Les sentiments des naturalistes diffèrent sur la formation des montagnes ; quelques physiciens ont cru qu'avant le déluge la terre était unie et égale dans toutes ses parties, et que ce n'est que par cet événement funeste et par des révolutions particulières, telles que des inondations, des excavations, des embrasements souterrains que toutes les montagnes ont été produites, et que notre globe est devenu inégal et raboteux tel que nous le voyons. Mais les partisans de cette opinion ne font point attention que l'Ecriture-sainte dit que les eaux du déluge allèrent au-dessus du sommet des plus hautes montagnes, ce qui suppose nécessairement qu'elles existaient déjà. En effet, il parait que les montagnes étaient nécessaires à la terre dès les commencements du monde, sans cela elle eut été privée d'une infinité d'avantages. C'est aux montagnes que sont dû. la fertilité des plaines, les fleuves qui les arrosent, dont elles sont les réservoirs inépuisables. Les eaux du ciel, en roulant sur ces inégalités qui forment comme autant de plans inclinés, vont porter aux vallées la nourriture si nécessaire à la croissance des végétaux : c'est dans le sein des montagnes que la nature a déposé les métaux, ces substances si utiles à la société. Il est donc à présumer que la providence, en créant notre globe, l'orna de montagnes qui fussent propres à donner de l'appui et de la solidité à l'habitation de l'homme.

Cependant il est certain que les révolutions que la terre a éprouvées et qu'elle éprouve encore tous les jours, ont dû produire anciennement et produisent à la surface de la terre, soit subitement, soit peu-à-peu, des inégalités et des montagnes qui n'existaient point dès l'origine des choses ; mais ces montagnes récentes ont des signes qui les caractérisent, auxquels il n'est point permis à un naturaliste de se tromper ; ainsi il est à propos de distinguer les montagnes en primitives et en récentes.

Les montagnes primitives sont celles qui paraissent avoir été créées en même temps que la terre à laquelle elles servent d'appui ; les caractères qui les distinguent sont 1° leur élévation qui surpasse infiniment celle des autres montagnes. En effet, pour l'ordinaire elles s'élèvent très-brusquement, elles sont fort escarpées, et l'on n'y monte point par une pente douce ; leur forme est celle d'une pyramide ou d'un pain de sucre, surmonté de pointes de rochers aigus ; leur sommet ne présente point un terrain uni comme celui des autres montagnes, ce sont des roches nues et dépouillées de terre que les eaux du ciel en ont emporté ; à leurs pieds, elles ont des précipices et des vallées profondes, parce que ces eaux et celles des sources dont le mouvement est accéleré par leur chute, ont excavé et miné le terrain qui s'y trouvait, et l'ont quelquefois entièrement entrainé.

2°. Ces montagnes primitives se distinguent des autres par leurs vastes chaînes ; elles tiennent communément les unes aux autres et se succedent pendant plusieurs centaines de lieues. Le P. Kircher et plusieurs autres ont observé que les grandes montagnes formaient autour du globe terrestre une espèce d'anneau ou de chaîne, dont la direction est assez constante du nord au sud et de l'est à l'ouest ; cette chaîne n'est interrompue que pour ne point contraindre les eaux des mers, au-dessous du lit desquelles la base de ces montagnes s'étend et la chaîne se retrouve dans les iles, qui perpétuent leur continuation jusqu'à ce que la chaîne entière reparaisse sur le continent. Cependant on trouve quelquefois de ces montagnes qui sont isolées, mais alors il y a lieu de présumer qu'elles communiquent sous terre à d'autres montagnes de la même nature souvent fort éloignées, avec lesquelles elles ne laissent pas d'être liées : d'où l'on voit que les montagnes primitives peuvent être regardées comme la base, ou, pour ainsi dire, la charpente de notre globe.

3°. Les montagnes primitives se distinguent encore par leur structure intérieure, par la nature des pierres qui les composent, et par les substances minérales qu'elles renferment. En effet, ces montagnes ne sont point par lits ou par bandes aussi multipliées que celles qui ont été formées récemment ; la pierre qui les compose est ordinairement une masse immense et peu variée, qui s'enfonce dans les profondeurs de la terre perpendiculairement à l'horizon. Quelquefois cependant l'on trouve différentes couches qui couvrent même ces montagnes primitives, mais ces couches ou ces lits doivent être regardés comme des parties qui leur sont entièrement étrangères : ces couches ont couvert le noyau de la montagne primitive sur lequel elles ont été portées, soit par les eaux de la mer qui a couvert autrefois une grande partie de notre continent, soit par les feux souterrains, soit par d'autres révolutions, dont nous parlerons en traitant des montagnes récentes. Une preuve de cette vérité que ceux qui habitent dans les pays de hautes montagnes peuvent attester, c'est que souvent à la suite des tremblements de terre ou des pluies de longue durée, on a Ve quelques-unes de ces montagnes se dépouiller subitement des couches ou de l'espèce d'écorce qui les enveloppait, et ne présenter plus aux yeux qu'une masse de roche aride, et former une espèce de pyramide ou de pain de sucre.

Quant à la matière qui compose ces montagnes primitives, c'est pour l'ordinaire une roche très-dure, qui fait feu, avec l'acier, que les Allemands nomment hornstein ou pierre cornée ; elle est de la nature du jaspe ou du quartz. D'autres fois c'est une pierre calcaire et de la nature du spath. La pierre qui compose le noyau de ces sortes de montagnes n'est point interrompue par des couches de terre ou de sable, elle est communément assez homogène dans toutes ses parties.

Enfin, ce n'est que dans les montagnes primitives dont nous parlons, que l'on rencontre des mines par filons suivis, qui les traversent et forment des espèces de rameaux ou de veines dans leur intérieur. Je dis de vrais filons, c'est-à-dire, des fentes suivies, qui ont de l'étendue, une direction marquée, quelquefois contraire à celle de la roche où elles se trouvent, et qui sont remplies de substances métalliques, soit pures, soit dans l'état de mine. Voyez FILONS.

