S. f. (Physique) agitation violente de l'air avec de la pluie ou sans pluie, ou avec de la grêle, de la neige, etc. Voyez VENT, OURAGAN, etc.

Il y a des endroits dans la mer plus sujets que d'autres aux tempêtes ; par exemple, vers la partie septentrionale de l'équateur, entre le quatrième et le dixième degré de latitude, et entre les méridiens qui s'étendent au-delà des îles hespérides, on a toujours entre les mois d'Avril et de Septembre, du tonnerre, des éclairs, des ouragans, des ondées, etc. qui se succedent fort vite les uns aux autres ; il fait aussi souvent des tempêtes proche les côtes d'Angola. Mussch. essai de Physique. (O)

TEMPETE, (Mythologie) les Romains avaient déifié la Tempête ou les tempêtes ; elle avait un temple à Rome, Ovide, dans le VI. liv. des Fastes :

Te quoque Tempestas, meritam delubra fatemur,

Cùm penè est Corsis obruta classis aquis.

" Nous avouons que la Tempête a mérité des temples quand notre flotte fut presque submergée près de Corse ". Cela arriva l'an de Rome 494 : lorsque le vieux Scipion qui était alors consul, prit la Corse, ses vaisseaux furent en grand danger ; c'est pourquoi il voua un temple à la Tempête dans le premier quartier de Rome ; c'est ce qu'il est facîle de justifier par un monument de ce temps-là, que Gassendi rapporte dans la vie de M. de Peiresc.

On ne sera pas fâché de le lire ici ; car c'est une chose assez curieuse de voir de quelle manière les premiers latins écrivaient leur langue. Honc. Oino. Ploirume. consentiont. R. Duonoro. Optumo. Fuisse. Viro. Luciom. Scipione. filios. Barbati. Consol. Censor, Aidilis. Hic Fuet. Hic cepit. Corsica. Aleriaque Urbe debet. tempestatibus. Aide Mereto.

Voici comment on l'écrirait aujourd'hui, Hunc unum plurimi consentiunt Romani bonorum optimum fuisse virum Lucium Scipionem, filius Barbati, consul, censor, aedilis, hic fuit, hic cepit Corsicam, Aleriamque urbem, dedit tempestatibus aedem meritò, " c'est-à-dire, la plupart des Romains tombent d'accord, que. Lucius Scipion fils de Barbatus, était le plus honnête homme de la république ; il fut consul, censeur, et édîle ; il prit Corse et la ville d'Aléria, et il consacra aux tempêtes le temple qu'elles avaient bien mérité ". (D.J.)

TEMPETE, (Peint. poétiq.) voilà le phénomène de la nature, sur lequel les anciens poètes ont le plus exercé leurs talents ; mais de l'aveu des connaisseurs, c'est Virgile qui a remporté le prix dans cette carrière ; je n'excepte pas même Homère, quoique le prince des poètes latins ait pris la description du V e. livre de l'odyssée pour modèle. Celle de Lucain, liv. V. est peut-être ridicule ; et celle d'Ovide, Métam. II. et Trist. I. est certainement trop badine ; mais Virgile s'est surpassé par la vérité du coloris, la force et la grandeur des images. Je relis avec un nouveau plaisir sa description, pour la trentième fais, et je croirais manquer au bon gout, que de ne la pas transcrire dans cet ouvrage.

Venti velut agmine facto,

Quâ data porta ruunt, et terras turbine perflant.

Incubuere mari, totumque à sedibus imis

Una Eurusque Notusque ruunt, creberque procellis

Africus, et vastos volvunt ad littora fluctus.

Insequitur clamorque virum, stridorque rudentum,

Eripiunt subitò nubes coelumque, diemque

Teucrorum ex oculis ; ponto nox incubat atra :

Intonuere poli, et crebris micat ignibus aether.

Praesentemque viris intentant omnia mortem.

Talia jactanti stridents Aquilone procella

Velum adversa ferit, fluctusque ad sidera tollit :

Franguntur remi, tum prora avertit, et undis

Dat latus, insequitur cumulo praeruptus aquae mons.

Hi summo in fluctu pendent ; his unda dehiscens

Terram inter fluctus aperit, furit aestus arenis.

Tres Notus abreptas in saxa latentia torquet,

Saxa vocant Itali, mediis quae fluctibus aras,

Dorsum immane mari summo, tres Eurus ab alto

In brevia et syrteis urget, miserabîle visu,

Illiditque vadis, atque agère cingit arenae.

Unam, quae Lycios, fidumque vehebat Orontem,

Ipsius ante oculos ingens à vertice pontus

In puppim ferit, excutitur, pronusque magister

Volvitur in caput ; ast illam ter fluctus ibidem

Torquet agens circum, et rapidus vorat aequore vortex.

Apparent rari nantes in gurgite vasto :

Arma virum, tabulaeque et Troïa gaza per undas.

