(Jurisprudence) du latin compellere, est un mandement émané de l'autorité souveraine ou de justice, en vertu duquel le dépositaire d'une pièce est tenu de la représenter.

L'usage des compulsoires nous vient des Romains : on en trouve des vestiges dans le code Théodosien, tit. de edend. l. 6. et au même titre du code de Justinien, l. 2.

Par cette loi, qui est des empereurs Sévère et Antonin, il est dit que le juge devant lequel la cause est pendante, ordonnera que l'on présente aux parties les actes publics, tant civils que criminels, afin que les parties les examinent, et puissent s'éclaircir de la vérité de ces actes.

Il y a longtemps que les compulsoires sont aussi d'usage parmi nous ; en effet il en est parlé dans l'ordonnance de Charles VII. de l'an 1446, art. 36. qui porte que les parties produiront dans les trois jours sans espérance d'autre délai, sous ombre de compulsoire ni autrement.

L'ordonnance de Charles VIII. de l'an 1493, art. 31. ordonne qu'aucun délai et compulsoire ne soit accordé par la cour, outre les délais ordinaires pour produire, sinon que ce délai et compulsoire eut été demandé en jugement en plaidant la cause.

Le même règlement fut renouvellé par Louis XII. en 1507, art. 81. et par François I. en Octobre 1535, ch. XVe art. 2.

Français I. par son ordonnance de 1539, art. 177. a encore prévu le cas du compulsoire, en défendant aux notaires et tabellions de ne montrer et communiquer leurs registres, livres, et protocolles, sinon aux contractants, leurs héritiers et successeurs, ou autres auxquels le droit de ces contrats appartiendrait notoirement, ou qu'il fût ordonné par justice.

Enfin l'ordonnance de 1667 contient un titre exprès des compulsoires et collations de pièces ; c'est le titre XIIe

A l'égard des coutumes, je ne connais que celle de Bourbonnais, rédigée en 1520, qui fasse mention des compulsoires. L'article 433. dit que les notaires et tabellions sont tenus et peuvent être contraints, par compulsoire ou autrement, d'exhiber aux lignagers, seigneurs féodaux et directs, la note et contrat d'aliénation par eux reçu, et leur en donner copie à leurs dépens s'ils en sont requis, etc.

La coutume de Nivernais, ch. xxxj. art. 15. contient une disposition à-peu-près semblable pour l'exhibitions des pièces qui est dû. par les notaires ; mais elle ne parle pas de compulsoire.

Anciennement l'ordonnance du juge suffisait pour autoriser une partie à compulser une pièce ; mais depuis que l'on a introduit l'usage des lettres de justice en chancellerie, il est nécessaire d'obtenir des lettres de compulsoire.

Ces lettres sont adressées à un huissier ; en sorte qu'il n'y a qu'un huissier qui puisse les mettre à exécution.

Elles contiennent l'exposé qui a été fait par l'impétrant, qu'il a intérêt d'avoir connaissance de certaines pièces, dont on lui refuse ou dont on pourrait lui refuser la communication sous de vains prétextes ; qu'il désire en avoir une copie authentique, et qui puisse faire foi contre sa partie.

Les lettres donnent ensuite pouvoir à l'huissier de faire commandement à tous notaires, tabellions, greffiers, curés, vicaires, gardes-registres, et autres personnes publiques, de représenter tous les titres, contrats, aveux, registres, et autres actes qui seront requis par l'impétrant, pour en être par l'huissier fait des copies, extraits, vidimus et collations, partie présente ou dû.ment appelée, pour servir à l'impétrant au procès dont il s'agit, et par-tout ailleurs ; et en cas d'opposition, refus ou délai, l'huissier est autorisé à assigner pour en dire les causes.

On voit par-là qu'un compulsoire peut avoir deux objets.

L'un d'avoir communication d'une pièce que l'on n'a pas, pour en prendre une copie en entier ou par extraits, ou pour vidimer et collationner la copie que l'on a avec l'original, et confronter si elle est pareille.

