S. m. (Jeu) jeu qui se joue avec deux dés, suivant le jet desquels chaque joueur ayant quinze dames, les dispose artistement sur des points marqués dans le tablier, et selon les rencontres gagne ou perd plusieurs points, dont douze font gagner une partie ou un trou, et les douze parties ou trous le tout ou le jeu.

Il faut pour jouer au trictrac avoir quinze dames de chaque côté noires ou blanches, deux dés, trois jetons et deux fiches qui sont, comme nous l'avons dit à leur article, les marques qu'on met dans chaque trou pour compter les parties qu'on gagne.

On ne joue ordinairement que deux au trictrac, et avec deux dés ; ce sont les joueurs eux-mêmes qui les mettent chacun dans leur cornet.

On commence ce jeu en faisant deux ou trois piles de dames qu'on pose sur la première flèche du trictrac. Il ne faut jamais que ce soit à contre-jour pour la plus grande commodité des joueurs, à moins qu'on ne joue à la chandelle ; alors il n'y a point de règles à garder là-dessus, et il est indifférent de quel côté l'on place les piles des dames. A l'égard des dames, les blanches sont les dames d'honneur ; c'est pourquoi par honnêteté on les présente toujours aux personnes qu'on considère ; l'honnêteté exige aussi qu'on donne le choix des cornets, et qu'on présente les dés pour voir à qui l'aura, ou bien qu'on lui donne les deux dés pour tirer coup et dés, auquel cas celui qui a de son côté le dé qui marque le plus haut point, gagne la primauté. On peut s'associer, si l'on veut, au trictrac pour jouer tour-à-tour, ou si l'on se sent faible, il est permis de prendre un conseil du consentement de celui avec lequel on joue, sans cela personne ne peut conseiller en aucune façon.

Pour jouer avec ordre, on observera que si l'on amène d'abord ambezas, de jouer deux dames de la pile, et de les accoupler sur l'as, qui est la flèche qui joint celle sur laquelle sont ces dames empilées. On peut jouer tout d'une en mettant une dame seule sur la seconde flèche. C'est la même chose à l'égard de tous les autres nombres qu'on peut abattre, ou jouer tout d'une si l'on veut, excepté cependant six et cinq qu'on doit absolument abattre quand on l'amène le premier coup, parce que les règles ne permettent point de mettre une dame seule dans le coin de repos. Il est de la prudence du joueur d'accoupler deux dames ensemble, et on commence ainsi à caser dans la table où les dames sont en pile, qui est pour l'ordinaire la première. On passe ensuite dans celle du coin de repos, quelquefois même dans celle de sa partie quand le progrès du jeu y conduit. Un joueur ne doit jamais compter pour jouer les nombres qu'il ramène la flèche d'où il part, soit qu'il abatte du bois, ou qu'il joue en commençant ou dans le cours du jeu. On n'a pas plutôt jeté le dé, qu'on doit voir le gain ou la perte qu'on fait, avant que de toucher son bois ; car en fait du jeu, bois touché suppose être joué, si ce n'est néanmoins quand les dames touchées ne peuvent absolument point être jouées : ce qui arrive lorsque quelqu'une donne dans un coin qui n'est point encore pris, ou qu'une autre ne saurait entrer ni sortir seule, ou bien qu'elle donne dans le grand jan de celui contre qui vous jouez, avant qu'il soit rompu.

Ces coups arrivent quelquefois imprudemment lorsque ne devant pas jouer ses dames, mais seulement regarder la couleur de la flèche pour compter plus aisément ce qu'on gagne, on vient à les toucher ; mais on évite cet inconvénient, lorsque l'on dit, avant d'y porter la main, j'adoube, et cela suffit pour marquer que vous n'avez pas dessein de toucher votre bois. Il faut toujours marquer les points qu'on gagne, avant que de toucher son bois, autrement votre adversaire sera en droit de vous envoyer à l'école. Selon les règles du trictrac, quand on a gagné deux points, on doit les marquer au bout et devant la flèche de l'as ; quatre points devant la flèche du trois, ou plutôt entre celle du trois et celle du quatre ; six points devant celle du cinq, ou contre la bande de séparation devant la flèche du six, on marquera dix points devant la flèche du neuf ou du dix. Pour ce qui est des douze points qui sont le trou ou partie double ou simple, ils se marquent avec une fiche sur les bords du trictrac du côté où les dames sont entas. Celui qui d'un coup gagne plusieurs points, est en droit de marquer quatre, puis huit ou dix points, et enfin la partie, pourvu qu'il les marque avant que de porter la main sur son bois, ou qu'en l'y portant, il dise, j'adoube. Celui qui jette les dés, est toujours en droit de marquer les points qu'il gagne avant que son adversaire puisse marquer ce qu'il perd. Le joueur qui marque le trou ou la partie, efface tous les points de son adversaire.

