcte et avec de grandes augmentations ; c'est Jean Frellonius qui l'a mise au jour. Il y en a une autre édition de Jean Frébonius, à Bâle en 1541. La même reparut en 1561 avec une préface de Conrard Gesner, dans laquelle il est parlé avec beaucoup de jugement de Galien, de ses ouvrages, et de ses différents traducteurs.

Il y en a une troisième des Juntes, qui ont donné à Venise dix éditions de Galien ; la première est in -8°. en 1641 ; et les autres in-folio dans les années suivantes ; la neuvième ou dixième, car ces deux éditions ne diffèrent point, sont les plus complete s et les meilleures.

Nous ne connaissons qu'une seule édition de Galien qui soit grecque et latine ; elle a été donnée à Paris en 1639, sous la direction de René Chartier, en treize volumes in-fol. Cet élégant ouvrage contient, non-seulement les écrits de Galien, mais encore ceux d'Hippocrate, et quelqu'autres anciens médecins. La traduction en est correcte et fidèle ; elle a été faite sur la comparaison des textes dans les différentes éditions et dans les manuscrits.

Gariopontus a été mal jugé pour beaucoup plus ancien qu'il ne l'est effectivement ; car puisque Pierre Damien, élevé au cardinalat en 1057, en parle comme d'un homme qu'il avait vu, il en résulte que ce médecin vivait au XIe siècle. On peut croire qu'il était du nombre de ceux qui composaient l'école de Salerne. René Moreau, dans ses prolégomenes sur cette école, cite un passage dans lequel il est appelé Warimpotus. Il adopta le système des méthodiques, et a écrit sept livres de pratique dans ce gout-là, mais d'un style barbare. Il traite dans les cinq premiers livres de la plupart des maladies, et les fièvres font la matière des deux derniers. Cet ouvrage parut à Lyon, Lugduni apud Blanchardum, en 1516 et 1526, in-4°. sous le titre de Passionarii galeni de aegritudinibus, à capite ad pedes. Ensuite il a été imprimé à Bâle apud Henr. Petri 1531 in-4°. et 1536 in-8°. sous le titre suivant : De morborum causis, accidentibus et curationibus, libri octo.

Glaucias, disciple de Sérapion, c'est-à-dire médecin empirique, est souvent cité par Galien, qui dit qu'il avait commenté le sixième livre des épidémiques d'Hippocrate. Il fait aussi l'éloge de quelques-uns de ses médicaments. Pline en parle dans son hist. nat. liv. XXII. ch. xxiij.

Haly-Abbas, médecin arabe, passait de son temps pour un homme d'un savoir si surprenant, qu'on l'appelait le Mage. Il publia vers l'an 980 son livre intitulé almaleci, qui renferme un système complet de toute la Médecine, et c'est le système dont les Arabes font l'éloge le plus pompeux. Etienne d'Antioche traduisit cet ouvrage en latin en 1127. Il est vrai que si l'on avait à choisir quelque système de médecine fondé sur la doctrine des Arabes, celui qui a été fait par Haly-Abbas parait moins confus, plus intelligible et plus lié que tous les autres, sans même excepter celui d'Avicennes, et Rhasès en a pris bien des choses.

La traduction d'Etienne d'Antioche dont je viens de parler, est intitulée Regalis dispositionis theoricae libri decem, et praticae libri decem, quos Stephanus ex arabicâ in latinam linguam transtulit. Venetiis 1492, regal. fol. Lugd. 1523, in -4°.

Héraclide le tarentin fut le plus illustre de tous les sectateurs de Sérapion, fondateur de l'empirisme. Galien fait grand cas d'un ouvrage qu'il avait composé sur la Chirurgie. Nous lisons dans le même auteur qu'Héraclide avait commenté tous les ouvrages d'Hippocrate ; Coelius Aurelianus cite aussi les livres d'Héraclide sur les maladies internes ; mais aucun des écrits de ce médecin ne nous est parvenu.

Hermogène. Il y a deux médecins de ce nom ; l'un sectateur d'Erasistrate, a pu vivre du temps d'Adrien, un peu avant Galien, qui en parle ; l'autre plus ancien, est celui contre lequel Lucîle fit en grec l'épigramme dont le sens est : " Diophante ayant Ve en songe le médecin Hermogène, ne se réveilla jamais, quoiqu'il portât un préservatif sur lui ". Martial, en imitant cette épigramme, attribue la même chose à un autre médecin qu'il appelle Hermocrate, et qui est peut-être un nom supposé ; quoique l'épigramme de Martial n'ait pas la finesse et la briéveté de celle de Lucile, on voit pourtant qu'elle part d'une bonne main. La voici :

Lorus nobiscum est hilaris, caenavit et idem

Inventus mane est mortuus Andragoras.

Tam subitae mortis causam, Faustine, requiris ?

In somnis medicum viderat Hermocratem.

" Andragoras, après avoir fait un très-bon souper avec nous, fut trouvé mort le matin dans son lit. Ne me demandez point, Faustinus, la cause d'une mort aussi prompte ; il avait eu le malheur de voir en songe le médecin Hermocrate ".

Herodicus ou Prodicus de Sélymbre, naquit quelque temps avant Hippocrate, et fut contemporain de ce prince de la Médecine. Platon le fait inventeur de la gymnastique médicinale, c'est-à-dire de l'art de prévenir ou de guérir les maladies par l'exercice. Si cette idée est vraie, on pourrait regarder Herodicus comme le maître d'Hippocrate en cette partie.

Hérophîle naquit à ce qu'on croit à Carthage, et vécut sous Ptolomée Soter. Il était contemporain d'Erasistrate, un peu plus âgé que lui, et tous deux se distinguèrent également dans l'anatomie humaine. Galien dit d'Hérophîle qu'il était consommé dans les diverses parties de la Médecine, mais surtout dans l'Anatomie. Il découvrit le premier les nerfs proprement dits ; il donna aux parties de nouveaux noms, qui ont presque tous été conservés. C'est lui qui a imposé les noms de rétine et d'arachnoïde à deux tuniques de l'oeil ; celui de pressoir ou de torcular à l'endroit où les sinus de la dure-mère viennent s'unir ; celui de parastates à ces glandes qui sont situées à la racine de la verge, etc. Il cultiva beaucoup la Chirurgie et la Botanique, et fit le premier entre les anciens dogmatiques, un grand usage des médicaments simples et composés.

La doctrine du pouls acquit sous lui de grands progrès ; il ne s'écarta point dans la cure des maladies, ni par rapport à la conservation de la santé, des sentiments d'Hippocrate ; cependant il écrivit contre les pronostics de ce grand homme, qu'on avait rarement attaqué, et toujours avec peu de succès. Hérophîle ne fut pas plus heureux que les autres, ses ouvrages n'ont point passé jusqu'à nous.

Hippocrate descendait d'Esculape au dix-huitième degré, et était allié à Hercule par sa mère au vingtième degré. Il naquit à Cos la première année de la lxxxe olympiade, 458 ans avant la naissance de Jesus-Christ, et la cinquième année du règne d'Artaxerxès-longue-main. Il était digne contemporain de Socrate, d'Hérodote, de Thucydide, et d'autres grands hommes qui ont illustré la Grèce.

