S. m. (Jurisprudence) est un acte qui contient les demandes qu'un juge ou commissaire délégué pour interroger, fait à une partie au sujet de certains faits, et les réponses qui y sont faites par la partie, pour tirer de la bouche de celui qui est interrogé l'éclaircissement de la vérité, et servir de preuve dans la cause, instance ou procès.

Les interrogatoires sont différents des enquêtes et informations, en ce que ce sont les parties que l'on interroge ; au lieu que ce sont les témoins que l'on entend dans une enquête ou information : il est même défendu pour les informations d'y faire d'autre interrogation aux témoins que sur leur nom, surnom, qualité ; et s'ils sont parents, serviteurs ou alliés des parties.

On fait des interrogatoires en matière civîle et en matière criminelle.

En matière civile, les interrogatoires s'appellent ordinairement interrogatoires sur faits et articles, lorsqu'ils se font sur des faits et articles signifiés par une partie à l'autre. Il se fait cependant aussi d'autres interrogatoires sur le barreau par le juge aux parties qui se trouvent présentes à l'audience, et surtout dans les juridictions consulaires où la procédure est sommaire : lorsque l'on est en doute de la vérité d'un fait articulé en plaidant, les consuls ordonnent que la partie qui n'a pas comparu à l'audience sera ouie par sa bouche, ainsi qu'il est dit en l'article 4 du tit. 16. de l'ordonnance du mois d'Avril 1667.

En matière criminelle, il y a plusieurs sortes d'interrogatoires ; savoir, le premier interrogatoire qui se fait lorsque l'accusé est decreté ; ceux qui se font dans le cours de l'instruction lorsqu'il y échet, et le dernier interrogatoire qui se fait derrière le barreau ou sur la sellete.

Interrogatoire sur faits et articles, est un acte qui se fait en matière civile, pour découvrir la vérité des faits articulés par une partie. Ces interrogatoires se font par le juge ou par un commissaire délégué à cet effet : au châtelet de Paris, ce sont les commissaires qui font ces sortes d'interrogatoires ; dans les autres tribunaux, on commet un conseiller qui est commissaire en cette partie, c'est-à-dire pour faire l'interrogatoire.

Il est permis aux parties de faire interroger, en tout état de cause, sur faits et articles pertinens, concernant seulement la matière dont est question par-devant le juge où le différend est pendant ; et en cas d'absence de la partie, par devant le juge qui sera par lui commis, le tout sans retardation de l'instruction et jugement.

La partie doit répondre en personne, et non par procureur ni par écrit ; et en cas de maladie ou empêchement légitime, le juge ou commissaire doit se transporter en son domicîle pour recevoir son interrogatoire.

Le juge ou commissaire après avoir pris le serment, reçoit les réponses sur chaque fait et article, et peut même d'office interroger sur quelques faits, quoiqu'il n'en ait pas été donné copie, et que l'on appelle par cette raison faits secrets.

Les réponses doivent être précises et pertinentes sur chaque fait, et sans aucun terme injurieux ni calomnieux.

La forme pour interroger les chapitres, corps et communautés, est qu'ils doivent nommer syndic, procureur ou officier, pour répondre sur les faits et articles qui lui auront été communiqués, et à cette fin ils doivent lui donner un pouvoir spécial, dans lequel les réponses seront expliquées et affirmées véritables, autrement les faits sont tenus pour confessés et avérés.

On peut aussi faire interroger les syndics, procureurs et autres qui ont agi par les ordres de la communauté, sur les faits qui les concernent en particulier, pour y avoir par le juge tel égard que de raison.

Si le tuteur poursuivi pour les affaires de son mineur refuse de répondre, les faits ne sont pas tenus pour cela pour confessés et avérés au préjudice du mineur.

La partie qui fait faire l'interrogation ne peut pas y être présente.

La procédure que l'on doit tenir pour les interrogatoires sur faits et articles, est expliquée dans l'ordonnance de 1667, tit. 10.

Interrogatoire derrière le barreau, est celui que l'on fait subir à un accusé en présence de tous les juges, lors du jugement du procès, quand les conclusions et la sentence dont est appel, ne tendent pas à peine afflictive.

Les curateurs et les interpretes sont toujours interrogés derrière le barreau, quand même les conclusions et la sentence porteraient peine afflictive contre l'accusé. Voyez ci-après INTERROGATOIRE en matière criminelle, et INTERROGATOIRE sur la sellette.

Interrogatoire en matière criminelle, est celui que subit l'accusé, tant lorsqu'il est arrêté ou decrété, que dans le cours de l'instruction s'il y échet, et avant le jugement définitif.

Les accusés pris en flagrant-délit, peuvent être interrogés dans le premier lieu qui sera trouvé commode.

Ceux qui sont decrétés doivent être interrogés au lieu où se rend la justice, dans la chambre du conseil ou de la geole.