Il faut remarquer au trictrac que lorsqu'on s'est emparé de son coin, et que l'adversaire n'a pas le sien, chaque coup de dé vaut quatre ou six points, si on bat son coin de deux dames, c'est-à-dire six par doublet, et quatre par simple ; supposé donc que le jeu soit disposé comme dans l'exemple suivant, et qu'on ait les dames noires, si on amenait six et cinq, on battrait le coin de son homme par un moyen simple qui vaudrait quatre points, on le battrait du six en comptant depuis la sixième flèche, et du cinq, en comptant depuis la septième. On doit remarquer qu'outre cela on gagnerait encore quatre points sur la dame qu'on a découverte dans la huitième case, parce qu'on battrait cet adversaire par deux moyens, et que dans la seconde table qui est celle du grand jan, chaque moyen simple vaut deux points. Le premier moyen par lequel on le battrait, serait du cinq, en comptant depuis la dixième case, et le second en assemblant les six et cinq qui font onze, et comptant depuis la quatrième case, ce qui produit quatre points sur la dame que celui contre qui vous jouez, a découverte en sa cinquième case, en comptant depuis votre septième, parce que vous la battriez par un moyen simple valant quatre points dans la première table, de manière que six et cinq vous vaudraient douze points qui feraient partie bredouille qu'on marquerait d'abord ; cela fait, il vous couvrirait aisément vos deux demi-cases, prenant le cinq sur la cinquième pour couvrir la sixième, et le six sur la première pour couvrir la septième, ce qui produirait beau jeu pour faire votre grand jan, vous restant sonnet, six et cinq, et six et quatre qui vous resteraient à remplir.

Ce cinq et six vous donneraient deux trous qu'il faudrait marquer avant que de caser, et votre adversaire marquerait quatre points pour sa dame découverte en sa première case que vous battez par passages fermés, parce que ces cases six et sept sont remplies ; si un joueur au contraire amenait quine, on ne pourrait pas battre son coin, parce que pour battre d'un quine, la règle veut qu'on compte depuis la septième case couverte d'une seule dame, et comme le coin est différent des autres dames, et qu'on ne peut battre du cinq et du quine qui font dix, ce joueur ne gagnerait rien pour le coin.

Au contraire son adversaire profiterait de huit points sur la dame découverte que le premier aurait en sa huitième case, parce que l'autre le battrait par doublet et par deux moyens, et que chaque moyen est compté pour quatre points dans la seconde table quand c'est par doublet. Le premier moyen par lequel il faudrait battre cette dame, serait du cinq, à commencer depuis la sixième case, et le second du quine les deux nombres ajoutés, à compter depuis la cinquième case.

Quant à la dame de celui contre qui on joue, qui est découverte dans sa cinquième case, on pourrait de-là la battre en comptant depuis votre huitième ; mais cette dame vous serait nuisible, d'autant plus que le passage de quine qui est sur la dixième case, étant fermé par deux dames qui y sont accouplées, cela vaudrait six points à l'adverse partie, à cause que cette dame est dans sa première table, où l'on compte six points pour chaque moyen doublet.

S'il arrivait que sur ce même jeu on amenât sonnet, il faudrait battre d'abord le coin ayant deux dames en votre sixième case, parce qu'on a le passage ouvert dans son second coin ; battez encore la dame qu'on voit découverte en sa huitième case, à compter de votre troisième, et ce coup doit vous valoir six du coin, six de la dame placée en la cinquième case, et quatre sur celle de la huitième, qui font seize points et partie, et quatre sus, parce que vous battez par doublet. Celui contre qui l'on joue, gagnerait six points de ce coup, parce que l'on battrait contre soi la dame qu'il a découverte en sa cinquième case, à compter de votre dixième, le passage de la septième étant fermé. La différence qu'il y a des coups simples aux doublets, c'est qu'aux derniers il n'y a jamais qu'un passage, qui se trouvant fermé par une case, produit un jan qui ne peut ; au lieu qu'aux autres, comme les deux nombres sont différents, il y a aussi deux passages, de manière que lorsque l'un se trouve fermé, c'est assez pour gagner, que l'autre soit ouvert. Supposé, par exemple, que vous ayez les deux dames noires, et que vous ameniez six et as, ce serait pour vous quatre points que vous prendriez sur la dame découverte de votre homme en sa cinquième case, parce que vous la battriez, à compter depuis votre coin. Vous remarquerez cependant que le passage du six est fermé, puisque la sixième case est remplie ; mais cela ne fait rien contre vous, parce que vous comptez par as dont le passage est ouvert dans le coin de celui contre qui vous jouez, et qu'en même temps vous battez sa dame. Il faut alors avec votre cornet ou avec la main montrer le passage qui vous est ouvert, et dire, as et six me valent quatre points.

