M. Sanson Ve plus loin : il accorde le nom de fleuve aux rivières qui portent de grands bateaux, et que leurs cours rendent considérables, quoiqu'elles ne portent pas leurs eaux immédiatement à la mer, comme la Save et la Drave, qui se perdent dans le Danube ; le Mein et la Moselle, dans le Rhin, etc. Enfin M. Corneille veut que l'on donne seulement le nom de fleuve aux anciennes rivières, telles que l'Araxe, l'Ister, etc. Mais y a-t-il de nouvelles rivières, et ne sont-elles pas toutes également anciennes ? Il n'est donc pas possible de fixer la distinction de ces deux mots, fleuve et rivière. Tout ce qu'on peut dire d'après l'usage, c'est, 1°. que fleuve ne s'emploie que pour les grandes rivières ; 2°. que le mot rivière n'est pas noble en poésie ; 3°. que quand on parle d'une rivière de l'antiquité, on se sert du mot fleuve, de sorte qu'on dit le fleuve Araxe, le fleuve Indus, le fleuve du Gange ; 4°. que le nom de rivière se donne tant aux grandes qu'aux petites, puisqu'on dit également la rivière de Loire, et la rivière des Gobelins qui n'est qu'un ruisseau. Article de M(D.J.)

FLEUVE, s. m. (Phys. et Geogr.) flumen, se dit d'un amas considérable d'eau qui partant de quelque source, coule dans un lit vaste et profond, pour aller ordinairement se jeter dans la mer.

Si une eau courante n'est pas assez forte pour porter de petits bateaux, on l'appelle en latin rivus, en français ordinairement ruisseau ; si elle est assez forte pour porter bateau, on l'appelle rivière, en latin amnis ; enfin si elle peut porter de grands bateaux, on l'appelle en latin flumen, en français fleuve. La différence de ces dénominations n'est, comme l'on voit, que du plus au moins. Quelques auteurs prétendent que l'on ne doit donner le nom de fleuves qu'aux rivières qui se déchargent immédiatement dans la mer ; et en effet l'usage semble avoir assez généralement établi cette dénomination. D'autres, mais en plus petit nombre, prétendent qu'il n'y a de vrais fleuves que ceux qui ont le même nom depuis leur source jusqu'à leur embouchure. Voyez l'article précéd.

Nous traiterons dans cet article, de l'origine des fleuves, de leur direction, de leurs variations, de leur débordement, de leur cours, etc.

Origine des fleuves. Les ruisseaux ou petites rivières viennent quelquefois d'une grande quantité de pluies ou de neiges fondues, principalement dans les lieux remplis de montagnes, comme on en voit dans l'Afrique, les Indes, l'île de Sumatra, etc. mais en général les fleuves et les rivières viennent de sources. Voyez SOURCE. L'origine des sources elles-mêmes vient aussi, soit des vapeurs qui retombent sur le sommet des montagnes, soit des eaux de la pluie ou de neige fondue, qui se filtrent à-travers les entrailles de la terre, jusqu'à ce qu'elles trouvent une espèce de bassin où elles s'amassent.

M. Halley a fait voir, n. 192. des Transact. philosophiq. que les vapeurs élevées de la surface de la mer, et transportées par le vent sur la terre, sont plus que suffisantes pour former toutes les rivières, et entretenir les eaux qui sont à la surface de la terre. On sait en effet par différentes expériences (voyez Musschenbr. ess. de Phys. §. 1495.) qu'il s'évapore par an environ 29 pouces d'eau ; or cette évaporation est plus que suffisante pour produire la quantité d'eau que les fleuves portent à la mer. M. de Buffon, dans le premier volume de son histoire naturelle, p. 356. trouve par un calcul assez plausible, d'après Jean Keill, que dans l'espace de 812 ans toutes les rivières ensemble rempliraient l'Océan : d'où il conclut que la quantité d'eau qui s'évapore de la mer, et que les vents transportent sur la terre pour produire les ruisseaux et les fleuves, est d'environ les deux tiers d'une ligne par jour, ou 21 pouces par an ; ce qui est encore au dessous des 29 pouces dont on vient de parler, et confirme ce que nous avançons ici, que les vapeurs de la mer sont plus que suffisantes pour produire les fleuves. Voyez aux art. PLUIE et FONTAINE, un plus grand détail sur ce sujet.

Les fleuves sont formés par la réunion de plusieurs rivières, ou viennent de lacs. Parmi tous les grands fleuves connus, comme le Rhin, l'Elbe, etc. il n'y en a pas un qui vienne d'une seule et unique source. Le Volga, par exemple, est formé de 200 rivières, dont 32 à 33 considérables, qui s'y jettent avant qu'il aille se jeter lui-même dans la mer Caspienne : le Danube en reçoit à-peu-près aussi 200, dont 30 considérables, en ne comptant que ces dernières. Le Don en reçoit cinq ou six, le Nieper 19 ou 20, la Duine 11 ou 12 : et de même en Asie, le Hoanho reçoit 34 ou 35 rivières ; le Jenisca en reçoit plus de 60, l'Oby autant ; le fleuve Amour environ 40 ; le Kian, ou le fleuve de Nanquin, en reçoit environ 30, le Gange plus de 20, l'Euphrate 10 ou 11, etc. En Afrique, le Sénégal reçoit plus de 20 rivières. Le Nil ne reçoit aucune rivière qu'à plus de 500 lieues de son embouchure ; la dernière qui y tombe est le Moraba, et de cet endroit jusqu'à sa source il reçoit environ 12 ou 13 rivières. En Amérique, le fleuve des Amazones en reçoit plus de 60, et toutes fort considérables ; le fleuve S. Laurent environ 40, en comptant celles qui tombent dans les lacs ; le fleuve Mississipi plus de 40, le fleuve de la Plata plus de 50, etc.

Il y a sur la surface de la terre des contrées élevées, qui paraissent être des points de partages marqués par la nature pour la distribution des eaux. Les environs du mont Saint-Gothard sont un de ces points en Europe. Un autre point est le pays entre les provinces de Belozera et de Vologda en Moscovie, d'où descendent des fleuves dont les uns vont à la mer Blanche, d'autres à la mer Noire, et d'autres à la mer Caspienne ; en Asie, le pays des Tartares-Mogols, d'où il coule des fleuves dont les uns vont se rendre dans la mer Tranquille, ou mer de la nouvelle Zemble : d'autres au golfe Linchidolin, d'autres à la mer de Corée, d'autres à celle de la Chine ; et de même le petit Thibet, dont les eaux coulent vers la mer de la Chine, vers le golfe de Bengale, vers le golfe de Cambaye, et vers le lac Aral ; en Amérique, la province de Quito, qui fournit des eaux à la mer du Sud, à la mer du Nord ; et au golfe du Mexique. Histoire naturelle de M. de Buffon, tom. I. et Varen. Géographie

Direction des fleuves. On a remarqué que généralement parlant, les plus grandes montagnes occupent le milieu des continens ; et que dans l'ancien continent, les plus grandes chaînes de montagnes sont dirigées d'occident en orient. On verra de même que les plus grands fleuves sont dirigés comme les plus grandes montagnes. On trouvera qu'à commencer par l'Espagne, le Vigo, le Douro, le Tage et la Guadiana, vont d'orient en occident, et l'Ebre d'occident en orient ; et qu'il n'y a pas une rivière remarquable qui aille du sud au nord, ou du nord au sud.

