La substance de l'agate est la même que celle du caillou, que l'on appelle communément pierre à fusil : toute la différence que l'on peut mettre entre l'une et l'autre, est dans les couleurs ou dans la transparence. Ainsi l'agate brute, l'agate imparfaite, par rapport à la couleur et à la transparence, n'est pas différente du caillou ; et lorsque la matière du caillou a un certain degré de transparence ou des couleurs marquées, on la nomme agate.

On distingue deux sortes d'agates par rapport à la transparence : savoir, l'agate orientale et l'agate occidentale : la première vient ordinairement des pays Orientaux, comme son nom le designe ; et on trouve la seconde dans les pays Occidentaux, en Allemagne, en Boheme, etc. On reconnait l'agate orientale à la netteté, à la transparence, et à la beauté du poli ; au contraire l'agate occidentale est obscure, sa transparence est offusquée, et son poliment n'est pas aussi beau que celui des agates orientales. Toutes les agates que l'on trouve en Orient n'ont pas les qualités qu'on leur attribue ordinairement, et on rencontre quelquefois des agates en Occident que l'on pourrait comparer aux orientales.

La matière ou la pâte de l'agate orientale, comme disent les Lapidaires, est un caillou demi-transparent, pur et net : mais dès qu'un tel caillou a une teinte de couleur, il retient rarement le nom d'agate. Si la couleur naturelle du caillou est laiteuse et mêlée de jaune ou de bleu, c'est une chalcedoine ; si le caillou est de couleur orangée, c'est une sardoine ; s'il est rouge, c'est une cornaline. Voyez CAILLOU, CHALCEDOINE, CORNALINE, SARDOINE. On voit par cette distinction qu'il y a peu de variété dans la couleur des agates orientales ; elles sont blanches, ou plutôt elles n'ont point de couleur. Au contraire l'agate occidentale a plusieurs couleurs et différentes nuances dans chaque couleur ; il y en a même de jaunes et de rouges, que l'on ne peut pas confondre avec les sardoines ni les cornalines, parce que le jaune de l'agate occidentale, quoique mêlé de rouge, n'est jamais aussi vif et aussi net que l'orangé de la sardoine. De même le rouge de l'agate occidentale semble être la Ve et éteint en comparaison du rouge de la cornaline : c'est la couleur du minium comparée à celle du vermillon.

La matière de l'agate occidentale est un caillou, dont la transparence est plus qu'à demi-offusquée, et dont les couleurs n'ont ni éclat ni netteté.

Il est plus difficîle de distinguer l'agate des autres pierres demi-transparentes, telles que la chalcedoine, la sardoine et la cornaline, que de la reconnaître parmi les pierres opaques, telles que le jaspe et le jade ; cependant on voit souvent la matière demi-transparente de l'agate mêlée dans un même morceau de pierre avec une matière opaque, telle que le jaspe ; et dans ce cas on donne à la pierre le nom d'agate jaspée, si la matière d'agate en fait la plus grande partie ; et on l'appelle jaspe agaté, si c'est le jaspe qui domine.

L'arrangement des taches et l'opposition des couleurs dans les couches, dont l'agate est composée, sont des caractères pour distinguer différentes espèces, qui sont l'agate simplement dite, l'agate onyce, l'agate oeillée, et l'agate herborisée.

L'agate simplement dite est d'une seule couleur ou de plusieurs, qui ne forment que des taches irrégulières posées sans ordre et confondues les unes avec les autres. Les teintes et les nuances des couleurs peuvent varier presqu'à l'infini ; de sorte que dans ce mélange et dans cette confusion il s'y rencontre des hasards aussi singuliers que bizarres. Il semble quelquefois qu'on y voit des gasons, des ruisseaux et des paysages, souvent même des animaux et des figures d'hommes ; et pour peu que l'imagination y contribue, on y aperçoit des tableaux en entier telle était la fameuse agate de Pyrrhus, roi d'Albanie, sur laquelle on prétendait voir, au rapport de Pline, Apollon avec sa lyre, et les neuf Muses, chacune avec ses attributs : ou l'agate dont Boece de Boot fait mention ; elle n'était que de la grandeur de l'ongle, et on y voyait un évêque avec sa mitre : et en retournant un peu la pierre, le tableau changeant, il y paraissait un homme et une tête de femme. On pourrait citer quantité d'autres exemples, ou plutôt il n'y a qu'à entendre la plupart des gens qui jettent les yeux sur certaines agates, ils y distinguent quantité de choses que d'autres ne peuvent pas même entrevoir. C'est pousser le merveilleux trop loin ; les jeux de la nature n'ont jamais produit sur les agates que quelques traits toujours trop imparfaits, même pour y faire une esquisse.

