Les maîtres de l'art restraignent la métonymie aux usages suivants.

I. La cause pour l'effet. Par exemple : vivre de son travail, c'est-à-dire, vivre de ce qu'on gagne en travaillant.

Les Payens regardaient Cérès comme la déesse qui avait fait sortir le blé de la terre, et qui avait appris aux hommes la manière d'en faire du pain : ils croyaient que Bacchus était le dieu qui avait trouvé l'usage du vin ; ainsi ils donnaient au blé le nom de Cérès, et au vin le nom de Bacchus : on en trouve un grand nombre d'exemples dans les poètes.

Virgile, Aen. I. 219. a dit, un vieux Bacchus, pour du vin vieux :

Implentur veteris Bachi.

Madame des Houlières a fait une ballade, dont le refrein est,

L'Amour languit sans Bacchus et Cérès :

c'est la traduction de ce passage de Terence, Eun. IV. 6. Sine Cerere et Libero friget Venus : c'est-à-dire, qu'on ne songe guère à faire l'amour, quand on n'a pas de quoi vivre.

Tum Cererem corruptam undis cerealiaque arma

Expediunt fessi rerum.

Scarron dans sa traduction burlesque, liv. I. se sert d'abord de la même figure ; mais voyant bien que cette façon de parler ne serait point entendue en notre langue, il en ajoute l'explication.

Lors fut des vaisseaux descendue

Toute la Céres corrompue ;

En langage un peu plus humain,

C'est de quoi l'on fait du pain.

Ovide a dit, Trist. VI. Ve 4. qu'une lampe prête à s'éteindre, se rallume quand on y verse Pallas :

Cujus ab alloquiis anima haec moribunda revixit,

Ut vigil infusâ Pallade flamma solet :

Pallas, c'est-à-dire, de l'huile. Ce fut Pallas, selon la fable, qui la première fit sortir l'olivier de la terre, et enseigna aux hommes l'art de faire de l'huîle ; ainsi Pallas se prend pour l'huile, comme Bacchus pour le vin.

On rapporte à la même espèce de figure les façons de parler où le nom des dieux du paganisme se prend pour la chose à quoi ils présidaient ; quoiqu'ils n'en fussent pas les inventeurs. Jupiter se prend pour l'air, Vulcain pour le feu. Ainsi pour dire, où vas-tu avec ta lanterne ? Plaute a dit, Amph. I. j. 185. Quò ambulas tu, qui Vulcanum in cornu conclusum geris ? (Où vas-tu, toi qui portes Vulcain enfermé dans une corne) ? Et Virgile, Aen. V. 662. furit Vulcanus : et encore au I. liv. des Géorgiques, voulant parler du vin cuit ou du raisiné que fait une ménagère de la campagne, il dit qu'elle se sert de Vulcain pour dissiper l'humidité du vin doux :

Aut dulcis musti Vulcano decoquit humorem. Ve 295.

Neptune se prend pour la mer ; Mars, le dieu de la guerre ; se prend souvent pour la guerre même, ou pour la fortune de la guerre, pour l'événement des combats, l'ardeur, l'avantage des combattants. Les historiens disent souvent qu'on a combattu avec un Mars égal, aequo Marte pugnatum est, c'est-à-dire, avec un avantage égal ; ancipiti Marte, avec un succès douteux ; vario Marte, quand l'avantage est tantôt d'un côté et tantôt de l'autre.

C'est encore prendre la cause pour l'effet, que de dire d'un général ce qui, à la lettre, ne doit être entendu que de son armée : il en est de même lorsqu'on donne le nom de l'auteur à ses ouvrages ; il a lu Cicéron, Horace, Virgile, c'est-à-dire, les ouvrages de Cicéron, etc. Jesus-Christ lui-même s'est servi de la métonymie en ce sens, lorsqu'il a dit, parlant des Juifs, Luc. XVIe 29. Habent Moïsen et prophetas, ils ont Moïse et les prophetes, c'est-à-dire, ils ont les livres de Moïse et ceux des prophetes.

On donne souvent le nom de l'ouvrier à l'ouvrage : on dit d'un drap que c'est un Van-Robais, un Rousseau, un Pagnon, c'est-à-dire, un drap de la manufacture de Van-Robais, ou de celle de Rousseau, etc. C'est ainsi qu'on donne le nom du peintre au tableau : on dit, j'ai Ve un beau Rembrant, pour dire un beau tableau fait par le Rembrant. On dit d'un curieux en estampes, qu'il a un grand nombre de Callots, c'est-à-dire, un grand nombre d'estampes gravées par Callot.