On verra aussi, en jetant les yeux sur la carte de la France, qu'il n'y a que le Rhône qui soit dirigé du nord au midi ; et encore dans près de la moitié de son cours, depuis les montagnes jusqu'à Lyon, est-il dirigé de l'orient vers l'occident : mais qu'au contraire tous les autres grands fleuves, comme la Loire, la Charente, la Garonne, et même la Seine, ont leur direction d'orient en occident.

On verra de même qu'en Allemagne il n'y a que le Rhin qui, comme le Rhône, a la plus grande partie de son cours du midi au nord ; mais que les autres grands fleuves, comme le Danube, la Drave, et toutes les grandes rivières qui tombent dans ces fleuves, vont d'occident en orient se rendre dans la mer Noire.

On trouvera aussi que l'Euphrate est dirigé d'occident en orient, et que presque tous les fleuves de la Chine vont de même d'occident en orient. Il en est ainsi de tous les fleuves de l'intérieur de l'Afrique au-delà de la Barbarie ; ils coulent tous d'orient en occident ou d'occident en orient : il n'y a que les rivières de Barbarie et le Nil qui coulent du midi au nord. A la vérité il y a de grands fleuves en Asie qui coulent en parties du nord au midi, comme le Don, le Volga, etc. mais en prenant la longueur entière de leur cours, on verra qu'ils ne se tournent du côté du midi, que pour se rendre dans la mer Noire et dans la mer Caspienne, qui sont des lacs dans l'intérieur des terres.

Dans l'Amérique, les principaux fleuves coulent de même d'orient en occident, ou d'occident en orient : les montagnes sont au contraire dirigées nord et sud dans ce continent long et étroit ; mais, selon M. de Buffon, c'est proprement une suite de montagnes parallèles, disposées d'orient en occident. Histoire naturelle génér. et partic. t. I. p. 334. et suiv.

Phénomènes et variations des fleuves. Les fleuves sont sujets à de grands changements dans une même année, suivant les différentes saisons, et quelquefois dans un même jour. Ces changements sont occasionnés pour l'ordinaire par les pluies et les neiges fondues. Par exemple, dans le Pérou et le Chili il y a des fleuves qui ne sont presque rien pendant la nuit, et qui ne coulent que de jour, parce qu'ils sont alors augmentés par la fonte des neiges qui couvrent les montagnes. De même le Volga grossit considérablement pendant les mois de Mai et de Juin, de sorte qu'il couvre alors entièrement des sables qui sont à sec tout le reste de l'année. Le Nil, le Gange, l'Inde, etc. grossissent souvent jusqu'à déborder ; et cela arrive tantôt dans l'hiver, à cause des pluies ; tantôt en été, par la fonte des neiges.

Il y a des fleuves qui s'enfoncent brusquement sous terre au milieu de leur cours, et qui reparaissent ensuite dans d'autres lieux, comme si c'était de nouveaux fleuves : ainsi quelques auteurs prétendent que le Niger vient du Nil par-dessous terre, parce que ce fleuve grossit en même temps que le Nil, sans qu'on puisse trouver d'autre raison que la communication mutuelle de ces fleuves, pour expliquer pourquoi ils grossissent en même temps. On remarque encore que le Niger, quand il vient au pied des montagnes de Nubie, s'enfonce et se cache sous ces montagnes, pour reparaitre de l'autre côté vers l'occident. Le Tigre se perd de même sous le mont Taurus.

Aristote et les Poètes anciens font mention de différents fleuves, à qui la même chose arrive. Parmi ces fleuves, le fleuve Alphée est principalement célèbre. Les auteurs grecs prétendent que ce fleuve, après s'être enfoncé en terre et avoir disparu, continuait à couler sous la terre et la mer, pour aller jusqu'en Sicîle ; que là il reparaissait auprès de Syracuse, pour former la fontaine d'Aréthuse. La raison de cette opinion des anciens était que tous les cinq ans pendant l'été la fontaine d'Aréthuse était couverte de fumier, dans le temps même qu'on célébrait en Grèce les jeux olympiques, et qu'on jetait dans l'Alphée le fumier des victimes.

Le Guadalquivir en Espagne, la rivière de Gottemburg en Suède, et le Rhin même, se perdent dans la terre. On assure que dans la partie occidentale de l'île de Saint-Domingue il y a une montagne d'une hauteur considérable, au pied de laquelle sont plusieurs cavernes où les rivières et les ruisseaux se précipitent avec tant de bruit, qu'on les entend de sept ou huit lieues. Voyez Varenii geograph. gener. pag. 43.

Au reste, le nombre de ces fleuves qui se perdent dans le sein de la terre est fort petit, et il n'y a pas d'apparence que ces eaux descendent bien bas dans l'intérieur du globe ; il est plus vraisemblable qu'elles se perdent, comme celles du Rhin, en se divisant dans les sables, ce qui est fort ordinaire aux petites rivières qui arrosent les terrains secs et sablonneux : on en a plusieurs exemples en Afrique, en Perse, en Arabie, etc. Histoire naturelle ibid.

Quelques fleuves se déchargent dans la mer par une seule embouchure, quelques autres par plusieurs à-la-fais. Le Danube se jette dans la mer Noire par sept embouchures ; le Nil s'y jetait autrefois par sept, dont il n'y en a plus aujourd'hui que deux qui soient navigables ; et le Volga par 70 au moins. La cause de cette quantité d'embouchures vient, selon Varenius, des bancs de sable qui sont en ces endroits ; et qui s'augmentant peu-à-peu, forment des îles qui divisent le fleuve en différents bras. Les anciens nous assurent que le Nil n'avait d'abord qu'une seule embouchure naturelle par laquelle il se déchargeait dans la mer, et que ses six autres embouchures étaient artificielles.