L'agate onyce est de plusieurs couleurs : mais ces couleurs au lieu de former des taches irrégulières, comme dans l'agate simplement dite, forment des bandes ou des zones qui représentent les différentes couches dont l'agate est composée. La couleur de l'une des bandes n'anticipe pas sur les bandes voisines. Chacune est terminée par un trait net et distinct. Plus les couleurs sont opposées et tranchées l'une par rapport à l'autre, plus l'agate onyce est belle. Mais l'agate est rarement susceptible de ce genre de beauté, parce que ses couleurs n'ont pas une grande vivacité. Voyez ONYCE.

L'agate oeillée est une espèce d'agate onyce dont les couches sont circulaires. Ces couches forment quelquefois plusieurs cercles concentriques sur la surface de la pierre ; elles peuvent être plus épaisses les unes que les autres, mais l'épaisseur de chacune en particulier est presqu'égale dans toute son étendue : ces couches ou plutôt ces cercles ont quelquefois une tache à leur centre commun, alors la pierre ressemble en quelque façon à un oeil ; c'est pourquoi on les a nommées agates oeillées. Il y a souvent plusieurs de ces yeux sur une même pierre ; c'est un assemblage de plusieurs cailloux qui se sont formés les uns contre les autres, et confondus ensemble en grossissant. Voyez CAILLOU. On monte en bagues les agates oeillées, et le plus souvent on les travaille pour les rendre plus ressemblantes à des yeux. Pour cela on diminue l'épaisseur de la pierre dans certains endroits, et on met dessous une feuille couleur d'or ; alors les endroits les plus minces paraissent enflammés, tandis que la feuille ne fait aucun effet sur les endroits de la pierre qui sont les plus épais. On ne manque pas aussi de faire une tache noire au centre de la pierre en-dessous, pour représenter la prunelle de l'oeil, si la nature n'a pas fait cette tache.

On donne à l'agate le nom d'herborisée ou de dendrite (Voyez DENDRITE), lorsqu'on y voit des ramifications qui représentent des plantes telles que des mousses, et même des buissons et des arbres. Les traits sont si délicats, le dessein est quelquefois si bien conduit, qu'un peintre pourrait à peine copier une belle agate herborisée : mais elles ne sont pas toutes aussi parfaites les unes que les autres. On en voit qui n'ont que quelques taches informes ; d'autres sont parsemées de traits qui semblent imiter les premières productions de la végétation, mais qui n'ont aucun rapport les uns aux autres. Ces traits quoique liés ensemble, ne forment que des rameaux imparfaits et mal dessinés. Enfin, les belles agates herborisées présentent des images qui imitent parfaitement les herbes et les arbres ; le dessein de ces espèces de peintures est si régulier, que l'on peut y distinguer parfaitement les troncs, les branches, les rameaux, et même les feuilles : on est allé plus loin, on a cru y voir des fleurs. En effet, il y a des dendrites dans lesquelles les extrémités des ramifications sont d'une belle couleur jaune, ou d'un rouge vif. Voyez CORNALINE herborisée, SARDOINE herborisée.

Les ramifications des agates herborisées sont d'une couleur brune ou noire, sur un fond dont la couleur dépend de la qualité de la pierre ; il est net et transparent, si l'agate est orientale ; si au contraire elle est occidentale, ce fond est sujet à toutes les imperfections de cette sorte de pierre. Voyez CAILLOU. (I)

* Les agates et les jaspes se peuvent facilement teindre : mais celles de ces pierres qui sont unies naturellement, sont par cette même raison, composées de tant de parties hétérogènes, que la couleur ne saurait y prendre uniformément : ainsi, on n'y peut faire que des taches, pour perfectionner la régularité de celles qui s'y rencontrent ; mais non pas les faire changer entièrement de couleur, comme on fait à l'agate blanchâtre nommée chalcedoine.

Si l'on met, sur un morceau d'agate chalcedoine, de la dissolution d'argent dans de l'esprit de nitre, et qu'on l'expose au soleil, on la trouvera teinte au bout de quelques heures, d'une couleur brune tirant sur le rouge. Si l'on y met de nouvelle dissolution, on l'aura plus foncée, et la teinture la pénétrera plus avant, et même entièrement ; si l'agate n'a qu'une ou deux lignes d'épaisseur, et qu'on mette de la dissolution des deux côtés, cette teinture n'agit pas uniformément. Il y a dans cette sorte d'agate, et dans la plupart des autres pierres dures, des veines presqu'imperceptibles, qui en sont plus facilement pénétrées que le reste ; en sorte qu'elles deviennent plus foncées, et forment de très-agréables variétés qu'on ne voyait point auparavant.

Si l'on joint à la dissolution d'argent le quart de son poids, ou environ, de suie et de tartre rouge mêlés ensemble, la couleur sera brune tirant sur le gris.

