adj. (Jurisprudence) se dit de ce qui remonte à l'origine d'une chose. Ainsi le titre primordial, est le premier titre constitutif de quelque établissement. Voyez TITRE. (A)

PRINCE, en terme de politique, signifie une personne revêtue du suprême commandement sur un état ou un pays, et qui est indépendant de tout autre supérieur. Voyez SOUVERAIN, MONARQUE, ROI.

Prince se dit aussi d'un homme qui commande souverainement à son pays, quoiqu'il ait un supérieur à qui il paye tribut ou rend hommage.

Tous les princes d'Allemagne sont feudataires de l'empereur, et cependant ils sont aussi absolus dans leurs états que l'empereur l'est dans les siens ; mais ils sont obligés à donner certains secours d'argent et de troupes. Voyez EMPEREUR, ÉLECTEUR et COLLEGE ELECTORAL.

Prince, dans les anciens actes publics, ne signifiait que seigneur. Ducange a donné un grand nombre de preuves de cet usage : en effet, le mot latin princeps, d'où on forme prince en français, signifie dans son origine premier, chef ; il est composé du latin primus, premier, et caput, tête. C'est proprement un titre de dignité et de charge, et non de domination et de souveraineté.

Sous Offa, roi d'Angleterre, les princes signaient après les évêques ; ainsi on lit Brordanus patritius, Binnanus princeps, et les ducs signaient après eux. Et dans une charte du roi Edgar, Mons. angl. t. III. p. 301, ego Edgarus rex rogatus ab episcopo meo de Wolfe et principe meo Aldredo. Et dans Matthieu Paris, p. 155, ego Hulden princeps regis, pro viribus, assensum prebeo : et ego Turketillus dux, concedo.

Prince est aussi le nom de ceux qui sont de la famille royale. Voyez FILS ou FILLE. Dans ce sens, on les appelle particulièrement en France princes du sang, comme étant de la famille à laquelle la souveraineté est attachée, quoiqu'ils n'en soyent pas toujours et prochainement les héritiers présomptifs.

En Angleterre, les enfants du roi sont appelés fils et filles d'Angleterre ; le fils ainé est nommé prince de Galles ; les autres enfants sont créés ducs ou comtes, sous le titre qu'il plait au roi : ils n'ont point d'apanage comme en France, mais ils tiennent ce qu'ils ont des bienfaits du roi. Voyez APANAGE.

Les fils sont tous conseillers d'état par le droit de naissance, et les filles princesses ; c'est un crime de haute trahison de violer la fille ainée du roi d'Angleterre.

On donne le titre d'altesse royale à tous les enfants du roi ; les sujets se mettent à genoux quand ils sont admis à leur baiser la main, et ils sont servis à table à genoux comme le roi.

Le premier prince du sang en France s'appelle monsieur le prince dans la branche de Condé, et monsieur le duc d'Orléans dans celle d'Orléans. Le frère du roi est toujours premier prince du sang. La qualité de prince du sang donne le rang et la préséance, mais elle ne renferme aucune juridiction ; ils sont princes par ordre et non par office.

Wiquefort observe qu'il n'y avait de son temps qu'environ cinquante ans que les princes du sang de France donnaient le pas aux ambassadeurs, même à ceux des républiques, et ce n'est que depuis les requisitions des rois qu'ils leur ont donné la préséance.

Dès que le pape est élu, tous ses parents deviennent princes. Voyez PAPE et NEPOTISME.

Le prince de Galles au moment de sa naissance est duc de Cornouailles ; et immédiatement après qu'il est né, il est mis en possession des droits et revenus de ce duché, et il est conseiller d'état. Quand il a atteint l'âge requis, il est ensuite fait prince de Galles. La cérémonie de l'investiture consiste dans l'imposition du bonnet de l'état, de la couronne, de la verge d'or et de l'anneau. Il prend possession de cette principauté en vertu des patentes accordées à lui et à ses héritiers par les rois d'Angleterre.

Ce titre et cette principauté furent donnés par le roi Henri III. à Edouard son fils ainé ; jusques-là les fils ainés des rois d'Angleterre étaient appelés lords-princes. Quand la Normandie était du domaine d'Angleterre, ils avaient le titre de duc de Normandie, depuis ce temps-là il a le titre de prince de la grande Bretagne.

Ils sont considérés dans les lois comme le roi même ; conspirer leur mort ou en violer les sœurs, est un crime de haute trahison.

Les revenus du duché de Cornouailles sont de 14000 liv. par an, et ceux de la principauté étaient il y a trois cent ans de 4680 liv. de rente.