Il y a dans l'ancien continent environ 430 fleuves qui tombent immédiatement dans l'Océan, ou dans la Méditerranée et la mer Noire ; et dans le nouveau continent on ne connait guère que 180 fleuves qui tombent immédiatement dans la mer. Au reste on n'a compris dans ce nombre que des rivières grandes au moins comme l'est la Somme en Picardie.

Les fleuves sont plus larges à leur embouchure, comme tout le monde sait ; mais ce qui est singulier, c'est que les sinuosités de leurs cours augmentent à mesure qu'ils s'approchent de la mer. On prétend qu'en Amérique les Sauvages jugent par ce moyen à quelle distance ils sont de la mer.

Sur le remous des fleuves, voyez REMOUS : sur leurs cataractes, voyez CATARACTE.

Varénius prétend et tâche de prouver que tous les lits des fleuves, si on en excepte ceux qui ont existé dès la création, sont artificiels, et creusés par les hommes. La raison qu'il en donne, est que quand une nouvelle source sort de terre, l'eau qui en coule ne se fait point un lit, mais inonde les terres adjacentes ; de sorte que les hommes, pour conserver leurs terres, ont vraisemblablement été obligés de creuser un lit aux fleuves. Cet auteur ajoute qu'il y a d'ailleurs un grand nombre de fleuves dont les lits ont été certainement creusés par les hommes, comme l'histoire ne permet pas d'en douter. A l'égard de la question, si les rivières qui se jettent dans d'autres y ont été portées par leur cours et leur mouvement naturel, ou ont été forcées de s'y jeter étant détournées dans des canaux creusés pour cela, Varénius croit ce dernier sentiment plus probable ; il pense aussi la même chose des différents bras des fleuves et des contours par lesquels le Tanaïs, le Volga, etc. forment des iles.

Il examine ensuite pourquoi il n'y a point de fleuves dont l'eau soit salée, tandis qu'il y a tant de sources qui le sont. Cela vient, selon lui, de ce que les hommes n'ont point creusé de lit pour les eaux des sources salées, pouvant se procurer le sel à moins de frais et avec moins de peine. Voyez SEL.

Plusieurs fleuves ont leurs eaux impregnées de particules métalliques, minérales, de corps gras et huileux, etc. Il y en a qui roulent du sable mêlé avec des grains d'or : de ce nombre sont 1°. un fleuve du Japon : 2°. un autre fleuve dans l'île Lequeo, proche le Japon : 3°. une rivière d'Afrique appelée Arroe, qui sort du pied des montagnes de la Lune où il y a des mines d'or : 4°. un fleuve de Guinée, dont les Nègres séparent le sable d'avec l'or qu'il renferme, et le vendent ensuite aux Européens qui vont en Guinée pour faire ce trafic : 5°. quelques rivières proche la ville de Mexique, dans lesquelles on trouve des grains d'or, principalement après la pluie ; ce qui est général pour tous les autres fleuves qui roulent de l'or, car on n'y en trouve une quantité un peu considérable que dans les saisons pluvieuses : 6°. plusieurs rivières du Pérou, de Sumatra, de Cuba, de la Nouvelle-Espagne, et de Guiana. Enfin dans les pays voisins des Alpes, principalement dans le Tirol, il y a quelques rivières, des eaux desquelles on tire de l'or, quoique les grains d'or qu'elles roulent ne paraissent point aux yeux. Le Rhin, dans quelques endroits, porte, dit-on, un limon chargé d'or. Voyez OR. En France nous avons quelques rivières, comme l'Ariege, qui roulent des paillettes d'or. M. de Reaumur a donné à l'académie des Sciences un mémoire sur ce sujet en 1721.

A l'égard des fleuves qui roulent des grains d'argent, de fer, de cuivre, de plomb, il y en a sans-doute aussi un grand nombre de cette espèce, et les vertus medicinales des eaux minérales viennent pour la plupart des parties métalliques que ces eaux renferment. Nous ne devons pas oublier de parler d'un fleuve d'Allemagne qu'on prétend avoir la propriété de changer le fer en cuivre. La vérité est pourtant que le fer n'est point réellement converti en un autre métal par les eaux de ce fleuve, mais que les particules de cuivre et de vitriol qu'elles contiennent, rongent le fer, en désunissent les parties au moyen du mouvement des eaux, et reparaissent à la place des parties du fer qu'elles ont divisées.

Le mélange des différentes matières que contiennent les eaux des fleuves, est ce qui constitue leurs différentes qualités, leurs différentes pesanteurs spécifiques, leurs différentes couleurs. Voyez EAU.

Débordement périodique de certains fleuves. Il y a des fleuves qui grossissent tellement dans certaines saisons de l'année, qu'ils débordent et inondent les terres adjacentes. Parmi tous ces fleuves, le plus célèbre est le Nil, qui s'enfle si considérablement qu'il inonde toute l'Egypte, excepté les montagnes. L'inondation commence vers le 17 Juin, et augmente pendant environ 40 jours, puis diminue pendant 40 autres ; durant ce temps les villes d'Egypte qui sont bâties sur des montagnes, paraissent comme autant d'iles.

C'est à ces inondations que l'Egypte doit sa fertilité ; car il ne pleut point dans ce pays, ou au moins il n'y pleut que fort peu. Ainsi chaque année est fertîle ou stérîle en Egypte, selon que l'inondation est plus grande ou moindre. La cause du débordement du Nil vient des pluies qui tombent en Ethiopie ; elles commencent au mois d'Avril, et ne finissent qu'en Septembre ; durant les trois premiers mois le ciel est serein pendant le jour mais il pleut toute la nuit. Les pluies de l'Abyssinie contribuent aussi à ce débordement ; mais le vent du nord en est la cause principale : 1°. parce qu'il chasse les nuages qui portent cette pluie du côté de l'Abyssinie : 2°. parce qu'il fait refouler les eaux du Nil à leur embouchure. Aussi dès que ce vent tourne au sud, le Nil perd en un jour ce qu'il avait acquis dans quatre.

Les autres fleuves qui ont des débordements considérables dans certains temps marqués sont, 1°. le Niger qui déborde dans le même temps que le Nil. Léon l'afriquain dit que ce débordement commence vers le 15 Juin, qu'il augmente durant 40 jours, et qu'il diminue ensuite pendant 40 autres. 2°. Le Zaire, fleuve du royaume de Congo, qui vient du même lac que le Nil, et qui par conséquent doit être sujet aux mêmes inondations. 3°. Le Rio de la Plata dans le Bresil, qui, selon la remarque de Maffée, déborde dans le même temps que le Nil. 4°. Le Gange, l'Indus ; le dernier de ces fleuves déborde en Juin, Juillet, Aout ; et les habitants du pays recueillent alors une grande quantité de ses eaux dans des étangs, pour s'en servir le reste de l'année. 5°. Différents fleuves qui sortent du lac de Chiamay dans la baie de Bengale, et qui débordent en Septembre, Octobre, et Novembre. Les inondations de tous ces fleuves fertilisent les terres qui en sont voisines. 6°. Le fleuve Macoa en Camboya, le fleuve Parana ou Paranaguasa, que quelques-uns prétendent être le même que le fleuve d'Argent : différents fleuves sur la côte de Coromandel dans l'Inde, qui débordent dans les mois pluvieux de l'année, parce qu'ils sont alors grossis par les eaux qui coulent du mont Gatis : l'Euphrate qui inonde la Mésopotamie certains jours de l'année : enfin le fleuve de Sus en Numidie.