Son grand-pere Hippocrate et son père Héraclide, qui n'étaient pas seulement d'habiles médecins, mais des gens versés en tout genre de littérature, ne se contentèrent pas de lui apprendre leur art, ils l'instruisirent encore dans la logique, dans la Physique, dans la Philosophie naturelle, dans la Géométrie et dans l'Astronomie. Il étudia l'éloquence sous Gorgias le rhéteur, le plus célèbre de son temps.

L'île de Cos, lieu de sa naissance, est très-heureusement située. Il y avait longtemps que ses ancêtres l'avaient rendue fameuse par une école publique de Médecine qu'ils y avaient fondée. Il eut donc toutes les commodités possibles pour s'initier dans la théorie de la Médecine, sans être obligé d'abandonner sa patrie ; mais comme c'est à l'expérience à perfectionner dans un médecin ce qu'il tient de l'étude, les plus grandes villes de la Grèce n'étant pas fort peuplées, il suivit le précepte qu'il donne aux autres ; il voyagea. " Celui qui veut être médecin, dit-il, doit nécessairement parcourir les provinces étrangères ; car l'ignorance est une compagne fort incommode pour un homme qui se mêle de guérir les maladies ; elle le gêne et la nuit et le jour ".

Il parcourut la Macédoine, la Thrace et la Thessalie : c'est en voyageant dans ces contrées qu'il recueillit la plus grande partie des observations précieuses qui sont contenues dans ses épidémiques. Il vit toute la Grèce, guérissant en chemin faisant non seulement les particuliers, mais les villes et les provinces. Les Illyriens le sollicitèrent par des Ambassadeurs de se transporter dans leur pays, et de les délivrer d'une peste cruelle qui le ravageait. Hippocrate était fort porté à secourir ces peuples ; mais s'étant informé des vents qui dominaient dans l'Illyrie, de la chaleur de la saison, et de tout ce qui avait précédé la contagion, il conclut que le mal était sans remède. Il fit plus : prévoyant que les mêmes vents ne tarderaient pas à faire passer la peste de l'Illyrie dans la Thessalie, et de la Thessalie en Grèce, il envoya sur le champ ses deux fils, Thessalus et Draco, son gendre Polybe, et plusieurs de ses élèves en différents endroits, avec les instructions nécessaires. Il alla lui-même au secours des Thessaliens ; il passa dans la Doride, dans la Phocide et à Delphes, où il fit des sacrifices au dieu qu'on y adorait ; il traversa la Béotie, et parut enfin dans Athènes, recevant par-tout les honneurs dû. à Apollon. En un mot, il fit en Grèce, pour me servir des termes de Callimaque, l'office de cette panacée divine, dont les gouttes précieuses chassent les maladies de tous les lieux où elles tombent.

Dans une autre occasion plus pressante encore, il délivra la ville d'Athènes, selon quelques historiens, de cette grande peste qui causa dans l'Attique des ravages inouis, que Thucydide, qui en fut le témoin oculaire, a si bien décrits, et que Lucrèce a chantés dans la suite. On dit qu'il n'employa pour remèdes généraux que de grands feux qu'il fit allumer dans toutes les rues, et dans lesquels il fit jeter toutes sortes d'ingrédiens aromatiques, afin de purifier l'air ; méthode pratiquée longtemps avant lui par les Egyptiens.

Telle fut sa réputation, que la plupart des princes tentèrent de l'attirer à leur cour. Il fut appelé auprès de Perdiccas, roi de Macédoine, qu'on croyait attaqué de consomption ; mais après l'avoir bien examiné, il découvrit que son mal était causé par une passion violente dont il brulait pour Hila, qui était la maîtresse de son père.

On prétend, dans des pièces ajoutées aux œuvres d'Hippocrate, et dont je ne garantis point l'authenticité ; on prétend, dis-je, dans ces pièces, qu'Artaxerxès lui offrit des sommes immenses et des villes entières pour l'engager à passer en Asie, et à dissiper une peste qui désolait et ses provinces et ses armées ; il ordonna qu'on lui comptât d'avance cent talents (quarante-cinq mille livres sterling) ; mais Hippocrate regardant ces richesses comme les présents d'un ennemi et l'opprobre éternel de sa maison s'il les acceptait, les rejeta, et répondit au gouverneur de l'Hellespont qui les lui offrait de la part d'Artaxerxès : " Dites à votre maître que je suis assez riche ; que l'honneur ne me permet pas de recevoir ses dons, d'aller en Asie, et de secourir les ennemis de la Grèce ".

Quelqu'un lui représentant dans cette occasion qu'il faisait mal de refuser une fortune aussi considérable que celle qui s'offrait, et qu'Artaxerxès était un fort bon maître, il répondit : Je ne veux point d'un maître, quelque bon qu'il sait.

Le sénat d'Abdere le pria de se transporter dans la solitude de Démocrite, et de travailler à la guérison de ce sage, que le peuple prenait pour fou. On sait ce qu'en dit l'Histoire.

Hippocrate arriva dans le temps

Que celui qu'on disait n'avoir raison ni sens,

Cherchait dans l'homme ou dans la bête

Quel siège a la raison, soit le cœur, soit la tête.

Sous un ombrage épais, assis près d'un ruisseau,

Les labyrinthes d'un cerveau,

L'occupaient. Il avait à ses pieds maint volume,

Et ne vit presque pas son ami s'avancer,

Attaché selon sa coutume....

Lorsque les Athéniens furent sur le point d'attaquer l'île de Cos, Hippocrate, plein d'amour pour sa patrie, se rendit en Thessalie, invoqua contre les armes de l'Attique, des peuples qu'il avait délivrés de la peste, souleva les états circonvoisins, et en même-temps envoya son fils Thessalus à Athènes pour écarter la tempête qui menaçait son pays. Le père et le fils réussirent : en peu de jours la Thessalie et le Péloponnèse furent en armes, prêts à marcher au secours de Cos ; et les Athéniens, soit par crainte, soit par reconnaissance pour Hippocrate, abandonnèrent leur projet.

Ce grand homme, qui semblable aux dieux méprisa les richesses, aima la vérité et fit du bien à tout le monde, ne désira qu'une longue vie en parfaite santé, du succès dans son art, et une réputation durable chez la postérité. Ses souhaits ont été accomplis dans toute leur étendue : on lui a rendu même pendant sa vie des honneurs qu'aucun grec n'avait reçus avant lui. Les Argiens lui élevèrent une statue d'or ; les Athéniens lui décernèrent des couronnes, le maintinrent lui et ses descendants dans le pritanée, et l'initièrent à leurs grands mystères ; marque de distinction dont Hercule seul avait été honoré : enfin il a laissé une réputation immortelle. Platon et Aristote le vénérèrent comme leur maître, et ne dédaignèrent pas de le commenter. Il a été regardé de tout temps comme l'interprete le plus fidèle de la nature ; et il conservera, selon les apparences, dans les siècles à venir, une gloire et une réputation que plus de deux mille deux cent ans ont laissées sans atteinte.