On trouve souvent dans l'Ecriture-sainte, Jacob, Israèl, Juda, qui sont des noms de patriarches, pris dans un sens étendu pour marquer tout le peuple juif. M. Fléchier, Orais. fun. de M. de Turenne, parlant du sage et vaillant Macchabée, auquel il compare M. de Turenne, a dit : " Cet homme qui réjouissait Jacob par ses vertus et par ses exploits ". Jacob, c'est-à-dire le peuple juif.

Au lieu du nom de l'effet, on se sert souvent du nom de la cause instrumentale qui sert à le produire : ainsi, pour dire que quelqu'un écrit bien, c'est-à-dire, qu'il forme bien les caractères de l'écriture, on dit qu'il a une belle main. La plume est aussi une cause instrumentale de l'écriture, et par conséquent de la composition ; ainsi plume se dit par métonymie, de la manière de former les caractères de l'écriture, et de la manière de composer. Plume se prend aussi pour l'auteur même : c'est une bonne plume, c'est-à-dire, c'est un auteur qui écrit bien ; c'est une de nos meilleures plumes, c'est-à-dire, un de nos meilleurs auteurs.

Style signifie aussi par figure la manière d'exprimer les pensées. Les anciens avaient deux manières de former les caractères de l'écriture. L'une était pingendo, en peignant les lettres ou sur des feuilles d'arbres, ou sur des peaux préparées, ou sur la petite membrane intérieure de l'écorce de certains arbres : (cette membrane s'appelle en latin liber, d'où vient livre), ou sur de petites tablettes faites de l'arbrisseau papyrus, ou sur de la toile, etc. Ils écrivaient alors avec de petits roseaux, et dans la suite ils se servirent aussi de plumes comme nous. L'autre manière d'écrire des anciens était incidendo, en gravant les lettres sur des lames de plomb ou de cuivre, ou bien sur des tablettes de bois enduites de cire. Or, pour graver les lettres sur ces lames ou sur ces tablettes, ils se servaient d'un poinçon qui était pointu par un bout et aplati par l'autre : la pointe servait à graver, et l'extrémité aplatie servait à effacer ; et c'est pour cela qu'Horace dit, I. Sat. Xe 72. stylum vertère, tourner le style, pour dire effacer, corriger, retoucher à un ouvrage. Ce poinçon s'appelait stylus, de , columna, columella, petite colonne ; tel est le sens propre de ces mots : dans le sens figuré, il signifie la manière d'exprimer les pensées. C'est en ce sens que l'on dit le style sublime, le style simple, le style médiocre, le style soutenu, le style grave, le style comique, le style poétique, le style de la conversation, etc. Voyez STYLE.

Pinceau, outre son sens propre, se dit aussi quelquefois par métonymie, comme plume, style : on dit d'un habîle peintre, que c'est un savant pinceau.

Voici encore quelques exemples tirés de l'Ecriture-sainte, où la cause est prise pour l'effet. Si peccaverit anima,... portabit iniquittatem suam, Levit. V. 1. elle portera son iniquitté, c'est-à-dire, la peine de son iniquitté. Iram Domini portabo, quoniam peccavi ei, Mich. VII. 9. où vous voyez que par la colere du Seigneur ; il faut entendre la peine qui est une suite de la colere. Non morabitur opus mercenarii tui apud te usquè mane, Levit. XIX. 13. opus, l'ouvrage, c'est-à-dire, le salaire, la récompense qui est dû. à l'ouvrier à cause de son travail. Tobie a dit la même chose à son fils tout simplement, iv. 15. Quicunque tibi aliquid operatus fuerit, statim ei mercedem restitue, et merces mercenarii tui apud te omninò non remaneat. Le prophète Osée dit, iv. 8. que les prêtres mangeront les péchés du peuple, peccata populi mei comedent, c'est-à-dire, les victimes offertes pour les péchés.

II. L'effet pour la cause. Comme lorsqu' Ovide, Metamorp. XII. 513. dit que le mont Pélion n'a point d'ombres, nec habet Pelion umbras ; c'est-à-dire qu'il n'a point d'arbres, qui sont la cause de l'ombre ; l'ombre, qui est l'effet des arbres, est prise ici pour les arbres mêmes.

Dans la Genèse, xxv. 23. il est dit de Rébecca, que deux nations étaient en elle ; duae gentes sunt in utero tuo, et duo populi ex ventre tuo dividentur ; c'est-à-dire, Esau et Jacob, les pères des deux nations ; Jacob des Juifs, Esau des Iduméens.