" Les plus grands fleuves de l'Europe sont le Volga, qui a environ 650 lieues de cours depuis Reschow jusqu'à Astracan sur la mer Caspienne ; le Danube dont le cours est d'environ 450 lieues depuis les montagnes de Suisse jusqu'à la mer Noire ; le Don, qui a 400 lieues de cours depuis la source du Sosna qu'il reçoit jusqu'à son embouchure dans la mer Noire ; le Nieper, dont le cours est d'environ 350 lieues, qui se jette aussi dans la mer Noire, la Duine, qui a environ 300 lieues de cours, et qui Ve se jeter dans la mer Blanche, etc.

Les plus grands fleuves de l'Asie sont le Hoanho de la Chine, qui a 850 lieues de cours en prenant sa source à Raja-Ribron, et qui tombe dans la mer de la Chine au midi du golfe de Changi ; le Jenisca de la Tartarie, qui a 800 lieues environ d'étendue depuis le lac Selinga jusqu'à la mer septentrionale de la Tartarie ; le fleuve Oby, qui a environ 600 lieues depuis le lac Kila jusque dans la mer du nord, au-delà du détroit de Waigats ; le fleuve Amour de la Tartarie orientale, qui a environ 575 lieues de cours, en comptant depuis la source du fleuve Kerlon qui s'y jete, jusqu'à la mer de Kamtschatka où il a son embouchure ; le fleuve Menamcon, qui a son embouchure à Poulo-Condor, et qu'on peut mesurer depuis la source du Longmu qui s'y jette ; le fleuve Kian, dont le cours est environ de 550 lieues en le mesurant depuis la source de la rivière Kinxa qui le reçoit, jusqu'à son embouchure dans la mer de la Chine ; le Gange, qui a aussi environ 550 lieues de cours ; l'Euphrate qui en a 500 en le prenant depuis la source de la rivière Irma qu'il reçoit ; l'Indus, qui a environ 400 lieues de cours, et qui tombe dans la mer d'Arabie à la partie occidentale de Guzarat ; le fleuve Sirderoias, qui a une étendue de 400 lieues environ, et qui se jette dans le lac Aral.

Les plus grands fleuves de l'Afrique sont le Sénégal, qui a 1125 lieues environ de cours en y comprenant le Niger, qui n'en est en effet qu'une continuation, et en remontant le Niger jusqu'à la source du Gombarou qui se jette dans le Niger ; le Nil, dont la longueur est de 970 lieues, et qui prend sa source dans la haute Ethiopie, où il fait plusieurs contours : il y a aussi le Zaire et le Coanza, desquels on connait environ 400 lieues, mais qui s'étendent bien plus loin dans les terres du Monoemugi ; le Couama, dont on ne connait aussi qu'environ 400 lieues, et qui vient de plus loin, des terres de la Cafrerie : le Quilmanci, dont le cours entier est de 400 lieues, et qui prend sa source dans le royaume de Gingiro.

Enfin les plus grands fleuves de l'Amérique, qui sont aussi les plus larges fleuves du monde, sont la rivière des Amazones, dont le cours est de plus de 1200 lieues si l'on remonte jusqu'au lac qui est près de Guanuco, à 30 lieues de Lima ; où le Maragnon prend sa source ; et si l'on remonte jusqu'à la source de la rivière Napo, à quelque distance de Quito, le cours de la rivière des Amazones est de plus de mille lieues. Voyez le voyage de M. de la Condamine, pag. 15. et 16.

On pourrait dire que le cours du fleuve S. Laurent en Canada est de plus de 900 lieues depuis son embouchure en remontant le lac Ontario et le lac Erié, de-là au lac Huron, ensuite au lac Supérieur, de-là au lac Alemipigo, au lac Cristinaux, et enfin au lac des Assiniboils : les eaux de tous ces lacs tombent les unes dans les autres, et enfin dans le fleuve S. Laurent.

Le fleuve Mississipi a plus de 700 lieues d'étendue depuis son embouchure jusqu'à quelques-unes de ses sources, qui ne sont pas éloignées du lac des Assiniboils, dont nous venons de parler.

Le fleuve de la Plata a plus de 800 lieues depuis son embouchure jusqu'à la source de la rivière Parna qu'il reçoit.

Le fleuve Oronoque a plus de 575 lieues de cours, en comptant depuis la source de la rivière Caketa près de Pasto, qui se jette en partie dans l'Oronoque, et coule aussi en partie vers la rivière des Amazones. Voyez la carte de M. de la Condamine.

La rivière Madera qui se jette dans celle des Amazones, a plus de 660 ou 670 lieues. Histoire natur. tome I. page 352. et suiv. "

Les fleuves les plus rapides de tous, sont le Tigre, l'Indus, le Danube, l'Yrtis en Sibérie, le Malmistra en Cilicie, etc. Voyez Varenii géograph. page 178. Mais, comme nous le dirons plus bas, la mesure de la vitesse des eaux d'un fleuve dépend de deux causes ; la première est la pente, et la seconde le poids et la quantité d'eau : en examinant sur le globe quels sont les fleuves qui ont le plus de pente, on trouvera que le Danube en a beaucoup moins que le Pô, le Rhin et le Rhône, puisque tirant quelques-unes de ses sources des mêmes montagnes, le Danube a un cours beaucoup plus long qu'aucun de ces trois autres fleuves, et qu'il tombe dans la mer Noire, qui est plus élevée que la Méditerranée, et peut-être plus que l'Océan. Ibid.

Lais du mouvement des fleuves et rivières en général. Les philosophes modernes ont tâché de déterminer par des lois précises le mouvement et le cours des fleuves ; pour cela ils ont appliqué la Géométrie et la mécanique à cette recherche ; de sorte que la théorie du mouvement des fleuves est une des branches de la physique moderne.

Les auteurs italiens se sont distingués dans cette partie, et c'est principalement à eux qu'on doit les progrès qu'on y a faits ; entr'autres à Guglielmini, qui dans son traité della natura de' fiumi, a donné sur cette matière un grand nombre de recherches et d'observations.