Il mourut dans la Thessalie la seconde année, disent quelques auteurs, de la cvij. olympiade, 349 ans avant la naissance de Jesus-Christ, et fut inhumé entre Larisse et Cortone. Ce petit nombre de particularités de la vie d'Hippocrate sont suffisantes pour se former une idée de son caractère.

Je n'ajouterai que de courts détails sur quelques éditions de ses ouvrages.

La première édition grecque parut à Venise chez Alde en 1526, in-fol. La seconde à Bâle par Forbénius, en 1538, in-fol. La première édition latine faite sur l'arabe, vit le jour à Venise en 1493, in-fol. Il en parut une autre traduction sur les manuscrits grecs du Vatican à Rome en 1549, in-fol. La version de Janus Cornarius vit le jour à Venise en 1545, in -8°. et à Bâle en 1553 in-fol. La version latine d'Anutius Foesius, parut à Francfort en 1596, in -8°.

On compte entre les éditions grecques et latines, 1°. celle de Jérôme Mercurialis, à Venise 1588, infol. 2°. celle d'Anutius Foesius, à Francfort typis Wechelianis 1595, in-fol. 1621, 1645, et la même à Geneve 1657, in-fol. 3°. de Van-der-linden, avec la version de Cornarius, à Leyde en 1665, 2 vol. in -8°. 4°. De René Charlier, avec les ouvrages de Galien, à Paris 1679, 13 vol. in-fol.

On a imprimé 22 traités d'Hippocrate avec la version de Cornarius, des tables et des notes, à Bâle en 1579, in-fol. et cette édition est maintenant fort rare.

On a tout sujet de croire, suivant plusieurs témoignages des auteurs orientaux, qu'il s'était fait en arabe des traductions d'Hippocrate dès les premiers temps d'Almanzor et d'Almamon : mais la version qui a effacé toutes les autres a été celle de Honain, fils d'Isaac, qui fut en grande réputation sous le calife Eimotewakel. Ce prince commença son règne l'an 232 de l'hégire, de Jesus-Christ 846, et mourut l'an de l'hégire 247, et de Jesus-Christ 861. Cet Honain fut disciple de Jean, surnommé fils de Masowia.

Les historiens remarquent que Honain entreprit de nouvelles traductions des livres grecs, parce que celles de Sergius étaient fort défectueuses. Gabriel, fils de Boct-Jechua, autre fameux médecin, l'exhorta à ce travail, qu'il fit avec tant de succès, que sa traduction surpassa toutes les autres. Sergius avait fait les siennes en syriaque ; et Honain, qui avait demeuré deux ans dans les provinces où on parlait grec, alla ensuite à Balsora où l'arabe était le plus pur ; et s'étant perfectionné dans cette langue, il se mit à traduire.

La plupart des traductions arabes d'Hippocrate et de Galien portent son nom ; et les hébraïques faites il y a plus de 700 ans, l'ont été sur la sienne. Honain est donc le plus considérable interprete d'Hippocrate ; et c'est de lui que les Arabes ont tiré tout ce qu'ils ont d'érudition sur l'histoire de la Médecine.

Il y avait encore dans ce temps-là deux traductions d'Hippocrate : l'une syriaque, et l'autre arabe. La première passait pour un second original, et pour avoir été conférée avec les éditions syriaques, qui sont fort rares depuis plusieurs siècles, à cause que le syriaque est devenu une langue savante qui n'a plus été d'usage que parmi les Chrétiens, et qui ne s'apprend plus que par étude. On peut juger par ce détail qu'il ne faut pas attendre de grands secours des Arabes pour la révision des textes grecs.

Nous pouvons encore conclure de-là qu'il serait difficîle de découvrir chez les Orientaux quelque chose qui servit à l'histoire d'Hippocrate, de plus que ce qu'en disent les Grecs et les Latins. Cependant les Arabes ont des vies de cet ancien médecin, et ils en parlent comme un des plus grands hommes qui aient existé ; c'est ce qu'on lit dans les deux seules versions qui soient imprimées : la première est d'Eutychius ou Sahid, patriarche d'Alexandrie ; l'autre est de Grégoire, surnommé Albufarage, qui était métropolitain de Takrit, ville d'Arménie, et qui a vécu jusqu'au treizième siècle : mais on ne trouve ni dans l'une ni dans l'autre aucun trait qui ait un fondement solide.

En échange nos médecins, entr'autres Brasavolus, Jacotius, Marinellus, Martianus et Mercurialis, ont fait d'excellents commentaires sur Hippocrate. Voici les titres de leurs ouvrages.

Brasavolus, (Antonius Musa) in aphorismos Hippocratis commentarius ; Ferrariae, 1594, in -4°. In libros de ratione victus in morbis acutis, commentaria ; Venetiis, 1546, in-fol.

Jacotius, (Desiderius) commentariorum ad Hippocratis coaca praesagia libri tredecim ; Lugd. apud Guil. Rovillium, 1576, in-fol.

Marinellus, (Joannes) commentaria in Hippocratis opera ; Venet. apud Valgrisium, 1575, in-fol. ed. prima et optima : ibidem, 1619, in-fol. Vicentiae, 1610, in-fol.

Martianus, (Prosper) Hippocrates cons. nationibus explicatus ; Patavii, 1719, in-fol.

Mercurialis, (Hieronymus) commentarii in Hippocratis pronostica ; Venet. 1597, in-fol. In Hippocratis aphorismos ; Bonon. 1619, in-fol.

Ibnu-el-Baitar, médecin arabe, naquit à Malaga en Andalousie. Pour se perfectionner dans la connaissance des plantes, il parcourut l'Afrique et presque toute l'Asie. A son retour de l'Inde par le Caire, il devint médecin de Saladin, premier soudan d'Egypte ; &, après la mort de ce prince, il retourna dans sa patrie où il finit ces jours l'an de l'hégire 594, et de Jesus-Christ 1197. Il a composé un ouvrage sur les propriétés des plantes, sur les poisons, et sur les animaux.

Ibnu-Thophail, médecin arabe, naquit à Séville dans l'Andalousie, d'une famille noble : mais ses parents ayant été dépouillés de leurs biens pour avoir pris parti dans une rébellion contre leur prince, il fut obligé de se jeter du côté de la Médecine. Averrhoès, Rabbi Moses l'égyptien, et beaucoup d'autres vinrent prendre de ses leçons ; il mourut l'an de l'égire 571, et de Jesus-Christ 1175. C'est le même qu'Abu-Becr, Ebn-Thophail, l'auteur d'un ouvrage ingénieux et bien écrit, publié par le docteur Pocock, en arabe et en latin, sous le titre de philosophus, , imprimé à Oxford en 1671, réimprimé plusieurs fois depuis, et traduit en d'autres langues.

Ibnu-Zohar, d'origine arabe, naquit en Sicîle dans le cinquième siècle, et devint médecin du roi de Maroc. Il exerça son art sans intérêt pour les gens dont la fortune était médiocre, mais il acceptait les présents des princes et des rais. Il a eu un fils célèbre par des ouvrages de Médecine, et pour disciple Averrhoès qui le laissa bien loin derrière lui. Il mourut âgé de quatre-vingt-douze ans l'an de l'hégire 564, et de Jesus-Christ 1168.

