S. f. (Jurisprudence) en général est un acte par lequel on quitte quelque chose. Il y a démission d'un bénéfice, démission de biens, d'une charge ou office, démission de foi, démission de possession. (A)

DEMISSION D'UN BENEFICE, qu'on appelle aussi résignation, est l'acte par lequel un ecclésiastique renonce à un bénéfice dont il était pourvu.

On distingue deux sortes de démissions, savoir la démission pure et simple, et celle qui se fait en faveur d'un autre.

La démission pure et simple, qui est la seule proprement dite, est celle par laquelle le pourvu renonce purement et simplement à son bénéfice, sans le transmettre à un autre ; au lieu que la démission en faveur, qu'on appelle plus ordinairement résignation en faveur, est un acte par lequel le pourvu ne quitte son bénéfice, que sous la condition, et non autrement, qu'il passera à son résignataire.

La voie la plus canonique pour quitter un bénéfice, est la démission pure et simple, aussi n'en connaissait-on point d'autre dans la pureté de la discipline ecclésiastique. C'est de cette espèce de démission qu'il est parlé aux decrétales, tit. de renuntiat. les résignations en faveur ne se sont introduites que dans le temps du schisme, qui était favorable au relâchement.

La démission pure et simple se fait communément entre les mains de l'ordinaire, lequel au moyen de cette démission peut disposer du bénéfice au profit de qui bon lui semble.

Il arrive néanmoins quelquefois que la démission pure et simple se fait entre les mains du pape ; mais ces sortes de démissions sont extraordinaires, étant inutîle de recourir à l'autorité du pape pour une simple abdication d'un bénéfice, laquelle se fait par une voie bien plus courte entre les mains de l'ordinaire. On ne pratique guère ces démissions pures et simples entre les mains du pape, que quand le résignant se défie de la légitimité de sa possession, et qu'il craint que sa résignation ne fût inutîle au résignataire ; en ce cas on s'adresse au pape, qui après avoir admis la démission pure et simple, accorde ordinairement le bénéfice à celui pour qui on le demande. On fait aussi de ces démissions quand on veut faire continuer la collation d'un bénéfice en commande : il y a presque toujours de la confidence de la part de ceux qui poursuivent l'admission de ces sortes de démissions pures et simples en cour de Rome.

Quoi qu'il en sait, lorsque le pape confère sur une telle démission, les provisions qu'il donne en ce cas ne sont pas datées du jour de l'arrivée du courier comme les autres qu'il donne pour la France ; elles ne sont datées que du jour qu'elles sont expédiées.

Lorsque la démission pure et simple se fait entre les mains de l'ordinaire, il ne donne point d'autre acte sur la démission que les provisions mêmes, en ces termes : donnons et conférons ledit bénéfice vacant par la démission pure et simple faite en nos mains. Au lieu que quand la démission se fait entre les mains du pape, il y a en ce cas deux signatures ; une pour l'admission de la démission, et qui déclare que le bénéfice est vacant par cette démission ; l'autre est la signature de provision sur la démission. Voyez la pratique de cour de Rome de Castel, tome II. p. 28. et suiv.

Pour ce qui est de la démission en faveur, qu'on appelle plutôt résignation en faveur, voyez RESIGNATION. (A)

DEMISSION DE BIENS, est un acte et une disposition par lesquels quelqu'un fait de son vivant un abandonnement général de ses biens à ses héritiers présomptifs.

Ces sortes d'abandonnements se font ordinairement en vue de la mort et par un motif d'affection du démettant pour ses héritiers. Quelquefois aussi le démettant, âgé et infirme, a pour objet de se débarrasser de l'exploitation de ses biens, à laquelle il ne peut plus vaquer, et de se procurer une vie plus douce et plus tranquille, au moyen des conditions qu'il ajoute à sa démission, comme de le nourrir, loger et entretenir sa vie durant, ou de lui payer une pension viagère.

La démission de biens doit imiter l'ordre naturel des successions, car c'est une espèce de succession anticipée ; c'est pourquoi elle est sujette aux mêmes règles que les successions : par exemple, un des démissionnaires ne peut être avantagé plus que les autres, à l'exception du droit d'ainesse ; le rapport a lieu dans les démissions en directe comme dans les successions ; la démission fait des propres, et produit les mêmes droits seigneuriaux qu'aurait pu produire la succession.

La plus grande différence qu'il y ait entre une succession et une démission : c'est qu'aux successions c'est le mort qui saisit le vif, au lieu qu'aux démissions c'est une personne vivante qui saisit elle-même ses héritiers présomptifs, du moins, quant à la propriété ; elle leur transmet aussi quelquefois la possession actuelle.

Ces sortes d'actes peuvent se faire dans toutes sortes de pays ; mais ils sont plus fréquents qu'ailleurs dans les provinces de Bourgogne, Bourbonnais, Nivernais, Normandie, et surtout en Bretagne.