Les Poètes disent la pâle mort, les pâles maladies ; la mort et les maladies rendent pâle ; pallidamque Pyrenen, Pers. prol. la pâle fontaine de Pyrene ; c'était une fontaine consacrée aux muses : l'application à la poésie rend pâle, comme toute autre application violente. Par la même raison Virgile a dit : Aen. VI. 275.

Pallentes habitant morbi, tristisque senectus :

& Horace, I. Od. iv. pallida mors. La mort, la maladie et les fontaines consacrées aux muses ne sont point pâles, mais elles produisent la pâleur : ainsi on donne à la cause une épithète qui ne convient qu'à l'effet.

III. Le contenant pour le contenu. Comme quand on dit, il aime la bouteille, c'est-à-dire, il aime le vin. Virgile dit, Aen. I. 743. que Didon ayant présenté à Bitias une coupe d'or pleine de vin, Bitias la prit, et se lava, s'arrosa de cet or plein ; c'est-à-dire, de la liqueur contenue dans cette coupe d'or :

Ille impiger hausit

Spumantem pateram et pleno se proluit auro :

Auro est pris pour la coupe ; c'est la matière pour la chose qui en est faite (voyez SYNECDOQUE), ensuite la coupe est prise pour le vin.

Le ciel où les anges et les saints jouissent de la présence de Dieu, se prend souvent pour Dieu même : implorer le secours du ciel ; grâce au ciel ; pater, peccavi in coelum et coram te, mon père, j'ai péché contre le ciel et contre vous, dit l'enfant prodigue à son père, (Luc, ch. XVe 18.) le ciel se prend aussi pour les dieux du paganisme.

La terre se tut devant Alexandre, (I. Macchab. j. 3.) siluit terra in conspectu ejus ; c'est-à-dire, les peuples de la terre se soumirent à lui. Rome désapprouva la conduite d'Appius, c'est-à-dire, les Romains désapprouvèrent....

Lucrèce a dit (V. 1250.) que les chiens de chasse mettaient une forêt en mouvement ; sepire plagis saltum, canibusque cière : où l'on voit qu'il prend la forêt pour les animaux qui sont dans la forêt.

Un nid se prend aussi pour les petits oiseaux qui sont encore au nid.

Carcer (prison) se dit en latin d'un homme qui mérite la prison.

IV. Le nom du lieu où une chose se fait, se prend pour la chose même. On dit un caudebec, au lieu de dire un chapeau fait à Caudebec, ville de Normandie.

On dit de certaines étoffes, c'est une marseille, c'est-à-dire, une étoffe de la manufacture de Marseille : c'est une perse, c'est-à-dire, une toîle peinte qui vient de Perse.

A-propos de ces sortes de noms, j'observerai ici une méprise de M. Ménage, qui a été suivie par les auteurs du Dictionnaire universel, appelé communément Dictionnaire de Trév. c'est au sujet d'une sorte de lame d'épée qu'on appelle olinde : les olindes nous viennent d'Allemagne, et surtout de la ville de Sollingen, dans le cercle de Westphalie : on prononce Solingue. Il y a apparence que c'est du nom de cette ville que les épées dont je parle ont été appelées des olindes par abus. Le nom d'Olinde, nom romanesque, était déjà connu comme le nom de Sylvie ; ces sortes d'abus sont assez ordinaires en fait d'étymologie. Quoi qu'il en sait, M. Ménage et les auteurs du Dictionnaire de Trévoux n'ont point rencontré heureusement, quand ils ont dit que les olindes ont été ainsi appelées de la ville d'Olinde dans le Brésil, d'où ils nous disent que ces sortes de lames sont venues. Les ouvrages de fer ne viennent point de ce pays-là : il nous vient du Brésil une sorte de bois que nous appelons brésil ; il en vient aussi du sucre, du tabac, du baume, de l'or, de l'argent, etc. mais on y porte le fer de l'Europe, et surtout le fer travaillé.

La ville de Damas en Syrie, au pied du mont Liban, a donné son nom à une sorte de sabres ou de couteaux qu'on y fait : il a un vrai damas, c'est-à-dire, un sabre ou un couteau qui a été fait à Damas. On donne aussi le nom de damas à une sorte d'étoffe de soie, qui a été fabriquée originairement dans la ville de Damas ; on a depuis imité cette sorte d'étoffe à Venise, à Gènes, à Lyon, etc. ainsi on dit damas de Venise, de Lyon, etc. On donne encore ce nom à une sorte de prune, dont la peau est fleurie de façon qu'elle imite l'étoffe dont nous venons de parler.