Ces principes une fois posés, il sera très-aisé de distinguer les montagnes que nous appelons primitives, de celles qui sont dû.s à une formation plus récente. Parmi les premières on doit placer en Europe les Pyrénées, les Alpes, l'Apennin, les montagnes du Tyrol, le Riesemberg ou monts des Géants en Silésie, les monts Crapacs, les montagnes de la Saxe, celles des Vosges, le mont Bructère au Hartz, celles de Norvège, etc. en Asie, les monts Riphées, le Caucase, le mont Taurus, le mont Liban ; en Afrique, les monts de la Lune ; et en Amérique, les monts Apalaches, les Andes ou les Cordilières qui sont les plus hautes montagnes du monde. La grande élévation de ces sortes de montagnes fait qu'elles sont presque toujours couvertes de neige, même dans les pays les plus chauds, ce qui vient de ce que rien ne les peut garantir des vents, et de ce que les rayons du soleil qui donnent sur les vallées ne sont point réfléchis jusqu'à une telle hauteur. Les arbres qui y croissent ne sont que des sapins, des pins, et des bois résineux ; et plus on approche de leur sommet, plus l'herbe est courte ; elles sont souvent arides parce que les eaux du ciel ont dû entraîner les terres qui ont pu les couvrir autrefois. Scheuchzer et tous ceux qui ont voyagé dans les Alpes, nous apprennent que l'on trouve communément sur ces montagnes les quatre saisons de l'année : au sommet, on ne rencontre que des neiges et des glaces (Voyez l'article GLACIERS) ; en descendant plus bas, on trouve une température telle que celle des beaux jours du printemps et de l'automne ; &, dans la plaine, on éprouve toute la chaleur de l'été. D'un autre côté, l'air que l'on respire au sommet de ces montagnes est très-pur, moins gâté par les exhalaisons de la terre, ce qui, joint à l'exercice, rend les habitants plus sains et plus robustes. Un des plus grands avantages que les hautes montagnes procurent aux hommes, c'est, comme nous l'avons déjà remarqué, qu'elles servent de réservoirs aux eaux qui forment les rivières. C'est ainsi que nous voyons que les Alpes donnent naissance au Rhin, au Danube, au Rhône, au Pô, etc. De plus, on ne peut douter que les montagnes n'influent beaucoup sur la température des pays où elles se trouvent, soit en arrêtant certains vents, soit en opposant des barrières aux nuages, soit en réfléchissant les rayons du soleil, etc.

Quoique toutes les montagnes primitives aient en général beaucoup plus d'élévation que celles qui ont été formées récemment et par les révolutions du globe, elles ne laissent point de varier infiniment pour leur hauteur. Les plus hautes montagnes que l'on connaisse dans le monde sont celles de la Cordilière, ou des Andes dans l'Amérique. M. de la Condamine qui a parcouru ces montagnes, et qui les a examinées avec toute l'attention dont un si habîle géomètre est capable, nous apprend, dans son voyage à l'équateur, que le terrain de la plaine où est bâtie la ville de Quito au Pérou, est à 1470 taises au-dessus du niveau de la mer, et que plusieurs des montagnes de cette province ont plus de 3000 taises de hauteur perpendiculaire au-dessus de ce terrain : d'où l'on voit que presque toutes les autres montagnes de l'univers ne peuvent être regardées que comme des collines, si on les compare à celles du Pérou. Quelques-unes de ces montagnes sont des volcans et vomissent de la fumée et des flammes, ce qui est cause que ce pays est si souvent ébranlé par d'affreux tremblements de terre.

Après avoir fait connaître les signes qui caractérisent les montagnes que nous avons appelées primitives, il faut maintenant examiner ceux des montagnes qui sont dû.s à une formation plus récente. Il n'est pas douteux que les révolutions que la terre a éprouvées, et éprouve encore journellement n'y produisent des nouvelles éminences ; ce sont surtout les feux souterrains et les inondations, qui sont les plus propres à opérer ces changements à la surface de la terre. Un grand nombre d'exemples nous prouvent que les embrasements de la terre ont souvent formé des montagnes dans des endroits où il n'y en avait point auparavant. C'est ainsi que les histoires nous apprennent qu'il s'est formé des montagnes et des îles par l'abondance des pierres, des terres, du sable, et des autres matières que les feux souterrains ont soulevés et fait sortir même du fond de la mer. Les montagnes formées de cette manière sont aisées à reconnaître, elles ne sont que des amas de débris, de pierres brisées, de pierres ponces, de matière vitrifiée ou de lave, de soufre, de cendres, de sels, de sable, etc. et il est aisé de les distinguer des montagnes primitives dont d'ailleurs elles n'ont jamais la hauteur.

Quant aux montagnes qui ont été formées par des inondations, elles différent des montagnes primitives par la forme : nous avons déjà fait remarquer que ces dernières sont en pyramides, au lieu que celles dont nous parlons sont arrondies par le haut, couvertes de terres qui forment souvent une surface plane très-étendue ; on y trouve aussi soit du sable, soit des fragments de pierres, soit des amas de cailloux arrondis et qui paraissent avoir été roulés par les eaux, et semblables à ceux du lit des rivières. Il y a lieu de croire que les eaux du déluge ont pu produire quelques-unes de ces montagnes ; cependant plusieurs phénomènes semblent prouver que c'est principalement au séjour de la mer, sur des parties de notre continent qu'elle a depuis laissées à sec, que la plupart de ces montagnes doivent leur origine. En effet nous voyons qu'à l'intérieur ces montagnes sont composées d'un amas de lits ou de couches horizontales, ou du-moins faiblement inclinées à l'horizon. Ces couches ou ces lits sont remplis d'une quantité prodigieuse de coquilles, de corps marins, l'ossements de poissons ; on y rencontre des bois, des empreintes de plantes, des matières résineuses qui visiblement tirent leur origine du règne végétal. Les couches de ces montagnes varient à l'infini ; elles sont composées tantôt de sable fin, tantôt de gravier, tantôt de glaise, tantôt de craie ou de marne, tantôt de différents lits de pierres qui se succedent les uns aux autres. Les pierres que l'on rencontre dans ces couches sont d'une nature très-différente de celles qui font le noyau des montagnes primitives : ce sont des marbres qui sont souvent remplis de corps marins ; des grès formés d'un amas de grains de sable ; des pierres à chaux qui paraissent uniquement formées de débris de coquilles ; des ardoises formées par de l'argille, durcies et pétrifiées, et quelquefois chargées d'empreintes de plantes ; de la pierre à plâtre ; de la serpentine, etc.

