Il y en avait dès les premiers temps dans le voisinage d'Alexandrie qui vivaient ainsi renfermés dans des maisons particulières, méditant l'Ecriture-sainte, et travaillant de leurs mains. D'autres se retiraient sur des montagnes ou dans des déserts inaccessibles, ce qui arrivait principalement pendant les persécutions. Ainsi S. Paul, que quelques-uns regardent comme le premier des solitaires Chrétiens, s'étant retiré fort jeune dans les déserts de la Thébaïde, pour fuir la persécution de Dece, l'an 259 de J. C. y demeura constamment jusqu'à l'âge de cent treize ans.

Le P. Pagi, Luc Holstenius, le P. Papebrok, Bingham dans ses antiquités ecclésiastiques, liv. VII. c. j. §. 4. reconnaissent que l'origine de la vie monastique ne remonte pas plus haut que le milieu du troisième siècle. S. Antoine, Egyptien comme S. Paul, fut, selon M. l'abbé Fleury, le premier qui assembla dans le désert un grand nombre de moines. Cependant Bingham, remarque d'après S. Jérôme, que S. Antoine lui-même assurait que S. Pacome avait le premier rassemblé des moines en commun, et leur avait donné une règle uniforme, ce qu'il n'exécuta que dans le quatrième siècle. Mais il est facîle de concilier ces contrariétés, en observant que S. Antoine fut le premier qui rassembla plusieurs solitaires en commun, qui habitaient dans le même désert, quoique dans des cellules séparées et dans des habitations éloignées les unes des autres, et qui se soumirent à la conduite de S. Antoine, au lieu que S. Pacome fonda dans le même pays les fameux monastères de Tabenne.

Ses disciples qu'on nomma cénobites, parce qu'ils étaient réunis en communauté, vivaient trente ou quarante ensemble en chaque maison, et trente ou quarante de ces maisons composaient un monastère, dont chacun par conséquent comprenait depuis 1200 moines jusqu'à 1600. Ils s'assemblaient tous les Dimanches dans l'oratoire commun de tout le monastère. Chaque monastère avait un abbé pour le gouverner, chaque maison un supérieur, un prevôt, praepositum, chaque dixaine de moines un doyen decennarium, et même des religieux préposés pour veiller sur la conduite de cent autres moines centenarios. Tous les monastères reconnaissaient un seul chef et s'assemblaient avec lui pour célébrer la Pâque, quelquefois jusqu'au nombre de cinquante mille cénobites, et cela des seuls monastères de Tabenne, outre lesquels il y en avait encore en d'autres parties de l'Egypte, ceux de Secté, d'Oxyrinque, de Nitrie, de Mareote. Ces moines Egyptiens ont été regardés comme les plus parfaits et les originaux de tous les autres.

S. Hilarion, disciple de S. Antoine, établit en Palestine des monastères à-peu-près semblables, et cet institut se répandit dans toute la Syrie. Eustathe évêque de Sébaste, en établit dans l'Arménie et la Paphlagonie, et S. Basîle qui s'était instruit en Egypte en fonda sur la fin du quatrième siècle dans le Pont et dans la Cappadoce, et leur donna une règle qui contient tous les principes de la morale chrétienne. Dès-lors la vie monastique s'étendit dans toutes les parties de l'Orient, en Ethiopie, en Perse, et jusques dans les Indes. Elle était déjà passée en occident dès l'an 340, que S. Athanase étant venu à Rome et y ayant apporté la vie de S. Antoine qu'il avait composée, porta les fidèles d'Italie à imiter le même genre de vie, il se forma des monastères, des moines et des vierges sous la conduite des évêques. S. Ambraise et S. Eusebe de Verceil avaient fait bâtir des monastères près de leurs villes épiscopales. Il en eut un fameux dans l'île de Lérins en Provence, et les petites îles des côtes d'Italie et de Dalmatie, furent bien-tôt peuplées de saints solitaires. On regarde S. Martin, comme le premier instituteur de la vie monastique dans les Gaules, elle passa un peu plus tard dans les îles Britanniques. Mais dans tout l'occident la discipline n'était pas si exacte qu'en orient ; on y travaillait moins, et le jeune y était moins rigoureux.