PRINCE, princeps, (Théologie) dans l'Ecriture et parmi les Juifs modernes, se prend en divers sens ; et quelquefois pour le principal et le premier. Ainsi l'on dit, les princes des familles, des tribus, des maisons d'Israèl, les princes des lévites, les princes du peuple, les princes des prêtres, les princes de la synagogue ou de l'assemblée, les princes des enfants de Ruben, de Juda, etc. Souvent il se prend aussi pour le roi, le souverain du pays, et pour ses principaux officiers : ainsi l'on dit, les princes de l'armée de Pharaon, Phicol prince de l'armée d'Abimelech, Putiphar était prince des bouchers ou des gardes du roi d'Egypte, Joseph se trouva en prison avec le prince des pannetiers, et ainsi des autres.

PRINCE DES PRETRES marque quelquefois le grand-prêtre qui est actuellement en exercice, comme dans S. Matth. chap. xxvj. vers. 58. ou celui qui avait autrefois rempli cette dignité, comme dans les actes des apôtres, chap. iv. vers. 6. Quelquefois celui qui était à la tête des prêtres servant dans le temple, Jérém. xx. 1. ou un intendant du temple, ou les chefs des familles sacerdotales, d'où vient qu'il est si souvent parlé dans l'Evangîle des princes des prêtres au pluriel.

PRINCE DE LA VILLE, princeps civitatis, dans le second livre des Paralip. chap. XVIIIe vers. 25. et chap. xxxiv. vers. 8. c'était un magistrat qui avait dans la ville la même autorité que l'intendant du temple exerçait dans le temple. Il veillait à la conservation de la paix, du bon ordre et de la police.

PRINCE DE LA SYNAGOGUE, dans l'ancien Testament, Exode xxxiv. vers. 5. Num. iv. vers. 34. signifie ceux qui présidaient aux assemblées du peuple, les principaux des tribus et des familles d'Israèl. Mais dans le nouveau, le prince de la synagogue est celui qui préside aux assemblées de religion qui se font dans les synagogues, comme il parait par S. Luc, chap. VIIIe vers. 41. et par les actes, chap. XIIIe vers. 15. et chap. XVIIIe vers. 17. C'est ce que les Juifs appelaient nasi de la synagogue. Il avait quelques associés, qu'on appelait les princes de la synagogue, Act. XIIIe vers. 15. Voyez NASI, ARCHISYNAGOGUS et SYNAGOGUE.

PRINCE DE CE MONDE, est le nom que S. Jean donne assez souvent au diable, comme c. XIIe 31. c. xiv. 30. c. XVIe 11. parce que cet esprit de ténèbres se vante d'avoir en sa disposition tous les royaumes de la terre, Matth. c. iv. vers. 9.

PRINCES DE LA CAPTIVITE, on donne ce nom à ceux d'entre les Juifs vivant au-delà de l'Euphrate, qui présidaient à leurs compatriotes captifs en ce pays-là sous la domination des Perses. On trouve dans le dictionnaire de la bible du P. Calmet une suite de ces princes de la captivité tiré du Seder-olam-Zutha ou petite chronique des Juifs, et elle en comprend quarante-un depuis Jéchonias emmené par Nabuchodonosor jusqu'à Azarias, longtemps après la ruine de Jérusalem par Tite. Mais, comme le remarque cet auteur, cette succession est fort suspecte, pleine de fautes d'anachronismes ; elle n'est appuyée sur aucun auteur ancien, on croit même qu'elle n'a commencé que 220 ans après Jesus-Christ. Au reste le titre fastueux de prince de la captivité n'en doit imposer à personne, puisque les chefs des synagogues d'Allemagne et de quelques provinces d'Italie prennent bien le nom de ducs ou de princes des Juifs, sans en être plus libre ou avoir réellement plus d'autorité. Calmet, dictionnaire de la Bible, tome III. p. 285 et 286.

PRINCE DE LA JEUNESSE, (Histoire romaine) les empereurs ayant réuni à leur suprême dignité celle de censeur, il n'y eut plus de prince du sénat, ni des chevaliers ; mais Auguste en renouvellant les jeux troyens, prit, pour les exécuter, les enfants des sénateurs qui avaient le rang de chevaliers, choisit un de sa famille qu'il mit à leur tête, le nomma prince de la jeunesse, et le désigna son successeur. Ce titre de prince de la jeunesse semble dans tout le haut empire n'avoir appartenu qu'aux jeunes princes qui n'étaient encore que césars ; Valérien parait être le premier, du-moins sur les médailles duquel on trouve princeps juventutis, au revers d'une tête qui porte pour légende imperator ; mais dans le bas empire, on en a cent exemples. (D.J.)

