S. m. (Jurisprudence) Ce mot latin, qui signifie nous commettons, est consacré dans le style de la chancellerie et du palais, pour exprimer un droit ou privilège que le Roi accorde aux officiers de sa maison et à quelques autres personnes, et à certaines communautés, de plaider en première instance aux requêtes du palais ou de l'hôtel, dans les matières pures-personnelles, possessoires, ou mixtes, et d'y faire renvoyer ou évoquer celles où ils ont intérêt, qui seraient commencées devant d'autres juges, pourvu que la cause soit encore entière, et non contestée à l'égard du privilégié. On entend quelquefois par le terme de committimus, les lettres de chancellerie qui autorisent à user de ce droit, et que Loyseau, dans son traité des offices, appelle l'oriflamme de la pratique.

Le droit de committimus a beaucoup de rapport avec ce que les Jurisconsultes appellent privilegium fori, aut jus revocandi domum : ce privilège consistait à plaider devant un juge plus relevé que le juge ordinaire, ou devant un juge auquel la connaissance de certaines matières était attribuée. Ainsi chez les Romains les soldats avaient leurs causes commises devant l'officier appelé magister militum. Il y avait un préteur particulier pour les étrangers ; un autre qui ne connaissait que du crime de faux, un autre qui ne connaissait que des fidéi-commis.

Les empereurs romains avaient aussi pour les matières civiles un magistrat appelé procurator Caesaris, et pour les matières criminelles un autre appelé praeses, devant lesquels les officiers de leur maison devaient être traduits, selon la matière dont il s'agissait. Les sénateurs avaient aussi un juge de privilège en matière civîle et en matière criminelle ; ils avaient pour juge celui qui était délégué par le prince.

L'origine des committimus en France est fort ancienne. Comme l'établissement des maîtres des requêtes de l'hôtel est beaucoup plus ancien que celui des requêtes du palais, l'usage du committimus aux requêtes de l'hôtel est aussi beaucoup plus ancien que pour les requêtes du palais. Les maîtres des requêtes avaient anciennement le droit de connaître de toutes les requêtes qui étaient présentées au roi ; mais Philippe de Valais, par une ordonnance de 1344, regla que dans la suite on ne pourrait plus assigner de parties devant les maîtres des requêtes de l'hôtel, si ce n'était de la certaine science du roi, ou dans les causes des offices donnés par le roi, ou dans les causes purement personnelles qui s'éleveraient entre des officiers de l'hôtel du roi, ou enfin lorsque quelques autres personnes intenteraient contre les officiers de l'hôtel du roi des actions purement personnelles, et qui regarderaient leurs offices ; ce qu'il prescrivit de nouveau en 1345.

La chambre des requêtes du palais ne fut établie que sous Philippe-le-Long, vers l'an 1320, pour connaître des requêtes présentées au parlement, comme les maîtres des requêtes de l'hôtel du roi connaissaient des requêtes présentées au roi.

Les officiers commensaux de la maison du roi pensant avoir plus prompte expédition aux requêtes du palais, obtinrent en chancellerie des commissions pour intenter aux requêtes du palais leurs causes personnelles, tant en demandant qu'en défendant, même pour y faire renvoyer celles qui étaient intentées devant les maîtres des requêtes de l'hôtel.

Ces commissions furent dès leur naissance appelées committimus ; et par succession de temps on en étendit l'usage aux matières possessoires et mixtes : on en accordait déjà fréquemment dès 1364, suivant une ordonnance de Charles V. du mois de Novembre de cette année, qui porte que les requêtes du palais étaient déjà surchargées de causes touchant ses officiers, et autres qu'il leur commettait journellement par ses lettres ; et les secrétaires du roi y avaient déjà leurs causes commises dès l'an 1365.

Ces committimus étaient d'abord tous au grand sceau, attendu qu'il n'y avait encore qu'une seule chancellerie.

On donna même aux requêtes du palais le droit d'être juges de leur propre compétence, par rapport à ceux qui y viennent plaider en vertu de committimus ; ce qui fut ainsi jugé par arrêt du 8 Juillet 1367.

Les maîtres des requêtes de l'hôtel ne voulant pas endurer que leur juridiction fût ainsi divisée, Charles VII. en 1453, évoqua aux requêtes du palais toutes les causes de la nature dont on a parlé, qui étaient pendantes et indécises devant les maîtres des requêtes de l'hôtel.