A l'égard des substances métalliques ou des mines que l'on trouve dans ces sortes de montagnes, elles ne sont jamais par filons suivis ; elles sont par couches qui ne sont composées que des débris et des fragments de filons, que les eaux ont arraché des montagnes primitives pour les porter dans celles qu'elles ont produites de nouveau. C'est ainsi que l'on trouve un grand nombre de mines de fer qui ont souffert une décomposition, et qui forment des couches entières d'ochre, ou de ce qu'on appelle la mine de fer limoneuse. On trouve aussi dans cet état des mines d'étain qui ont été visiblement roulées, entrainées par les eaux, et amassées dans les lits de certaines montagnes. Voyez MINES. C'est dans les montagnes dont nous parlons que l'on rencontre la calamine, les mines de charbon de terre, qui, comme il est très-probable, ont été formées par des forêts entières ensevelies par les eaux dans le sein de la terre. Le sel gemme, l'alun, les bitumes, etc. se trouvent aussi par couches, et jamais on ne verra ces substances dans les montagnes primitives. Cependant il est à-propos de faire attention que ces amas de couches vont très-souvent s'appuyer contre les montagnes primitives qui leur servent de support, pour-lors elles semblent se confondre avec elles ; c'est d'elles qu'elles reçoivent les parties métalliques que l'on rencontre dans leurs couches : cette remarque est très-importante pour les observateurs que ce voisinage pourrait induire en erreur, s'ils ne faisaient qu'une attention superficielle aux choses. Les montagnes récentes en s'appuyant, comme il arrive d'ordinaire, sur les côtés des montagnes primitives qu'elles entourent, finissent par aller se perdre insensiblement dans les plaines.

Le parallelisme qu'observent les couches dont les montagnes récentes sont composées n'est point toujours parfaitement exact ; ces couches depuis leur formation ont éprouvé des révolutions et des changements, qui leur ont fait faire des coudes, des sauts, c'est-à-dire, qui les ont fait tantôt remonter, tantôt descendre en terre, et qui tantôt ont tranché quelques-unes de leurs parties ; des roches et des matières étrangères sont venues les coupes en de certains endroits ; ces irrégularités ont été vraisemblablement produites par des tremblements de terre, par des affaissements d'une portion des montagnes, par des fentes qui s'y sont faites et qui se sont ensuite remplies de nouvelles roches, etc.

Les montagnes récentes diffèrent aussi entr'elles pour le nombre et l'épaisseur des couches ou des lits dont elles sont composées ; dans quelques-unes, on a trouvé jusqu'à trente ou quarante lits qui se succédaient ; dans d'autres, on n'en a rencontré que trois ou quatre. Mais voici une observation générale que M. Lehman, après des remarques constantes et multipliées, assure n'avoir jamais trouvé démentie, c'est que dans les montagnes récentes et composées de couches, la couche la plus profonde est toujours celle du charbon de terre, elle est portée sur un gravier ou sable grossier et ferrugineux. Au-dessus du charbon de terre, on rencontre les couches d'ardoise, de schiste, ou de pierre feuilletée. Et enfin, la partie supérieure des couches est constamment occupée par la pierre à chaux et par les fontaines salées. On sent de quelle utilité peut être une pareille découverte, lorsqu'il s'agira d'établir des travaux pour l'exploitation des mines ; &, en faisant attention à la distinction que nous avons donnée des montagnes, on saura la nature des substances que l'on pourra espérer d'y trouver lorsqu'on y voudra fouiller. Personne n'a mieux fait sentir cette distinction que M. Lehman, de l'académie royale des Sciences de Berlin, dans son Essai d'une histoire naturelle des couches de la terre, qui forme le III. vol. de la traduction française des œuvres de ce savant physicien, que j'ai publiée en 1759.

On a déjà fait remarquer que toutes les montagnes, de quelque nature qu'elles soient, sont sujettes à éprouver de très-grands changements. Les eaux du ciel, les torrents en arrachent souvent des parties considérables et des quartiers de rochers qui sont portés dans les plaines quelquefois à des distances étonnantes, et ces mêmes eaux y creusent des précipices. Les tremblements de la terre y produisent des fentes, les eaux intérieures y font des grottes et des excavations qui causent quelquefois leur affaissement total. Pline et Strabon nous apprennent que deux montagnes du voisinage de Modene se sont rapprochées tout-à-coup pour n'en faire plus qu'une seule.

Plusieurs montagnes vomissent des flammes, ce sont celles que l'on nomme volcans : voyez cet article. Quelques-unes, après avoir été des volcans pendant plusieurs siècles, cessent tout-à-coup de vomir du feu, et sont remplacées par d'autres montagnes qui commencent alors à présenter les mêmes phénomènes.

Les montagnes varient pour les aspects qu'elles nous présentent, qui sont quelquefois très-singuliers. Telle est la montagne inaccessible que l'on met au rang des merveilles du Dauphiné ; elle ressemble à un cône renversé, n'ayant par sa base que mille pas de circonférence, tandis qu'elle en a deux mille à son sommet.

On voit à Aderbach en Bohème une suite de montagnes ou de masses de rochers de grès, qui présentent le coup d'oeil d'une rangée de colonnes ou de piliers semblables à des ruines ; quelques-uns de ces piliers sont comme des quilles appuyées sur la pointe. Il parait que cet assemblage de masses isolées a été formé par les eaux, qui ont peu-à-peu excavé et miné le grès qui les compose. M. Gmelin dit avoir Ve en Sibérie plusieurs montagnes ou rochers qui présentaient le même aspect.

Après avoir fait voir les différences qui se trouvent entre les montagnes primitives et celles qui sont récentes, il sera à propos de rapporter les sentiments des plus célèbres physiciens sur leur formation ; les opinions sur cette matière sont très-partagées, ainsi que sur beaucoup d'autres, et l'on verra que faute d'avoir distingué les montagnes de la manière qui a été indiquée, on est tombé dans bien des erreurs, et l'on a attribué une même cause à des effets tout différents.

Thomas Burnet a cru qu'au commencement du monde notre globe était uni et sans montagnes, qu'il était composé d'une croute pierreuse qui servait d'enveloppe aux eaux de l'abîme ; qu'au temps du déluge universel, cette croute s'est crevée par l'effort des eaux, et que les montagnes ne sont que les fragments de cette croute dont une partie s'est élevée, tandis qu'une autre partie s'est enfoncée.

Woodward admet des montagnes telles que nous les voyons dès avant le déluge, mais il dit que dans cette catastrophe toutes les substances dont la terre était composée, ont été dissoutes et mises dans l'état d'une bouillie, et qu'ensuite les matières dissoutes se sont déposées et ont formé des couches en raison de leur pesanteur spécifique. Ce sentiment a été adopté par le célèbre Scheuchzer, et par un grand nombre de naturalistes, qui n'ont pas fait attention que quand même on admettrait cette hypothèse pour les montagnes récentes et formées par couches, elle n'était pas propre à expliquer la formation des hautes montagnes que nous avons appelées primitives.

