METHODIQUES, adj. (Histoire de la Médec.) c'est le nom d'une secte fameuse d'anciens médecins, qui eut pour chef Thémison de Laodicée, lequel vivait avant et sous le règne d'Auguste : il est regardé comme le fondateur du système des Méthodistes, dont Celse donne une si haute idée.

Ce fut la diversité d'opinions qui régna si longtemps entre les deux plus anciennes sectes de la Médecine, savoir les Dogmatiques et les Empyriques, avec les innovations faites dans cet art par Asclépiade entièrement opposé à ces deux sectes, qui en fit éclore une nouvelle appelée Méthodique, par rapport à son but qui était d'étendre la méthode, de connaître et de traiter les maladies, plus aisée dans la pratique, et de la mettre à la portée de tout le monde.

Les Méthodistes formaient la secte la plus ancienne des médecins organiques qui a fait le plus de progrès, et qui a le plus simplifié et généralisé les maladies organiques : ils faisaient consister les maladies dans le resserrement et le relâchement des solides (strictum, laxum) et dans le mélange de ces deux vices (mixtum). Ils pensaient qu'on ne pouvait guère acquerir de connaissances sur les causes des maladies, et qu'on pouvait moins encore en tirer des indications. En effet, ils ne les tiraient que des maladies mêmes, telles qu'ils les concevaient et qu'elles pouvaient tomber sous les sens : en quoi ils différaient des médecins dogmatiques ou philosophes, qui raisonnaient sur les causes invisibles, et qui croyaient y apercevoir les indications qu'on avait à remplir : ils ne différaient pas moins aussi à cet égard, des médecins empiriques qui ne tiraient les indications que des symptômes ou des accidents qu'ils observaient dans les maladies.

Ils étaient, ainsi que les Empiriques, très-exacts dans la description des maladies, et ils suivaient Hippocrate dans la distinction des maladies aiguës et des maladies chroniques, et dans le partage de leur cours : savoir le commencement, le progrès, l'état et le déclin ; ils regardaient même ces distinctions comme ce qu'il y avait de plus important dans la Médecine, réglant le traitement des malades, suivant le genre de leur maladie (c'est-à-dire l'une des trois mentionnées ci-devant), quelle qu'en fût la cause, dont ils se mettaient peu en peine. Ils observaient quelle partie souffrait davantage, l'âge, le sexe du malade, ce qui avait rapport à la nature du pays qu'il habitait et à la saison de l'année, etc. lorsque la maladie avait commencé, et tout cela sans avoir aucun recours à la Philosophie ou à l'Anatomie raisonnée.

Ils s'accordaient avec les Empiriques, en ce qu'ils rejetaient comme eux tout ce qui était obscur ; et avec les Dogmatiques, en ce qu'ils admettaient cependant un peu de raisonnement dans leur pratique pour établir l'idée du vice dominant, pourvu que le raisonnement fût fondé sur quelque chose de sensible. C'est pourquoi ils ne faisaient aucun cas des pores, des corpuscules d'Asclepiade dont la doctrine n'était qu'imaginaire. Voyez EMPIRIQUE, DOGMATIQUE, MOLECULE, PORE.

Avec tout leur bon sens, ils étaient dans une grande erreur, lorsqu'ils négligeaient les observations particulières, étant uniquement attachés aux maximes générales, et ne considérant dans les maladies, que ce qu'elles avaient de commun entr'elles. Car les rapports généraux dans les maladies ne sont pas plus l'objet du médecin, que ce qui s'y remarque de particulier en certains cas ; et ces particularités ne méritent pas moins d'attention de sa part, puisqu'il est absolument nécessaire de connaître l'espèce particulière de chaque maladie.

C'est ce que Galien a bien fait sentir, cap. IIIe lib. III. acutorum, au sujet d'une morsure de chien enragé. Si une telle plaie est traitée comme les plaies ordinaires, il est indubitable que le malade deviendra bientôt hydrophobe et furieux ; mais étant traité comme ayant reçu cette plaie de la morsure d'un chien enragé, il peut être guéri.

Cependant les Méthodistes s'appliquaient fort soigneusement aux descriptions des maladies et à la recherche de leurs signes diagnostiques ; mais ce n'était que pour les rapporter selon qu'ils en jugeaient par ces signes, ou au resserrement ou au relâchement, ou à l'un et à l'autre ensemble : car lorsque les différentes espèces de maladies étaient une fois fixées à devoir être regardées décidément comme un effet d'un de ces trois genres de lésion, elles ne leur paraissaient plus exiger aucune autre attention particulière dans la pratique : leur cure se rapportait tout simplement à la cause générale.

Ainsi on peut juger de-là combien cette secte de médecins a été pernicieuse à l'avancement de la Médecine : il faut convenir cependant que c'est elle qui a fait naître l'idée des maladies organiques, et qu'effectivement la doctrine de ces médecins renfermait confusément quelque réalité que l'on pourrait trouver dans l'irritabilité et dans la sensibilité des parties solides de tous les animaux : mais ce n'est que d'une manière trop générale, bien obscure et bien défectueuse que l'on peut entrevoir cette idée dans la doctrine des Méthodistes. Il ne faut jamais séparer, comme ils ont fait, la laxité et la rigidité des solides de leur action organique ; car ces vices produisent des effets fort différents, si cette action est vigoureuse, ou si elle est débile, ou si elle est spasmodique. C'est principalement par la connaissance de la puissance active des solides que l'on peut juger de leur état dans la santé et dans la maladie.

