Aujourd'hui le mot de symphonie s'entend de toute musique instrumentale, tant de pièces qui ne sont destinées que pour les instruments, comme les sonates et concerto, que de celles où les instruments se trouvent mêlés avec les voix, comme dans nos opéra et dans plusieurs autres sortes de musiques. On distingue la musique vocale en musique sans symphonie, qui n'a d'autres accompagnements que la basse continue, et musique avec symphonie, qui a au moins un dessus d'instruments, violons, flutes ou hautbais. On dit d'une pièce qu'elle est grande symphonie, quand outre la basse et les dessus, elle a encore deux autres parties instrumentales ; savoir, taille et quinte de violon. La musique de la chapelle du roi, celle de plusieurs églises, et celle de nos opéra, sont presque toujours en grande symphonie.

A cet excellent article, je ne joindrai que quelques-unes des réflexions de M. l'abbé du Bos, après avoir indiqué le sens du mot symphonie chez les anciens. Ils attachaient trois significations principales à ce mot symphonie, , qui veut dire consonnance.

1°. Ils désignaient par-là les rapports entre certains sons qui se succédaient les uns aux autres dans ce qu'on appelle mélodie, chant simple, modulation ; ainsi l'intervalle de la quarte, celui de la quinte, et celui de l'octave avec leur répétition, se nommaient symphoniques. Il n'en était pas de même des autres intervalles, quoique reçus dans le chant simple ou la mélodie, tels que le ton, la tierce, la sixte, etc. Ils ne formaient point, selon les anciens, une véritable symphonie, mais seulement emmelie, c'est-à-dire, concinnitas, convenance. 2°. On entendait par ce terme symphonie, le concert de plusieurs voix, celui de plusieurs instruments, ainsi que le mélange de ceux-ci avec les voix, soit que les uns et les autres fussent à l'unisson, soit qu'ils fussent à la tierce ou à la double octave, soit qu'ils jouassent ou chantassent un sujet, soutenu d'un simple bourdon. 3°. Enfin l'on employait ce même mot, pour spécifier plus particulièrement cette sorte de concert de plusieurs voix, ou de plusieurs instruments, qui chantaient et jouaient à l'unisson ou à la tierce.

La musique, dit M. l'abbé du Bos, ne s'est pas contentée d'imiter dans ses chants le langage inarticulé de l'homme et tous les sons naturels dont il se sert par instinct. Cet art a voulu encore faire des imitations de tous les bruits qui sont les plus capables d'agir sur nous lorsque nous les entendons dans la nature. La musique ne se sert que des instruments pour imiter ces bruits dans lesquels il n'y a rien d'articulé, et nous appelons communément ces imitations des symphonies.

La vérité de l'imitation d'une symphonie, consiste dans la ressemblance de cette symphonie avec le bruit qu'elle prétend imiter. Il y a une vérité dans une symphonie, composée pour imiter une tempête, lorsque le chant de la symphonie, son harmonie et son rithme nous font entendre un bruit pareil au fracas que les vents font dans l'air, et aux mugissements des flots qui s'entrechoquent, ou qui se brisent contre les rochers.

Ainsi quoique ces symphonies ne nous fassent entendre aucun son articulé, elles ne laissent pas de pouvoir jouer des rôles dans des pièces dramatiques, parce qu'elles contribuent à nous intéresser à l'action, en faisant sur nous une impression approchante de celle que ferait le bruit même dont elles sont une imitation, si nous entendions ce bruit dans les mêmes circonstances que nous entendons la symphonie qui l'imite. Par exemple, l'imitation du bruit d'une tempête qui Ve submerger un personnage à qui le poète nous fait prendre actuellement un grand intérêt, nous affecte comme nous affecterait le bruit d'une tempête prête à submerger une personne pour laquelle nous nous intéresserions avec chaleur, si nous nous trouvions à portée d'entendre cette tempête véritable. Il serait inutîle d'ajouter ici que l'impression de la symphonie ne saurait être aussi sérieuse que l'impression que la tempête véritable ferait sur nous ; car on sait que l'impression qu'une imitation fait sur nous, est bien moins forte que l'impression faite par la chose imitée.

Il n'est donc pas surprenant que les symphonies nous touchent beaucoup, quoique leurs sons, comme le dit Longin, ne soient que de simples imitations d'un bruit inarticulé ; &, s'il faut parler ainsi, des sons qui n'ont que la moitié de leur être et une demi-vie.

Voilà pourquoi l'on s'est servi dans tous les pays et dans tous les temps du chant inarticulé des instruments pour remuer le cœur des hommes, et pour mettre certains sentiments en eux, principalement dans les occasions où l'on ne saurait leur inspirer ces sentiments en se servant du pouvoir de la parole. Les peuples civilisés ont toujours fait usage de la musique instrumentale dans leur culte religieux. Tous les peuples ont eu des instruments propres à la guerre, et ils s'y sont servi de leur chant inarticulé, non seulement pour faire entendre à ceux qui devaient obéir, les ordres de leurs commandants, mais encore pour animer le courage des combattants, et même quelquefois pour le retenir. On a touché ces instruments différemment suivant l'effet qu'on voulait qu'ils fissent, on a cherché à rendre leur bruit convenable à l'usage auquel on le destinait.

Peut-être aurions-nous étudié l'art de toucher les instruments militaires autant que les anciens l'avaient étudié, si le fracas des armes à feu laissait nos combattants en état d'entendre distinctement le son de ces instruments. Mais quoique nous n'ayons pas travaillé beaucoup à perfectionner nos instruments militaires, et quoique nous ayons si fort négligé l'art de les toucher qui donnait tant de considération parmi les anciens, que nous regardons ceux qui exercent cet art aujourd'hui comme la partie la plus vîle d'une armée, nous ne laissons pas de trouver les premiers principes de cet art dans nos camps : nos trompettes ne sonnent point la charge comme ils sonnent la retraite : nos tambours ne battent point la chamade du même mouvement dont ils battent la charge. (D.J.)