Faïence est une ville d'Italie dans la Romagne : on y a trouvé la manière de faire une sorte de vaisselle de terre vernissée qu'on appelle de la faïence ; on a dit ensuite par métonymie, qu'on fait de fort belles faïances en Hollande, à Nevers, à Rouen, etc.

C'est ainsi que le Lycée se prend pour les disciples d'Aristote, ou pour la doctrine qu'Aristote enseignait dans le Lycée. Le Portique se prend pour la Philosophie que Zénon enseignait à ses disciples dans le Portique.... on ne pense point ainsi dans le Lycée, c'est-à-dire, que les disciples d'Aristote ne sont point de ce sentiment.... le Portique n'est pas toujours d'accord avec le Lycée, c'est-à-dire, que les sentiments de Zénon ne sont pas toujours conformes à ceux d'Aristote. Rousseau, pour dire que Cicéron dans sa maison de campagne méditait la Philosophie d'Aristote et celle de Zénon, s'explique en ces termes : (liv. II. od. iij.)

C'est-là que ce romain, dont l'éloquente voix

D'un joug presque certain sauva sa république,

Fortifiait son cœur dans l'étude des lois.

Et du Lycée et du Portique.

Académus laissa près d'Athènes un héritage où Platon enseigna la Philosophie. Ce lieu fut appelé académie, du nom de son ancien possesseur ; de-là la doctrine de Platon fut appelée l'académie. On donne aussi par extension le nom d'académie à différentes assemblées de savants, qui s'appliquent à cultiver les Langues, les Sciences, ou les beaux Arts.

Robert Sorbon, confesseur et aumônier de saint Louis, institua dans l'université de Paris cette fameuse école de Théologie, qui, du nom de son fondateur, est appelée sorbonne : le nom de sorbonne se prend aussi par figure pour les docteurs de sorbonne, ou pour les sentiments qu'on y enseigne : la sorbonne enseigne que la puissance ecclésiastique ne peut ôter aux rois les couronnes que Dieu a mises sur leurs têtes, ni dispenser leurs sujets du serment de fidélité. Regnum meum non est de hoc mundo. Joann. XVIIIe 36.

V. Le signe pour la chose signifiée.

Dans ma vieillesse languissante,

Le sceptre que je tiens pese à ma main tremblante :

(Quin. Phaèt. II. v.) c'est-à-dire, je ne suis plus dans un âge convenable pour me bien acquitter des soins que demande la royauté. Ainsi le sceptre se prend pour l'autorité royale ; le bâton de maréchal de France, pour la dignité de maréchal de France ; le chapeau de cardinal, et même simplement le chapeau, se dit pour le cardinalat.

L'épée se prend pour la profession militaire ; la robe, pour la magistrature et pour l'état de ceux qui suivent le barreau. Corneille dit dans le Menteur : (act. I. sc. j.)

A la fin j'ai quitté la robe pour l 'épée.

Cicéron a dit que les armes doivent céder à la robe :

Cedant arma togae, concedat laurea linguae ;

C'est-à-dire, comme il l'explique lui-même, (orat. in Pison. n. lxxiij. aliter xxx.) que la paix l'emporte sur la guerre, et que les vertus civiles et pacifiques sont préférables aux vertus militaires : more poètarum locutus hoc intelligi volui, bellum ac tumultum paci atque otio concessurum.

" La lance, dit Mézerai, (Histoire de Fr. in-fol. tom. III. pag. 900.) était autrefois la plus noble de toutes les armes dont se servissent les gentilshommes français " : la quenouille était aussi plus souvent qu'aujourd'hui entre les mains des femmes. De-là on dit en plusieurs occasions lance pour signifier un homme, et quenouille pour marquer une femme. Fief qui tombe de lance en quenouille, c'est-à-dire, qui passe des mâles aux femmes. Le royaume de France ne tombe point en quenouille, c'est-à-dire, qu'en France les femmes ne succedent point à la couronne : mais les royaumes d'Espagne, d'Angleterre et de Suède, tombent en quenouille ; les femmes peuvent aussi succéder à l'empire de Moscovie.

C'est ainsi que du temps des Romains les faisceaux se prenaient pour l'autorité consulaire ; les aigles romaines pour les armées des Romains qui avaient des aigles pour enseignes. L'aigle qui est le plus fort des oiseaux de proie, était le symbole de la victoire chez les Egyptiens.