Il y avait des hermites ou anachoretes, c'est-à-dire des moines plus parfaits, qui après avoir vécu longtemps en communauté pour dompter leurs passions et s'exercer à toutes sortes de vertus, se retiraient plus avant dans les solitudes, pour vivre en des cellules séparées plus détachés des hommes et plus unis à Dieu. C'était ainsi que s'achevaient pour l'ordinaire les plus illustres solitaires, voyez ANACHORETES ; mais l'abbé conservait son autorité sur eux.

Les moines étaient pour la plupart laïques, et même leur profession les éloignait des fonctions ecclésiastiques. Il ne fallait d'autre disposition pour le devenir que la bonne volonté, un désir sincère de faire pénitence et d'avancer dans la perfection. Il ne faut pourtant pas s'imaginer qu'on les y admit sans épreuve : Pallade dans son histoire de Lamiaque, ch. xxxviij. dit expressément, que celui qui entre dans le monastère et qui ne peut pas en soutenir les exercices pendant trois ans, ne doit point être admis. Mais que si durant ce terme, il s'acquitte des œuvres les plus difficiles, on doit lui ouvrir la carrière : in stadium prodeat. Voilà l'origine bien marquée du noviciat usité aujourd'hui, mais restreint à un temps plus court. Voyez NOVICIAT.

Au reste, on y recevait des gens de condition et de tout âge, même de jeunes enfants que leurs parents offraient pour les faire élever dans la piété. Le onzième concîle de Toléde avait ordonné, qu'on ne leur fit point faire profession avant l'âge de dix-huit ans et sans leur consentement, dont l'évêque devait s'assurer. Le quatrième concîle de la même ville par une disposition contraire, attacha perpétuellement aux monastères ceux que leurs parents y avaient offert dès l'enfance ; mais cette décision particulière n'a jamais été autorisée par l'Eglise. Les esclaves étaient aussi reçus dans les monastères comme les libres, pourvu que leurs maîtres y consentissent. Les gens mariés n'y pouvaient entrer sans le consentement de leurs femmes, ni les femmes sans celui de leurs maris, ni les gens attachés à la cour par quelqu'emploi, que sous le bon plaisir du prince.

Tout l'emploi des moines consistait dans la prière et dans le travail des mains. Les évêques néanmoins tiraient quelquefois les moines de leur solitude pour les mettre dans le clergé ; mais ils cessaient alors d'être moines, et ils étaient mis au nombre des clercs. S. Jerome distingue toujours ces deux genres de vie : alia monachorum est causa, dit-il dans son épitre à Héliodore, alia clericorum, clerici pascunt oves ; et ailleurs, monachus non docentis habet officium, sed plangentis, epist. 55. ad Bipar. Quand on leur eut permis de s'approcher des villes, ou même d'y habiter pour être utiles au peuple ; la plupart d'entr'eux s'appliquèrent aux lettres, aspirèrent à la cléricature, et se firent promouvoir aux ordres, sans toutefois renoncer à leur premier état. Ils se rendirent alors utiles aux évêques en Orient, et acquirent de la réputation surtout dans l'affaire de Nestorius ; mais parce que quelques-uns abusèrent de l'autorité qu'on leur avait donnée ; le concîle de Chalcédoine statua, que les moines seraient soumis entièrement aux évêques, sans la permission desquels ils ne pourraient bâtir aucun monastère, et qu'ils seraient éloignés des emplois ecclésiastiques, à-moins qu'ils n'y fussent appelés par leurs évêques. Ils n'avaient alors d'autre temporel, que ce qu'ils gagnaient par le travail de leurs mains, mais ils avaient part aux aumônes que l'évêque leur faisait distribuer, et le peuple leur faisait aussi des charités. Il y en avait néanmoins qui gardaient quelque chose de leur patrimoine, ce que S. Jerome n'approuvait pas. Pour ce qui est du spirituel, ils se trouvaient à l'église épiscopale ou à la paraisse avec le peuple, ou bien on leur accordait de faire venir chez eux un prêtre pour leur administrer les Sacrements. Enfin, ils obtinrent d'avoir un prêtre qui fût de leur corps, puis d'en avoir plusieurs, ce qui leur donna occasion de bâtir des églises joignant leurs monastères, et de former un corps régulier composé de clercs et de laïques.