Les eaux des fleuves, selon la remarque de cet auteur, ont ordinairement leurs sources dans des montagnes ou endroits élevés ; en descendant de-là elles acquièrent une vitesse ou accélération qui sert à entretenir leur courant : à mesure qu'elles font plus de chemin, leur vitesse diminue, tant à cause du frottement continuel de l'eau contre le fond et les côtés du lit où elles coulent, que par rapport aux autres obstacles qu'elles rencontrent, et enfin parce qu'elles arrivent après un certain temps dans les plaines, où elles coulent avec moins de pente, et presque horizontalement. Ainsi le Reno, fleuve d'Italie, qui a été un de ceux que Guglielmini a le plus observé, n'a vers son embouchure qu'une pente très-petite.

Si la vitesse que l'eau a acquise est entièrement détruite par les différents obstacles, en sorte que son cours devienne horizontal, il n'y aura plus rien qui puisse produire la continuation de son mouvement, que la hauteur de l'eau ou la pression perpendiculaire qui lui est toujours proportionnelle. Heureusement cette dernière cause devient plus forte à mesure que la vitesse se ralentit par les obstacles ; car plus l'eau perd de la vitesse qu'elle a acquise, plus elle s'élève et se hausse à-proportion.

L'eau qui est à la surface d'une rivière, et qui est éloignée des bords, peut toujours couler par la seule et unique cause de sa déclivité, quelque petite qu'elle soit : car n'étant arrêtée par aucun obstacle, la plus petite différence dans le niveau suffit pour la faire mouvoir. Mais l'eau du fond qui rencontre des obstacles continuels, ne doit recevoir presque aucun mouvement d'une pente insensible, et ne pourra être mue qu'en vertu de la pression de l'eau qui est au-dessus.

La viscosité et la cohésion naturelle des parties de l'eau, et l'union qu'elles ont les unes avec les autres, fait que les parties inférieures, mues par la pression des supérieures, entraînent à leur tour celles-ci, qui autrement dans un lit horizontal n'auraient aucun mouvement, ou n'auraient qu'un mouvement presque nul, si le canal n'avait que très-peu de pente. Ainsi les parties inférieures, en ce cas, rendent aux supérieures une partie du mouvement qu'elles en reçoivent par la pression : de-là il arrive souvent que la plus grande vitesse des eaux d'une rivière est au milieu de la profondeur de son lit, parce que les parties qui y sont, ont l'avantage d'être accélérées par la pression de la moitié de la hauteur, sans être retardées par le fond.

Pour savoir si l'eau d'une rivière qui n'a presque point de pente, coule par le moyen de la vitesse qu'elle a acquise dans sa descente ou par la pression perpendiculaire de ses parties, il faut opposer au courant un obstacle qui lui soit perpendiculaire : si l'eau s'élève et s'enfle au-dessus de l'obstacle, sa vitesse vient de sa chute ; si elle ne fait que s'arrêter, sa vitesse vient de la pression de ses parties.

Les fleuves, selon Guglielmini, se creusent presque tous seuls leur lit. Si le fond a originairement beaucoup de pente, l'eau acquiert en conséquence une grande vitesse ; elle doit par conséquent détruire les parties du fond les plus élevées, et les porter dans les endroits plus bas, et applanir ainsi peu-à-peu le fond en le rendant plus horizontal. Plus l'eau aura de vitesse, plus elle creusera son fond, et plus elle se fera par conséquent un lit profond.

Quand l'eau du fleuve a rendu son lit plus horizontal, elle commence alors à couler elle-même horizontalement, et par conséquent agit sur le fond de son lit avec moins de force, jusqu'à-ce qu'à la fin sa force devienne égale à la résistance du fond. Alors le fond demeure dans un état permanent, au moins pendant un temps considérable, et ce temps est plus ou moins long selon la qualité du sol ; car l'argîle et la craie, par exemple, résistent plus longtemps que le sable et le limon.

D'un autre côté, l'eau ronge continuellement les bords de son lit, et cela avec plus ou moins de force selon qu'elle les frappe plus perpendiculairement. Par cet effort continuel, elle tend à rendre les bords de son lit parallèles au courant ; et quand elle a produit cet effet autant qu'il est possible, elle cesse alors de changer la figure de ses bords. En même temps que son courant devient moins tortueux, son lit s'élargit, c'est-à-dire que le fleuve perd de sa profondeur, et par conséquent de la force de sa pression : ce qui continue jusqu'à-ce qu'il y ait équilibre entre la force de l'eau et la résistance des bords ; pour lors le fleuve ni les bords ne changent plus. Il est évident par l'expérience, qu'il y a réellement un tel équilibre, puisque l'on trouve que la profondeur et la largeur des rivières ne passe point certaines bornes.

Le contraire de tout ce qu'on vient de dire peut aussi quelquefois arriver. Les fleuves dont les eaux sont épaisses et limoneuses, doivent déposer au fond de leur lit une partie des matières hétérogènes que ces eaux contiennent, et rendre par-là leur lit moins profond. Leurs bords peuvent aussi se rapprocher par la déposition continuelle de ces mêmes matières. Il peut même arriver que ces matières étant jetées loin du fil de l'eau, entre les bords et le courant, et n'ayant presque point de mouvement, forment peu-à-peu un nouveau rivage.

Or, ces effets contraires et opposés semblent presque toujours concourir, et se combiner différemment ensemble, selon les circonstances ; aussi est-il fort difficîle de juger de ce qui en doit résulter. Il est cependant nécessaire de connaître fort exactement de quelle manière ces effets se combinent, avant de faire aucun travail qui tende à produire quelque changement dans une rivière, surtout lorsqu'il s'agit d'en détourner le cours. Le Lamone qui se jette dans le Pô, ayant été détourné de son cours pour le faire décharger dans la mer Adriatique, a été si fort dérangé par ce changement, et sa force si diminuée, que ses eaux abandonnées à elles-mêmes, ont prodigieusement élevé leur lit par la déposition continuelle de leur limon ; de manière que cette rivière est devenue beaucoup plus haute que n'est le Pô dans le temps de sa plus grande hauteur, et qu'il a fallu opposer au Lamone, des levées et des digues très-hautes pour en empêcher le débordement. Voyez DIGUE, LEVEE.