Les prisonniers pour crime doivent être interrogés incessamment, et les interrogatoires commencés au plus tard dans les 24 heures après leur emprisonnement, à peine de tous dépens, dommages et intérêts contre le juge qui doit faire l'interrogatoire ; et faute par lui d'y satisfaire, il doit y être procédé par un autre officier suivant l'ordre du tableau.

Il est défendu aux geoliers et guichetiers de permettre la communication de quelque personne que ce soit avec les prisonniers detenus pour crime, avant leur interrogatoire ni même après, si cela est ainsi ordonné par le juge.

Le juge doit vacquer en personne à l'interrogatoire, lequel ne peut en aucun cas être fait par le greffier, à peine de nullité et d'interdiction contre le juge et le greffier, et de 500 livres d'amende contre chacun d'eux.

Les procureurs du roi, ceux des seigneurs, et les parties civiles peuvent donner des mémoires aux juges pour interroger l'accusé, tant sur les faits portés par l'information qu'autres, pour s'en servir par le juge comme il avisera.

Les accusés doivent être interrogés chacun séparément, sans assistance d'autre personne que du juge et du greffier ; mais au dernier interrogatoire tous les juges sont présents.

L'accusé doit prêter serment avant d'être interrogé, et il en doit être fait mention, à peine de nullité.

De quelque qualité et condition que soit l'accusé, il doit répondre par sa bouche sans le ministère d'aucun conseil, lequel ne peut leur être donné, même après la confrontation, nonobstant tous usages contraires, si ce n'est pour crime de péculat, concussion, banqueroute frauduleuse, vol de commis ou associés en affaires de finances ou de banque, fausseté de pièces, supposition de part, et autres crimes où il s'agit de l'état des personnes, à l'égard desquels les juges peuvent ordonner si la matière le réquiert, que les accusés après l'interrogatoire communiqueront avec leur conseil ou leur commis.

Après l'interrogatoire les juges peuvent permettre à l'accusé de conférer avec qui bon leur semble.

Les hardes, meubles et autres pièces de conviction doivent être représentées à l'accusé lors de son interrogatoire, et les papiers et écritures paraphées par le juge et par l'accusé, après quoi l'interrogatoire est continué sur les faits et inductions résultantes des hardes, meubles et autres pièces, et l'accusé est tenu de répondre sur le champ, sans qu'il lui en soit donné d'autre communication, si ce n'est dans les cas mentionnés ci-dessus de péculat, concussion, &c.

Quand l'accusé n'entend pas la langue française, l'interprete ordinaire, ou s'il n'y en a point, celui qui est nommé d'office par le juge, après avoir prêté serment, explique à l'accusé les interrogations qui lui sont faites par le juge, et à celui-ci les réponses de l'accusé. Le tout doit être écrit en français et signé par le juge, l'interprete et l'accusé, sinon l'on doit faire mention du refus de signer.

La minute de l'interrogatoire ne doit contenir aucune rature ni interligne ; et si l'accusé fait quelque changement à ses réponses, il en doit être fait mention dans la suite de l'interrogatoire.

A la fin de chaque séance de l'interrogatoire, on en doit faire lecture à l'accusé ; et le juge et l'accusé doivent coter et parapher toutes les pages.

Les commissaires au châtelet de Paris peuvent interroger pour la première fois les accusés pris en flagrant-délit ; les domestiques accusés par leurs maîtres, et ceux contre lesquels il y a decret d'ajournement personnel seulement.

On peut réitérer l'interrogatoire toutes les fois que le cas le requiert.

Chaque interrogatoire doit être mis en un cahier séparé.

Il est défendu à tous juges de rien prendre ni recevoir des prisonniers pour leur interrogatoire, sauf à se faire payer de leurs droits par la partie civile, s'il y en a une.

Les interrogatoires doivent être incessamment communiqués au procureur du roi ou du seigneur, pour prendre droit par iceux, ou requérir ce qu'il avisera.

On en donne aussi communication à la partie civile, de telle nature que soit le crime.

L'accusé d'un crime auquel il n'échet pas peine afflictive, peut prendre droit par les charges après avoir subi l'interrogatoire. (A)

Interrogatoire sur la sellette, est celui lors duquel les accusés sont assis sur une sellette de bois ; au lieu que dans les autres interrogatoires, l'accusé est debout derrière le barreau. L'interrogatoire sur la sellette a lieu devant les premiers juges, lorsque les conclusions du procureur du roi ou du procureur fiscal, tendent à peine afflictive ; et dans les cours, lorsque les sentences dont est appel, ou les conclusions du procureur général tendent pareillement à peine afflictive.

L'interrogatoire sur la sellette subi devant les premiers juges, doit être envoyé en la cour avec le procès quand il y a appel.

Ceux qui ont impétré des lettres de grâce, doivent être interrogés sur la sellette avant le jugement. Voyez l'ordonnance de 1670, titre des interrogatoires, et titre des lettres d'abolition, article 26. (A)