A l'égard des Plantes, écoutons M. Digby, (De la végét. des Plantes, part. II. p. 64.) grand admirateur des miracles de la palingénésie. " Nous pouvons, dit-il, ressusciter une plante morte, la rendre immortelle, et en la faisant revivre du milieu de ses cendres, lui donner une espèce de corps glorifié, et tel, pour ainsi dire, que nous espérons voir le nôtre après la résurrection. Quercetan, médecin du roi Henri IV. nous raconte une histoire admirable d'un certain polonais, qui lui faisait voir douze vaisseaux de verre, scellés hermétiquement, dans chacun desquels était contenue la substance d'une plante différente ; savoir dans l'un était une rose ; dans l'autre une tulipe, et ainsi du reste. Or il faut observer qu'en montrant chaque vaisseau, on n'y pouvait remarquer autre chose, sinon un petit amas de cendres qui se voyait dans le fond ; mais aussitôt qu'il l'exposait sur une douce et médiocre chaleur, à cet instant même il apparaissait peu-à-peu l'image d'une plante qui sortait de son tombeau ou de sa cendre ; et dans chaque vaisseau les plantes et les fleurs se voyaient ressuscitées en leur entier, selon la nature de la cendre, dans laquelle leur image était invisiblement ensevelie. Chaque plante ou fleur croissait de toutes parts en une juste et visible grandeur, sur laquelle étaient dépeintes ombratiquement leurs propres couleurs, figures, grandeurs, et autres accidents pareils ; mais avec telle exactitude et naïveté, que le sens aurait pu ici tromper la raison, pour croire que c'était des plantes et des fleurs substantielles et véritables. Or dès qu'il venait à retirer le vaisseau de la chaleur, et qu'il l'exposait à l'air, il arrivait que la matière et le vaisseau venant à se refroidir, l'on voyait sensiblement que ces plantes ou fleurs commençaient à diminuer peu-à-peu, tellement que leur teint éclatant et vif, venant à pâlir, leur figure alors n'était plus qu'une ombre de la mort, qui disparaissait soudain, et s'enveloppait derechef sous les cendres. Tout cela, quand il voulait approcher les vaisseaux, se réitérait avec les mêmes circonstances. Athanase Kircher à Rome m'a souvent assuré pour certain qu'il avait fait cette même expérience, et me communiqua le secret de la faire, quoique je n'aye jamais pu y parvenir, après beaucoup de travail ". Voici ce secret, qu'on nomme secret impérial, à cause que l'empereur Ferdinand III. qui l'avait acheté d'un chimiste, le donna au P. Kircher, qui en a publié le procédé dans son mundus subterraneus. Lib. XII. sect. 4. c. Ve exper. 1.

1. Prenez quatre livres de graines de la plante que vous désirez faire renaître de ses cendres ; cette graine doit être bien mûre. Pilez-la dans un mortier ; mettez le tout dans un vaisseau de verre, qui soit bien propre, et de la hauteur de la plante dont vous avez pris la graine ; bouchez exactement le vaisseau, et le gardez dans un lieu tempéré.

2. Chaisissez un soir, où le ciel soit bien pur et bien serein, et exposez votre graine pilée à la rosée de la nuit dans un large plat, afin que la graine s'imprègne fortement de la vertu vivifiante qui est dans la rosée.

3. Avec un grand linge bien net, attaché à quatre pieux dans un pré, ramassez huit pintes de cette même rosée, et la versez dans un vaisseau de verre qui soit propre.

4. Remettez vos graines imbibées de la rosée dans leur vaisseau, avant que le soleil se leve, parce qu'il ferait évaporer la rosée ; posez ce vaisseau, comme auparavant, dans un lieu tempéré.

5. Quand vous aurez amassé assez de rosée, il faut la filtrer, et puis la distiller, afin qu'il n'y reste rien d'impur. Les feces qui restent seront calcinées pour en tirer un sel qui fait plaisir à voir.

6. Versez la rosée distillée et imbue de ce sel sur les graines, et puis rebouchez le vaisseau avec du verre pilé et du borax. Le vaisseau en cet état est mis pour un mois dans du fumier neuf de cheval.

7. Retirez le vaisseau, vous verrez au fond la graine qui sera devenue comme de la gelée ; l'esprit sera comme une petite peau de diverses couleurs, qui surnage au-dessus de toute la matière. Entre la peau et la substance limoneuse du fond, on remarque une espèce de rosée verdâtre, qui représente une moisson.

8. Exposez durant l'été ce vaisseau bien bouché de jour au soleil, et de nuit à la lune. Lorsque le temps est brouillé et pluvieux, il faut le garder en un lieu sec et chaud, jusqu'au retour du beau temps. Il arrive quelquefois que cet ouvrage se perfectionne en deux mois, et quelquefois il y faut un an. Les marques du succès, c'est quand on voit que la substance limoneuse s'enfle et s'éleve, que la petite peau ou l'esprit diminue tous les jours, et que toute la matière s'épaissit. Lorsqu'on voit dans le vaisseau, par la réflexion du soleil, naître des exhalaisons subtiles, et se former de legers nuages, ce sont les premiers rudiments de la plante naissante.