Les démissions ne se pratiquent guère que de la part des père, mère, et autres ascendants en faveur de leurs enfants et petits-enfants, et surtout entre les gens de la campagne et autres d'un état très-médiocre.

On ne peut pas regarder la démission comme une véritable donation entre-vifs, attendu qu'elle est révocable jusqu'à la mort, du moins dans la plupart des parlements où elle est située.

Elle peut bien être regardée, par rapport au démettant, comme une disposition de dernière volonté faite intuitu mortis, et semblable à cette espèce de donation à cause de mort, dont il est parlé dans la loi seconde, au digeste de mortis causâ donat. cependant la démission n'est pas une véritable donation à cause de mort ; car, outre qu'elle n'est point sujette aux formalités des testaments, quoiqu'elle soit révocable, elle a un effet présent, sinon pour la possession, au moins pour la propriété.

On doit donc plutôt la mettre dans la classe des contrats innommés do ut des, puisque le démettant met toujours quelques conditions à l'abandonnement général qu'il fait de ses biens, attendu qu'il faut bien qu'il se réserve sa subsistance de façon ou d'autre, soit par une réserve d'usufruit, ou d'une pension viagère, ou en stipulant que ses enfants seront tenus de le loger, nourrir et entretenir sa vie durant.

Les conditions nécessaires pour la validité d'une démission, sont :

1°. Le consentement de toutes les parties, et l'acceptation expresse des démissionnaires ; car on n'est point forcé d'accepter une démission, non plus qu'une succession.

2°. Il faut qu'elle soit en faveur des héritiers présomptifs, sans en excepter aucun de ceux qui sont en degré de succéder, soit de leur chef, ou par représentation.

3°. Si la démission contient un partage, il faut qu'il soit entièrement conforme à la loi.

4°. Que la démission soit universelle comme le droit d'hérédité : le démettant peut néanmoins se réserver quelques meubles pour son usage, même la faculté de disposer de quelques effets, pourvu que ce qui est réservé soit fixe et certain.

5°. Que la démission soit faite à titre universel, et non à titre singulier ; c'est-à-dire, que si l'ascendant donnait seulement tels et tels biens nommément, sans donner tous ses biens en général, ce ne serait pas une démission.

6°. La démission doit avoir un effet présent, soit pour la propriété ou pour la possession, tant que la démission n'est point révoquée.

Quand le démettant est taillable, et veut se faire décharger de la taille qu'il payait pour raison des biens dont il s'est démis, il faut que la démission soit passée devant notaires, qu'elle soit publiée à la porte de l'église paroissiale un jour de dimanche ou fête, les paraissiens sortant en grand nombre ; que l'acte de démission soit ensuite homologué en l'élection dont le lieu du domicîle dépend ; que cet acte et la sentence d'homologation soient signifiés à l'issue de la messe de paraisse, un jour de dimanche ou fête, en parlant à cinq ou six habitants, et au syndic ou marguillier de la paraisse à qui la copie doit en être laissée ; enfin, que le démettant réitère cette signification avant la confection du rôle.

Au moyen de ces formalités, le démettant ne doit plus être imposé à la taille que dans la classe des invalides et gens sans bien ; et ce qu'il payait de plus auparavant, doit être rejeté sur les démissionnaires s'ils sont demeurants dans la paraisse, sinon les habitants peuvent demander une diminution.

La démission proprement dite, est de sa nature toujours révocable jusqu'à la mort, quelque espace de temps qui se soit écoulé depuis la démission, et quand même les biens auraient déjà fait souche entre les mains des démissionnaires et de leurs représentants ; ce qui a été ainsi établi, afin que ceux qui se seraient dépouillés trop légèrement de la totalité de leurs biens pussent y rentrer, supposé qu'ils eussent lieu de se repentir de leur disposition, comme il arrive souvent, et c'est sans-doute pourquoi l'Ecriture semble ne pas approuver que les père et mère se dépouillent ainsi totalement de leurs biens de leur vivant : melius est ut quam te rogent, quam te recipere in manus filiorum tuorum. Ecclésiastes. cap. xxiij. v° 22. In tempore exitus tui distribue haereditatem tuam. Ibidem, v°. 24.

On excepte néanmoins les démissions faites par contrat de mariage, qui sont irrévocables, comme les donations entre-vifs.

La démission faite à un collatéral est révoquée de plein droit par la survenance d'un enfant légitime du démettant, suivant la loi 8. au code de rev. donat.

Quand la démission est faite en directe, la survenance d'enfant n'a d'autre effet, sinon que l'enfant qui est survenu est admis à partage avec les autres enfants démissionnaires.