Salluste a dit que Catilina, après avoir rangé son armée en bataille, fit un corps de réserve des autres enseignes, c'est-à-dire, des autres troupes qui lui restaient : reliqua signa in subsidiis arctiùs collocat.

On trouve souvent dans les auteurs latins pubes, poil follet, pour dire la jeunesse, les jeunes gens : c'est ainsi que nous disons familièrement à un jeune homme, vous êtes une jeune barbe, c'est-à-dire, vous n'avez pas encore assez d'expérience. Canities, les cheveux blancs, se prend aussi pour la vieillesse. Non deduces canitiem ejus ad inferos. (III. Reg. IIe 6.) Deducetis canos meos cum dolore ad inferos. (Gen. xlij. 38.)

Les divers symboles dont les anciens se sont servis, et dont nous nous servons encore quelquefois pour marquer ou certaines divinités, ou certaines nations, ou enfin les vices et les vertus ; ces symboles, dis-je, sont souvent employés pour marquer la chose dont ils sont le symbole. Boileau dit dans son ode sur la prise de Namur :

En-vain au lion belgique

Il voit l 'aigle germanique

Uni sous les léopards :

Par le lion belgique, le poète entend les Provinces-Unies des Pays-Bas ; par l'aigle germanique, il entend l'Allemagne ; et par les léopards, il désigne l'Angleterre, qui a des léopards dans ses armoiries.

Mais qui fait enfler la Sambre.

Sous les jumeaux effrayés ? (id. ibid.)

Sous les jumeaux, c'est-à-dire, à la fin du mois de Mai et au commencement du mois de Juin. Le roi assiégea Namur le 26 de Mai 1692, et la ville fut prise au mois de Juin suivant. Chaque mois de l'année est désigné par un signe, vis-à-vis duquel le soleil se trouve depuis le 21 d'un mois ou environ, jusqu'au 21 du mois suivant.

Sunt aries, taurus, gemini, cancer, leo, virgo,

Libraque, scorpius, arcitenens, caper, amphora, pisces.

Aries, le bélier, commence vers le 21 du mois de Mars, ainsi de suite.

" Les villes, les fleuves, les régions, et même les trois parties du monde avaient autrefois leurs symboles, qui étaient comme des armoiries par lesquelles on les distinguait les unes des autres ". Montf. Antiq. explic. tom. III. p. 183.

Le trident est le symbole de Neptune : le paon est le symbole de Junon : l'olive ou l'olivier est symbole de la paix et de Minerve, déesse des beaux Arts : le laurier était le symbole de la victoire ; les vainqueurs étaient couronnés de laurier, même les vainqueurs dans les Arts et dans les Sciences, c'est-à-dire, ceux qui s'y distinguaient au-dessus des autres. Peut-être qu'on en usait ainsi à l'égard de ces derniers, parce que le laurier était consacré à Apollon dieu de la poésie et des beaux Arts. Les poètes étaient sous la protection d'Apollon et de Bacchus ; ainsi ils étaient couronnés quelquefois de laurier, et quelquefois de lierre : doctarum ederae praemia frontium. Horat. I. od. I. xxix.

La palme était aussi le symbole de la victoire. On dit d'un saint qu'il a remporté la palme du martyre : il y a dans cette expression une métonymie, palme se prend pour victoire ; et de plus l'expression est métaphorique, la victoire dont on veut parler est une victoire spirituelle.

" A l'autel de Jupiter, dit le père de Montfaucon, (Ant. expl. tom. II. p. 129.) on mettait des feuilles de hêtre : à celui d'Apollon, de laurier : à celui de Minerve, d'olivier : à l'autel de Vénus, de myrthe : à celui d'Hercule, de peuplier : à celui de Bacchus, de lierre : à celui de Pan, des feuilles de pin ".

VI. Le nom abstrait pour le concret.... Un nouvel esclavage se forme tous les jours pour vous, dit Horace, II. od. VIIIe 18, c'est-à-dire, vous avez tous les jours de nouveaux esclaves : tibi servitus crescit nova. Servitus est un abstrait, au lieu de servi ou novi amatores qui tibi serviant. Invidiâ major, (ib. xx.) au-dessus de l'envie, c'est-à-dire, triomphant de mes envieux.

Custodia, garde, conservation, se prend en latin pour ceux qui gardent : noctem custodia ducit insomnem. Aen. IX. 266.