Néanmoins dans l'usage, il est au choix de ceux qui ont committimus de se pourvoir aux requêtes de l'hôtel ou aux requêtes du palais, excepté que les officiers des requêtes du palais de Paris doivent se pourvoir aux requêtes de l'hôtel ; et pareillement ceux des requêtes de l'hôtel ont leur committimus aux requêtes du palais. Les officiers des requêtes du palais des autres parlements ont pour juge de leur privilège le principal siège de leur ressort.

Les requêtes de l'hôtel connaissent aussi privativement aux requêtes du palais de ce qui concerne les offices.

Charles VI. voyant que chacun usurpait le privilège du committimus, ordonna que dorénavant nul n'en jouirait plus qu'il n'eut actuellement des gages du roi.

Le chancelier Briçonnet déclara aussi en plein parlement, le 16 Février 1497, qu'il ne délivrerait plus de committimus qu'aux domestiques du roi ; cependant il y a encore plusieurs autres personnes qui en jouissent.

L'édit de Moulins de l'an 1566, fait l'énumération de ceux qui avaient alors droit de committimus ; ce qui a reçu plusieurs extensions, tant par l'ordonnance de 1669 appelée des committimus, qui contient un titre exprès sur cette matière, que par divers édits et déclarations postérieurs.

Depuis l'établissement des petites chancelleries on a distingué deux sortes de committimus, savoir au grand sceau et au petit sceau.

Le committimus au grand sceau est celui qui se délivre en la grande chancellerie ; il s'exécute par tout le royaume, et attire aussi de tout le royaume aux requêtes de l'hôtel ou aux requêtes du palais à Paris, au choix du privilégié. On ne peut en user lorsqu'il s'agit de distraction d'un parlement, que pour la somme de mille livres et au-dessus. On ne l'accordait autrefois qu'aux commensaux du roi ; mais il a été étendu à plusieurs autres personnes.

Ceux qui en jouissent sont les princes du sang, et autres princes reconnus en France ; les ducs et pairs, et autres officiers de la couronne ; les chevaliers et officiers de l'ordre du S. Esprit ; les deux plus anciens chevaliers de l'ordre de S. Michel ; les conseillers d'état qui servent actuellement au conseil ; ceux qui sont employés dans les ambassades ; les maîtres des requêtes, les présidents, conseillers, avocats et procureurs généraux de Sa Majesté ; greffier en chef et premier huissier du parlement et du grand conseil ; le grand prevôt de l'hôtel, ses lieutenans, avocats et procureurs de Sa Majesté, et greffier ; les secrétaires, audienciers, et contrôleurs du roi de la grande chancellerie ; les avocats au conseil ; les agens généraux du clergé pendant leur agence ; les doyen, dignitaires, et chanoines de Notre-Dame de Paris, les quarante de l'académie française, les officiers, commissaires, sergent-major et son aide, les prevôt et maréchal des logis du régiment des gardes ; les officiers, domestiques, et commensaux de la maison du roi, de celles des reine, enfants de France, et premier prince du sang, dont les états sont portés à la cour des aides, et qui servent ordinairement ou par quartier aux gages de soixante liv. au moins. Tous ces officiers et domestiques sont tenus faire apparoir par certificat en bonne forme qu'ils sont employés dans ces états.

Ceux qui jouissent du committimus au petit sceau ; sont les officiers des parlements autres que celui de Paris ; savoir les présidents, conseillers, avocats et procureurs généraux, greffier en chef civil et criminel et des présentations, secrétaires, et premier huissier ; les commis et clercs du greffe ; l'avocat et le procureur général, et le greffier en chef des requêtes de l'hôtel, et le greffier en chef des requêtes du palais ; les officiers des chambres des comptes, savoir les présidents, maîtres, correcteurs, et auditeurs ; les avocat et procureur généraux, greffier en chef, et premier huissier ; les officiers des cours des aides, savoir les présidents, conseillers, avocat et procureur généraux, greffier en chef, et premier huissier ; les officiers de la cour des monnaies de Paris, savoir les présidents, conseillers, avocat et procureur généraux, greffier en chef, et premier huissier ; les trésoriers de France de Paris ; les quatre anciens de chaque autre généralité, entre lesquels pourront être compris le premier avocat et procureur du roi, suivant l'ordre de leur réception ; les secrétaires du roi près des parlements, chambres des comptes, cours des aides ; le prevôt de Paris, ses lieutenans généraux, civil, de police, criminel, et particulier, et le procureur du roi au châtelet ; le bailli, le lieutenant, et le procureur du roi du bailliage du palais à Paris ; les présidents et conseillers de l'élection de Paris ; les officiers vétérants de la qualité ci-dessus, pourvu qu'ils en aient obtenu des lettres du roi ; le collège de Navarre, pour les affaires communes ; et les directeurs de l'hôpital général de Paris.