Ray suppose des montagnes dès le commencement du monde, qui, selon lui, ont été produites parceque la croute de la terre a été soulevée par les feux souterrains, à qui cette croute ôtait un passage libre, et dans les endroits où ces feux se sont fait une issue, ils ont formé des montagnes par l'abondance des matières qu'ils ont vomi ; cependant il suppose que dans le commencement la terre était entièrement couverte d'eau. Ce sentiment de Ray a été suivi par Lazaro Moro qui l'a poussé encore plus loin, et qui voyant qu'en Italie tout le terrain avait été culbuté par des volcans et des tremblements de terre, qui quelquefois ont formé des montagnes, en a fait une règle générale, et s'est imaginé que toutes les montagnes avaient été produites de cette manière. En effet, la montagne appelée monte di Cinere, qui est dans le voisinage de Pouzzole, a été produite par un tremblement de terre en 1538. Mais on pourrait demander d'où sont venus les bitumes, les charbons de terre, et les autres matières inflammables qui servent d'aliment aux feux souterrains, et comment ces substances qui sont dû.s au règne végétal, ont-elles été enfouies dès la création du monde dans le sein de la terre. D'ailleurs on ne peut nier que quelques montagnes n'aient été produites de cette façon ; mais elles sont très-différentes des montagnes primitives et des montagnes formées par couches.

Le célèbre Leibnitz dans sa Protogée, suppose que la terre était au commencement toute environnée d'eau, qu'elle était remplie de cavités, et que ces cavités ont occasionné des éboulements qui ont produit les montagnes et les vallées. Mais on ne nous apprend point ce qui a produit ces cavités, et d'ailleurs ce sentiment n'explique point la formation des montagnes par couches.

Emmanuel Swedenborg croit que les endroits où l'on trouve des montagnes ont été autrefois le lit de la mer, qui couvrait une portion du continent qu'elle a été forcée d'abandonner depuis ; ce sentiment est très-probable, et le plus propre à expliquer la formation des montagnes composées de couches ; mais il ne suffit point pour faire connaître l'origine des montagnes primitives.

M. Schulze ayant publié en 1746 une édition allemande de l'histoire naturelle de la Suisse du célèbre Scheuchzer, y a joint une dissertation sur l'origine des montagnes, dont on croit devoir donner ici le précis. Il suppose 1°. que la terre n'a point toujours tourné sur son axe, et qu'au commencement elle était parfaitement sphérique, d'une consistance molle, et environnée d'eau ; 2°. lorsque la terre commença à tourner sur son axe, elle a dû s'aplatir vers ses pôles, et sa surface a dû augmenter vers l'équateur à cause de la force centrifuge. L'auteur s'appuie des observations de M. de Maupertuis, qui a jugé que le diamètre de la terre devait être aux pôles de 6525600 taises et à l'équateur de 6562480, d'où l'on voit que le diamètre de la terre sous la ligne, excède de 36880 taises le diamètre de la terre sous les pôles.

M. Schulze observe que lorsque la terre était parfaitement ronde, son diamètre devait être de 6537319 taises, et conséquemment elle a dû s'aplatir vers les pôles de 11719 taises, et s'élever vers la ligne de 25161. Le même auteur prétend que les plus hautes montagnes n'ont guère que 12000 pieds d'élévation perpendiculaire au-dessus du niveau de la mer, qui elle-même n'a guère plus de 12000 pieds de profondeur.

De cette manière il fait voir que les plus hautes montagnes ont dû se trouver vers l'équateur, ce qui est conforme aux observations les plus exactes et les plus récentes ; mais suivant ce système, la direction de ces montagnes devrait être la même que celle de l'équateur, ce qui n'est point vrai, puisque nous voyons, par exemple, que la Cordilière coupe, pour ainsi dire, l'équateur à angles droits ; et d'ailleurs les montagnes de la Norwège, de la Russie, les Alpes, les Pyrénées, sont certainement des montagnes du premier ordre, cependant elles sont très-éloignées de la ligne.

Quant aux montagnes par couches, M. Schulze croit que différentes parties de la terre ont essuyé à plusieurs reprises des inondations distinctes, qui ont déposé des lits différents, et dont les dépôts se sont faits tantôt dans des eaux tranquilles, tantôt dans des eaux violemment agitées. Ces inondations ont quelquefois couvert le sommet des montagnes les plus anciennes ; c'est pour cela qu'il y en a où l'on trouve des couches de terre, et des amas de pierres et de débris. C'est ainsi qu'il nous apprend avoir trouvé le sommet du mont Rigi en Suisse, couvert d'un amas de pierres roulées et liées les unes aux autres par un gluten composé de limon et de sable. Il prétend qu'il y a eu autant d'inondations, qu'il y a de couches différentes ; que ces inondations se sont faites à une grande distance les unes des autres ; que les tremblements de la terre et ses affaissements ont dérangé et détruit quelques montagnes ; d'où l'on voit qu'elles n'ont pu être formées ni en même temps, ni de la même manière. Voyez TERRE (couches de la).

Enfin, M. Rouelle a un sentiment sur la formation des montagnes qu'il faut espérer qu'il communiquera quelque jour au public ; en attendant voici les principaux points de son système, qui parait avoir beaucoup de vraisemblance. Il suppose que dans l'origine des choses les substances qui composent notre globe nâgeaient dans un fluide ; que les parties similaires qui composent les grandes montagnes, se sont rapprochées les unes des autres, et ont formé au fond des eaux une crystallisation. Ainsi il regarde toutes les montagnes primitives comme des crystaux qui se sont quelquefois grouppés et réunis à la manière des sels, et qui quelquefois se sont trouvés isolés. Ce sentiment acquerra beaucoup de probabilité, quand on fera attention à la forme pyramidale que les grandes montagnes affectent pour l'ordinaire, et que les pierres en se formant suivent toujours une espèce de régularité dans le tissu ou l'arrangement de leurs parties. A l'égard des montagnes par couches, M. Rouelle les attribue tant au séjour de la mer, qu'au déluge universel, aux inondations locales, et aux autres révolutions particulières, arrivées à quelques portions de notre globe. (-)

MONTAGNES, s. f. (Géographie) dans l'article qui précède on a considéré les montagnes en physicien ; dans celui-ci on Ve les considérer relativement à la Géographie, c'est-à-dire, suivant leur position, leur hauteur, leur étendue en longueur, qui sert souvent de limites entre les peuples, et leurs rapports.