Joanna, chaldéen de nation et chrétien de religion, de la secte de Nestorius, est un fameux médecin arabe par le crédit qu'il eut sous le célèbre Almamon, calife de Bagdad, qui fit tant de bien à la Littérature en rassemblant les meilleurs ouvrages en Médecine, en Physique, en Astronomie, en Cosmographie, etc. et en les faisant traduire. Joanna fut chargé de présider aux traductions des auteurs grecs, et ce fut alors qu'on mit pour la première fois en langue arabesque les ouvrages de Galien et ceux d'Aristote. Il mourut à la quatre-vingtième année de son âge l'an de l'hégire 284, et de Jesus-Christ 819.

Isaac, fils d'Erram, médecin juif, naquit à Damas, étudia à Bagdad, et fut médecin de Zaïde, viceroi d'Afrique. Il a fait un livre sur la cure des poisons, et est mort l'année de l'hégire 183, et de Jesus-Christ 799.

Lucius Apulée, de Madaure ville d'Afrique, vivait sous les empereurs Adrien, Antonin le Débonnaire, et Marc Aurele. Sa mère, nommée Salvia, était de la famille de Plutarque, et de celle du philosophe Sextus. Après avoir étudié à Athènes la philosophie de Platon, il étudia la Jurisprudence à Rome, et s'acquit même de la réputation dans le barreau, mais il reprit ensuite la Philosophie, et fit en grec des livres de questions naturelles et de questions médicinales. On met au nombre de ses écrits un livre intitulé, des remèdes tirés des plantes ; livre qui nous reste et qui est écrit en latin, mais on n'est pas certain qu'il soit de lui. Les deux plus anciennes éditions de cet ouvrage chargé de remèdes superstitieux, sont l'édition de Paris de 1528, in-fol. et celle de Basle de la même année, aussi in-fol. La cinquième édition de toutes les œuvres prétendues d'Apulée de Madaure, est à Lyon en 1587, in -8°. Son livre de l'âne d'or, est tout plein de contes magiques, quoique ce ne soit qu'un jeu d'esprit dont le sujet même n'est pas de l'invention d'Apulée.

Machaon, était frère ainé de Podalyre, tous deux fils d'Esculape ; mais il parait par Homère, que Machaon était plus estimé que Podalyre, et qu'on l'appelait préférablement pour panser les grands de l'armée. Ce fut Machaon qui traita Ménélaus blessé par Tindare, en essuyant premièrement le sang de sa blessure, et en y appliquant ensuite des remèdes adoucissants, comme faisait son père. Ce fut aussi Machaon qui guérit Philoctete, qui avait été rendu boiteux pour s'être laissé tomber sur le pied une flèche trempée dans le fiel de l'hydre de Lerne, présent ou dépôt que lui avait remis Hercule en mourant.

Les deux frères étaient tous deux soldats aussi-bien que médecins, et Machaon semble avoir été fort brave. Il fut une fois blessé à l'épaule dans une sortie que firent les Troie.s ; et il fut enfin tué dans un combat singulier qu'il eut contre Nirée, ou, selon d'autres, contre Euripyle, fils de Telephe. Machaon et Podalyre sont aussi mis au nombre des amants d'Helene. La femme de Machaon s'appelait Anticlea, elle était fille de Dioclès, roi de Messénie ; il en eut deux fils qui possédèrent le royaume de leur ayeul, jusqu'à ce que les Héraclides, au retour de la guerre de Troie, se furent emparés de la Messénie et de tout le Péloponnèse. On ne sait si Machaon était roi par lui-même, ou s'il tenait cette dignité de sa femme : mais Homère l'appelle en deux ou trois endroits, pasteur des peuples, qui est le titre qu'il donne à Agamemnon, et aux autres rais.

Quant à Podalyre, comme il revenait du siege de Troie, il fut poussé par une tempête sur les côtes de Carie, ou un berger qui le reçut, ayant appris qu'il était médecin, le mena au roi Dametus dont la fille était tombée du tait d'une maison. Il la guérit en la saignant des deux bras, ce qui fit tant de plaisir à ce prince, qu'il la lui donna en mariage avec la Chersonese. Podalyre eut de son mariage, entr'autres enfants, Hippolochus dont Hippocrate descendait.

Au reste, la saignée de Podalyre est le premier exemple de ce remède que l'histoire nous offre. On en trouve le récit dans Etienne de Bysance.

Ménécrate. Il y a eu plusieurs Ménécrate, mais nous ne parlerons que du Ménécrate qui vivait sous le règne de Tibere, un peu après Antonius Musa. Il mourut sous Claude, comme il parait par une inscription grecque qui se trouve à Rome, et qui est rapportée par Grutérus et par Mercurialis. Il est nommé dans cette inscription médecin des Césars, ce qui marque qu'il l'avait été de plusieurs empereurs.

Galien nous apprend que Ménécrate avait fait un très-bon livre sur la composition des médicaments, dont le titre était autocrator hologrammatos, c'est-à-dire, l'empereur dont les noms sont écrits. Ce titre n'est pas aussi ridicule qu'il le parait, car quant au mot autocrator, ou empereur, il y a divers exemples chez les anciens de cette manière d'intituler des livres. Le mot hologrammatos marquait que l'auteur avait écrit tout au long les noms et le poids, ou la quantité de chaque simple, pour éviter les erreurs qu'on pourrait faire en prenant une lettre numérale pour une autre, ou en expliquant mal une abréviation.

Cette particularité prouve que les Médecins avaient déjà la coutume d'écrire en mots abrégés, et de se servir de chiffres ou de caractères particuliers, comme quelques-uns de nos Médecins font aujourd'hui, &, à mon avis, fort mal-à-propos. Ménécrate avait raison de condamner cette nouvelle mode, et de montrer le bon exemple à suivre.

C'est lui qui a inventé l'emplâtre que l'on appelle diachylon, c'est-à-dire, composé de sucs, et qui est un des meilleurs de la pharmacie.

Mésuach ou Mésué, chrétien, de la secte des Jacobites ou demi-Eutychiens, naquit, selon Léon l'Africain, à Maridin, ville située sur les bords de l'Euphrate, étudia la Médecine à Bagdad, et fut disciple d'Avicenne. Il exerça son art au Caire, il y jouit de la bienveillance du calife, et y acquit de la réputation et des richesses. Il mourut âgé de quatre-vingt-dix ans, l'an de l'hégire 406, et de Jesus-Christ 1015. Le docteur Freind croit que Mésué est né à Nisabur, et qu'il écrivit ses ouvrages, de medicamentis, et morbis internis, en langue syriaque. Ils ont paru pour la première fois en latin, avec des notes de Pierre de Apono, à Venise, en 1494, infol. ensuite à Paris, apud Valgrisium, 1575, in-fol. et enfin Venet. apud Juntas, 1589 et 1623, in-fol. qui sont les deux meilleures éditions.

Moschion, médecin grec méthodique qui fleurissait dans le cinquième siècle, a fait un livre sur les maladies des femmes, qui nous est parvenu. Il a paru en grec, par les soins de Gaspard Wolph, à Basle, apud Thom. Guarinum, 1566. in -4°. On l'a inséré, en grec et en latin, in Gynaeciorum libris, de Spacchius ; Argentinae, 1597, in-fol.

