On prétend qu'il fut d'abord proposé par l'oracle d'Apollon à Delphes, lequel étant consulté sur le moyen de faire cesser la peste qui desolait Athènes, répondit qu'il fallait doubler l'autel d'Apollon qui était cubique. C'est pourquoi, dit-on, on l'appela dans la suite le problème déliaque. Nous ne prétendons point garantir cette histoire.

Eratosthenes donne à ce problème une origine plus simple. Un poète tragique, dit-il, avait introduit sur la scène Minos élevant un monument à Glaucus ; les entrepreneurs donnaient à ce monument cent palmes en tout sens ; le prince ne trouva pas le monument assez digne de sa magnificence, et ordonna qu'on le fit double. Cette question fut proposée aux Géomètres, qu'elle embarrassa beaucoup jusqu'au temps d'Hippocrate de Chio, le célèbre quadrateur des lunules (voyez LUNULE) ; il leur apprit que la question se reduisait à trouver deux moyennes proportionnelles, comme on le verra dans un moment.

Dans la suite l'oracle de Delphes demanda qu'on doublât l'autel d'Apollon ; les entrepreneurs, pour exécuter l'ordre du dieu, consultèrent l'école platonicienne, qui, comme l'on sait, faisait une étude et une profession particulière de la Géométrie. Il n'est pas vrai, comme Valere Maxime le raconte, que Platon ait eu recours à Euclide pour résoudre la question : ce ne pouvait être à Euclide le géomètre qui a vécu cinquante ans après lui ; ce ne peut être à Euclide de Megare, qui n'était occupé que de chimères et de subtilités dialectiques. Voyez DIALECTIQUE. Ce pouvait être à Eudoxe de Cnide, qui était contemporain de Platon ; mais outre que l'histoire n'en parle pas, on sait que Platon donna une solution très-simple du problème ; elle ne suppose que la géométrie élémentaire ; et Platon était assez instruit et assez grand génie, pour trouver tout seul cette solution sans le secours de personne.

Ce problème ne peut être résolu qu'en trouvant deux moyennes proportionnelles entre le côté du cube et le double de ce côté : la première de ces moyennes proportionnelles serait le côté du cube double. En effet si on cherche deux moyennes proportionnelles Xe z, entre a et 2 a, a étant le côté du cube, on aura a : x : : x : z ou (x x)/a, et x : (x x)/a : : (x x)/a : 2 a ; d'où l'on tire Xe = 2 a3, c'est-à-dire que le cube dont le côté est Xe sera double du cube dont le côté est a. Voyez MOYENNE PROPORTIONNELLE.

Les Géomètres, tant anciens que modernes, ont donné différentes solutions de cette question ; on en peut voir plusieurs dans les éléments de Géométrie du P. Lamy, et dans le liv. X. des sections coniques de M. de l'Hopital. Mais toutes ces solutions sont mécaniques. Ce qu'on demande dans ce problème, c'est de trouver par des opérations géométriques et sans tâtonnement le côté du cube que l'on cherche. On ne peut en venir à bout par le seul secours de la règle et du compas ; car l'équation étant du troisième degré, ne peut être résolue par l'intersection d'une ligne droite et d'un cercle, l'équation qui résulte de cette intersection ne pouvant passer le second degré ; mais on peut y parvenir, en se servant des sections coniques, par l'intersection d'un cercle et d'une parabole ; car il n'y a qu'à construire l'équation cubique Xe = 2 a3. On peut aussi y employer des courbes du troisième degré (voyez CONSTRUCTION et EQUATION) ; à l'égard des autres moyens dont on s'est servi pour résoudre ce problème, ils consistent dans différents instruments plus ou moins compliqués, mais dont l'usage est toujours fautif et peu commode. La façon la plus simple et la plus exacte de résoudre la question, serait de supposer que le côté du cube donné est exprimé en nombres ; par exemple, si l'on veut que ce côté soit de dix pouces, alors en faisant a = 10, et tirant la racine cube de 2 a3 ou 2000 (voyez APPROXIMATION et RACINE), on aura aussi près qu'on voudra la valeur de x : cette solution suffira, et au-delà, pour la pratique. Il en est de ce problème comme de celui de la quadrature du cercle, qu'on peut résoudre sinon rigoureusement, du moins aussi exactement qu'on veut, et dont une solution exacte et absolue serait plus curieuse qu'elle n'est nécessaire.

M. Montucla, très-versé dans la Géométrie ancienne et moderne, et dans leur histoire, vient de publier un ouvrage intitulé : Histoire des recherches sur la quadrature du cercle, etc. avec une addition concernant les problèmes de la duplication du cube et de la trisection de l'angle. L'auteur a détaillé avec soin et avec exactitude dans cet ouvrage, ce qui concerne l'histoire de la duplication du cube, et c'est le seul point dont nous parlerons ici, réservant le reste pour les mots QUADRATURE et TRISECTION. M. Montucla remarque avec raison que la solution du problème donné par Platon, était mécanique et avec tâtonnement ; que celle d'Architas était au contraire trop intellectuelle et irréductible à la pratique ; que Menechme disciple de Platon et frère de Dinostrate si connu par sa quadratrice (voyez QUADRATRICE), donna une solution géométrique de ce problème, en employant les sections coniques ; mais que cette solution avait le défaut d'employer deux sections coniques, au lieu de n'en employer qu'une seule avec un cercle, comme a fait depuis Descartes, voyez CONSTRUCTION, COURBE, EQUATION, LIEU, etc. M. Montucla parle ensuite de la solution d'Eudoxe de Cnide, dont il ne reste plus de trace, et qu'un commentateur d'Archimède semble avoir déprimé mal-à-propos, si on s'en rapporte à Eratosthenes, beaucoup meilleur juge. Ce dernier nous apprend que la solution d'Eudoxe consistait à employer de certaines courbes particulières, telles apparemment que la conchoïde, la cissoïde, etc. ou d'autres semblables. Eratosthenes donna aussi une solution du problème ; mais cette solution, quoiqu'ingénieuse, a le défaut d'être mécanique, ainsi que celles qui furent données ensuite par Héron d'Alexandrie et Philon de Byzance, et qui reviennent à la même, quant au fond. Apollonius en donna une géométrique et rigoureuse, par l'intersection d'un cercle et d'une hyperbole. Nicomède qui vivait vers le second siècle avant J. C. entre Eratosthenes et Hipparque, imagina, pour résoudre ce problème, sa conchoïde. M. Montucla explique avec clarté et avec facilité, l'usage que Nicomède faisait de cette courbe pour résoudre la question dont il s'agit ; et l'usage encore plus simple que M. Newton a fait depuis de cette même courbe dans son Arithmétique universelle, pour résoudre la même question. Pappus qui vivait du temps de Théodose, avait réduit le problème à une construction qui peut avoir donné à Dioclès l'idée de la cissoïde, supposé, comme cela est vraisemblable, que Dioclès ait vécu après Pappus. La solution de Dioclès par le moyen de la cissoïde, est très-simple et très-élégante, d'autant plus que la cissoïde est très-aisée à tracer par plusieurs points, et que M. Newton a donné même un moyen assez simple de décrire cette courbe par un mouvement continu. Voilà l'abrégé des recherches historiques de M. Montucla sur ce problème, dont nous parlerons plus au long à l'article MOYENNE PROPORTIONNELLE : voyez aussi MESOLABE. Nous saisissons avec plaisir cette occasion de rendre la justice qui est dû. à l'ouvrage de M. Montucla ; il doit prévenir favorablement les Géomètres pour l'histoire générale des Mathématiques que promet l'auteur, et que nous savons être fort avancée. (O)