Divers auteurs en traitant des principes de la Géographie, ont indiqué dans leurs ouvrages des règles pour mesurer la hauteur des montagnes ; mais ces règles, quoique fort belles, appartiennent à la Physique et à la Trigonométrie. C'est assez de remarquer en passant, que la méthode qu'on donne de mesurer la hauteur d'un sommet de montagnes par les angles, n'est pas d'une exactitude certaine, à cause de la réfraction de l'air, qui en change plus ou moins le calcul à proportion de la hauteur ; et c'est un inconvénient considérable dans cette méthode. La voie du baromètre serait plus courte et plus facile, si on avait pu convenir du rapport précis qu'a son élévation avec celle des lieux où il est placé ; car le mercure contenu dans le baromètre ne monte ni ne descend que par le plus ou le moins de pesanteur de la colonne d'air qui presse. Or cette colonne doit être plus courte au sommet d'une montagne, qu'au pied.

On a tâché de fixer le rapport de la hauteur du vif-argent à celle de la montagne ; mais il ne parait pas que l'on soit encore arrivé à cette précision si nécessaire pour la sûreté du calcul. Par exemple, on a trouvé que sur le sommet du Snowdon-Hill, qui est une des plus hautes montagnes de la grande-Bretagne, le mercure baisse jusqu'à 24 degrés. Il s'agirait donc pour mesurer la hauteur de cette montagne, d'établir exactement combien cette baisse doit valoir de taises ; cependant c'est là-dessus qu'on n'est point d'accord ; les tables de M. Cassini donnent pour 24 degrés de la hauteur du baromètre 676 taises ; celles de Mariotte, 544 taises ; et celles de Scheuchzer, 559. Cette différence si grande entre d'habiles gens, est une preuve de l'imperfection où est encore cette méthode.

Je ne parle pas de la manière qu'ont les voyageurs de mesurer la hauteur d'une montagne, en comptant les heures qu'ils marchent pour arriver au sommet, et faisant de chaque heure une lieue. Tout le monde sent que cette méthode est la plus fautive de toutes ; car outre qu'on ne monte point une montagne en ligne droite, que l'on fait des détours pour en adoucir la marche, le temps que l'on met à la monter, doit varier à proportion que l'on Ve plus ou moins vite, et que la pente est plus ou moins roide.

Il est certain qu'il y a des montagnes d'une extrême hauteur, comme le Caucase en Asie, le mont Cassin, les Andès en Amérique, le pic d'Adam dans l'île de Ceylan, le pic saint Georges aux Açores, le pic de Ténériffe en Afrique, et plusieurs autres.

Il y a des montagnes isolées et indépendantes, qui semblent sortir d'une plaine, et dont on peut faire le tour. Il y en a qui sont contiguès à d'autres montagnes, comme les Alpes, les Pyrénées, le mont Krapack, etc.

Il y a des montagnes qui semblent entassées les unes sur les autres ; de sorte que quand on est arrivé au sommet de l'une, on trouve une plaine où commence le pied d'une autre montagne. De-là est venu l'idée poétique de ces géans, qui posaient les montagnes l'une sur l'autre pour escalader le ciel. Il y a des montagnes qui s'étendent à-travers de vastes pays, et qui souvent leur servent de bornes. Les Alpes, par exemple, séparent l'Italie de la France et de l'Allemagne.

Les montagnes ainsi continuées, se nommaient en latin jugum, et s'appellent dans notre langue une chaîne de montagnes, parce que ces montagnes sont comme enchainées l'une à l'autre ; et quoiqu'elles aient de temps en temps quelque interruption, soit pour le passage d'une rivière, soit par quelque col, pas, ou défilé, qui les abaisse, elles se relèvent bientôt, et continuent leur cours.

Ainsi les Alpes traversant la Savoie et le Dauphiné, se continuent par une branche qui commence au pays de Gex, court le long de la Franche-Comté, du Suntgow, de l'Alsace, du Palatinat, jusqu'au Rhin et la Vétéravie. Une autre branche part du Dauphiné, recommence de l'autre côté du Rhône, traverse le Vivarais, le Lyonnais, et la Bourgogne jusqu'à Dijon, envoie ses rameaux dans l'Auvergne et dans le Forès. Au midi elle se continue par les Cévennes, traverse le Languedoc, et se joint aux Pyrénées, qui séparent la France de l'Espagne.

Ces mêmes montagnes se partagent sous d'autres noms en quantité de branches. L'une court par la Navarre, la Biscaye, la Catalogne, l'Aragon, la nouvelle Castille, la Manche, la Sierra Morena, et traverse le Portug al. Une autre branche partant de la Manche, traverse le royaume de Grenade, l'Andalousie, et vient se terminer à Gibraltar, pour se relever en Afrique, de l'autre côté du détroit où commence le mont Atlas, dont je parlerai bientôt.

Ce n'est pas tout encore. Les Alpes occupées par les Suisses, la Souabe, et le Tirol, envoyent une nouvelle branche qui serpente dans la Carniole, la Stirie, l'Autriche, la Moravie, la Bohème, la Pologne, jusque dans la Prusse. Une autre branche différente part du Tirol, parcourt le Cadorin, le Frioul, la Carniole, l'Istrie, la Croatie, la Dalmatie, l'Albanie ; tandis qu'une des branches Ve se terminer dans le golfe de Patras, une autre Ve séparer la Janna de la Livadie ; une autre Ve couper en deux la Macédoine ; une autre se divisant en divers rameaux, Ve former les fameuses montagnes de Thrace. Ces mêmes montagnes descendent dans la Bosnie, la Servie, passent le Danube, se portent le long de la Valachie, et vont à-travers la Transylvanie et la Moldavie, joindre le mont Krapack ; celui-ci par la Moravie, vient embrasser les montagnes de Bohème.

Une dernière branche des Alpes, court le long des états de Gènes et du Parmésan, pour se réunir à l'Apennin, qui comme un arbre envoie quantité de rameaux dans toute l'Italie, jusqu'au phare de Messine. Il se relève encore dans la Sicile, qu'il parcourt presque en tout sens, changeant cent fois de nom.

Le mont Atlas en Afrique, envoie une branche qui Ve jusqu'à l'Océan, et en produit une autre qui Ve jusqu'à l'Egypte. Le royaume de Dancali, situé tout à l'entrée de la mer rouge, n'est presqu'autre chose que cette même chaîne, que le détroit de Babel-Mandel interrompt à peine. Les montagnes de la Meque et de l'Yémen, se joignent à celles de l'Arabie Pétrée, et puis à celles de la Palestine et de la Syrie, entre lesquelles est le Liban.