Musa, (Antonius) a été le plus fameux de tous les médecins qui ont vécu sous le règne d'Auguste, parce qu'il guérit cet empereur dangereusement malade, en lui conseillant de se baigner dans de l'eau froide, et même d'en boire ; cette cure mit ce remède fort en vogue, et valut au médecin de grandes largesses, et des honneurs distingués. Pline parle en trois endroits des remèdes qui guérirent Auguste. Dans le premier (liv. XXIX. ch. j.), il dit que ce prince fut rétabli par un remède contraire, c'est-à-dire, opposé à ceux qui avaient été pratiqués. Dans le second (liv. XVIII. ch. xv.), il avance qu'Auguste avait mandé dans quelques-unes de ses lettres, qu'il s'était guéri par le moyen de l'orobe. Et dans le troisième (liv. XIX. ch. viij.), Pline attribue la même chose à l'usage des laitues ; peut-être que ces trois remèdes avaient été employés dans la même maladie, ou dans d'autres.

On ne trouve rien d'ailleurs de remarquable dans l'histoire sur la médecine de Musa. Il traitait les ulcères en faisant manger de la chair de vipere. Galien parle de quelques livres qu'il avait écrit sur les médicaments. On lui a attribué un petit livre de la bétoine qui nous est resté, et que l'on soupçonne avoir été tiré de l'herbier d'Apulée. Mais Horace et Virgile ont immortalisé ce médecin dans leurs poésies. Il avait un frère nommé Euphorbus, dont nous avons dit un mot ci-dessus.

Myrepsus (Nicolaus), médecin grec d'Alexandrie, qui vivait, à ce qu'on croit, sur la fin du douzième siècle, dans le temps que la barbarie couvrait encore la terre. Il n'est connu que par un livre des médicaments, divisé en quarante-huit sections, traduit du grec en latin par Léonard Fuchsius, et imprimé à Basle, chez Oporin, en 1549, in-fol. Il se trouve parmi les Medici principes d'Henri Etienne, publiés en 1567, in-fol.

Oribase, naquit à Pergame, et devint professeur à Alexandrie. Eunapius, médecin auquel il dédia ses quatre livres de Euporistis, etc. en fait les plus grands éloges, et dit qu'il contribua beaucoup à élever Julien à l'empire ; ce qui lui mérita sa confiance, comme cela parait par une des lettres de cet empereur. Oribase jouissait d'une fortune éclatante dans le temps qu'Eunapius écrivit cette histoire, c'est-à-dire, l'an 400 de Jesus-Christ.

Oribase écrivit soixante-dix livres de collections selon Photius, et soixante-douze selon Suidas. Il n'en reste que les quinze premiers, et deux autres qui traitent de l'Anatomie. Il s'est perdu quelques traités de cet auteur. Freind remarque que sa diction est extrêmement variée, ce qui jette de la lumière sur ses écrits. Il parait que c'était un homme d'esprit et un médecin expérimenté, qui a donné dans plusieurs cas des règles de pratique fort bien raisonnées. Ses ouvrages ont paru à Basle, en 1557, in -8°. &, dans les Medici principes d'Henri Etienne, à Paris, 1567, in-fol. Mais la meilleure édition est graecè et latinè cum notis G. Dundas ; Lugd. Bat. 1735, in -4°.

Palladius, médecin d'Alexandrie, où il fut élevé et où il naquit vraisemblablement. Il est de beaucoup postérieur à Galien et à Aetius. Il nous reste de lui, 1°. scholia in librum Hippocratis de fracturis, apud Wekel, 1595. in-fol. 2°. Breves interpretationes sexti libri de morbis popularibus Hippocratis. Basileae, 1581. in -4°. 3°. de febribus synopsis. Paris, 1646. in -4°. Les commentaires de ce médecin sur le livre des fractures d'Hippocrate sont peu de chose : il a mieux réussi dans ses interprétations sur les livres des épidémies. Son traité des fiévres est bon et court, mais tout ce qu'il en dit parait être emprunté d'Aetius.

Paracelse, ou pour le nommer par tous les noms fastueux qu'il s'arrogea : Aureolus, Philippus Paracelsus, Theophrastus Bombast ab Hoppenheim, naquit en 1493 à Einsidlen, village situé à deux milles de Zurich. Il apprit sous Fugger Schwartz, les opérations spargiriques, et s'attacha à tous ceux qui avaient de la réputation dans l'art. Il ne s'en tint pas là ; il voyagea dans toutes les contrées de l'Europe, et commerça indistinctement avec les médecins, les barbiers, les gardes-malades, et les prétendus sorciers.

Après avoir visité les mines d'Allemagne à l'âge de vingt ans, il passa en Russie, et fut fait prisonnier par des Tartares qui le conduisirent au Cham. Il eut ensuite l'avantage d'accompagner le fils de ce prince à Constantinople, où il dit avoir appris, à l'âge de vingt-huit ans, le secret de la pierre philosophale, qu'il ne posséda jamais.

La réputation qu'il se fit par quantité de cures, engagèrent les magistrats de Bâle à lui donner un honoraire considérable pour professer la Médecine dans leur ville. Il y fit des leçons en 1527, ordinairement en langue allemande, car il savait sort mal le latin. Il eut un grand nombre de disciples ; et communiqua quelques-uns de ses secrets à deux ou trois d'entr'eux ; cependant il ne séjourna que deux ans à Bâle, et se mit à parcourir l'Alsace avec Oporinus, qui finalement mécontent de lui, le quitta. Paracelse continua d'errer d'un lieu dans un autre, dormant peu, ne changeant presque jamais de linge ni d'habit, et étant presque toujours ivre. Enfin en 1541 il tomba malade dans une auberge de Saltzbourg, où il mourut dans la quarante-huitième année de son âge. Voici son portrait en raccourci, tiré de la préf. du Dict. de Med. traduct. de M. Diderot.

" Paracelse est un des plus singuliers personnages que nous présente l'Histoire littéraire : visionnaire, superstitieux, crédule, crapuleux, entêté des chimères de l'astrologie, de la cabale, de la magie, de toutes les sciences occultes ; mais hardi, présomptueux, enthousiaste, fanatique, extraordinaire en tout, ayant su se donner éminemment le relief d'homme passionné pour l'étude de son art (il avait voyagé à ce dessein, consultant les savants, les ignorants, les femmelettes, les barbiers, &c.), et s'arrogeant le singulier titre de prince de la Médecine, et de monarque des arcanes, etc. "

Sa vie, dont il faut se défier, a été donnée par Oporien. Ses ouvrages, qui sont pour la plupart supposés et de la main de ses disciples, ont été recueillis à Francfort sous le titre de Paracelsi operum medico-chimicorum, sive paradoxorum tomi duodecim. Francof. apud Palthaenios, 1603. 12 vol. in -4°. Ils ont été ensuite reimprimés à Geneve plus exactement et plus complete ment en 1658, 3 vol. in-fol.