La révocation de la démission a un effet rétroactif, et fait que la démission est regardée comme non-avenue, tellement que toutes les dispositions, aliénations et hypothèques que les démissionnaires auraient pu faire, sont annulées.

Lorsqu'un des démissionnaires vient à décéder du vivant du démettant, la démission devient caduque à son égard, à moins qu'il n'ait des enfants ou petits-enfants habiles à le représenter ; s'il n'en a point, sa part accrait aux autres démissionnaires.

Il est libre aux démissionnaires de renoncer à la succession du démettant, et par ce moyen ils ne sont point tenus des dettes créées depuis la démission ; ils peuvent aussi accepter la succession par bénéfice d'inventaire, pour n'être tenus de ces dettes que jusqu'à concurrence de ce qu'ils amendent de la succession.

En Bretagne on suit des principes particuliers pour les démissions de biens ; elles n'y sont permises qu'en faveur de l'héritier principal et noble, et non entre roturiers. On y peut faire une démission d'une partie de ses biens seulement. Les démissions doivent être bannies et publiées en la manière prescrite par l'art. 537. ce qui n'est nécessaire néanmoins que par rapport aux créanciers. Les démissions y sont tellement irrévocables, que si le démettant se marie, les biens dont il s'est démis ne sont pas sujets au douaire. Enfin les droits seigneuriaux ne sont acquis au seigneur qu'au temps de la mort du démettant.

Voyez les questions sur les démissions de biens par M. Boulenais. Dargentré, sur la cout. de Bretagne, art. 537. 560. et 577. Perchambaut, sur le tit. xxiij. §. 9. Frain, plaid. 87. Devolant, acte de notoriété de 1695. Dufail, liv. III. ch. xl. Ricard, des donations, n. 994. et 1150. Dupineau, liv. VI. de ses arrêts, ch. XVIIIe Le Brun, des successions, liv. I. ch. j. sect. 5. et liv. II. ch. IIIe sect. 1. n. 7. Auzanet et Ferrières sur les art. 274. et 277. de la coutume de Paris. Bardet, tome II. liv. VIII. ch. xxiij. Journ. des aud. t. I. liv. IV. ch. xxij. et liv. V. chap. Ve et XVIe Journ. du palais, arrêt du 17. Mars 1671. La coutume du Nivernais, tit. des success. art. 17. celle du Bourbonnais, art. 216. celle de Bourgogne, tit. des successions, art. 8. Basnage sur les articles 252. 434. et 448. de la cout. de Normandie. (A)

DEMISSION D'UNE CHARGE. Voyez ci-après DEMISSION D'UN OFFICE.

DEMISSION DE FOI est lorsque le vassal, en démembrant son fief, ne retient point la foi et hommage de la portion qu'il aliene, c'est-à-dire, qu'il ne se charge point de porter la foi au seigneur dominant pour cette portion, mais en forme un fief séparé et indépendant du surplus, de manière que l'acquéreur de cette portion doit porter directement la foi et hommage au seigneur dominant de la totalité du fief, et non au vassal qui a fait le démembrement ; la plupart des coutumes permettent au vassal de se jouer de son fief, mais jusqu'à démission de foi. Voyez DEMEMBREMENT et FOI ET HOMMAGE. (A)

DEMISSION D'UN OFFICE, CHARGE ou COMMISSION, est lorsque celui qui est pourvu d'un office ou autre place, déclare purement et simplement qu'il s'en démet, c'est-à-dire qu'il y renonce, et n'entend plus l'exercer ni en faire aucunes fonctions.

Un officier royal qui donne sa démission entre les mains de M. le Chancelier, ne peut pas quitter ses fonctions que sa démission ne soit acceptée ; ce qui est conforme à ce qui se pratiquait chez les Romains pour les magistratures ; en effet, on voit que Dion se plaint que Cesar avait violé les lois du pays, en se démettant du consulat de sa propre autorité.

Depuis que la plupart des offices sont devenus parmi nous vénaux et héréditaires, on n'en fait point de démission pure et simple ; mais celui qui veut se démettre, fait une résignation en faveur de celui auquel il veut transmettre son office, de sorte qu'il n'y a plus que les charges et commissions non vénales dont on fasse quelquefois une démission pure et simple.

Un officier de seigneur donne sa démission au seigneur duquel il tenait son pouvoir. Voyez OFFICE et RESIGNATION D'OFFICE. (A)

DEMISSION DE POSSESSION et DE PROPRIETE dans les coutumes de vêt et dévêt, est une formalité nécessaire pour mettre en possession le nouveau propriétaire : celui qui lui transmet la propriété, déclare dans le procès-verbal de prise de possession que fait le nouveau propriétaire, qu'il s'est démis et dévêtu en faveur de ce nouveau propriétaire de l'héritage dont il s'agit. Voyez VET et DEVET. (A)