Les monts qui s'étendent le long de la mer en-deçà d'Antioche de Syrie, continuent cette chaîne jusqu'au Taurus. Celui-ci a trois principaux bras ; l'un s'étendant à l'occident, court jusqu'à l'Archipel. Le second avançant vers le nord par l'Arménie, Ve prendre le nom de Caucase, entre la mer Noire et la mer Caspienne. Le troisième bras court vers l'orient, passe l'Euphrate, coupe la Mésopotamie en plusieurs sens, Ve se joindre aux montagnes du Curdistan, et remplit toute la Perse de ses rameaux.

Le bras qui se distribue dans la Perse, ne s'y borne pas. Il entre dans la Corassane, et recevant le nom d'Imaus, il sépare la Tartarie de l'Indoustan. Entre ses plus considérables parties il s'en détache une qui prend le nom de montagne de Gate, sépare la côte de Malabar de celle de Coromandel, et Ve se terminer au cap de Comorin. Une autre partie de l'Imaus forme trois nouvelles chaînes, dont l'une Ve jusqu'à l'extrémité de l'île de Malaca ; l'autre jusqu'au royaume de Camboge, et la troisième après avoir partagé la Cochinchine dans toute sa longueur, Ve finir dans la mer, au royaume de Ciampa.

Le Junnan et autres provinces de la Chine, sont situés dans un appendice de cette montagne. Le Tangut, le Thibet, la Tartarie Chinoise, toute la Tartarie russienne, y comprise la grande presqu'île de Kamtschatka, et la Sibérie et toute la côte de la mer Blanche, sont hérissées de cette même chaîne de montagnes qui, par diverses branches qu'elle jette dans la grande Tartarie, Ve se rejoindre à l'Imaus. En vain la mer Blanche semble l'interrompre, elle se relève de l'autre côté dans la Laponie, et courant de-là entre la Suède et la Norvege, elle arrive enfin à la mer de Danemark.

Il règne la même économie des montagnes en Amérique. En commençant par l'isthme de Panama, nous y voyons ces hautes montagnes qui séparent les deux mers, traversent la Castille d'or et le Popayan. Cette même chaîne court le long du Pérou, du Chili et de la terre Magellanique, jusqu'au détroit de Magellan qui en est bordé. Une branche de ces montagnes semble sortir du Popayan, coupe la Goyanne et borde toute la côte du Bresil et du Paraguay. Si on parcourt l'Amérique septentrionale, on trouvera semblablement de vastes chaînes de montagnes qui serpentent dans la nouvelle Espagne, dans le nouveau Mexique, dans la Louisiane, le long de la Caroline, de la Virginie, du Maryland et de la Pensylvanie.

Ne croirait-on pas à cet étalage de troncs, de branches et de rameaux, qu'il ne s'agit point ici de ces monts sourcilleux qui se perdent dans les nuès, et séparent les plus grands royaumes du globe terrestre, mais qu'il est question des ramifications de l'aorte, de la veine cave, ou des nerfs sympathiques ? Il est cependant vrai que je ne puis guère m'expliquer autrement, et que les principales montagnes de l'univers ont entr'elles un enchainement assez semblable à celui qu'ont les nerfs, les vertèbres ou les vaisseaux sanguins. Le comte de Marsilly avait eu le projet, sur la fin de sa vie, de prouver cette singulière connexion de montagnes. Son livre devait être intitulé Ossatura terrae, l'Ossature de la terre ; et le titre était ingénieux dans l'idée d'un physicien qui regardait les montagnes sur le globe, comme l'anatomiste regarde les côtes et les os dans la charpente du corps de l'animal.

Mais toutes les montagnes de la terre ne se continuent pas par une chaîne plus ou moins grande. Il en est de considérables, qui sont très-isolées, comme l'Etna, le Vésuve, le Pic d'Adam, le Pic de Ténériffe et quantité d'autres.

S'il y en a d'une extrême hauteur, comme nous l'avons dit, il s'en trouve aussi d'une hauteur médiocre, comme sont la plupart des montagnes de France et d'Allemagne ; il y en a même sans nombre de très-peu élevées, et qui ne méritent que le nom de coteaux ou de collines.

Il règne quantité de différences dans leur structure, qui doivent être observées. Il y a par exemple, des montagnes dont la cime se termine en pointe ; d'autres au haut desquelles on trouve une plaine assez spacieuse, et quelquefois même des lacs poissonneux ; d'autres au contraire n'ont que des roches dépouillées de verdure ; d'autres n'ont pour sommet que d'affreuses masses de glaces, comme les glaciers de Suisse : en un mot, on trouve une variété prodigieuse dans la conformation des montagnes ; et cette variété en met beaucoup dans les avantages ou désavantages qu'elles procurent aux pays sur lesquels elles dominent.

Les unes produisent des métaux, des minéraux, des pierres précieuses, d'autres du bois pour bâtir ou pour le chauffage ; d'autres de gras pâturages ; d'autres sont couvertes d'une pelouse sous laquelle on trouve des veines de marbre, de jaspe ou autres pierres, dont les hommes ont tiré de l'agrément ou de l'utilité. Voyez l'article précédent.

Il y a des montagnes qui jettent de la fumée, des cendres ou des flammes, comme l'Etna, le Vésuve, l'Hécla et plusieurs autres : on les nomme volcans. Voyez l'article VOLCAN.

Quelques montagnes ont le sommet couvert d'une neige qui ne fond jamais ; d'autres n'ont point de neige, et d'autres n'en ont que pendant une partie de l'année, plus ou moins longue : cela dépend de leur hauteur, de leur exposition, du climat et de la rigueur ou de la douceur des Saisons. Les Allemands appellent berg, une montagne, et les Espagnols sierra, voyez SIERRA.

Les abîmes sont opposés aux montagnes. Il y a des montagnes qui en enferment entr'elles de si profonds et de si affreux, que l'on ne peut en soutenir la vue sans que la tête en tourne : c'est ce qu'on nomme des précipices. Il y a finalement, telle montagne dont le passage est très-dangereux, ou absolument impossible à cause de ces précipices. (D.J.)

MONTAGNES DE GLACE, (Physiq. et Navigat.) on nomme montagnes de glaces ces amas immenses de glaces, tant en étendue qu'en hauteur, qu'on rencontre dans les mers du Nord, de Groenland, de Spitbergen, dans la baie de Baffin, le détroit de Hudson et autres mers septentrionales.

