S. m. (Jurisprudence) est un nom générique sous lequel les lois romaines ont compris toutes les espèces de fraude et de tromperies qui peuvent se commettre dans les conventions, et auxquelles la loi n'avait pas donné de désignation particulière.

Le stellionat est mis par les lois au nombre des crimes, et a été ainsi nommé d'un certain lésard appelé stellio, remarquable par son extrême finesse et par la variété de ses couleurs, parce que ceux qui commettent ce crime emploient toutes sortes de détours et de subtilités pour cacher leur fraude.

Entre les différentes manières de commettre ce crime, on en remarque six des plus usitées dont les lois romaines font mention.

La première est lorsque quelqu'un vend ou engage la même chose à deux personnes en même temps.

La seconde est du débiteur qui engage ou donne en payement à ses créanciers une chose qu'il sait ne lui pas appartenir.

La troisième est le cas de celui qui soustrait ou altère des effets qui étaient obligés à d'autres.

La quatrième est lorsque quelqu'un collude avec un autre au préjudice d'un tiers.

La cinquième est du marchand qui donne une marchandise pour une autre, ou qui en substitue une de moindre qualité à celle qu'il a déjà vendue ou échangée.

La sixième enfin est lorsque quelqu'un fait sciemment une fausse déclaration dans un acte.

Ainsi, suivant le droit romain, le stellionat ne se commettait pas seulement dans les conventions, mais encore par le seul fait et sans qu'il fût besoin d'une déclaration expresse.

Mais parmi nous on ne répute stellionataire que celui qui fait une déclaration frauduleuse dans un contrat, soit en vendant comme sien un héritage qui ne lui appartient pas ou qui est substitué, soit en déclarant comme franc et quitte de toutes charges, un fonds qui se trouve déjà hypothequé à d'autres ; ce crime peut conséquemment se commettre, non seulement dans les ventes et obligations, mais aussi dans les constitutions de rente.

Chez les Romains ce crime était puni d'une peine extraordinaire. Quand le stellionat était joint au parjure on condamnait le coupable aux mines, si c'était un homme de vîle naissance, et à la rélégation ou interdiction de son emploi, si c'était une personne constituée en dignité.

Parmi nous il est rare que ce crime soit poursuivi extraordinairement ; à moins qu'il ne soit accompagné de circonstances de fraude extrêmement graves, les peines ne se prononcent que par la voie civile.

Les plus ordinaires sont, 1°. que le stellionataire peut être contraint au remboursement du prix de la vente, ou au rachat de la vente, ordonnance de 1629. 2°. Il peut y être contraint par corps, même les septuagénaires, qui dans les autres cas ne sont pas sujets à cette contrainte pour dettes purement civiles, ordonnance de 1667. 3°. On ne reçoit point le stellionataire au bénéfice de cession.

Les femmes étaient aussi autrefois sujettes aux mêmes peines, lorsqu'en s'obligeant avec leurs maris elles déclaraient leurs biens francs et quittes, quoiqu'ils ne le fussent pas : mais l'édit du mois de Juillet 1680, a affranchi dans ce cas les femmes de l'emprisonnement et les a seulement assujetties au payement solidaire des dettes auxquelles elles se sont obligées avec leurs maris, par saisie et vente de leurs biens.

Il y a néanmoins trois cas où les femmes sont contraignables par corps pour stellionat ; le premier est lorsqu'il procede de leur fait seulement, ordonnance de 1667. Le second lorsqu'elles sont marchandes publiques, et qu'elles font un commerce séparé de celui de leurs maris, Paris article 335. Le troisième est lorsqu'elles sont séparées de biens d'avec leurs maris, ou que par leurs contrats de mariage elles se sont réservé l'administration de leurs biens.

Au reste, notre usage s'accorde avec le droit romain en ce que la peine de ce crime cesse, 1°. lorsqu'avant contestation en cause le stellionataire offre de dédommager celui qui se plaint (ce qui n'a pas lieu néanmoins dans le cas du vol ou rapine.) 2°. Lorsque celui qui se plaint est lui-même complice de la fraude, ne pouvant en ce cas dire qu'on l'a trompé.

Voyez au Digeste le titre stellionatus et celui ad leg. cornel. de falsis ; et au code, de crimine stellionat. Brod. sur Louet, let. S, n. 18. Dufart, l. XXXII. ch. 165. Greg. Tolosanus ; les Institutes de M. de Vouglans ; l'ordonnance de 1667, titre 34. et les mots DECLARATION, FAUX, PARJURE, CONTRAT DE CONSTITUTION, REMBOURSEMENT, RENTE, VENTE. (A)