Un petit fleuve peut entrer dans un grand, sans en augmenter la largeur ni la profondeur. La raison de ce paradoxe est, que l'addition des eaux du petit fleuve peut ne produire d'autre effet, que de mettre en mouvement les parties qui étaient auparavant en repos proche des bords du grand, et rendre ainsi la vitesse du courant plus grande, en même proportion que la quantité d'eau qui y passe. Ainsi le bras du Pô qui passe à Venise, quoiqu'augmenté du bras de Ferrare et de celui du Panaro, ne reçoit point d'accroissement sensible dans aucune de ses dimensions. La même chose peut se conclure, proportion gardée, de toutes les augmentations que l'eau d'un fleuve peut recevoir, soit par l'eau d'une rivière qui s'y jete, soit de quelqu'autre manière.

Un fleuve qui se présente pour entrer dans un autre, soit perpendiculairement, soit même dans une direction opposée au courant de celui où il entre, est détourné peu-à-peu et par degrés de cette direction, et forcé de couler dans un lit nouveau et plus favorable pour l'union des deux rivières.

L'union de deux rivières en une doit les faire couler plus vite, par la raison, qu'au lieu du frottement de quatre rivages, il n'y a plus que le frottement de deux à surmonter, et que le courant étant plus éloigné des bords coule avec plus de facilité ; outre que la quantité d'eau étant plus grande et coulant avec plus de vitesse, doit creuser davantage le lit, et même le rendre si profond que les bords se rapprochent. De-là il arrive souvent que deux rivières étant unies, occupent moins d'espace sur la surface de la terre, et produisent par-là un avantage dans les terrains bas, par la déposition continuelle que ces terrains y font des parties bourbeuses et superflues qu'ils renferment ; ils forment par ce moyen une espèce de digue à ces rivières, qui empêche les inondations. Sur quoi voyez l'article CONFLUENT, où l'on fait voir que le physique dérange ici beaucoup le géométrique.

Ces avantages sont si considérables, que Guglielmini croit que la nature les a eus en vue, en rendant la jonction et l'union des rivières si fréquente.

Tel est l'abrégé de la doctrine de Guglielmini, sur le mouvement des fleuves, dont M. de Fontenelle a fait l'extrait dans les mém. de l'acad. 1710.

Pour déterminer d'une manière plus précise les lois générales du mouvement des fleuves, nous observerons d'abord qu'un fleuve est dit demeurer dans le même état, ou dans un état permanent, quand il coule uniformément, de manière qu'il est toujours à la même hauteur dans le même endroit. Imaginons ensuite un plan qui coupe le fleuve perpendiculairement à son fond, et que nous appellerons section du fleuve. Voyez Planche hydrostatiq. fig. 34.

Cela posé, quand un fleuve est terminé par des bords unis, parallèles l'un à l'autre et perpendiculaires à l'horizon, et que le fond est aussi une surface plane, horizontale ou inclinée, la section fera des angles droits avec ces trois plans, et sera un parallelograme.

Or, lorsqu'un fleuve est dans un état permanent, la même quantité d'eau coule en même temps dans chaque section. Car l'état du courant ne serait pas permanent, s'il ne repassait pas toujours à chaque endroit autant d'eau qu'il vient de s'en écouler. Ce qui doit avoir lieu, quelle que soit l'irrégularité du lit, qui peut produire dans le mouvement du fleuve différents changements à d'autres égards, par exemple, un plus grand frottement, à proportion de l'inégalité du lit.

Les irrégularités qui se rencontrent dans le mouvement d'une rivière, peuvent varier à l'infini ; et il n'est pas possible de donner là-dessus des règles. Pour pouvoir déterminer la vitesse générale d'un fleuve, il faut mettre à part toutes les irrégularités, et n'avoir égard qu'au mouvement général du courant.

Supposons donc que l'eau coule dans un lit régulier, sans aucun frottement sensible, et que le lit soit terminé par des côtés plans, parallèles l'un à l'autre, et verticaux ; enfin que le fond soit aussi une surface plane et inclinée à l'horizon. Sait A E le lit, dans lequel l'eau coule, venant d'un réservoir plus grand, et supposons que l'eau du réservoir soir toujours à la même hauteur, en sorte que le courant de la rivière soit dans un état permanent ; l'eau descend de son lit comme sur un plan incliné, et s'y accélere continuellement ; et comme la quantité d'eau qui passe par chaque section dans le même temps, doit être la même par-tout, il s'ensuit que la hauteur de l'eau doit diminuer à mesure qu'elle s'éloigne du réservoir, et que sa surface doit prendre la figure i q s, terminée par une ligne courbe i q s, qui s'approche toujours de plus en plus de C E.

Pour déterminer la vitesse de l'eau dans les différents endroits de son lit, supposons que l'origine du lit A B C D soit fermée par un plan : si on fait un trou dans ce plan, l'eau jaillira plus ou moins loin du trou, selon que le trou sera plus ou moins distant de la surface de l'eau du réservoir h i ; et la vitesse avec laquelle l'eau jaillira, sera égale à celle qu'acquerrait un corps pesant en tombant de la surface de l'eau jusqu'au trou ; ce qui vient de la pression de l'eau qui est au-dessus du trou : la même pression, et par conséquent la même force motrice subsiste quand l'obstacle A C est ôté, et chaque particule de l'eau coule dans le lit, avec une vitesse égale à celle qu'elle aurait acquise en tombant de la surface de l'eau jusqu'à la profondeur où est cette particule. Chaque particule se meut donc comme sur un plan incliné, avec un mouvement accéleré, et de la même manière que si, tombant verticalement, elle avait continué son mouvement à la même profondeur au-dessous de la surface de l'eau, à compter du réservoir de la rivière.

Donc si on tire la ligne horizontale i t, les particules de l'eau auront en r la même vitesse qu'acquerrait un corps, qui tombant de la hauteur I C, parcourait la ligne C r ; vitesse qui est égale à celle qu'acquerrait un corps en tombant le long de t r. Par conséquent on peut déterminer en quelqu'endroit que ce soit la vitesse du courant, en tirant de cet endroit une perpendiculaire au plan horizontal, que l'on conçoit passer par la surface de l'eau du réservoir de la rivière ; la vitesse qu'un corps acquerrait en tombant de la longueur de cette perpendiculaire, est égale à la vitesse de l'eau qu'on cherche, et cette vitesse est par conséquent d'autant plus grande, que la perpendiculaire est plus grande. D'un point quelconque, comme r, tirez r s perpendiculaire au fond du lit, cette ligne mesurera la hauteur ou la profondeur de la rivière. Puisque r s est inclinée à l'horizon, si des différents points de cette ligne on tire des perpendiculaires à i t, elles seront d'autant plus courtes qu'elles seront plus distantes de r, et la plus courte de toutes sera s u ; par conséquent les vitesses des parties de l'eau dans la ligne r s, sont d'autant moindres qu'elles sont plus proches de la surface de la rivière, et d'autant plus grandes qu'elles en sont plus éloignées.