Paul Eginete, Paulus Aegineta, exerçait la Médecine dans le VIIe siècle. Le frontispice de la première édition de ses ouvrages porte en grec : " voilà les ouvrages de Paul né à Aegine, qui a parcouru la plus grande partie du monde ", et cette inscription contient la seule particularité de sa vie qui nous soit connue. Quant à ses ouvrages, Paul Eginete est, au sentiment du docteur Freind, un de ces écrivains infortunés à qui l'on n'a point rendu justice, et qu'on n'a point estimés ce qu'ils valaient ; cependant, quand on l'a lu attentivement, on s'aperçoit qu'il avait mûrement discuté la pratique des anciens, et qu'il était fondé en raisons dans ce qu'il en a admis ou rejeté. Il fait mention dans ses opérations chirurgicales, de quelques opérations qui paraissent avoir été ignorées de ses prédécesseurs, telle est celle de la bronchotomie. Il parait encore avoir bien connu les maladies particulières aux femmes, ce qui le fit surmonter Paul alkavabeli, c'est-à-dire l'accoucheur. Les Arabes le nomment Bulos Al aegianithi. Herbelot dit qu'il vivait sous l'empereur Héraclius, et du temps que régnait Omar second calife des Musulmants, qui mourut l'an de l'hégire 23 ou l'an 645 de J. C.

Ses ouvrages qu'on a traduits anciennement en arabe, sont divisés en sept livres, et ils ont été plusieurs fois imprimés en grec. La première édition est celle d'Alde en 1528. La seconde parut à Bâle en 1558, chez André Cratander. On en a trois traductions latines, l'une d'Albanus Taurinus, l'autre d'Andernacus, et la troisième de Cornarius, avec de bonnes remarques : la meilleure édition est Lugduni, 1589 in -8.

Philinus de Cos, disciple d'Hérophîle contemporain de Sérapion d'Alexandrie, passe dans l'esprit de quelques-uns, pour être l'auteur de la secte empirique qui s'établit 287 ans avant J. C. Athenée nous apprend qu'il avait fait des commentaires sur Hippocrate ; mais il ne dit point par quel secret il vint à-bout de fonder une secte.

Podalyre. Voyez ci-dessus Machaon.

Praxagore est le troisième médecin qui se soit fait connaître avec distinction après Hippocrate et Dioclès. Il était de l'île de Cos, et de la famille des Asclépiades ; avec cette particularité, qu'il fut le dernier de cette race, qui se signala dans la Médecine.

Priscianus, (Theodorus) médecin méthodique, disciple de Vindicianus, vivait sous les règnes de Gratien et de Valentinien II. vers l'an 370. Il écrivit en latin les quatre livres que nous avons de lui. Le premier est intitulé logicus, quoiqu'il ne contienne rien moins que des raisonnements philosophiques ; au-contraire, l'auteur se déchaine dans sa préface, contre les médecins qui raisonnent ; mais il faut aussi dire qu'on ignore d'où vient qu'on a substitué dans l'édition d'Italie ce titre de logicus à celui d'euphoriston, ou des remèdes faciles à trouver, qu'il porte dans l'édition de Bâle.

Priscianus dédie ce premier livre à son frère Timothée, ainsi que le second où il traite des maladies aiguës et des maladies chroniques. C'est ce second livre qui pourrait porter le titre de logicus, car il est plein de raisonnements.

Le troisième intitulé Gynaecia, ou des maladies des femmes, est dédié à une femme nommée Victoria dans l'édition d'Alde, et Salvina dans celle de Bâle.

Le quatrième intitulé de physica scientia, est adressé à un fils de l'auteur, nommé Eusebe. Il ne s'agit point de physique dans cet ouvrage ; c'est une compilation de médicaments empiriques, dont quelques-uns sont fort superstitieux. La fin du livre traite de quelques questions physiologiques, comme de la nature de la semence, des fonctions animales, etc. le tout d'une manière barbare.

La première édition des œuvres de Priscien s'est faite à Strasbourg en 1532. On lui donne dans cette édition pleine de fautes (comme l'a remarqué Reinesius qui a expliqué plusieurs endroits de cet auteur dans ses leçons), le nom de Quintus Horatianus, et le titre d'archiater. La seconde édition s'en fit la même année à Bâle sous le nom de Theodorus Priscianus, mais le quatrième livre ne se trouve point dans cette édition. Enfin, Aldus ou ses fils, en donnèrent une troisième édition en 1547, dans laquelle ils réunirent ses œuvres à celles de tous les anciens médecins qui ont écrit en latin. Il ne porte point dans l'édition d'Aldus, le titre d'archiater. Le troisième livre de cet auteur, qui traite des maladies des femmes, a été inseré par Spacchius dans un recueil d'ouvrages sur la même matière. Nous avons un livre intitulé Diaeta, attribué à un ancien médecin nommé Theodore, et que Reinesius croit être le même que Theodorus Priscianus.

Quintus, médecin grec, vivait vers l'an 100 de J. C. Il passait pour le plus grand médecin de son temps, et un des plus exacts anatomistes. Galien lui marque dans ses écrits beaucoup de considération, quoiqu'il fût dans des principes tout à fait opposés aux siens. Car Quintus disait en raillant, que le froid, le chaud, le sec, et l'humide étaient des qualités dont la connaissance appartenait plutôt aux baigneurs qu'aux médecins, et qu'il fallait laisser aux teinturiers l'examen de l'urine. Galien lui donne encore un bon mot au sujet des drogues qui entrent dans la thériaque. Il disait que ceux qui, faute d'avoir de véritable cinamome, mettent dans cet antidote le double de casia, font la même chose, que si quelqu'un manquant de vin de Falerne, buvait le double de quelque méchant vin frelaté ; ou que manquant de bon pain, il mangeât le double de pain de son.

Rhasès est un des plus grands et des plus laborieux médecins arabes. On l'appelle encore Albubécar-Muhamède, que Léon l'africain écrit Abubachar. Il nous apprend en même temps, qu'il était persan, de la ville de Ray située dans le Chorazan, où il fut chargé de l'intendance d'un hôpital. Il étudia la Médecine à Bagdad, d'où il vint au Caire ; du Caire il passa à Cordoue, à la sollicitation d'Almanzor homme puissant, riche, et savant, viceroi de la province. Il pratiqua son art avec succès dans tout le pays, donna le premier l'histoire de la petite vérole, devint aveugle à l'âge de 80 ans, et mourut l'an de l'hégire 401, et de J. C. 1010, à l'âge d'environ 90 ans.

Nous avons de lui un ouvrage célèbre parmi les Arabes, divisé en douze livres, et qui a pour titre Elchavi, en latin, Libri continentes, ou le Continens, qu'on suppose un abrégé de toute la Médecine réduit en systèmes ; dix livres, dédiés à Almanzor ; six livres d'aphorismes, et quelques autres traités. Ses ouvrages intitulés Rhasis opera exquisitiora, ont paru Brixiae 1486, Venetiis 1497, in-fol. Ibid. 1509. 2 vol. in regali fol. et finalement Basileae, apud Henric. Petri, 1544. in-fol. cette dernière édition passe pour la meilleure de toutes.

