S. f. (Morale) Faveur, du mot latin favor, suppose plutôt un bienfait qu'une récompense. On brigue sourdement la faveur ; on mérite et on demande hautement des récompenses. Le dieu Faveur, chez les mythologistes romains, était fils de la Beauté et de la Fortune. Toute faveur porte l'idée de quelque chose de gratuit ; il m'a fait la faveur de m'introduire, de me présenter, de recommander mon ami, de corriger mon ouvrage. La faveur des princes est l'effet de leur gout, et de la complaisance assidue ; la faveur du peuple suppose quelquefois du mérite, et plus souvent un hasard heureux. Faveur diffère beaucoup de grâce. Cet homme est en faveur auprès du roi, et cependant il n'en a point encore obtenu de grâces. On dit, il a été reçu en grâce. On ne dit point, il a été reçu en faveur, quoiqu'on dise être en faveur : c'est que la faveur suppose un goût habituel ; et que faire grâce, recevoir en grâce, c'est pardonner, c'est moins que donner sa faveur. Obtenir grâce, c'est l'effet d'un moment ; obtenir la faveur est l'effet du temps. Cependant on dit également, faites-moi la grâce, faites-moi la faveur de recommander mon ami. Des lettres de recommandation s'appelaient autrefois des lettres de faveur. Sévère dit dans la tragédie de Polieucte,

Je mourrais mille fois plutôt que d'abuser

Des lettres de faveur que j'ai pour l'épouser.

On a la faveur, la bienveillance, non la grâce du prince et du public. On obtient la faveur de son auditoire par la modestie : mais il ne vous fait pas grâce si vous êtes trop long. Les mois des gradués, Avril et Octobre, dans lesquels un collateur peut donner un bénéfice simple au gradué le moins ancien, sont des mois de faveur et de grâce.

Cette expression faveur signifiant une bienveillance gratuite qu'on cherche à obtenir du prince ou du public, la galanterie l'a étendue à la complaisance des femmes : et quoiqu'on ne dise point, il a eu des faveurs du roi, on dit, il a eu les faveurs d'une dame. Voyez l'article suivant. L'équivalent de cette expression n'est point connu en Asie, où les femmes sont moins reines.

On appelait autrefois faveurs, des rubans, des gants, des boucles, des nœuds d'épée, donnés par une dame. Le comte d'Essex portait à son chapeau un gant de la reine Elisabeth, qu'il appelait faveur de la reine.

Ensuite l'ironie se servit de ce mot pour signifier les suites fâcheuses d'un commerce hasardé ; faveurs de Vénus, faveurs cuisantes, etc. Article de M. DE VOLTAIRE.

FAVEURS, (Morale et Galanterie) Faveurs de l'amour, c'est tout ce que donne ou accorde l'amour sensible à l'amour heureux ; ce sont même ces riens charmants qui valent tant pour l'objet aimé : c'est que tout ce qui vient de sa maîtresse est d'un grand prix ; la fleur qu'elle a cueillie, le ruban qu'elle a porté, voilà des trésors pour celle qui les donne et pour celui qui les reçoit. Les faveurs de l'amour, toutes plus précieuses et plus aimables, se prêtent des secours et des plaisirs égaux ; c'est qu'elles ont toutes une valeur bien grande ; c'est que toujours plus touchantes à mesure qu'elles se multiplient, elles conduisent enfin à celle qui les couronne et qui les rassemble. Parlerons-nous de ces mystères, sur lesquels il n'y a que l'amour qui doit jeter les yeux ; instant le plus beau de la vie, où l'on obtient et où l'on goute tout ce que peut donner de voluptueux et de sensible, la possession entière de la beauté qu'on aime ? Ne disons rien de ces plaisirs, ils aiment l'ombre et le silence.

Les faveurs mêmes les plus legeres, doivent être secrètes ; il ne faut pas plus avouer le bouquet donné, que le baiser reçu. Lisette attache une rose à la houlette de Daphnis : ce berger peut l'offrir aux yeux de ses rivaux jaloux ; mais aussi discret qu'il est heureux, Daphnis content jouit en secret de sa victoire : il n'y a que lui qui sait que Lisette a donné ; il n'y a qu'elle d'instruite de sa reconnaissance. Imitons Daphnis. Cet article est de M. DE MARGENCY.

FAVEUR, (Jurisprudence) est une prérogative accordée à certaines personnes et à certains actes.

Par exemple, on accorde beaucoup de faveur aux mineurs, et à l'Eglise qui jouit des mêmes privilèges.

La faveur des contrats de mariage est très grande. On fait des donations en faveur de mariage, c'est-à-dire en considération du mariage.

Les principes les plus connus par rapport à ce qui est de faveur, sont que ce qui a été introduit en faveur de quelqu'un, ne peut pas être rétorqué contre lui ; que les faveurs doivent être étendues et les choses odieuses restreintes, favores ampliandi, odia restringenda. Voyez cod. lib. I. tit. XIVe l. 6. et ff. liv. XXVIII. tit. IIe l. 19.

On appelle jugement de faveur, celui où la considération des personnes aurait eu plus de part que la justice.

Il ne doit point y avoir de faveur dans les jugements ; tout s'y doit régler par le bon droit et l'équité, sans aucune acception des personnes au préjudice de la justice : mais il y a quelquefois des questions si problématiques entre deux contendants dont le droit parait égal, que les juges peuvent sans injustice se déterminer pour celui qui, par de certaines considérations, mérite plus de faveur que l'autre. (A)

FAVEUR, (mois de) Jurisprudence Voyez MOIS DE FAVEUR.

FAVEUR, (Commerce) On appele, en termes de Commerce, jours de faveur, les dix jours que l'ordonnance accorde aux marchands, banquiers et négociants, après l'échéance de leurs lettres et billets de change, pour les faire protester.

Ces dix jours sont appelés de faveur, parce que proprement il ne dépend que des porteurs de lettres de les faire protester dès le lendemain de l'échéance ; et que c'est une grâce qu'ils font à ceux sur qui elles sont tirées, d'en différer le protêt jusqu'à la fin de ces dix jours. Voyez JOURS DE GRACE.

Le porteur ne peut néanmoins différer de les faire protester faute de payement au-delà du dixième jour, sans courir risque que la lettre ne demeure pour son compte particulier.

Les dix jours de faveur se comptent du lendemain du jour de l'échéance des lettres, à la réserve de celles qui sont tirées sur la ville de Lyon, payables en payements, c'est-à-dire qui doivent être protestées dans les trois jours après le payement échu, ainsi qu'il est porté par le neuvième article du règlement de la place des changes de Lyon, du 2 Juin 1667.

Les dimanches et fêtes, même les plus solennelles, sont compris dans les dix jours de faveur.

Le bénéfice des dix jours de faveur n'a pas lieu pour les lettres payables à vue, qui doivent être payées si-tôt qu'elles sont présentées, ou faute de payement, être protestées sur le champ. Voyez LETTRES DE CHANGE. Dictionnaire de Commerce, de Trév. et de Chambers. (G)

FAVEUR se dit aussi, dans le Commerce, lorsqu'une marchandise n'ayant pas d'abord eu de débit, ou même ayant été donnée à perte, se remet en vogue ou redevient de mode. Les taffetas flambés ont repris faveur. Dictionnaire de Comm. de Trév. et Chambers. (G)

FAVEUR s'entend encore du crédit que les actions des compagnies de Commerce, ou leurs billets, prennent dans le public ; ou, au contraire, du discrédit dans lequel ils tombent. Dictionnaire de Comm. (G)