Cependant la vitesse de ces parties approche de plus en plus de l'égalité, à mesure que la rivière fait plus de chemin : car les carrés de ces vitesses sont comme r t à s u ; or la différence de ces lignes diminue continuellement, à mesure que la rivière s'éloigne de son origine, parce que la profondeur r s diminue aussi continuellement à mesure que ces lignes augmentent. Donc puisque la différence des carrés des vitesses diminue continuellement, à plus forte raison la différence des vitesses doit diminuer aussi, puisqu'un carré est toujours en plus grand rapport avec un carré plus petit que les racines de ces carrés ne le sont entr'elles.

Si l'inclinaison du fond est changée à l'origine de la rivière, que le fond, par exemple, devienne y z, et qu'une plus grande quantité d'eau coule dans le lit, le lit deviendra plus profond dans toute la longueur de la rivière, mais la vitesse de l'eau ne changera point. Car cette vitesse ne dépend point de la profondeur de l'eau dans la rivière, mais de la distance qu'il y a de la particule mue, au plan horizontal, qui passant par l'origine, est continué au-dessus de cette particule ; et cette distance est mesurée par la perpendiculaire r t ou s u : or ces lignes ne sont point changées par la quantité d'eau plus ou moins grande qui coule dans le lit, pourvu que l'eau demeure à la même hauteur dans le réservoir.

Supposons que la partie supérieure du lit soit fermée par quelqu'obstacle comme X, qui descende un peu au-dessous de la surface de l'eau : comme l'eau n'a pas en cet endroit la liberté de couler à sa partie supérieure, elle doit s'y élever ; mais la vitesse de l'eau au-dessous de la cataracte n'augmentera point ; et l'eau qui vient continuellement, doit s'élever toujours de plus en plus, de manière qu'à la fin elle déborde, ou au-dessus de l'obstacle, ou au-dessus de ses bords. Si on élevait les bords aussi-bien que l'obstacle, l'eau s'éleverait à une hauteur au-dessus de i t ; jusqu'à ce que cela arrive, la vitesse de l'eau ne peut augmenter : mais quand une fois l'eau se sera élevée au-dessus de i t, la hauteur de l'eau dans le réservoir sera augmentée. Car comme on suppose que la rivière est dans un état permanent, il faut nécessairement qu'il entre continuellement autant de nouvelle eau dans le réservoir, qu'il s'en échappe pour couler dans le lit : si donc il coule moins d'eau dans le lit, la hauteur de l'eau doit augmenter dans le réservoir, jusqu'à ce que la vitesse de l'eau qui coule au-dessous de l'obstacle soit tellement augmentée, qu'il coule par-dessous l'obstacle autant d'eau qu'il en coulait auparavant dans le lit, lorsqu'il était libre. Voyez ONDE.

Voilà la théorie de Guglielmini, sur la vitesse des rivières, théorie purement mathématique, et que les circonstances physiques doivent altérer beaucoup. Avant que d'entrer là-dessus dans quelque détail, je remarquerai 1°. que dans mes réflexions sur la cause générale des vents, Paris 1747, j'ai démontré p. 179, qu'un fluide qui par une cause quelconque se mouvrait horizontalement et uniformément entre deux bords verticaux, ne devrait pas toujours s'accélérer dans les endroits où son lit viendrait à se retrécir, mais que suivant le rapport de sa profondeur avec l'espace qu'il parcourait dans une seconde, il devait tantôt s'abaisser dans ces endroits, tantôt s'y élever ; que dans ce dernier cas, il augmenterait plus en hauteur en s'élevant, qu'il ne perdrait en largeur, et que par conséquent au lieu d'accélerer sa vitesse, il devrait au contraire la ralentir, puisque l'espace par lequel il devrait passer, serait augmenté réellement au lieu d'être diminué.

Je remarquerai 2°. que dans mon essai de la résistance des fluides, Paris 1752, j'ai donné le premier une méthode générale pour déterminer mathématiquement la vitesse d'un fleuve en un endroit quelconque ; méthode qui demande une analyse très-compliquée, quand on veut faire entrer dans le problème toutes ses circonstances, quoiqu'on fasse même abstraction du physique. Voyez l'ouvrage cité art. 156. et suiv.

Le mouvement des eaux dans le cours des fleuves, s'écarte considérablement de la théorie géométrique. 1°. Non-seulement la surface d'un fleuve n'est pas de niveau d'un bord à l'autre, mais même le milieu est souvent plus élevé que les deux bords ; ce qui vient de la différence de vitesse entre l'eau du milieu du fleuve, et les bords. 2°. Lorsque les fleuves approchent de leur embouchure, l'eau du milieu est au contraire souvent plus basse que celle des bords, parce que l'eau des bords ayant moins de vitesse, est plus refoulée par la marée. Voyez FLUX. 3°. La vitesse des eaux ne suit pas à-beaucoup-près la proportion de la pente ; un fleuve qui a plus de pente qu'un autre, coule plus vite dans une plus grande raison que celle de la pente : cela vient de ce que la vitesse d'un fleuve dépend encore plus de la quantité de l'eau et du poids des eaux supérieures, que de la pente. M. Kuhn, dans sa dissertation sur l'origine des fontaines, s'est donc trompé en jugeant de la pente des fleuves par leur vitesse, et en croyant, par exemple sur ce principe, que la source du Danube est de deux milles d'Allemagne plus élevée que son embouchure, etc. 4°. Les ponts, les levées et les autres obstacles qu'on établit sur les rivières, ne diminuent pas considérablement la vitesse totale du cours de l'eau, parce que l'eau s'élève à la rencontre de l'avant-bec d'un pont, ce qui fait qu'elle agit davantage par son poids pour augmenter la vitesse du courant entre les piles. 5°. Le moyen le plus sur de contenir un fleuve, est en général de retrécir son canal, parce que sa vitesse par ce moyen est augmentée, et qu'il se creuse un lit plus profond ; par la même raison on peut diminuer ou arrêter quelquefois les inondations d'une rivière, non en y faisant des saignées, mais en y faisant entrer une autre rivière, parce que l'union des deux rivières les fait couler l'une et l'autre plus vite, comme on l'a dit ci-dessus. 6°. Lorsqu'une rivière grossit, la vitesse augmente jusqu'à ce que la rivière déborde : alors la vitesse diminue, sans-doute parce que le lit est augmenté en plus grande proportion que la quantité d'eau. C'est par cette raison que l'inondation diminue proche l'embouchure, parce que c'est l'endroit où les eaux ont le plus de vitesse.