Tous les vrais moines étaient cénobites ou anachoretes ; mais il y eut bientôt deux espèces de faux moines. Les uns demeuraient fixes, à la vérité, mais seuls, ou seulement deux ou trois ensemble, indépendants et sans conduite ; prenant pour règle leur volonté particulière, sous prétexte d'une plus grande perfection : on les nommait sarabaïtes, voyez SARABAÏTES. Les autres que l'on nommait gyrosaques, ou moines errants, et qui étaient les pires de tous, couraient continuellement de pays en pays, passant par les monastères sans s'arrêter en aucun, comme s'ils n'eussent trouvé nulle part une vie assez parfaite. Ils abusaient de l'hospitalité des vrais moines, pour se faire bien traiter : ils entraient en tous lieux, se mêlaient avec toutes sortes de personnes, sous prétexte de les convertir, et menaient une vie déréglée à l'abri de l'habit monastique qu'ils déshonoraient.

Bingham observe que les premiers moines qui parurent en Angleterre et en Irlande, furent nommés apostoliques, et cela du temps des Pictes et des Saxons, avant que saint Augustin y eut été envoyé par le pape saint Grégoire ; mais il ne dit rien de positif sur l'origine de ce nom. Il parle aussi, après Bede, des deux monastères de Banchor ou de Bangor, situés l'un en Angleterre, et l'autre en Irlande, dans lesquels on comptait plusieurs milliers de moines. Il parle aussi de différents autres noms donnés, mais moins communément aux anciens moines, comme ceux d'aumetes, de studites, de stilytes, de silentiaires, de , c'est-à-dire paissants, donné aux moines de Syrie et de Mésopotamie, parce qu'ils ne vivaient que d'herbes qu'ils fauchaient dans les champs et sur les montagnes : on les appelait encore, selon le même auteur, hesychartes ou quiétistes, à cause de la vie tranquille et retirée qu'ils menaient ; continans et renonçans, parce qu'ils renonçaient au monde et au mariage ; quelquefois philosophes et philothées, c'est-à-dire amateurs de la sagesse ou de Dieu ; cellulani et insulani, parce qu'ils habitaient dans des cellules, ou se retiraient dans des iles. Bingham origi. Ecclésiastes. tom. III. lib. VIIe c. IIe p. 35. et suiv.

Il y avait près de deux siècles que la vie monastique était en vigueur quand saint Benait, après avoir longtemps vécu en solitude, et longtemps gouverné des moines, écrivit sa règle pour le monastère qu'il avait fondé au mont Cassin, entre Rome et Naples. Il la fit plus douce que celle des Orientaux, permettant un peu de vin et deux sortes de mets, outre le pain ; mais il conserva le travail des mains, le silence exact et la solitude : cette règle fut trouvée si sage, qu'elle fut volontairement embrassée par la plupart des moines d'occident, et elle fut bientôt apportée en France. Le moine saint Augustin l'introduisit en Angleterre sur la fin du VIe siècle.

Les Lombards en Italie, et les Sarrasins en Espagne, désolèrent les monastères ; les guerres civiles qui affligèrent la France sur la fin de la première race, causèrent aussi un grand relâchement : on commença à piller les monastères qui étaient devenus riches par les donations que la vertu des moines attirait, et que leur travail augmentait. L'état étant rétabli sous Charlemagne, la discipline se rétablit aussi sous sa protection, par les soins de saint Benait d'Aniane, à qui Louis le Débonnaire donna ensuite autorité sur tous les monastères. Cet abbé donna les instructions sur lesquelles fut dressé, en 817, le grand règlement d'Aix-la-Chapelle ; mais il resta beaucoup de relâchement : le travail des mains fut méprisé, sous prétexte d'étude et d'oraison : les abbés devinrent des seigneurs ayant des vassaux, et étant admis aux parlements avec les évêques, avec qui ils commençaient à faire comparaison : ils prenaient parti dans les guerres civiles, comme les autres seigneurs : ils armaient leurs vassaux et leurs serfs ; et souvent ils n'avaient pas d'autre moyen de se garantir du pillage : d'ailleurs il y avait des seigneurs laïcs qui, sous prétexte de protection, se mettaient en possession des abbayes, ou par concession des rais, ou de leur propre autorité, et prenaient même le titre d'abbés. Les Normands qui couraient la France en même temps, achevèrent de tout ruiner. Les moines qui pouvaient échapper à leurs ravages, quittaient l'habit et revenaient chez leurs parents, prenaient les armes, ou faisaient quelque trafic pour vivre. Les monastères qui restaient sur pied, étaient occupés par des moines ignorants, souvent jusqu'à ne savoir pas lire leur règle, et gouvernés par des supérieurs étrangers ou intrus. Fleuri, Instit. au droit ecclés. tom. I. part. I. c. xxj.