Jam validam Ilionei navem, jam fortis Achatae

Et qua vectus Abas, et qua grandaevus Alethes

Vicit hyems, laxis laterum compagibus omnes

Accipiunt inimicum imbrem, rimisque fatiscunt.

Aeneid. l. I. Ve 87. etc. et 106. etc.

A l'instant tous les vents en foule sortent impétueusement de leurs cavernes, et se répandant sur la terre et sur la mer, y excitent la plus affreuse tempête. Le jour fuit ; les nuages épais dérobent le ciel aux Troïens, et les plongent dans les ténèbres. Les cris des matelots, le bruit des cordages, la nuit répandue sur les ondes, les fréquents éclairs dont l'air est enflammé, le tonnerre qui gronde au septentrion et au midi, tout offre l'image d'une mort inévitable. La tempête augmente, et l'aquilon luttant contre les voiles, déploie ses fureurs ; il élève les vagues jusqu'aux nues, et brise les rames ; la proue des navires se renverse, et ils prêtent le flanc aux vagues qui, comme de hautes montagnes, les accablent ; les navires semblent tantôt plongés dans le sein de la mer, et tantôt élevés jusqu'aux nues ; trois furent jetés par le vent du sud sur des bancs de sable, et contre ces vastes rochers à fleur d'eau, que nous appelons autels ; trois furent emportés par le vent d'est vers les Syrtes, où ils touchèrent les sables et échouèrent ; celui qui portait le fidèle Oronte, et les Lyciens, reçut un coup de vague qui submergea sa poupe dans les flots ; le pilote tombe, le vaisseau tourne, et est bientôt enseveli dans les gouffres de Neptune ; à peine un petit nombre de ceux qui le montaient, put-il se sauver à la nage ; on voit flotter autour d'eux les débris de leur naufrage ; déjà les navires d'Ilionée, d'Acate, d'Abas, et du vieux Alethès, succombent sous les fureurs de la tempête. Tous enfin fracassés et entr'ouverts, font eau de toutes parts, et sont prets d'être engloutis.

Entre les modernes, les Anglais ont excellé. Y a-t-il ailleurs de plus belle description de tempête que celles de Milton, du chevalier Blackmore, et de M. Thompson.

Il est difficîle de rendre leurs vers en notre langue. Voici une esquisse de la tempête du dernier des trois poètes que j'ai nommés.

Tout est dans l'étonnement, la crainte, et le silence, quand tout-à-coup l'éclair se montre au sud, à l'oeil effrayé ; le tonnerre qui le suit plus lentement, fait entendre sa voix terrible à-travers les nuages, dans la vaste étendue de l'air ; la tempête gronde et résonne dans les cieux ; mais quand l'orage approche, qu'il roule son terrible fardeau sur les vents, les éclairs forment alors des sillons plus larges, et le bruit redouble. Aussitôt une flamme livide se déploie sur la tête, le nuage s'ouvre et se ferme sans-cesse, se ferme et s'ouvre encore, s'étend, et enveloppe tout dans une mer de feu ; le bruit suit de près, augmente, brise ses liens, s'approfondit, devient une confusion ; le fracas répété, écrase et déchire le ciel et la terre.

Un déluge de grêle bruyante, et de pluie chaude en grosses gouttes, se précipite avec fracas, et les nuages ouverts versent un fleuve entier ; cependant le flambeau de l'invincible éclair n'est pas encore éteint ; il fait de nouveaux efforts ; le tonnerre tournoyant en balles rouges, déchire fièrement, et allume les montagnes avec une rage redoublée ; le pin brisé et noirci du coup, demeure un tronc informe et hideux ; les troupeaux frappés, restent étendus comme un grouppe inanimé : ici, les douces brebis, avec le regard toujours innocent, semblent ruminer encore, le taureau parait froncer le sourcil, et le bœuf est à moitié debout. Le rocher escarpé est frappé du même coup, ainsi que la vénérable tour, et le temple en pyramide, qui tombent, et perdent pour jamais leur ancien orgueil ; les bois obscurs tressaillent à l'éclair, et les arbres antiques, environnés de feux, tremblent jusque dans leurs profondes racines ; le rugissement furieux retentit au milieu des montagnes de Carnarvon, le sommet hérissé tombe en éclat dans la mer enflammée, détaché des roches de Pennamaur, entassées jusqu'aux cieux ; la pointe de Snowden se fondant, quitte subitement ses neiges éternelles ; le haut du Chéviot plein de bruyeres, se voit de loin enflammé, et Thulé retentit à travers ses îles les plus reculées.

Enfin les nuages dispersés de la surface des cieux, errent en désordre ; le firmament sans bornes s'éleve, et étend sur le monde un azur plus pur ; la nature après la tempête se pare de nouveau ; l'éclat et le calme se répandent en un instant à travers l'air qui s'éclaircit ; une écharpe éclatante de joie, ornée d'un rayon jaune, signe du danger passé, environne les champs baignés encore après l'orage. (Le chevalier DE JAUCOURT )