PRINCE, princeps, (Art militaire des Romains) c'est le nom d'une des quatre sortes de soldats qui composaient les légions. Après les hastaires étaient les soldats qu'on appelait princes, d'un âge plus avancé, pesamment armés comme les précédents, ayant pour armes offensives l'épée, le poignard, et de gros dards. Ils commençaient par lancer leurs traits, et se servaient ensuite de leur épée en s'avançant contre l'ennemi. Voyez LEGION.

PRINCE DU SENAT, (Histoire romaine) c'était celui que le censeur lisant publiquement la liste des sénateurs, nommait le premier, princeps senatus dictus fuit is qui in lectione senatus, quae per censores peracto censu, fiebat, primo loco recitabatur, dit Rosin. Il est appelé dans les auteurs tantôt princeps senatus ou princeps in senatu, tantôt princeps civitatis ou totius civitatis, quelquefois patriae princeps, et même quelquefois simplement princeps aussi-bien que les empereurs.

Sa nomination dépendait ordinairement du choix du censeur, qui à la vérité ne déférait ce titre honorable qu'à un ancien sénateur, lequel avait été déjà honoré du consulat ou de la censure, et que sa probité et sa sagesse avaient rendu recommandable. Il jouissait toute sa vie de cette prérogative.

Le titre de prince du sénat était tellement respecté, que celui qui l'avait porté était toujours appelé de ce nom par préférence à celui de toute autre dignité dont il se serait trouvé revêtu. Il n'y avait cependant aucun droit lucratif attaché à ce beau titre, et il ne donnait d'autre avantage qu'une autorité qui semblait naturellement annoncer un mérite supérieur dans la personne qui en était honorée.

Cette distinction avait commencé sous les rais. Le fondateur de Rome s'était réservé en propre le choix et la nomination du principal sénateur qui dans son absence devait présider au sénat. Quand l'état devint républicain, on voulut conserver cette dignité.

Depuis l'institution des censeurs, il passa en usage de conférer le titre de prince du sénat au sénateur le plus vieux et de dignité consulaire, mais dans la dernière guerre punique un des censeurs soutenant avec fermeté que cette règle établie dès le commencement de la république devait être observée dans tous les temps, et que T. Manlius Torquatus devait être nommé prince du sénat, l'autre censeur s'y opposa, et dit que puisque les dieux lui avaient accordé la faveur de réciter les noms des sénateurs inscrits sur la liste, il voulait suivre son propre penchant, et nommer le premier Q. Fabius Maximus qui, suivant le témoignage d'Annibal lui-même, avait mérité le titre de prince du peuple romain.

Au reste, quelque grands, quelque respectés que fussent les princes du sénat, il parait que l'histoire n'en nomme aucun avant M. Fabius Ambustus qui fut tribun militaire l'an de Rome 386. Nous ignorerions même qu'il a été prince du sénat, si Pline, l. VII. c. xlij. n'avait observé comme une singularité très-glorieuse pour la maison Fabia, que l'ayeul, le fils et le petit-fils eurent consécutivement cette primauté, tres continui principes senatus.

Il serait difficîle de former une suite des princes du sénat depuis les trois Fabius dont Pline fait mention. M. l'abbé de la Bletterie, dans un mémoire sur ce sujet, inséré dans le recueil de littérature, tome XXIV. reconnait, après bien des recherches historiques, que l'entreprise de former cette suite serait vaine. Comme les princes du sénat n'avaient en cette qualité aucune part au gouvernement, on doit être un peu moins surpris que les historiens aient négligé d'en marquer la succession. D'ailleurs pas une histoire complete de la république romaine ne s'est sauvée du naufrage de l'antiquité. Tite-Live ne parle point des princes du sénat dans sa première décade : nous ignorons s'il en parlait dans la seconde ; le plus ancien qu'il nomme dans la troisième, c'est Fabius Maximus choisi l'an de Rome 544. Dans les quinze derniers livres qui nous restent de ce fameux historien, les successeurs de Fabius Maximus sont indiqués, savoir en 544, Scipion le vainqueur d'Annibal ; en 570, L. Valerius Flaccus alors censeur, qui fut choisi par Caton son collègue dans la censure ; Emilius Lépidus fut nommé l'an 574. Il semble que l'élection de Fabius Maximus ayant introduit l'usage de conférer le titre de prince du sénat, non comme autrefois à l'ancienneté, mais au mérite, Tite-Live s'était imposé la loi de marquer ceux qui l'avaient reçu depuis cette époque. En effet, la suite en devenait alors beaucoup plus intéressante, parce qu'elle faisait connaître à qui les Romains avaient de siècle en siècle adjugé le prix de la vertu.