Au milieu de ces miseres, ajoute le même auteur, saint Odon commença à relever la discipline monastique dans la maison de Cluny, fondée par les soins de l'abbé Bernon, en 910, voyez CLUNY. Elle reprit encore un nouveau lustre dans celle de Citeaux, fondée par saint Robert, abbé de Molesme, en 1098, voyez CITEAUX. Dans l'onzième siècle on travailla à la réformation du clergé séculier, et c'est ce qui produisit les diverses congrégations de chanoines réguliers, auxquels on confia le gouvernement de plusieurs paroisses, et dont on forma même des chapitres dans quelques églises cathédrales, sans parler du grand nombre de maisons qu'ils fondèrent par toute l'Europe. Les croisades produisirent aussi un nouveau genre de religion ; ce furent les ordres militaires et hospitaliers, voyez CHANOINES REGULIERS, ORDRES et HOSPITALIERS. A ceux-ci succédèrent les ordres mendiants : saint Dominique et S. François d'Assise en furent les premiers instituteurs, et à leur exemple, on en forma plusieurs autres, dont les religieux faisaient profession de ne point posséder de biens, même en commun, et de ne subsister que des aumônes journalières des fidèles. Ils étaient clercs la plupart, s'appliquant à l'étude, à la prédication, et à l'administration de la pénitence, pour la conversion des hérétiques et des pécheurs. Ces fonctions vinrent principalement des Dominicains ; le grand zèle de pauvreté vint principalement des Franciscains : mais en peu de temps tous les mendiants furent uniformes, et on aurait peine à croire combien ces ordres s'étendirent promptement. Ils prétendaient rassembler toute la perfection de la vie monastique et de la vie cléricale ; l'austérité dans le vivre et le vêtement, la prière, l'étude et le service du prochain. Mais les fonctions cléricales leur ont ôté le travail des mains ; la solitude et le silence des anciens moines, et l'obéissance à leurs supérieurs particuliers, qui les transférèrent souvent d'une maison, ou d'une province à l'autre, leur a ôté la stabilité des anciens clercs, qui demeuraient toujours attachés à la même église, avec une dépendance entière de leur évêque, voyez MENDIANS.

Les anciens moines, comme nous l'avons dit, étaient soumis à la juridiction des ordinaires ; les nouveaux ordres ont tenté de s'y soustraire, par des privilèges et des exemptions qu'ils ont de temps en temps obtenues des papes. Mais le concîle de Trente a ou restreint ou révoqué ces privilèges, et rappelé les choses au droit commun ; en sorte que les réguliers ne peuvent s'immiscer dans le ministère ecclésiastique, sans l'approbation des évêques.

Depuis le commencement du XVIe siècle, il s'est élevé plusieurs congrégations de clercs réguliers, tels que les Théatins, les Jésuites, les Barnabites, etc. dont nous avons parlé en détail sous leurs titres particuliers. Voyez THEATINS, JESUITES, etc.

Ainsi tous les ordres religieux, depuis leur établissement jusqu'à présent, peuvent être rapportés à cinq genres : moines, chanoines, chevaliers, religieux mandiants, clercs réguliers.