Rufus, d'Ephèse, vivait sous l'empereur Trajan, et mérite d'être compté entre les plus habiles médecins ; mais la plupart de ses écrits, cités par Suidas, ne nous sont pas parvenus. Il ne nous reste qu'un petit traité des noms grecs des diverses parties du corps, et un autre des maladies des reins et de la vessie, avec un fragment où il est parlé des médicaments purgatifs. On recueille du premier de ses ouvrages, que toutes les démonstrations anatomiques ses faisaient dans ces temps-là sur des bêtes.

Les trois livres de Rufus ephesius sur les noms grecs des parties du corps humain, furent publiés par Goupylus, à Paris 1554, in -8°. typis regiis, ex officina Turnebi. Ils ont été réimprimés parmi les medici Principes d'Etienne, 1567 in-fol. Il en est de même de son livre des maladies des reins et de la vessie : ainsi que son fragment des médicaments purgatifs. Enfin tous ses ouvrages ont paru graecè et latinè, Londini, 1726 in -4. cum notis et commentario Gul. Clinch. et c'est-là la meilleure édition.

Scribonius Largus, médecin romain, qui vivait sous les empereurs Claude et Tibere ; il nous reste de lui un Recueil de la composition des médicaments, qui est souvent cité dans Galien. Il l'avait dédié à Julius Callistus, celui de tous les affranchis de Claude qui était le plus en faveur. Il le remercie dans la préface de son ouvrage, de ce qu'il a bien voulu prendre la peine de présenter son traité latin à l'empereur. Le nom de ce médecin marque qu'il était romain et de la famille Scribonia. Je sai qu'on peut objecter qu'il avait emprunté ce nom de la même famille, à l'imitation des autres étrangers ; mais si cela était, il aurait joint son nom propre à ce dernier.

Son livre de compositione medicamentorum, a été imprimé par les soins de Ruellius, Paris. 1528. infol. à Bâle, en 1529, in -8. à Venise, apud Aldum, 1547, in-fol. parmi les artis medicae Principes d'Henri Etienne ; et finalement Patavii, 1657, in -4. et c'est la meilleure édition.

Sérapion. Les médecins connaissent deux Sérapion : un d'Alexandrie, l'autre arabe.

Sérapion d'Alexandrie était postérieur à Erasistrate, et antérieur à Héraclide de Tarante. Celse le donne pour fondateur de la secte empirique. Caelius Aurelianus parle assez souvent de ses remèdes. Galien nous dit qu'il ne ménageait pas Hippocrate dans ses ouvrages, où l'on remarquait d'ailleurs la bonne opinion qu'il avait de son savoir-faire, et son mépris excessif pour tout ce qu'il y avait eu de grands médecins avant lui.

Sérapion arabe n'a fleuri que sur la fin du ix. siècle, entre Mesué et Rhazès. Ses ouvrages ne méritent aucun éloge. Ils ont paru sous le nom de Practica à Venise apud Octav. Scotum, en 1497. infol. ensuite apud Juntas, Andrea Alpage interprete, 1550. in-fol. et finalement Argentinae 1531. in-fol. avec les opuscules d'Averrhoès, de Rhasès, et autres, curâ Otton. Brusfelrii.

Soranus, il y a eu quatre ou cinq médecins de ce nom. Le premier d'Ephese, était le plus habîle de tous les médecins méthodiques, et celui qui mit la dernière main à la méthode ; c'est du moins le jugement qu'en porte Caelius Aurelianus, qui était de la même secte ; mais ce qui augmente beaucoup sa gloire, c'est qu'il a été considéré par les médecins mêmes qui n'étaient pas de son parti, comme par Galien. Il vivait sous les empereurs Trajan et Adrien, et après avoir longtemps demeuré à Alexandrie, il vint pratiquer la médecine à Rome, sous le règne des deux empereurs qu'on vient de nommer. Ses écrits se sont perdus, mais on les retrouve dans Caelius Aurelianus qui reconnait ingénument, que tout ce qu'il a mis au jour n'est qu'une traduction des ouvrages de Soranus.

Le second de même nom était éphésien, ainsi que le grand méthodique ; mais il a vécu longtemps après lui. Suidas parle de divers livres de médecine de ce second Soranus, entr'autres d'un qui était intitulé des maladies des femmes. C'est apparemment de ce livre qu'a été tiré le fragment grec qui a pour titre de la matrice, et des parties des femmes, fragment mis au jour par Turnebe dans le siècle passé. C'est ce second Soranus qui a écrit la vie d'Hippocrate que nous avons.

Le troisième Soranus était de Malles en Cilicie, et porte le surnom de mallotes.

L'auteur de la vie d'Hippocrate cite un quatrième Soranus, qui était, dit-il, de l'île de Cos.

On trouve dans les priapées de Scioppius, des lettres de Marc-Antoine à Q. Soranus ; et de celui-ci à Marc-Antoine, de Cléopatre au même Soranus, et de Soranus à Cléopatre. Dans ces lettres l'on demande et l'on donne des remèdes contre l'incontinence. Ce sont des pièces visiblement supposées.

Symmachus fleurissait sous le règne de Galba ; il fallait qu'il eut une réputation éclatante, de la manière dont Martial son contemporain le représente, suivi d'un grand nombre d'étudiants en médecine, qu'il menait avec lui chez les malades. L'épigramme du poète à ce sujet est fort bonne ; c'est la 9. du l. V.

Languebam : sed tu comitatus protinùs ad me

Venisti, centum, Symmache, discipulis ;

Centum me tetigère manus aquilone gelatae ;

Non habui febrem, Symmache, nunc habeo.

Thémison de Laodicée fut disciple d'Asclépiade, et vécut peu de temps avant Celse, c'est-à-dire sous le règne d'Auguste. Il est célèbre dans l'histoire de la médecine, pour avoir fondé la secte méthodique ; quoiqu'en fait de pratique il ne se soit pas écarté des règles de son maître. Il appliqua le premier l'usage des sang-sues dans les maladies, pour relâcher de plus en plus. Galien nous apprend aussi, qu'il donna le premier la description du diacode, remède composé du suc et de la décoction des têtes de pavot et de miel. Il avait encore inventé une composition purgative appelée hiera. Enfin il avait écrit sur les propriétés du plantain, dont il s'attribuait la découverte. Dioscorius prétend qu'il fut un jour mordu par un chien enragé, et qu'il n'en guerit qu'après de grandes souffrances. Pline en fait un éloge pompeux ; car il le nomme summus auctor, un très-grand auteur. Le Thémison, à qui Juvenal reproche le nombre des malades qu'il avait tués dans une automne, quot Themison aegros autumno occiderit uno, ne parait pas être celui dont il s'agit ici. Il est vraisemblable que le poète satyrique a eu en vue quelque médecin méthodique de son temps, qu'il appelle Thémison, pour cacher son véritable nom.

Théophile, surnommé Protaspatharius, médecin grec, qui vécut, selon Fabricius, sous l'empereur Héraclius, et selon Ferimd, seulement au commencement du iv. siècle. Il était certainement chrétien, et est fort connu des Anatomistes par ses quatre livres de la structure du corps humain, dans lesquels on dit qu'il a fait un excellent abrégé de l'ouvrage de Galien sur l'usage des parties. Ce n'est pas ici le lieu d'en parler ; il suffit de dire que les ouvrages anatomiques de Théophîle ont été publiés à Paris en grec et en latin en 1556. in -8°. Nous avons son petit livre de urinis et excrementis, publié pour la première fois d'après les manuscrits de la bibliothèque d'Oxfort, Lugd. Batav. 1703. in -8°. p. 271. graecè et latinè.