Il n'y avait pas plus de cinquante ans que Thémison avait établi la secte méthodique, lorsque Thessalus de Tralle en Lydie, parut avec éclat sous Neron. Il fut le premier qui étendit le système des Méthodistes, et il passa pour l'avoir porté à sa perfection ; il en était même regardé comme le fondateur, à en juger par ce qu'il dit de lui-même. Son imprudence étant si grande, selon Galien, meth. medend. lib. I. qu'il disait souvent que ses prédécesseurs n'avaient rien entendu, non plus que tous les médecins de son temps, dans ce qui concernait la conservation de la santé et la guérison des maladies. Il prétendait avoir tellement simplifié l'art de la Médecine par sa méthode, qu'il disait quelquefois qu'il n'y avait personne à qui il ne put aisément enseigner en six mois toutes les connaissances et les règles de cet art.

Thessalus fut le premier qui introduisit, ou plutôt qui rétablit (car on prétend qu'Asclépiade est auteur de cette pratique) les trois jours d'abstinence, par le moyen desquels les Méthodistes voulaient dans la suite guérir toutes sortes de maladies.

Soranus d'Ephese, qui vécut d'abord à Alexandrie et ensuite à Rome, sous Trajan et Adrien, mit la dernière main au système de la secte des Méthodistes ; et il en fut le plus habile, selon Coelius qui en est aussi un des partisans les plus distingués.

Il était africain, natif de Sicca ville de Numidie : on l'a cru contemporain de Galien : on lui est redevable du long détail que l'on a conservé sur la doctrine de la secte méthodique. C'est un écrivain très-exact, et tels étaient tous les Méthodistes. C'est de lui, surtout, que l'on sait qu'ils avaient beaucoup d'aversion pour les spécifiques, pour les purgatifs cathartiques (excepté dans l'hydropisie : car en ce cas, Themison lui-même purgeoit), pour les clystères forts, pour les diurétiques ; pour les narcotiques et pour tous les remèdes douloureux, tels que les cautères, etc. Mais ils faisaient un grand usage des vomitifs, de la saignée, des fomentations et de toutes sortes d'exercices. Ils s'attachaient surtout à contenter les malades, comme faisait Asclepiade, principalement par rapport à la manière de se coucher, à la qualité de l'air et des aliments ; ayant parmi eux cette maxime, que les maladies devaient être guéries par les choses les plus simples, telles que celles dont on fait usage dans la santé, et qu'il ne fallait que les diversifier, suivant que les circonstances l'exigeaient.

Les Méthodistes furent encore célèbres longtemps après Coelius ; et Sextus Empiricus les fait plutôt approcher des Pyrrhoniens ou Sceptiques en Philosophie que les Empiriques : mais il y eut enfin tant de variations parmi eux, et leur doctrine fut si fort alterée, que ce ne furent plus entr'eux que des disputes et des querelles qui firent éclore deux nouvelles sectes, savoir, les Episynthétiques et les Eclectiques.

Le chef des premiers, dont il n'a été rien dit dans ce Dictionnaire, fut Léonide d'Alexandrie qui vivait quelque temps après Soranus. Il prétendait avoir concilié les opinions et réuni les trois sectes dominantes ; savoir, celles des Dogmatiques, des Empiriques et des Méthodistes. C'est pour cette raison que lui et ses sectateurs furent appelés Episynthétiques, mot tiré d'un verbe grec qui signifie entasser ou assembler : c'est tout ce que l'on peut dire, n'ayant pas d'autres lumières sur ce sujet.

A l'égard des Eclectiques, voyez ce qui en a été dit en son lieu.

Prosper Alpin aimait tant la doctrine des Méthodistes, qu'il entreprit de faire revivre leur secte, comme il parait par son livre de Medicina methodica, imprimé en 1611, et dont il a paru depuis une nouvelle édition à Leyde en 1719.

Mais la nouvelle Philosophie commençait à paraitre dans le temps de cet auteur ; et chacun fut bientôt plus attentif à la découverte de la circulation du sang, au système de Descartes, qu'au soin de la chercher, d'estimer ce que les anciennes opinions, même les plus célèbres, pouvaient avoir de bon, d'avantageux pour l'avancement de la Médecine. Tel est le pouvoir de la nouveauté sur l'esprit humain !

Pour tout ce qui regarde plus en détail la secte méthodique, il faut consulter l'histoire de la Médecine de Leclerc, celle de Barchusen, l'état de la Médecine ancienne et moderne, traduit de l'anglais de Clifton, les généralités de la Médecine, dans le traité des fièvres continues de M. Quesnay, etc. qui sont les différents ouvrages d'où on a extrait ce qui vient de faire la matière de cet article : d'ailleurs, voyez MEDECINE, FIBRE, MALADIE.