Ces glaces entassées sont si monstrueuses qu'il y en a de quatre ou cinq cent verges, c'est-à-dire de douze ou quinze cent pieds d'épaisseur ; c'est sur quoi je pourrais citer les relations de plusieurs voyageurs : mais ces citations ne nous expliqueraient point comment ces montagnes prodigieuses se forment.

Plusieurs auteurs ont essayé de résoudre cette question, entr'autres le capitaine Middleton anglais, qui a donné à ce sujet les conjectures les plus vraisemblables.

Le pays, dit-il, est fort élevé tout le long de la côte de la baie de Baffin, du détroit de Hudson, etc. et il l'est de cent brasses ou davantage, tout près de la côte ; ces côtes ont quantité de golfes, dont les cavités sont remplies de neiges et de glaces gelées jusqu'au fond, à cause de l'hiver presque continuel qui règne dans ces endroits. Ces glaces se détachent et sont entrainées dans les endroits, où elles augmentent en masse plutôt qu'elles ne diminuent, l'eau étant presque toujours extrêmement froide pendant les mois de l'été. Elles refroidissent aussi tellement l'air, qu'il se fait un accroissement continuel à ces montagnes de glaces, par l'eau de la mer qui les arrose à chaque instant, et par les brouillards humides et très-fréquents dans ces endroits, qui tombent en forme de petite pluie, et se congèlent en tombant sur la glace. Ces montagnes ayant beaucoup plus de profondeur au-dessous de la surface de la mer qu'elles ne s'élèvent au-dessus, la force des vents ne peut pas faire un grand effet sur elles pour les mouvoir : car quoique le vent souffle du côté du nord-ouest pendant neuf mois de l'année, et que par-là ces îles soient poussées vers un climat plus chaud, leur mouvement est néanmoins si lent, qu'il leur faudrait un siècle pour avancer cinq ou six cent lieues vers le sud.

Les amas de glaçons qu'on voit près du Groenland, ont commencé par se détacher des grandes rivières de Moscovie, en flottant dans la mer où ils se sont accrus chaque année par la chute de la neige qui ne s'est pas fondue pendant l'été, en aussi grande quantité qu'elle était tombée. De plus, l'eau des vagues de la mer qui se brisent sans cesse contre les masses de glace et qui en réjaillissent, ne manque pas de se geler à son tour, et forme insensiblement dans ces contrées froides, des masses énormes et anguleuses de glace, comme le remarquent ceux qui navigent en Groenland. On voit de ces montagnes de glace s'élever au-dessus de l'eau aussi haut que des tours, tandis qu'elles sont enfoncées sous l'eau jusqu'à la profondeur de quarante brasses, c'est-à-dire plus de deux cent pieds. Voilà pourquoi les Navigateurs rencontrent dans les mers du Nord, des montagnes de glace qui ont quelques milles de tour, et qui flottent sur mer comme de grandes iles. On en peut lire les détails dans la pêche de Groenland, par Zordrager. (D.J.)

MONTAGNES DE ROME, (Antiquité romaine) Romulus fonda la ville de Rome sur le mont Palatin ; et cette ville s'agrandit tellement dans la suite qu'elle se trouva renfermer sept montagnes dans son enceinte, ce qui lui valut le nom célèbre de septicollis, la ville à sept montagnes ; mais il ne faut se figurer ces montagnes ou collines, que comme des hauteurs que l'on monte dans plusieurs endroits presqu'insensiblement.

Les sept montagnes, anciennement renfermées dans Rome, étaient 1°. le mont Palatin, Palazzo maggiore ; 2°. le mont Quirinal, monte Cavallo ; 3°. le mont Caelius, Monte di san Giovanni Laterano ; 4°. le mont Capitolin, campidoglio ; 5°. le mont Aventin, monte di santa Sabina ; 6°. le mont Esquilin, monte di S. Maria maggiore ; 7°. le mont Viminal, Viminale.

Outre ces montagnes, il y a aujourd'hui le Janicule ou le Montorio ; le mont de Gl'ortuli ou della SS. Trinita, ainsi appelé de la belle église des Minimes, contiguè au jardin du grand duc de Toscane. Le Testaceo, qui a été formé de vases de terre brisés ; enfin le Vatican si renommé par l'église de Saint Pierre, et par le palais du pape. Nous ne parlerons ici que des sept montagnes de l'ancienne Rome et du Janicule.

1°. D'abord pour ce qui regarde le mont Palatin, les auteurs sont partagés sur l'étymologie de ce nom. Les uns veulent que les Aborigènes, appelés autrement Palatins, aient donné leur nom à cette montagne, lorsqu'ils la vinrent habiter du territoire de Béate qu'on nommait aussi Palatium. D'autres en font l'honneur à Palatia femme de Latinus ; d'autres à Palanto fille d'Hyperborée, femme d'Hercule et mère de Latinus. d'autres tirent son origine du verbe palare, qui signifie errer, parce qu'on menait paitre des troupeaux sur cette colline. D'autres enfin le font venir de Palas fils d'Hercule, et de Dyna fille d'Evandre, qui eut en ce lieu là sa sépulture. Denis d'Halicarnasse semble décider la question au commencement du second livre, où il dit que les Arcadiens étant venus habiter cette montagne, ils nommèrent Paleuce la ville qu'ils y bâtirent, du nom d'une ville d'Arcadie dont ils étaient originaires. Le mont Palatin fut le premier que Romulus fit fermer de murailles, par une prédilection particulière pour cette montagne, où ils avaient été élevés son frère et lui, et sur laquelle il avait eu l'heureux auspice des douze vautours, qui lui avait donné la préférence sur son frère Rémus.

2°. Le mont Quirinal ; les Curetes qui vinrent de Cures à Rome avec le Roi Tatius, donnèrent leur nom à cette colline, parce qu'ils y avaient placé leur camp. Denis d'Halicarnasse appelle cette montagne, collem Agonalem : c'est le nom qu'elle portait avant que les Sabins eussent fait alliance avec les Romains.

3°. Mont Caelius ; il eut son nom d'un certain Caelius Vibennus, capitaine hétrusque, qui vint avec une troupe d'élite au secours de Romulus contre le roi des Sabins. Cette montagne était couverte autrefois de chênes ; c'est pourquoi Tacite, lib. IV. Ann. en parlant du mont Caelius, ne le désigne que par le nom qu'il portait alors, Querquetulanum montem.