Spes l'espérance, se dit souvent pour ce qu'on espère : spes quae differtur affligit animam. Prov. XIII. 12.

Petitio ; demande, se dit aussi pour la chose demandée : dedit mihi Dominus petitionem meam. I. R. g. j. 27.

C'est ainsi que Phèdre a dit, I. fab. 3. tua calamitas non sentiret, c'est-à-dire, tu calamitosus non sentires : tua calamitas est un terme abstrait, au lieu que tu calamitosus est le concret. Credents colli longitudinem, (ib. 8.) pour colum longum : et encore (ib. 23.) corvi stupor, qui est l'abstrait, pour corvus stupidus, qui est le concret. Virgile a dit de même, (Georg. I. 143.) ferri rigor, qui est l'abstrait, au lieu de ferrum rigidum, qui est le concret.

VII. Les parties du corps qui sont regardées comme le siege des passions et des sentiments intérieurs, se prennent pour les sentiments mêmes. C'est ainsi qu'on dit il a du cœur, c'est-à-dire, du courage.

Observez que les anciens regardaient le cœur comme le siege de la sagesse, de l'esprit, de l'adresse : ainsi habet cor, dans Plaute, (Persa, act. IV. sc. iv. 17.) ne veut pas dire comme parmi nous, elle a du courage, mais elle a de l'esprit : si est mihi cor, id. Mostel. act. I. sc. IIe 3. si j'ai de l'esprit, de l'intelligence : vir cordatus, veut dire en latin un homme de sens, qui a un bon discernement. Cornutus, philosophe stoïcien, qui fut le maître de Perse, et qui a été ensuite le commentateur de ce poète, fait cette remarque sur ces paroles, sum petulanti splene cachinno, de la première satyre : Physici dicunt homines splene ridere, felle irasci, jecore amare, corde sapere, et pulmone jactari. Aujourd'hui on a d'autres lumières.

Perse dit (in prol.) que le ventre, c'est-à-dire, la faim, le besoin, a fait apprendre aux pies et aux corbeaux à parler.

La cervelle se prend aussi pour l'esprit, le jugement. O la belle tête, s'écrie le renard dans Phèdre ; quel dommage, elle n'a point de cervelle ! ô quanta species, inquit, cerebrum non habet ! (1. 7.) On dit d'un étourdi que c'est une tête sans cervelle. Ulysse dit à Euryale, selon la traduction de Mad. Dacier, (odyss. tom. II. pag. 13.) jeune homme, vous avez tout l'air d'un écervelé, c'est-à-dire, comme elle l'explique dans ses savantes remarques, vous avez tout l'air d'un homme peu sage. Au contraire quand on dit, c'est un homme de tête, c'est une bonne tête, on veut dire que celui dont on parle est un habîle homme, un homme de jugement. La tête lui a tourné, c'est-à-dire, qu'il a perdu le bon sens, la présence d'esprit. Avoir de la tête, se dit aussi figurément d'un opiniâtre. Tête de fer, se dit d'un homme appliqué sans relâche, et encore d'un entêté.

La langue, qui est le principal organe de la parole, se prend pour la parole : c'est une méchante langue, c'est-à-dire, c'est un médisant : avoir la langue bien pendue, c'est avoir le talent de la parole, c'est parler facilement.

VIII. Le nom du maître de la maison se prend aussi pour la maison qu'il occupe : Virgile a dit : (Aen. II. 312.) jam proximus ardet Ucalegon, c'est-à-dire, le feu a déjà pris à la maison d'Ucalegon.

On donne aussi aux pièces de monnaie le nom du souverain dont elles portent l'empreinte. Ducentos philippos reddat aureos, (Plaut. bacchid. IV. IIe 8.) qu'elle rende deux cent philippes d'or : nous dirions deux cent louis d'or.

Voilà les principales espèces de métonymie. Quelques-uns y ajoutent la métonymie, par laquelle on nomme ce qui précéde pour ce qui suit, ou ce qui suit pour ce qui précéde ; c'est ce qu'on appelle l'antécédent pour le conséquent, ou le conséquent pour l'antécédent : on en trouvera des exemples dans la métalepse, qui n'est qu'une espèce de métonymie à laquelle on a donné un nom particulier voyez METALEPSE) ; au lieu qu'à l'égard des autres espèces de métonymie, dont nous venons de parler, on se contente de dire, métonymie de la cause pour l'effet, métonymie du contenant pour le contenu, métonymie du signe, etc.

Cet article est tiré entièrement du livre des tropes de M. du Marsais.