De la mesure de la vitesse des fleuves. Les Physiciens et les Géomètres ont imaginé pour cela différents moyens. Guglielmini en propose un dans ses ouvrages, qui nous parait trop composé et trop peu certain. Voyez son traité della natura de' fiumi, et son aquarum fluentium mensura. Parmi les autres moyens, un des plus simples est celui du pendule. On plonge un pendule dans l'eau courante, et on juge de la vitesse de l'eau par la quantité à laquelle le poids s'éleve, c'est-à-dire par l'angle que le fil fait avec la verticale. Mais cette méthode parait meilleure pour comparer ensemble les vitesses de deux fleuves, que pour avoir la vitesse absolue de chacun. Les tangentes des angles sont à la vérité entr'elles, comme les carrés des vitesses, et cette règle est assez sure : mais il n'est pas aussi facîle de déterminer directement la vitesse du fleuve par l'angle du fil. Voyez RESISTANCE DES FLUIDES et FLUIDE.

Un autre moyen est celui que M. Pitot a proposé dans les mémoires de l'académie de 1732. Il prend un tuyau recourbé, dont la partie supérieure est verticale, et l'inférieure horizontale. Il plonge cette dernière dans l'eau, en sorte que l'eau entre par la branche horizontale. Selon les lois de l'Hydraulique, l'eau doit s'élever dans le tuyau vertical, à une hauteur égale à celle dont un corps pesant devrait tomber, pour acquérir une vitesse égale à celle de l'eau. Mais on sent encore que ce moyen est assez fautif : 1°. l'eau sera retardée par l'angle qui forme la partie horizontale avec la verticale : 2°. elle le sera encore le long du tuyau par le frottement, ainsi elle s'élevera moins qu'elle ne devrait suivant la théorie ; et il est très-difficîle de fixer le rapport entre la hauteur à laquelle elle s'éleve, et celle à laquelle elle doit s'élever, parce que la théorie des frottements est très-peu connue. Voyez FROTTEMENT.

Le moyen le plus simple et le plus sur pour connaître la vitesse de l'eau, est de prendre un corps à-peu-près aussi pesant que l'eau, comme une boule de cire, de le jeter dans l'eau, et de juger de la vitesse de l'eau par celle de cette boule ; car la boule acquiert très-promtement et presqu'en un instant, une vitesse à-peu-près égale à celle de l'eau. C'est ainsi qu'après s'être épuisé en inventions sur des choses de pratique, on est forcé d'en revenir souvent à ce qui s'était présenté d'abord. Voyez les ouvrages de Guglielmini, celui de Varenius, et l'histoire naturelle de M. de Buffon, d'où cet article est tiré. (O)

FLEUVE ou RIVIERE D'ORION, (Astronomie) est le nom qu'on donne quelquefois dans l'Astronomie à une constellation, qui s'appelle aussi éridan. Voyez ERIDAN. (O)

FLEUVE, (Myt. Icon. Litt.) Il y avait peu de fleuves, surtout dans la Grèce et dans l'Italie, auxquels on ne trouvât des statues et des autels consacrés au dieu du fleuve, où on allait faire des libations, et quelquefois même des sacrifices. " Les Egyptiens, dit Maxime de Tyr, " honorent le Nil à cause de son utilité ; les Thessaliens, le Pénée (aujourd'hui Selembria), à cause de sa beauté ; les Scythes le Danube, pour la vaste étendue de ses eaux ; les Etoliens l'Achélous, à cause de son combat avec Hercule ; les Lacédémoniens l'Eurotas (aujourd'hui Vasilipotamo), par une loi expresse qui le leur ordonnait ; les Athéniens l'Ilissus, par un statut de religion ".

A ce détail, nous pouvons ajouter le Rhin, qu'on trouve représenté dans les médailles avec ces mots, deus Rhenus ; le Tibre, qui était pour ainsi dire une des divinités protectrices de Rome ; le Pamise, fleuve du Péloponnèse, à qui les Messéniens offraient tous les ans des sacrifices ; et enfin le Clitomne (aujourd'hui Clitonne), petite rivière d'Italie dans l'état de l'Eglise et en Ombrie, qui non-seulement passait pour dieu, mais même rendait des oracles. Il est vrai que c'est le seul des fleuves qui eut ce privilège ; car la Mythologie ni l'Histoire ancienne ne font mention d'aucun autre oracle de fleuve ou de rivière.

Voici comme Pline le jeune, liv. VIII. parle de ce dieu Clitomne, et c'est un trait d'histoire qui mérite d'être cité. " A la source du fleuve Clitomne est un temple ancien et fort respecté ; Clitomne est là habillé à la romaine : les sorts marquent la présence et le pouvoir de la divinité : il y a à-l'entour plusieurs petites chapelles, dont quelques-unes ont des fontaines et des sources ; car Clitomne est comme le père de plusieurs autres petits fleuves qui viennent se joindre à lui. Il y a un pont qui fait la séparation de la partie sacrée de ses eaux avec la profane : au-dessus de ce pont, on ne peut qu'aller en bateau ; au-dessous il est permis de se baigner ".

Hésiode dit que les fleuves sont enfants de l'Océan et de Thétis, pour nous marquer qu'ils viennent de la mer comme ils y rentrent. Ils sont décrits sous la figure de vénérables vieillards, pour marquer qu'ils sont aussi anciens que le monde ; c'est pour cela que les poètes latins les appellent du nom de pères : da nunc Tybri pater, dit Virgile. Ils ont la barbe et la chevelure longues et trainantes, parce qu'on les suppose mouillées. Ils sont couronnés de jonc, couchés à terre, appuyés sur une urne d'où sort l'eau qui forme la rivière. C'est encore de cette manière qu'on les représente dans nos ballets où il y a des entrées de fleuves.

Les anciens ont aussi donné des cornes aux fleuves, soit parce qu'ils sont appelés les cornes de l'Océan, ou plutôt parce que la plupart se partagent ordinairement en plusieurs canaux avant que d'entrer dans la mer : c'est pourquoi Virgile a dit, Rhenus bicornis, parce que le Rhin n'avait de son temps que les deux canaux qui formaient l'île des Bataves, avant que Drusus Germanicus en eut ouvert un troisième pour joindre ses eaux avec celles de l'Issel. Mais aujourd'hui que nous ne peignons plus les fleuves avec des cornes, je ne crois pas qu'il fût permis aux poètes modernes de parler dans leurs vers des cornes des fleuves ; parce que la Poésie ne doit étaler que des images nobles et connues : il est au contraire très-permis aux Peintres et aux Graveurs, de représenter les fleuves par des figures humaines debout, ou couchées sur le gason, etc. Article de M. le Chevalier DE JAUCOURT.