9. Enfin de toute cette matière, il doit se former une poussière bleue ; de cette poussière, lorsqu'elle est élevée par la chaleur, il se forme un tronc, des feuilles, des fleurs, et en un mot on aperçoit l'apparition d'une plante qui sort du milieu de ses cendres. Dès que la chaleur cesse, tout le spectacle s'évanouit, toute la matière se dérange et se précipite dans le fond du vaisseau pour y former un nouveau chaos. Le retour d'une nouvelle chaleur ressuscite toujours ce phénix végétal caché sous les cendres.

Pour les animaux, rapportons d'abord à ce sujet un passage de Gaffarel, dans ses curiosités inouies, pag. 100. " M. du Chêne (c'est le même qu'on vient de citer sous le nom de Quercetan), dit-il, un des meilleurs chimistes de notre siècle, rapporte qu'il a Ve un très-habîle polonais, médecin de Cracovie, qui conservait dans des phioles la cendre de presque toutes les plantes ; de façon que, lorsque quelqu'un par curiosité, voulait voir par exemple, une rose dans ces phioles, il prenait celle dans laquelle la cendre du rosier était gardée, et la mettant sur une chandelle allumée, &c.... A présent, continue-t-il, ce secret n'est plus si rare, car M. de Claves, un des excellents chimistes de notre temps, le fait voir tous les jours. D'ici on peut tirer cette conséquence, que les ombres des trépassés, qu'on voit souvent paraitre aux cimetières, sont naturelles, étant la forme des corps enterrés en ces lieux, ou leur figure extérieure, non pas l'âme, ni des fantômes bâtis par les démons, ni des génies, comme quelques-uns ont cru. Il est certain que ces apparitions peuvent être fréquentes aux lieux où il s'est donné des batailles ; et ces ombres ne sont que les figures des corps morts, que la chaleur ou un petit vent doux, excite et élève en l'air ". Voici quelque chose de plus réel, si tant est qu'on puisse compter sur la vérité du fait. C'est ce que le S. Schot rapporte du chimiste français, qu'on a déjà nommé, de Claves, qui faisait voir à qui voulait, la résurrection non-seulement des végétaux, mais celle d'un moineau. Non solum in vegetalibus se praestitisse, sed etiam in passerculo se vidisse, pro certo quidam mihi narravit. Et sunt qui publico scripto confirmarunt, quod hoc ipsum Claveus Gallus, quasi publicè pluribus demonstraverit. M. Digby a fait encore davantage : d'animaux morts, broyés, pilés, il en a tiré de vivants de la même espèce. Voici comment il s'y prenait, et c'est la dernière sorte de palingénésie dont nous ferons mention. " Qu'on lave des écrevisses pour en ôter la terre fretée, qu'on les cuise durant deux heures dans une suffisante quantité d'eau de pluie ; gardez cette décoction ; mettez les écrevisses dans un alambic de terre, et les distillez jusqu'à ce qu'il ne monte plus rien ; conservez cette liqueur, calcinez ce qui reste au fond de l'alambic, et le réduisez en cendres par le réverbératoire, desquelles cendres vous tirerez le sel avec votre première décoction ; filtrez ce sel, et lui ôtez toute son humidité superflue ; sur ce sel, qui vous restera fixe, versez la liqueur que vous avez tiré par distillation, et mettez cela dans un lieu humide, comme dans du fumier, afin qu'il pourrisse, et dans peu de jours vous verrez dans cette liqueur de petites écrevisses se mouvoir, et qui ne seront pas plus grosses que des grains de millet. Il les faut nourrir avec du sang de bœuf jusqu'à ce qu'elles soient devenues grosses comme une naisette ; il les faut mettre ensuite dans une auge de bois remplie d'eau de rivière avec du sang de bœuf, et renouveller l'eau tous les trois jours. De cette manière, vous aurez des écrevisses de la grandeur que vous voudrez " Recueil des secrets, pag. 74, 76. Voilà bien des expériences ; mais peut-on s'en promettre une réussite constante, ou même fréquente ? C'est ce que j'ai peine à croire ; je juge même que la dernière est absolument impossible.

PALINGENESIE, (Critique sacrée) régénération ; ce mot est grec, , ne se trouve que dans deux endroits de l'Ecriture, savoir dans saint Mat. ch. xix. Ve 28. et dans l'épitre à Tite, ch. IIIe Ve 5. Dans saint Matthieu il signifie la résurrection, et rien n'empêche de prendre ce mot en ce sens ; dans Tite l'ablution de la régénération, , est la purification par le baptême, qui peut être regardé comme le sceau de la résurrection des morts. Dans les écrivains ecclésiastiques, Eusebe, Polycarpe, Théodoret, , veut dire aussi la résurrection. Hésiode appelle , l'âge où tout est renouvellé, c'est l'âge d'or. Le renouvellement de vie du chrétien, est aussi ce que l'on entend par régénération, espèce de résurrection dans un sens figuré. (D.J.)