Il y aurait, je crois, quelque utilité à donner tous les cinquante ans le dictionnaire néologique du demi siècle. Cette censure périodique, en réprimant l'audace des néologues, arrêterait d'autant la corruption du langage qui est l'effet ordinaire d'un néologisme imperceptible dans ses progrès : d'ailleurs la suite de ces dictionnaires deviendrait comme le mémorial des révolutions de la langue, puisqu'on y verrait le temps où les locutions se seraient introduites, et celles qu'elles auraient remplacées. Car telle expression fut autrefois néologique, qui est aujourd'hui du bel usage : et il n'y a qu'à comparer l'usage présent de la langue, avec les remarques du P. Bouhours sur les écrits de P. R. (II. Entretien d'Arist. et d'Eug. pag. 168.) pour reconnaître que plusieurs des expressions risquées par ces auteurs ont reçu le sceau de l'autorité publique, et peuvent être employées aujourd'hui par les puristes les plus scrupuleux. (B. E. R. M.)