Le prevôt des marchands et les échevins de Paris pendant leurs charges, les conseillers de ville, le procureur du roi, le receveur et greffier, le colonel des trois cent archers de ville, jouissent aussi du committimus au petit sceau.

Les douze anciens avocats du parlement de Paris, et six de chacun des autres parlements de ceux qui sont sur le tableau, jouissent du même droit.

Il y a encore quelques officiers et communautés qui jouissent du droit de committimus, en vertu de titres particuliers.

Les maris ne peuvent pas user du droit de committimus appartenant à leurs femmes servant dans les maisons royales, et employées dans les états envoyés à la cour des aides ; mais les femmes séparées jouissent du committimus de leur mari : il en est de même des veuves, tant qu'elles demeurent en viduité.

Les privilégiés peuvent user de leur committimus, soit en demandant, soit en défendant, pour renvoyer la demande formée contr'eux dans un autre siège, soit pour intervenir et renvoyer pareillement la cause ; lequel renvoi se fait par l'explait même en vertu du committimus, sans qu'il soit besoin d'ordonnance du juge.

Les lettres de committimus ne sont plus valables après l'année, et l'explait fait en vertu des lettres surannées serait nul.

Il y a certains cas dans lesquels les privilégiés ne peuvent user de leur committimus.

1°. Pour transports à eux faits, si ce n'est pour dettes véritables et par actes passés devant notaires, et signifiés trois ans avant l'action intentée ; et les privilégiés sont tenus de donner copie de ces transports avec l'assignation, et même d'en affirmer la vérité en jugement, en cas de déclinatoire et s'ils en sont requis, à peine de 500 livres d'amende contre ceux qui auront abusé de leur privilège.

On excepte néanmoins de la règle précédente, pour la date des transports, ceux qui seraient faits par contrat de mariage, par des partages, ou à titre de donations bien et dû.ent insinuées, à l'égard desquels les privilégiés peuvent user de leur committimus quand bon leur semble.

2°. Les privilégiés ne peuvent pas se servir de leur committimus pour assigner aux requêtes de l'hôtel ou du palais les débiteurs de leurs débiteurs, pour affirmer ce qu'ils doivent, si la créance n'est établie par pièces authentiques passées trois années avant l'assignation donnée ; et ils sont de plus tenus d'affirmer, s'ils en sont requis, que leur créance est véritable, et qu'ils ne prêtent point leur nom, le tout sous les peines ci-dessus expliquées.

3°. Les committimus n'ont point lieu aux demandes pour passer déclaration ou titre nouvel de censives ou rentes foncières, ni pour payement des arrérages qui en sont dû., à quelque somme qu'ils puissent monter, ni aux fins de quitter la possession d'héritages ou immeubles, ni pour les élections, tuteles, curatelles, scellés et inventaires, acceptation de garde noble, ou pour matières réelles, quand même la demande serait aussi à fin de restitution des fruits.

4°. Les affaires concernant le domaine, et celles où le procureur du roi est seul partie, ne peuvent aussi être évoquées des sièges ordinaires en vertu des committimus.

5°. Il en est de même à l'égard du grand conseil, des chambres des comptes, cours des aides, cours des monnaies, élections, greniers à sel, juges extraordinaires, pour les affaires qui y sont pendantes, et dont la connaissance leur appartient par le titre de leur établissement ou par attribution.

6°. Les tuteurs honoraires ou onéraires, et les curateurs, ne peuvent se servir de leur committimus pour les affaires de ceux dont ils ont l'administration.

7°. Les committimus n'ont pas lieu en matière criminelle et de police.

8°. Ils n'ont pas lieu en Bretagne ni en Artais.

9°. On ne peut s'en servir sur les demandes formées aux consuls, ou en la conservation de Lyon, ou en la connétablie.

10°. Enfin les bénéficiers qui ont droit de committimus ne peuvent s'en servir que pour ce qui concerne leur bénéfice ; il faut néanmoins excepter les chanoines de Notre-Dame de Paris, qui peuvent s'en servir dans toutes leurs affaires ; ce qui est apparemment fondé sur quelque titre particulier. Voyez l'ordonnance de 1669, tit. IVe des committimus ; et Bornier, ibid. Pasquier, recherches de la France, liv. IV. chap. IIIe dictionnaire des arrêts, au mot committimus. (A)