Il faut savoir que les nombres pairs tombent toujours sur la même couleur d'où ils partent ; il arrive tout le contraire aux nombres impairs. Cette règle est générale.

TRICTRAC, se dit encore du tablier sur lequel on joue le jeu. Ce tablier est de bois ou d'ébene, et a d'assez grands rebords pour arrêter les dés qu'on jete, et retenir les dames qu'on y arrange.

TRICTRAC A ECRIRE, ce qu'on appelle trictrac à écrire, ne change rien à la manière de jouer le trictrac, non plus que le piquet à écrire au jeu de piquet.

Pour jouer ce jeu, il faut avoir deux cartes et un crayon ; au haut de chaque carte on met le nom d'un joueur, et chacun marque sur sa carte les points qu'il gagne, avec le crayon, au lieu de les marquer avec des fiches ou des jetons.

Il faut seulement remarquer qu'au trictrac à écrire, on ne saurait gagner ni perdre de points, que l'un des joueurs n'ait six cases ; au reste ce jeu est entièrement conforme à l'autre trictrac.

TRICTRAC des anciens, (Littérature) espèce de jeu appelé par les Grecs, et duodena scripta par les Latins. La table sur laquelle on jouait, était carrée. Elle était partagée par douze lignes sur lesquelles on arrangeait les jetons comme on le jugeait à-propos, en se réglant néanmoins sur les points des dés qu'on avait amenés. Ces jetons ou dames nommés calculs étaient chez les Romains au nombre de quinze de chaque côté, de deux couleurs différentes.

Discolor ancipiti sub jactu calculus astat,

Decertantque simul candidus atque niger :

Ut quamvis parili scriptorum tramite currant ;

Is capiet palmam quem sua fata vocant.

Ainsi la fortune et le savoir dominaient également dans ce jeu ; et un joueur habîle pouvait réparer par sa capacité les mauvais coups qu'il avait amenés, suivant ce passage de Terence : ita vita est hominum quasi cùm ludas tesseris, si illud quod maximè opus est jactu, non cadit ; illud quod accidit, id arte ut corrigas. On pouvait par cette même raison se laisser gagner par complaisance, en jouant mal les jetons. C'est le conseil qu'Ovide donne à un amant qui joue avec sa maîtresse.

Seu ludet numerosque manu jactabit eburnos ;

Tu malè jactato, tu malè jacta dato.

Lorsqu'on avait avancé quelque jeton, ce qu'on appelait dare calculum, et qu'on s'apercevait avoir mal joué, on pouvait avec la permission de son adversaire, recommencer le coup, ce qu'on appelait reducère calculum.

Les douze lignes étaient coupées par une ligne transversale appelée linea sacra, qu'on ne passait point sans y être forcé ; d'où était venu le proverbe , je passerai la ligne sacrée ; c'est-à-dire, je passerai par-dessus tout. Lorsque les jetons étaient parvenus à la dernière ligne, on disait qu'ils étaient ad incitas. On se servait de cette métaphore, pour dire que des personnes étaient poussées à bout ; témoin ce passage de Plaute,

Sy. Profecto ad incitas lenonem rediget, si eas abduxerit ;

Mi. Quin priùs disperibit saxa, quàm unam calcem civerit.

Le des Grecs n'avait que dix lignes et douze jetons.

On ignore les autres règles de ce jeu que l'on ne doit point confondre, comme ont fait la plupart des commentateurs, avec les jeux des dames, des merelles ou des échecs qui ne dépendent point du sort des dés. Celui-ci n'a proprement rapport qu'à notre trictrac, auquel il est aisé d'en faire l'application. (D.J.)

TRICTRAC, s. m. (Tableterie) c'est une sorte de tiroir brisé qui se ferme à la clé ; le dessus ferme un damier, et le dedans ce qu'on appelle trictrac, dans lequel le tabletier a peint diverses fiches, pour servir au jeu nommé trictrac. (D.J.)

TRICTRAC, terme de Vénérie, espèce de chasse qui se fait par plusieurs personnes assemblées, avec grand bruit pour effaroucher le gibier, et le faire passer devant des chasseurs qui le tirent. (D.J.)