Au lieu de suie et de tartre, si on met la même quantité d'alun de plume, la couleur sera d'un violet foncé tirant sur le noir.

La dissolution d'or ne donne à l'agate qu'une légère couleur brune qui pénètre très-peu ; celle du bismuth la teint d'une couleur qui parait blanchâtre et opaque, lorsque la lumière frappe dessus, et brune quand on la regarde à-travers le jour. Les autres dissolutions de métaux et de minéraux, employées de la même manière, n'ont donné aucune sorte de teinture.

Pour réussir à cette opération, il est nécessaire d'exposer l'agate au soleil : M. Dufay en a mis sous une moufle ; mais elles n'ont pris que très-peu de couleur, et elle ne pénétroit pas si avant. Il a même remarqué plusieurs fois que celles qu'il avait exposées au soleil ont pris moins de couleur dans tout le cours de la première journée, qu'en une demi-heure du second jour, même sans y remettre de nouvelle dissolution. Cela lui a fait soupçonner, que peut-être l'humidité de l'air était très-propre à faire pénétrer les parties métalliques. En effet, il a fait colorer des agates très-promptement, en les portant dans un lieu humide aussi-tôt que le soleil avait fait sécher la dissolution, et les exposant de rechef au soleil.

Pour tracer sur la chalcedoine des figures qui aient quelque sorte de régularité, la manière qui réussit le mieux est de prendre la dissolution d'argent avec une plume, ou un petit bâton fendu, et de suivre les contours avec une épingle : si l'agate est dépolie, le trait n'est jamais bien fin, parce que la dissolution s'étend en très-peu de temps : mais si elle est bien chargée d'argent, et qu'elle se puisse crystalliser promptement au soleil, elle ne court plus risque de s'épancher, et les traits en seront assez délicats. Ils n'approcheront cependant jamais du trait de la plume, et par conséquent de ces petits arbres qu'on voit si délicatement formés par les dendrites

Supposé pourtant qu'on parvint à les imiter, voici deux moyens de distinguer celles qui sont naturelles d'avec les factices. 1°. En chauffant l'agate colorée artificiellement, elle perd une grande partie de sa couleur, et on ne peut la lui faire reprendre qu'en remettant dessus de nouvelle dissolution d'argent. La seconde manière, qui est plus facîle et plus simple, est de mettre sur l'agate colorée un peu d'eau forte ou d'esprit de nitre, sans l'exposer au soleil ; il ne faut qu'une nuit pour la déteindre entièrement. Lorsque l'épreuve sera faite, on lui restituera, si l'on veut, toute sa couleur, en l'exposant au soleil plusieurs jours de suite : mais il ne faut pas trop compter sur ce moyen, comme on verra par ce qui suit.

On sait que par le moyen du feu, on peut changer la couleur de la plupart des pierres fines ; c'est ainsi qu'on fait les saphirs blancs, les améthistes blanches. On met ces pierres dans un creuset, et on les entoure de sable ou de limaille de fer ; elles perdent leurs couleurs à mesure qu'elles s'échauffent ; on les retire quelquefois fort blanches. Si l'on chauffe de même la chalcedoine ordinaire, elle devient d'un blanc opaque ; et si l'on fait des taches avec de la dissolution d'argent, ces taches seront d'un jaune citron, auquel l'eau-forte n'apporte plus aucun changement. La dissolution d'argent mise sur la chalcedoine ainsi blanchie et exposée au soleil plusieurs jours de suite, y fait des taches brunes.

La dissolution d'argent donne à l'agate orientale une couleur plus noire qu'à la chalcedoine commune. Sur une agate parsemée de taches jaunes, elle a donné une couleur de pourpre. Voyez Mém. de l'Acad. ann. 1728, par M. Dufay. Nous avons dit dans l'endroit où l'on propose le moyen de reconnaître l'agate teinte d'avec l'agate naturelle, qu'il ne fallait pas trop compter sur l'eau-forte. En effet, M. de la Condamine ayant mis deux dendrites naturelles dans de l'eau-forte pendant trois ou quatre jours, il n'y eut point de changement. Les dendrites mises en expérience, ayant été oubliées sur une fenêtre pendant quinze jours d'un temps humide et pluvieux, il se mêla un peu d'eau de pluie dans l'eau forte ; et l'agate où les arbrisseaux étaient très-fins, se déteignit entièrement : le même sort arriva à l'autre, du moins pour la partie qui trempait dans l'eau-forte ; il fallut pour cette expérience de l'oubli, au lieu de soin et d'attention.

AGATE, (Matière médicale) on attribue de grandes vertus à l'agate, de même qu'à d'autres pierres précieuses : mais elles sont toutes imaginaires Geoffroy. (N)

L'AGATE, en Architecture, sert à l'embellissement des tabernacles, des cabinets de pièces de rapport, de marqueterie, etc. (P)