Les Grecs ont aussi des moines qui, quoique différents entr'eux, regardent tous saint Basîle comme leur père et leur fondateur, et pratiquent ses constitutions avec la dernière régularité. Ils n'ont pourtant pas tous la même discipline générale, ou façon de vivre. Les uns s'appellent , et les autres . Les premiers sont ceux qui demeurent ensemble et en commun, qui mangent dans un même réfectoire, qui n'ont rien de particulier entr'eux pour l'habit, et qui ont enfin les mêmes exercices. Ils sont ainsi nommés de , commun, et de , vie, c'est-à-dire religieux qui vivent en commun. Il y a néanmoins deux ordres parmi eux ; car les uns se disent être du grand et angélique habit, lesquels sont d'un rang plus élevé et plus parfait que les autres, qu'on appelle du petit habit, qui sont d'un rang inférieur, et ne mènent pas une vie si parfaite que les premiers. Voyez ANGELIQUE.

Ceux qu'on nomme , vivent comme il leur plait, ainsi que porte leur nom, composé du grec , propre ou particulier, et , règle ou mesure. C'est pourquoi avant que de prendre l'habit, ils donnent une somme d'argent pour avoir une cellule, et quelques autres choses du monastère. Le célerier leur fournit du pain et du vin, de même qu'aux autres ; et ils pourvaient eux-mêmes au reste. Exempts de tout ce qu'il y a d'onéreux dans le monastère, ils s'appliquent à leurs affaires. Quand quelqu'un de ceux-ci est prêt à mourir, il legue, par testament, ce qu'il possède tant dedans que dehors le monastère, à celui qui l'a assisté dans ses besoins. Celui-ci augmente encore par son industrie, les biens dont il a hérité ; et laisse par testament, ce qu'il a acquis à celui qu'il a pris aussi pour compagnon. Le reste du bien qu'il possede, c'est-à-dire, ce que son maître lui avait laissé en mourant, demeure au monastère qui le vend ensuite. Il s'en trouve néanmoins de si pauvres parmi ces derniers moines, que n'ayant pas de quoi acheter un fonds, ils sont obligés de donner tout leur travail au monastère, et de s'appliquer aux plus vils emplois : ceux-là font tout pour le profit du couvent.

Il y a un troisième ordre de ces moines, auxquels on a donné le nom d'anachoretes : ceux-ci ne pouvant travailler ni supporter les autres charges du monastère, achetent une cellule dans un lieu retiré, avec un petit fonds dont ils puissent vivre ; et ne vont au monastère qu'aux jours de fêtes pour assister à l'office : ils retournent ensuite à leurs cellules, où ils s'occupent à leurs affaires ou à leurs prières. Il y a quelquefois de ces anachoretes qui sortent de leur monastère avec le consentement de l'abbé, pour mener une vie plus retirée, et s'appliquer davantage à la méditation. Le monastère leur envoie une fois ou deux le mois des provisions, lorsqu'ils ne possèdent ni fond ni vignes ; mais ceux qui ne veulent point dépendre de l'abbé, louent quelque vigne voisine de leur cellule, la cultivent et en mangent les fruits, ou ils vivent de figues et de quelques fruits semblables : on en voit aussi qui gagnent leur vie à écrire des livres. Les monastères de la Grèce sont ordinairement vastes, bien bâtis, avec de fort belles églises, où les moines chantent l'office jour et nuit.

Outre ces moines, il y a des moinesses qui vivent en communauté, et qui sont renfermées dans des monastères, sous la règle de saint Basile. Elles ne sont pas moins austères que les moines, dans tout ce qui concerne la vie monastique. Elles ont une abbesse ; mais leur monastère dépend toujours d'un abbé qui leur donne un moine des plus anciens et des plus vertueux, pour les confesser et leur administrer les autres sacrements. Il dit la messe pour elles, et règle les autres offices. Ces religieuses ont la tête rasée, et portent toutes un habit de laine noire, avec un manteau de même couleur. Elles ont les bras couverts jusqu'au bout doigts ; chacune a sa cellule séparée, où il y a de quoi se loger tant en haut qu'en bas, et celles qui font les plus riches, ont une servante : elles nourrissent même quelquefois, dans la maison, de jeunes filles qu'elles élèvent dans la piété. Lorsqu'elles ont rempli les obligations de leur état, elles font des ouvrages à l'aiguille, et des ceintures qu'elles vendent aux laïcs et même aux Turcs, qui témoignent du respect pour ces religieuses. Leo Alaius, liv. III. de ecclés. orient.