4°. Mont Capitolin ; cette montagne fut fameuse par trois noms qu'elle porta. 1°. elle fut appelée mons Saturnius, de Saturne qui l'avait anciennement habitée, et sous la protection duquel elle fut toujours depuis : 2°. mons Tarpeïus, de cette fameuse Tarpeïa ; qui y fut accablée sous les boucliers des Sabins, comme Denis d'Halicarnasse le raconte ; et qui y eut sa sépulture : 3°. mons Capitolinus, parce qu'en fouillant les fondements du temple de Jupiter sur cette montagne, on y trouva la tête d'un homme ; c'est ce nom qui a prévalu dans la suite sur les deux autres qu'elle portait auparavant. La maison qu'habitait Tatius sur le capitole, fut changée en un temple dédié à Juno moneta, parce qu'elle avait donné, diton, des avis salutaires aux Romains dans la guerre contre les Arunces ; ou selon Suidas, parce qu'elle leur avait promis que dans la guerre contre Pyrrhus, l'argent ou la monnaie ne leur manquerait point.

Ce mont fut le plus célèbre de tous, à cause du temple de Jupiter commencé par Tarquin l'ancien, achevé par Tarquin le superbe, et dédié par Horatius Pulvillus. C'était là où se faisaient les vœux solennels, où les citoyens prêtaient serment de fidélité, et où les Triomphateurs venaient rendre grâce aux dieux de la victoire qu'ils avaient obtenue.

Mais pour dire quelque chose de plus particulier, on conservait à Rome sur le mont Capitolin, avec une espèce de religion, la maison de Romulus, couverte de chaume : elle existait encore du temps de Virgile. Séneque dit noblement, colit etiamnum in Capitolio casam victor gentium populus : Vitruve ajoute, significat mores vetustatis casa in arce sacrorum, stramentis tecta. C'est ainsi qu'on conservait encore alors dans la ville d'Athènes l'ancien Aréopage, qui n'était couvert que de terre.

5°. Mont Aventin ; Tite-Live dit que le mont Aventin est au-delà de la porte Trigémine, c'est-à-dire au-delà de l'ancienne enceinte de Rome. Denis d'Halicarnasse au contraire, le renferme dans l'enceinte de la ville : mais il est aisé d'accorder les deux historiens. L'historien latin ne renferme point dans la ville l'espace qu'occupait le Pomoerium au-delà des murs ; l'historien grec pousse plus loin les bornes de Rome, et ne les termine qu'au-delà des murs qui enfermaient le Mont Aventin, quand il commença d'être habité. Il reste à savoir d'où le mont Aventin fut ainsi nommé. L'opinion la plus vraisemblable, en rapporte l'origine à un des rois d'Albe nommé Aventinus qui fut enterré sur cette montagne. Ce fut là le lieu où se plaça Rémus pour prendre des auspices ; et comme le succès n'en fut pas heureux, Romulus le négligea, et ne voulut point de son règne le renfermer dans Rome ; ni le faire habiter.

La vallée qui séparait le mont Palatin du mont Aventin, était plantée de myrtes, d'où la montagne même portait le nom de mons myrteus. C'est peut-être pour cette raison qu'au pied de la montagne il y avait un temple consacré à Vénus, parce que le myrte est sous sa protection.

6°. Mont Esquilin, mons Esquilinus ; quelques-uns tirent l'origine de ce nom ab excubiis, de la garde que Romulus y fit faire pour s'assurer contre les soupçons qu'il avait de la mauvaise foi de Titus Tatius, avec lequel il était entré en société du gouvernement. De-là, disent-ils, cette montagne fut appelée d'abord mons excubinus, et ensuite par corruption esquilinus. Ovide appuie cette étymologie, lib. III. Fast. Ce mont a été aussi nommé, mons Cespius, Oppius et Septimius, de quelques petites hauteurs particulières qui étaient sur cette colline.

7°. Mont Viminal, Mons Viminalis ; Servius Tullius l'enferma dans l'enceinte de Rome, ainsi que le mont Esquilin. Varron dit qu'il fut ainsi nommé à Jove viminaeo, parce que Jupiter avait des autels sur cette montagne, qui était couverte d'un bois pliant et propre à faire des liens, tels que sont l'osier, le saule et le bouleau.

8°. Mont Janicule ; cette montagne fut ainsi nommée, parce qu'anciennement c'était le passage par où les Romains entraient dans le pays des Hétrusques. D'autres disent que Janus qui l'avait habitée, et qui y était enterré, lui avait donné son nom.

Le Janicule était placé au-delà du Tibre, et demeura longtemps sans être compris dans l'enceinte de la ville. C'était la plus haute montagne de Rome, et d'où l'on pouvait mieux découvrir toute la ville. Pendant que le peuple romain était assemblé par centuries, on y tenait des troupes rangées en bataille, pour la sûreté de la république contre la surprise des ennemis. (D.J.)

MONTAGNE, le bailliage de la, (Géographie) petit pays de France dans le gouvernement militaire de la Bourgogne, au nord de cette province, le long de la rivière de Seine. Il est enclavé dans la Champagne ; ses deux seules villes sont Châtillon et Bar-sur-Seine. Il a pris son nom des montagnes dont il est rempli. (D.J.)

MONTAGNE DE LA TABLE, (Géographie) montagne d'Afrique dans la partie méridionale, au cap de bonne Espérance. On lui a donné ce nom, parce que son sommet est fort plat, quoique la montagne de la Table soit à une lieue du cap, sa hauteur fait qu'elle semble être au pied ; son sommet est une esplanade d'environ une lieue de tour, presque toute de roc et unie, excepté qu'elle se creuse un peu dans le milieu ; les vues en sont très-belles. D'un côté, on découvre la baie du cap et toute la rade ; d'un autre côté, s'offrent aux yeux les mers du Sud ; du troisième côté se voit le faux cap, avec une grande île qui est au milieu ; et du quatrième côté, c'est le continent de l'Afrique, où les Hollandais ont plusieurs habitations admirablement bien cultivées. Au-dessous de la montagne est bâti le fort des Hollandais pour leur sûreté. (D.J.)

MONTAGNE DES BEATITUDES, (Géographie) montagne de la Judée, aux environs de la tribu de Nephtali ; elle est séparée des autres, et s'élève comme au milieu d'une plaine. La tradition veut que ce soit sur cette montagne, que Jesus-Christ fit ce beau sermon, qui contient toute la perfection du christianisme. (D.J.)

MONTAGNE DE L'OISEAU, (Géographie) ou mont S. Bernardin, par les Italiens monte di Uccello, et par les Allemands Vogelsberg, montagne du pays des Grisons dans le Rhinwald. Voyez VOGELSBERG. (D.J.)