S. f. (Morale) La sincérité n'est autre chose que l'expression de la vérité. L'honnêteté et la sincérité dans les actions égarent les mécans, et leur font perdre la voie par laquelle ils peuvent arriver à leurs fins : parce que les méchants croient d'ordinaire qu'on ne fait rien sans artifice.

La sincérité est une ouverture de cœur. On la trouve en fort peu de gens ; et celle que l'on voit d'ordinaire, n'est qu'une fine dissimulation pour attirer la confiance des autres.

Si nos âmes étaient de purs esprits, dégagés des liens du corps ; l'une lirait au fond de l'autre : les pensées seraient visibles, on se les communiquerait sans le secours de la parole ; et il ne serait pas nécessaire alors de faire un précepte de la sincérité ; c'est pour suppléer, autant qu'il en est besoin, à ce commerce de pensées, dont nos corps gênent la liberté, que la nature nous a donné le talent de proférer des sons articulés. La langue est un truchement, par le moyen duquel les âmes s'entretiennent ensemble ; elle est coupable, si elle les sert infidèlement, ainsi que le ferait un interprete imposteur, qui trahirait son ministère.

La loi naturelle qui veut que la vérité règne dans tous nos discours, n'a pas excepté les cas où notre sincérité pourrait nous couter la vie. Mentir c'est offenser la vertu, c'est donc aussi blesser l'honneur : or on convient généralement que l'honneur est préférable à la vie ; il en faut donc dire autant de la sincérité.

Qu'on ne croie point ce sentiment outré : il est plus général qu'on ne pense. C'est un usage presque universel dans tous les tribunaux, de faire affirmer à un accusé, avant de l'interroger, qu'il répondra conformément à la vérité, et cela même, lorsqu'il s'agit d'un crime capital. On lui fait donc l'honneur de supposer, qu'il pourra, quoique coupable du fait qu'on lui impute, être encore assez homme de bien, pour déposer contre lui-même, au risque de perdre la vie, et de la perdre ignominieusement. Or le supposerait-on, si l'on jugeait que la loi naturelle le dispensât de le faire ?

La morale de la plupart des gens, en fait de sincérité, n'est pas rigide : on ne se fait point une affaire de trahir la vérité par intérêt, ou pour se disculper, ou pour excuser un autre : on appelle ces mensonges officieux ; on les fait pour avoir la paix, pour obliger quelqu'un, pour prévenir quelqu'accident. Misérables prétextes qu'un mot seul Ve pulvériser : il n'est jamais permis de faire un mal, pour qu'il en arrive un bien. La bonne intention sert à justifier les actions indifférentes ; mais n'autorise pas celles qui sont déterminément mauvaises.

SINCERITE, FRANCHISE, NAÏVETE, INGENUITE, (Synonyme) La sincérité empêche de parler autrement qu'on ne pense, c'est une vertu. La franchise fait parler comme on pense ; c'est un effet du naturel. La naïveté fait dire librement ce qu'on pense ; cela vient quelquefois d'un défaut de réflexion. L'ingénuité fait avouer ce qu'on sait, et ce qu'on sent ; c'est souvent une bétise.

Un homme sincère ne veut point tromper. Un homme franc ne saurait dissimuler. Un homme naïf n'est guère propre à flatter. Un ingénu ne sait rien cacher.

La sincérité fait le plus grand mérite dans le commerce du cœur. La franchise facilite le commerce des affaires civiles. La naïveté fait souvent manquer à la politesse. L'ingénuité fait pécher contre la prudence.

Le sincère est toujours estimable. Le franc plait à tout le monde. Le naïf offense quelquefois. L'ingénu se trahit.

Je n'ajouterai rien à ces remarques de l'auteur des synonymes français, mais je renvoie pour les choses aux mots, FRANCHISE, INGENUITE, NAÏVETE, SINCERITE. (D.J.)