Bingham prétend que les anciens moines ne faisaient point de profession ni de vœux. Cependant ce qu'on lit dans saint Basile, Epist. Can. c. xix. parait directement contraire à la première de ces prétentions : Virorum professiones, dit ce père, non novimus praeter quam si qui se ipsos monachorum ordini addixerint ; qui tacite videntur celibatum admittère. Sed in illis quoque illud existimo procedere oportère, ut ipsi interrogentur et evidents eorum accipiatur professio. Ce S. docteur, qui avait tracé des règles aux moines qu'il institua, jugeait donc que la profession tacite ne suffisait pas ; mais qu'il en fallait une expresse, publique et solennelle : et il y a tout lieu de croire que les moines d'Egypte, chez qui il avait puisé ces règles les pratiquaient. Pour répondre à la seconde objection, il est bon de distinguer les temps et les faits. S. Athanase écrivant au moine Dracone, lui dit qu'il y eut des moines mariés, et qui ont eu des enfants, et d'autres moines qui n'ont point eu de postérité : Monachi autem reperiuntur qui filios suscepêre.... Monachos autem nullam posteritatem habuisse cernimus. Car outre qu'on peut très-bien entendre ce passage de moines dont les uns ont eu des enfants avant que d'entrer dans le monastère, et dont les autres n'en ont jamais eu, parce qu'ils y sont entrés si jeunes qu'ils n'ont pu se marier, ni vivre dans le siècle, ce qui n'exclut, ni dans les uns ni dans les autres, le vœu de continence : Marc-Antoine de Dominis, et Bingham lui-même, reconnaissent que ces sortes de moines qui avaient eu des enfants, étaient des moines séculiers, c'est-à-dire, des chrétiens qui n'avaient pas renoncé au monde, comme les moines disciples de saint Antoine ou de saint Pacôme : c'étaient des chrétiens fervens qui vivaient dans le siècle avec leurs femmes ; et qui pratiquaient toutefois la vie ascétique, c'est-à-dire l'exercice des vertus chrétiennes dans leur état. Or qu'est-ce que tout cela a de commun avec les moines proprement dits ? Conclurait-on que ceux-ci ne renonçaient pas à leurs biens et à leurs possessions, parce que ces moines seculiers conservaient leurs biens. Il serait donc aussi absurde de conclure de ce que ceux-ci ne renonçaient pas au mariage, que les premiers n'y renonçaient pas non plus. Mais, ajoute Bingham, les mariages contractés par les moines après leur entrée en religion, n'ont jamais été déclarés nuls et invalides par la primitive Eglise. Il n'apporte aucun fait en preuve, mais il nous fournit lui-même une réponse victorieuse : que le concîle de Chalcédoine, tenu en 451, avait statué, canon XVIe Virginem quae se Domino Deo dedicavit, similiter et monachos non licère matrimonio conjungi. Il déclare donc déjà ces mariages illicites ; mais depuis, l'autorité temporelle, réunie à la puissance spirituelle, les a déclarés nuls : lui en contestera-t-on le droit ? Et ces mariages étaient-ils légitimes en Angleterre avant le schisme ?

Le même auteur déclame aussi fort vivement contre l'habillement des différents ordres de moines. On peut voir ce que nous avons dit sur cette matière, sous le mot HABITS, où l'on trouvera des raisons capables de satisfaire tout esprit non prévenu.

MOINE DES INDES, voyez RHINOCEROS.

MOINES BLANCS, est un nom commun à plusieurs ordres religieux, et qu'on leur donne, parce qu'ils sont habillés de blanc. Tels sont les chanoines réguliers de saint Augustin, les prémontrés, les feuillans, etc.

Moines noirs, est aussi un nom commun donné à plusieurs autres ordres religieux, dont les membres portent des habits noirs, tels que les Bénédictins, et c.

MOINE, terme d'Imprimerie, se dit de l'endroit d'une feuille imprimée, qui n'ayant point été touché avec la balle, par l'ouvrier de la presse, vient blanc, ou pâle, tandis que le reste de la feuille est imprimé comme il convient. Ce défaut vient, ou de la précipitation, ou de l'inattention de l'ouvrier.