Thessalus, disciple de Thémison, vivait sous Néron, environ 50. ans après la mort de son maître.

Il était de Tralé en Lydie, et fils d'un cardeur de laine, chez lequel il fut élevé parmi des femmes, si l'on en croit Galien. La bassesse de sa naissance, et le peu de soin qu'on avait pris de son éducation ne firent que retarder ses progrès dans le chemin de la fortune. Il trouva le moyen de s'introduire chez les grands : il sut adroitement profiter du goût qu'il leur connut pour la flatterie : il obtint leur confiance et leurs faveurs par les viles complaisances auxquelles il ne rougit point de s'abaisser ; enfin il joua à la cour un personnage fort bas : ce n'est pas ainsi, dit Galien, que se conduisirent ces descendants d'Esculape, qui commandaient à leurs malades comme un prince à ses sujets. Thessalus obéit aux siens, comme un esclave à ses maîtres. Un malade voulait-il se baigner, il le baignait ; avait-il envie de boire frais, il lui faisait donner de la glace et de la neige. A ces réflexions, Galien ajoute que Thessalus n'avait qu'un trop grand nombre d'imitateurs ; d'où nous devons conclure qu'on distinguait alors aussi bien qu'aujourd'hui, la fin de l'art, et la fin de l'ouvrier.

Pline parle de ce médecin, comme d'un homme fier, insolent, et qui était, dit-il, si plein de la bonne opinion de son mérite, qu'il prit le titre de vainqueur des Médecins, titre qu'il fit graver sur son tableau qui est sur la voie appienne. Jamais bateleur, continue l'historien, n'a paru en public avec une suite plus nombreuse. Liv. XXIX. ch. j.

C'est dommage que Thessalus ait fait voir tant de défauts, car on ne peut douter qu'il n'eut de l'esprit et des lumières. Il composa plusieurs ouvrages, introduisit l'abstinence de trois jours pour la cure des maladies, fut l'inventeur de la métasyncrise, qui parait être une doctrine judicieuse ; et pour tout dire, défendit, amplifia, et rectifia si considérablement les principes de Thémison, qu'il en fut surnommé l'instaurateur de la méthode.

Thograi, médecin arabe, philosophe, rhéteur, alchimiste, poète et historien. Il nâquit à Hispahan en Perse. Ses talents l'élevèrent à la dignité de premier ministre du prince Maschud, frère du soudan d'Asie. Il amassa dans ce poste des richesses immenses ; mais son maître s'étant révolté contre son frère, il fut pris ; et Thograi son ministre dépouillé de tout ce qu'il possédait, fut attaché à un arbre, et percé à coups de flêches, l'an de l'hégire 515, et de J. C. 1112. Outre ses œuvres historiques et poétiques, il a laissé un ouvrage intitulé, le rapt de la nature ; il y traite de l'alchimie.

C. Valgius fut le premier des médecins romains après Pompeius Lenaeus et Caton, qui écrivit de l'usage des plantes dans la médecine ; cependant Pline, qui a fait cette remarque, ajoute que cet ouvrage était très-médiocre, quoique l'auteur passât pour être savant.

Vectius Valents, médecin méthodique, qui eut avec Messaline, femme de l'empereur Claude, la même familiarité qu'Eudeme avait eue avec Livie, est cité par Pline comme auteur d'une nouvelle secte. Il y a néanmoins de l'apparence que sa doctrine n'était autre chose que celle de Thémison, déguisée par quelques changements, qu'il fit à l'exemple des autres méthodiques, et dans le même dessein, je veux dire, de s'ériger en fondateur de secte. Pline ajoute que Valents était éloquent, et qu'il acquit une grande réputation dans son art. Il est vraisemblable que ce Valents est le même que celui que Caelius Aurelianus appelle Valents le physicien.

Vindiciamus, médecin grec de la secte des méthodiques, vivait vers l'an 370. de J. C. et devint premier médecin de l'empereur Valentinien. Nous n'avons de lui qu'une seule lettre sur la médecine, epistola de médecina : elle est imprimée à Venise, cum antiquis medicis, chez Alde 1547. in-fol. p. 86.

Xénophon, médecin de Claude, fut si avant dans la faveur, que cet empereur obligea le sénat à faire un édit, par lequel on exemptait, à la considération du médecin, les habitants de l'île de Cos de tous impôts pour toujours. Cette île était la patrie de Xénophon, qui se disait de la race des Asclépiades, ou des descendants d'Esculape. Mais ce bienfait n'empêcha pas ce méchant homme, qui avait été gagné par Agrippine, de hâter la mort de son prince, en lui mettant dans le gosier pour le faire vomir, une plume enduite d'un poison très-promt. Il faut bien distinguer le Xénophon dont on vient de parler, d'avec le disciple d'Erasistrate.

Voilà la liste des médecins célèbres de l'antiquité dont parle l'histoire, et je ne doute point que le mérite de leur pratique, j'entends le mérite de la pratique des sectateurs d'Hippocrate et de Thémison, ne l'emporte sur celle des modernes, en prodiguant moins les remèdes dans les maladies, en voulant moins accélerer les guérisons, en observant avec plus de soin les indications de la nature, en s'y prétant avec plus de confiance, et en se bornant à partager avec elle l'honneur de la guérison, sans prétendre s'en arroger la gloire.

J'ajoute cependant, pour conclure ce discours, et celui de la Médecine, que si l'on vient à peser mûrement le bien qu'ont procuré aux hommes, depuis l'origine de l'art jusqu'à ce jour, une poignée de vrais fils d'Esculape, et le mal que la multitude immense de docteurs de cette profession a fait au genre humain dans cet espace de temps ; on pensera sans doute qu'il serait beaucoup plus avantageux qu'il n'y eut jamais eu de médecins dans le monde. C'était le sentiment de Boerhaave, l'homme le plus capable de décider cette question, et en même temps le médecin qui, depuis Hippocrate, a le mieux mérité du public. (D.J.)

MEDECINE, ce mot est quelquefois synonyme de remède ou médicament. C'est dans ce sens qu'il est employé dans cette expression, médecine universelle, c'est-à-dire remède universel. Voyez MEDECINE UNIVERSELLE. Mais on entend plus communément dans le langage ordinaire par le mot médecine, employé dans le sens de remède, une espèce particulière de remèdes ; savoir, les purgatifs et principalement même une potion purgative. (b)

MEDECINE UNIVERSELLE, (Médecine et Chimie) c'est-à-dire, remède universel, ou à tous maux ; chimère dont la recherche a été toujours subordonnée à celle de la pierre philosophale, comme ne faisant qu'un seul et même être avec la pierre philosophale. Voyez PIERRE PHILOSOPHALE. (b)

MEDECINE MAGIQUE, voyez ENCHANTEMENT, Médecine.