Il est donc à présumer que nous en aurions une liste complete depuis Fabius Maximus jusqu'aux derniers temps de la république, si nous avions l'ouvrage de Tite-Live tout entier. Mais on ignore quel fut le successeur d'Emilius Lépidus mort en 601 ; c'est le dernier dont il soit fait mention dans Tite-Live, qui nous manque à la fin du sixième siècle de Rome. Nous trouvons Cornelius Lentulus en 628, Métellus le macédonique en 632, Emilius Scaurus en 638, et celui-ci vivait encore en 662 ; à Scaurus succéda peut-être l'orateur Antoine, que Marius fit égorger en 666. L. Valerius Flaccus fut nommé l'année suivante, Catullus en 683.

Les vides qui se trouvent dans cette liste peuvent être attribués avec assez de vraisemblance à la disette d'historiens. Mais on doit, ce me semble, chercher une autre raison de celui qui se rencontre depuis la mort de Catullus, arrivée au plus tard en 693 jusqu'à César Octavien, choisi l'an de Rome 725. Je crois que dans cet intervalle le titre de prince du sénat demeura vacant. Pour ces temps-là, nous avons l'histoire de Dion Cassius. Il nous reste beaucoup d'auteurs contemporains et autres, dont les ouvrages nous apprennent dans un très-grand détail les événements des trente dernières années de la république. Si Catullus eut des successeurs, comment aucun d'eux n'est-il marqué nulle part, pas même dans Cicéron, dont les écrits, et surtout ses lettres, sont une source intarissable de ces sortes de particularités ?

On trouve, il est vrai, çà et là certaines expressions qui semblent insinuer que Crassus et Pompée furent princes du sénat. Par exemple, dans Velleius Paterculus, le premier est appelé romanorum omnium princeps ; le second princeps romani nominis, dans le même historien ; omnium saeculorum et gentium princeps, dans Cicéron, qui, par reconnaissance et par politique, a plus que personne encensé l'idole dont il connaissait le néant. Toutefais ces expressions et d'autres semblables prouvent simplement la supériorité de puissance que Pompée et Crassus avait acquise, et nous ne devons pas en conclure qu'ils aient été princes du sénat. Pour le dernier, il fallait avoir exercé la censure, ou du-moins l'exercer actuellement ; or Pompée n'a jamais été censeur.

On convient que les usages et les lois même ne tenaient point devant l'énorme crédit de Pompée. On lui prodiguait les dispenses ; mais les auteurs ont pris soin de remarquer celles qui lui furent accordées. Ils les rapportent tantôt comme les preuves du mérite qu'ils lui supposent, tantôt comme les effets de son bonheur, de ses intrigues, du fanatisme de la nation. Pourquoi la dispense dont il s'agit leur aurait-elle échappée ? Sommes-nous en droit de la supposer malgré leur silence ? Il est si profond et si unanime qu'il vaut presque une démonstration. Crassus avait été censeur, mais aucun auteur ne dit qu'il ait été prince du sénat. Parmi les titres, soit anciens, soit nouveaux que l'on accumula sur la tête de César depuis qu'il eut opprimé sa patrie, nous ne lisons point celui de prince du sénat.

Il est très-vraisemblable que pendant les trente années qui s'écoulèrent depuis la mort de Catullus jusqu'au sixième consulat d'Octavien, la place de prince du sénat demeura vacante. Après la mort de Catullus, la place de prince du sénat ne put être remplie pendant les dix années suivantes. Appius Claudius et Lucius Pison furent élus en 703, et ce furent les derniers qui du temps de la république aient exercé la censure.

Le jeune César ayant réuni dans sa personne toute la puissance des triumvirs, projeta de la déguiser sous des titres républicains. Lorsqu'il eut formé son plan, il jugea que le titre de prince du sénat, princeps, marquant le suprême degré du mérite, serait le plus convenable pour servir de fondement aux autres ; il fut nommé prince du sénat, dit Dion, conformément à l'usage qui s'était observé, lorsque le gouvernement populaire subsistait dans toute sa vigueur. Tous les pouvoirs qui lui furent alors confiés et ceux qu'il reçut dans la suite, il ne les accepta que comme prince du sénat, et pour les exercer au nom de la compagnie dont il était chef. Cuncta discordiis fessa, dit Tacite, nomine principis sub imperium accepit. A l'exemple de ceux qui avaient été princes du sénat avant lui, il se tint plus honoré de ce titre que d'aucun autre. C'était un titre purement républicain, et qui ne portant par lui-même nulle idée de juridiction ni de puissance, couvrait ce que les autres pouvaient avoir d'odieux par leur réunion et par leur continuité. (D.J.)