Près de Thetford, ville de la province de Norfolk, plusieurs villages ont été entièrement détruits depuis plus de cent ans par les déluges de sable de Suffolk, et une branche de la rivière de l'Ouse, appelée depuis la rivière de Thetford, en a été tellement bouchée, qu'il n'y a plus que de petits bâtiments qui puissent y passer, au-lieu qu'auparavant les grands vaisseaux y navigeaient. Il est vrai que ce déluge de sable en se jetant dans la rivière, a préservé une partie de la province de Norfolk de la submersion sablonneuse, qui n'eut pas manqué d'y ruiner une grande partie de son terrain plat, si fertîle en blé.

Aux environs de Saint-Paul de Léon en basse Bretagne, il y a sur le bord de la mer un canton, qui avant l'an 1666 était habité, et ne l'est plus, à cause d'un sable qui le couvre jusqu'à une hauteur de plus de vingt pieds, et qui d'année en année gagne du terrain. A compter de l'époque marquée, il a gagné plus de six lieues, et il n'est plus qu'à une demi-lieue de Saint-Paul ; de sorte que, selon toutes les apparences, il faudra abandonner la ville. Dans le pays submergé on voit encore quelques pointes de clochers et de cheminées qui sortent de cette mer de sable : les habitants des villages enterrés ont eu du moins le loisir de quitter leurs maisons pour aller mendier.

C'est le vent d'est ou de nord-est qui avance cette calamité ; il élève ce sable qui est très-fin, et le porte en si grande quantité, et avec tant de vitesse, que M. Deslandes, à qui on doit cette observation, dit qu'en se promenant en ce pays - là pendant que le vent charriait, il était obligé de secouer de temps-en-temps son chapeau et son habit, parce qu'il les sentait appesantis. De plus, quand le vent est violent, il jette ce sable par-dessus un petit bras de mer, jusque dans Roscose, petit port assez fréquenté par les vaisseaux étrangers : le sable s'élève dans les rues de cette bourgade jusqu'à deux pieds, et on l'enlève par charretées.

Ce désastre est nouveau, parce que la plage qui fournit ce sable, n'en avait pas encore une assez grande quantité pour s'élever au-dessus de la surface de la mer, ou peut-être parce que la mer n'a abandonné cet endroit, et ne l'a laissé découvert que depuis un certain temps. Elle a eu quelque mouvement sur cette côte ; elle vient présentement dans le reflux une demi - lieue au - delà de certains rochers qu'elle ne passait pas autrefois. Ce malheureux canton inondé d'une façon si singulière, ainsi que les déluges de sable de la province de Suffolk, dont nous avons parlé au commencement de cet article, ne justifient que trop ce que les anciens et les modernes rapportent des tempêtes excitées en Afrique, qui ont fait périr par des déluges de sable, des villes, et même des armées. Histoire de l'académie des Sciences, 1722. (D.J.)