L'autre objet que l'impétrant se propose en appelant sa partie au compulsoire, est d'avoir une copie qui puisse faire foi à l'égard de celui contre lequel il veut s'en servir ; c'est pour cela que l'on assigne la partie pour être présente, si bon lui semble, au procès-verbal de compulsoire.

Autrefois on assignait la partie à se trouver à la porte d'une église ou autre lieu public, pour de-là se transporter ailleurs ; mais l'ordonnance de 1667 a abrogé ce circuit inutile, et veut que l'assignation soit donnée à comparoir au domicîle d'un greffier ou notaire, soit que les pièces soient en leur possession ou entre les mains d'autres personnes.

Quoique l'ordonnance ne nomme que les greffiers et notaires, l'usage est que l'on peut aussi assigner au domicîle des curés, vicaires, et autres personnes publiques, pour les pièces dont ils sont dépositaires.

Il en est de même lorsque l'on veut compulser une pièce entre les mains de l'avocat de la partie adverse ; l'assignation se donne au domicîle de l'avocat, et le compulsoire se fait entre les mains du clerc, qui est personne publique en cette partie.

Un avocat qui a en communication le sac de son confrère, ne fait point compulser les pièces entre ses mains ; il commence par le remettre, pour ne point manquer à la fidélité qu'ils observent dans ces communications : mais la partie peut faire compulser la pièce, comme on vient de le dire, entre les mains du clerc de l'avocat adverse, parce que la communication des sacs rend les pièces communes, au moyen de quoi on ne peut empêcher le compulsoire des pièces qui y sont.

Du reste on ne peut obliger un particulier de laisser compulser des pièces qu'il a entre ses mains, mais qu'il n'a pas produit ni communiqué ; car la règle en cette matière est que nemo tenetur edere contra se. Liv. I. §. 3. et leg. 4. cod. de edendo.

Ainsi, hors le cas de pièces produites ou communiquées par la partie, on ne peut compulser que les pièces qui sont dans un dépôt public, ou qu'un tiers veut bien représenter devant un officier public.

Les sentences, arrêts et autres jugements, les ordonnances, édits, déclarations, les registres des insinuations et autres actes semblables, qui par leur nature sont destinés à être publics, doivent être communiqués par ceux qui en sont dépositaires, à toutes sortes de personnes, sans qu'il soit besoin pour cet effet de lettres de compulsoire.

Ces sortes de lettres ne sont nécessaires que pour les contrats, testaments et autres actes privés ; lesquels aux termes des ordonnances, ne doivent être communiqués qu'aux parties, leurs héritiers, successeurs ou ayans cause. C'est pourquoi lorsqu'un tiers prétend avoir intérêt de les compulser, il faut qu'il y soit autorisé par des lettres.

Si celui qui est dépositaire de la pièce refuse de la communiquer nonobstant les lettres, en ce cas on le fait assigner pour dire les causes de son refus, et la justice en décide en connaissance de cause.

Les assignations données aux personnes ou domiciles des procureurs des parties, ont le même effet pour les compulsoires que si elles avaient été données au domicîle des parties.

Le procès-verbal de compulsoire et de collation de pièces, ne peut être commencé qu'une heure après l'échéance de l'assignation, et le procès-verbal doit en faire mention.

Enfin si la partie qui a requis le compulsoire ne compare pas, ou son procureur pour lui, à l'assignation qu'il a donnée, il sera condamné à payer à la partie qui aura comparu, la somme de vingt liv. pour ses dépens, dommages et intérêts, et les frais de son voyage, s'il y échet ; ce qui sera payé comme frais préjudiciaux. Voyez le recueil des ordonnances de Néron ; la conférence de Guenais, liv. III. tit. IVe des délais et défauts ; Bornier, sur le tit. XIIe de l'ordonnance. (A)